Attablés devant une écuelle généreusement garnie d’un ragoût de mouton fumant, Imogène marmonnait des mots incompréhensibles assis en face de son compagnon qui plongeait sa cuillère affamée dans ce qui, à n’en point douter, était le plus délectable plat qu’on lui ait servi depuis des lustres. Visiblement, il faisait fi des griefs que lui vouait son compagnon. Ce qui importait à Siméon c’était de se remplir la panse. Il aurait pu faire un détour de cent lieues s’il savait qu’à l’autre bout l’attendait un cuissot de chevreuil bien juteux cuit à la broche ou alors quelques becfigues farcies au raisin dans son jus de vin rouge. Peu importait qu’ils fussent renvoyés de l’école de magie avec un magistral coup de pied au derrière le matin même avec plus de jurons que ne pouvait en cracher un charretier. On leur avait dit : «Ne remettez plus vos sales pattes ici ou il vous poussera des palmes à la place des doigts et des sabots de bouc à la place des pieds !»
Siméon n’avait cure de leur menace. En fait, il se foutait de tout. Il savait depuis le début qu’il n’était pas fait pour la magie. Imogène, lui, aurait espéré un peu plus de considération de la part de ses pairs ; un tantinet diplômé. Il se voyait reprendre la petite échoppe du vénérable Rivarol dont l’âge avancé et sa sympathie à son égard lui laissait penser qu’il était dans ses petits papiers. À cause de cet inconséquent bougre d’âne qui lui tenait lieu de camarade de classe, il ne pourrait jamais concrétiser les juteuses petites affaires qu’il avait dans le crâne. La direction de l’école les avait renvoyé manu militari, sans autre forme de procès pour usage illégal de la Magie.
Il est vrai que sur un CV de magicien de cinquième année, l’emploi de potions hypnotisantes à l’endroit de ses professeurs afin d’obtenir de meilleures notes portait une tache indélébile sur le parchemin. Imogène se serait bien passé d’une telle punition d’autant plus que, s’il n’avait pas suivi les conseils risque-tout de Siméon, il ne serait pas là, devant ce ragoût qui lui donnait la nausée avec son acolyte sous les yeux qui s’empiffrait comme si rien ne s’était passé.
«J’espère qu’avec cette plâtrée consistante tu vas trouver une bonne excuse pour nous faire réintégrer l’école, fini par lancer Imogène en fixant le plat de son voisin d’en face qui disparaissait à vue d’œil.
-J’ai besoin d’une bonne sieste aussi, précisa Siméon entre deux bouchées.
-Et aussi une fille à trousser, pendant que tu y es !! Dis, tu ne crois pas que tu traites la choses un peu trop à la légère ? J’en ai par dessus la tête d’avoir toujours à subir tes inconséquences. On dirait que tu t’ingénies à traiter la magie comme un jeu d’enfant...
-Mange, lui conseilla Siméon en désignant de sa cuillère baveuse l’assiette qu’Imogène n’avait pas encore touchée. Tu vas voir, ça remet les idées en place.
-Je n’ai pas besoin de me remettre les idées en place, grommela-t-il. Je veux juste revenir à l’école comme avant.
-Et qu’est-ce que tu suggères ? Frapper à la porte en suppliant à genoux ? Tu as vu comme ils nous ont traités ? Comme des moins que rien. Moi, je dis que nous pouvons très bien prendre la route avec notre bagage magique et nous en sortir comme ça.
-Sans connaître les rudiments des sortilèges pour contrôler les esprits ? Même pas en rêve, mon cher !»
L’argument était de poids. Difficile de se trouver sur le marché de la magie sans une once de savoir sur l’emprise des cerveaux, au moins de celui du péquin du coin.
«On peut contourner, tenta Siméon. Nous nous spécialiserons dans les potions. C’est notre point fort.
-Moi, je pense qu’on n'aura aucune chance si on ne réintègre pas l’école très vite, réfuta Imogène, toujours sombre. Il faut trouver un moyen.
-Mais il n’y a pas de moyen, tu le sais bien. Leur décision est sans appel. Oublie.»
Siméon avait fini son écuelle de ragoût et émit un rot retentissant une main sur le ventre. L’autre n’avait encore rien mangé et fusillait son grossier compagnon du regard.
«Je vois. Tu te fout de tout, quoi, conclut Imogène.
-Besoin d’une sieste, là... fit Siméon, toujours une main sur le ventre en s’adossant confortablement à son siège.
-Tu es désespérant, tu sais.
-On va trouver, le rassura-t-il. Mais laisse-moi le temps. Viens, on paye et on sort. Je veux trouver l’ombre d’un arbre pour ma sieste. Tu ne manges pas ?
-Non.
-Alors, en route.»
À la recherche d’un havre de repos, Imogène s’absorbait dans un réflexion intense.
«Il nous faut quelque chose qui convainc le Grand Mage de nous reprendre. Je ne sais pas... un objet qu’il convoite depuis toujours, une relique, un talisman...»
Le fameux arbre fut trouvé. Un tilleul séculaire qui étendait ses branches au-dessus d’un tapis de mousse et d’herbes fraîches. Siméon s’y allongea avec un grand soupir d’aise et ferma les yeux aussitôt. Non loin, une source d’eau fraîche glougloutait doucement. Siméon s’endormit. Imogène, lui, toujours absorbé, se pencha et plongea les mains au creux de l’onde pour boire. C’est là que son regard fut attiré par quelque chose de brillant au fond de l’eau. Là, entre les cailloux scintillait un cristal. Lorsqu’il le sorti de l’eau, fasciné, il le reconnut. Le cristal d’Eternité. Recherché par des générations de sorciers. Prétendument convoité de tous les mages épris de longévité. Il confère à celui qui le détient le pouvoir de l’immortalité. Voilà la solution !
Revenir à l’école et marchander le trésor. Les grands mages se plieraient à ses exigences. Ils finiront leur enseignement en échange de l’endroit où se cache le cristal. Après tout, qu’est-ce qui l’empêche de leur dire la vérité et de le garder pour lui ? hein ?! Rien.
Jolie petite histoire, je vois qu'elle date de 2011, belle ancienneté ^^
Comme tu as écrit pleins de choses sur le site, est-ce que tu as plus de besoin de commentaires pour certains écrits ?
Pour revenir à ce texte, il y a une ambiance sympathique de magie, elle mériterait peut-être d'être encore étoffée (=
A bientôt !
Merci d'avoir exhumé ce petit morceau de texte que j'avais complètement oublié. Merci aussi d'avoir apprécié ta lecture.
C'est vrai que j'ai écrit pas mal de trucs à une époque sur PA. Aujourd'hui, je tiens une maison d'hôtes aux couleurs de Plume d'Argent et cela occupe tout mon temps. Ecrire a été remis aux Calendes Grecques, hélas. Mais qui sait...
J'espère qu'on se croisera sur le fofo, dans un heureux hasard où je pourrais y revenir lorsque mon planning me le permettra. Transmets mes amitiés aux modos et mon bon souvenir.
Avec toute ma reconnaissance,
Vef'
A un de ces jours (=
La seule chose que je reprocherais à ton texte (et c'est quelque chose que je vois souvent chez les auteurs, tu n'es pas la seule) c'est la longueur de la première phrase. Elle est beaucoup trop longue, surtout pour une première. On n'a pas le temps de prendre notre souffle. Elle ne fini plus de ne pas finir. XD Ouvre un livre et observe bien : la majorité d'entre eux commencent par une phrase courte. Et si parfois certaines phrases sont assez longues, elle sont suffisament puissantes et bien construites pour que le lecteur n'ait pas du mal à reprendre son souffle.
Sinon, je trouve que ce texte mériterait d'être développé plus avant. Il y a là une belle atmosphère. À mi-chemin entre Harry Potter et Le seigneur des anneaux. Bravo!
C'est un honneur pour moi de vous voir vous fendre d'un commentaire que je saurais prendre à sa juste mesure. J'avoue donc humblement être maladroite sur mes introductions. Ainsi, celle-ci, avec sa phrase d'introduction à rallonge manque de percutant. J'en prend note. J'avoue avoir tenté ma chance cette fois-ci, mais visiblement ce n'est pas passé. Indigeste. Gloups ! Evidemment, inspirée comme j'étais... Non, c'est vrai, sincèrement, ce défi m'a posé quelques problèmes d'inspiration. Et pour cause ; c'est mon point faible.
Ma foi, pour la comparaison.... c'était bien les deux que je mélangeais. hihi ! On a les même références, c'est drôle. Par contre, c'est gentil de m'encourager à propos du sujet, mais je ne pense pas arriver à le développer. La raison, c'est justement l'inspiration. Même pour moi, ces personnages ne sont pas assez accrocheurs pour en faire une histoire plus longue. Huhu ! gloups ! .... désolée. *sourire gêné*
Enfin, c'est quand même très gentil d'être venue me lire, Honey et j'apprécie beaucoup ta critique. Ne serait-ce que pour l'intro, j'ai encore du travail, je crois.
Biz Vef'