On dit que quand on offre un couteau à un ami, il est de bon augure de lui demander de vous donner en échange une pièce de monnaie afin d’éviter de «trancher» l’amitié.
Lorsque Solenne reçut ce jour-là le présent si «tranchant», sa fascination n’eut d’égal que la malice de son ami. Il savait que s’il lui mettait ce genre d’outil dans les mains, toutes ses explorations culinaires s’en trouveraient bouleversées. Pour la jeune femme, il lui offrait des perspectives plus qu’exitantes et elle s’empressa de claquer une bise retentissante sur la joue de celui qui savait si bien reconnaître ses besoins et ses envies.
L’engin était de belle facture ; poignée ergonomique en époxy noir mat anti-dérapant pour une bonne prise en main ; lame en céramique blanche de dix-huit centimètre de long, gravée de son prénom, s’il vous plait ; pointe acérée ; courbes harmonieuses ; tranchant inaltérable. Une arme qui, sans conteste, ferait des ravages. Ses doigts caressants étudiaient, à la fois intimidés et admiratifs, la physionomie sans défaut de celui qu’elle adopta sans hésitation pour être son partenaire culinaire, son complice inconditionnel. Un duo qui se promettait d’être redoutable. Tout ce dont elle rêvait pouvait désormais prendre forme. Il suffisait de s’accoupler ; un prolongement de son bras, mu par son esprit débordant d’imagination, son intelligence intuitive ; elle épousait le nouveau tranchant par le geste et ainsi, éprouvait des sensations aussi subtiles et fortes que de faire l’amour.
Car il était bien question, une fois à l’œuvre sur son plan de travail, de jouir des chairs tranchées par le fil de son partenaire. Pénétrer au cœur de la bête, sectionner les tendons, trousser la peau, dénuder les os et, de la pointe fouisseuse, introduire l’ail dans le gras charnu. Oh, que le mouvement leur plaisait ! Autrefois quasi insurmontable, mal accompagnée, désormais, réaliser un suprême devenait un jeu d’enfant. Et c’était sans compter le ballet des légumes ; éplucher, trancher, hacher, émincer, biseauter, tronçonner ; faire une julienne équivalait à composer une merveille artistique. Simple, mais si efficace.
Il n’était pas question de faire souffrir, bien au contraire. Le geste sûr, ils se faisaient un point d’honneur à toujours respecter la vie, si tant est que le produit le méritait. Il vous le rendait bien, d’ailleurs ; viandes charnues et colorées, oxydation impossible, avocats bien verts, agrumes attendris, tomates gardées juteuses. Un maki ne pouvait pas résister non plus et gardait sa rondeur si travaillée. Non, vraiment, un duo de cette trempe, tout bon cuisinier pourrait en rêver et tout meurtrier en puissance pouvait passer son chemin. Là n’étaient pas les fondements du couple.
Mais toute bonne alliance, tout bon mariage ont leur revers. Il suffit d’un stress, d’une contrariété, d’un énervement et le fil se fait maladroit ou vengeur. N’importe quelle lame, si belle soit-elle, peut emporter la chair de son amour. Un doigt égaré, une pensée troublée, et c’est le drame. Une entaille, pour le moins, un steak sanglant voire une section franche pour le pire, le geste fatal mène le duo à se séparer, maudissant l’autre son inconséquence. Quelques temps plus tard, ils se retrouvèrent, mais à trois, cette fois ; une poupée. Oui, neufs doigts et une pelote de bandages serrés avec un petit nœud. C’était si attendrissant !!
Tu n'avais pas participé aux drabbles ? oui, ça ressemblait à ça.
Biz Vef'
Non, sans déconner, j'aime bien mettre de la sensualité dans ce que j'écris. Et puis, je trouve que la cuisine, c'est comme ça. C'est sensuel et ça peut être carrément érotique, alors bon.
Merci d'avor commenté, Domino.
Biz Vef'
C'est une idée carrément originale, cet amour entre une cuisinière et son couteau *o* Et le tout est servi avec de superbes images... et tout finit dans le sang, que demander de plus ? xD
Je suis contente que ça te plaise aussi.
Merci d'être passée et commenté.
Biz Vef'
Tu as le chic pour explorer l'univers de la cuisine avec sensualité et une touche d'humour, et du coup, ça ne paraît pas si improbable !
Bravo Vef' :)
C'est bien comme ça que j'avais envie de le tourner et si ça te plait c'est encore mieux.
Merci, Bea'.
Biz Vef'
Une histoire d'amour particulière mais pas inintéressante. EN tout cas, c'est bien écrit.
Nascana
Biz Vef'
Biz Vef'
J'aime cette histoire d'amour entre une cuisinère et son couteau. J'y crois à fond grâce à la justesse de ton style, du choix de tes mots. Le tout a un côté très charnel, et puis j'adore la chute, qui est fort bien trouvée...
Du coup, j'ai encore plus hâte d'avoir ton livre entre les mains pour pouvoir le dévorer !
Aresya qui fait des détours curieux par une petite histoire en attendant de recevoir son bouquin. Comme c'est mignon ! Ça me fait très plaisir, ce que tu me dis. Et j'espère que les Pérégrinations te plairont aussi.
Biz Vef'
Bref, on est à la fois dans du pur Vefree et quelque chose de très original. Bravo :')
Non, c'est vrai que je n'ai laissé aucune ambiguité quant à la nature de l'être aimé. J'ai trouvé ça plus sincère d'y aller frontalement et sans pudeur. Et puis je me devais quand même d'y mettre une petite surprise à la fin ; double cadeau en somme. J'ai trouvé ça rigolo.
Merci Cricri pour ton gentil commentaire.
Biz Vef'