Chapitre 1

Mathilde, ô mon amour !

Si on m’avait dit qu’un jour je tomberais amoureux d’une nonne et qu’en plus, jamais, ô grand jamais il ne me viendrait l’envie de la trousser comme une auguste dame d’atour en dentelles, j’aurais passé le fabulateur par le fil de mon épée.

Hélas, cela m’est bien arrivé. Je dois le confesser ; en fait, ce fut la meilleure chose qui me soit arrivée de toute ma vie. Par un improbable concours de circonstances, je me suis retrouvé allongé dans son lit. Enfin, non, une cellule du couvent où elle y était cuisinière. Jamais elle ne m’invitât dans la sienne. Jamais, je n’ai forcé sa porte. Jamais, Dieu m’en est témoin, je n’ai même forcé son cœur. Elle s’est livrée, simplement, alors que je ne faisais que la dévorer des yeux espérant ardemment en lui disant l’amour que je portais pour elle. Je le confesse aussi, j’ai touché ses mains... et même ses bras enduits de farine et d’eau. Ô que l’instant était fébrile et formidable ! Un instant... pur joyaux d’émotions et de tendre amour. 

Au premier regard, alors que je m’éveillai de ma fièvre et de mon corps douloureux, j’ai vu un ange à mes côtés. Ses yeux gris, éclairant un visage dont la grâce et la limpidité n’avait d’égal que les confins de l’Elysée, étaient posés sur moi. Elle m’observait, assise sagement, avec cet étrange mélange de naïveté et de curiosité retenue. Depuis ce jour, je n’ai vécu que pour espérer la faire mienne, non dans une couche et la déflorer, non, mais comme l’être le plus merveilleux et le plus désirable que je connaisse. Telle une poupée de porcelaine à déshabiller, je voulais la dévoiler et admirer l’amour qu’elle me promettait. C’était la femme que j’aimerai jusqu’à la fin de mes jours. Pas même le Démon ne me détournerait de ma détermination. L’amour et l’illumination m’ont envahis pour l’éternité.

Je ne voulais guérir depuis que pour la rejoindre dans sa cuisine, la nuit, alors que le couvent était endormi. Là, mes désirs s’enflammaient à la voir si heureuse et si belle à pétrir une pâte, touiller un chaudron, tailler des légumes... La braise du foyer enflammait mon cœur et ses yeux qui me fixaient intensément, me parlaient d’amour en silence et, de gris, ils devenaient flammes d’or. Sa retenue et sa ferveur ne faisaient que me la rendre plus désirable encore.

On me pardonnera si je m’épanche aussi mielleusement. Du mousquetaire consciencieux que j’étais, n’est resté que l’homme sous l’habit. Un homme que je connaissais bien peu, alors. Je pensais me satisfaire d’ébats joyeux dans les bras de jolies donzelles de peu de vertu, mais la beauté de Mathilde a tout changé. L’innocente grâce faite femme. L’amour incommensurable que je ressentais pour elle ne souffrait aucune rivale, pas même Dieu à qui elle était liée n’aurait su me détourner de mon désir pour elle. C’est ainsi.

Je guérirai pour elle et je l’enlèverai. Nous nous aimerons pour l’éternité. Ailleurs. Que Dieu me pardonne cette hérésie ; je veux lui manifester à quel point je l’aime... autrement que par les mots que nous avons déjà échangés.