Chapitre 1

Par Shaoran
Notes de l’auteur : Voilà ma modeste participation à l'atelier d'écriture sur les exercices de style inspirés par Raymond Queneau...
Mon thème ... le passé simple... bon ca vaut ce que ca vaut ... à vous de juger (je me réserve néanmoins le droit d'apporter quelques corrections avant la date butoire selon vos commentaires ^^' alors n'hésitez surtout pas à donner votre avis) 

 

        Ah ! Noël. Saison des cadeaux, des hauts sapins aux mille couleurs, de la neige et du vin chaud. Des éternelles illuminations et des traditionnelles emplettes de dernière minute. En ce dimanche matin d’avant fête, je me rendis donc dans la galerie marchande flambant neuve, construite à deux pas de mon plus-que-modeste chez moi.

 

        Quelle idée que d’aller faire du shopping un tel jour ? Plein, bondé, noir de monde… Pas une parcelle libre. Dans cette atmosphère suffocante et empesée, je fus contraint de jouer des coudes pour atteindre mon objectif : le stand du Père Noël. Qui l’eut cru n’est-ce pas ? Eh bien oui, pas d’emplettes pour moi, rien que du travail. Un horripilant et fastidieux travail d’elfe du Père Noël. Toute cette marmaille puant la guimauve, leurs grands yeux embués, morve au nez, collants ! L’horreur !

 

        Ma motivation ? L’argent bien sûr… un salaire de misère. Mais ce fut au demeurant le seul moyen, que je pus trouver pour survivre hors de ma tribu. Jadis, je fus le plus habile elfe des bois qu’Elzalaïan eut portée. Un mètre soixante, des cheveux bruns, des yeux aux couleurs de ma sylve natale, tels furent les attributs, confiés par la nature à ma singulière personne. Mais cette sombre histoire d’ours changea les choses, je fus banni de mon clan. Traitre parmi les miens, ils me chassèrent, me laissant pour seul souvenir cette longue estafilade. Douloureuse et ultime cicatrice de ma déchéance.

 

        Bref, pour en revenir à cette journée pourrie…une de plus … elle commença comme toutes les autres. Cette interminable file d’attente de modèles réduits trépignant d’impatience devant l’étale du vieux barbu. Barbare, déchu lui aussi, le vieux reconverti dans le social, accueillit une fois encore les braillards. Tout en niaiseries et bisous collants, la marmaille chahutant déclama sa liste interminable. Jusqu’à cette fracassante entrée que m’offrit cette charmante demoiselle.

 

         A peine plus haute que trois pommes à genoux, un visage poupin et des yeux magnifiques, cette petite fille m’intrigua au plus haut point. Nouvelle source de problèmes. Sans faire allusion à ce style gothique lolita qu’elle revendiqua comme une volonté de sortir du lot, mon intérêt fut plutôt attiré vers ses oreilles. Des oreilles de chat. D’instinct, je compris. Cette mignonne créature, ainsi affublée de façon voyante, fut elle aussi un jour habitante d’Elzalaïan. Le peuple chat sans doute. Une peuplade sauvage qui élu domicile dans une partie reculée de la forêt. Comment une gamine de cette ascendance put se retrouver perdue en ce monde ? Aucune idée. Elle s’approcha encore et dès lors, je fus tout à fait certain de son appartenance. Reconnaître la magie fut de tout temps l’apanage des créatures magiques. Une vieille croyance certes, mais, bien fondée.

 

        La fillette atteignit enfin l’estrade du Père Noël, à grands renforts d’acrobaties. Je vis alors mon ami barbare hésiter un bref instant. Un chaton s’essayant aux coutumes terriennes… j’en frémis. Ce peuple fut longtemps craint de part mon monde pour ses légendaires humeurs. Toujours prompt à se fâcher ou à se faire câliner. Espiègles à souhait, leurs enfants furent les premiers à être rejetés par les autres ethnies. Peut-être le motif de l’exil de cette petite.

 

        Pour autant que je pus en juger la jeunette, m’apparut parfaitement adaptée à son nouvel environnement. D’un geste souple et élégant, elle sauta sur les genoux du « Papa Noël » et commença à lui murmurer quelque chose dans l’oreille avec un tel entrain. Malgré mon acuité auditive particulièrement affutée, je ne compris pas un traître mot de ce qu’elle lui dit. Satanée musique niaise et brouhaha de la foule. Nouvelle migraine en perspective. Encore. C’est alors que je vis mon ami changer de couleur, passant du blanc au gris, puis rouge et vert...

 

        Après un moment, il se ressaisit et murmura à son tour quelques mots dans les petites oreilles poilues de la fillette. Cette dernière, soudain furieuse, bondit loin des genoux du vieux déguisé en rouge et jura pleine de fougue et de hargne que l’affront serait réparé d’une façon ou d’une autre. Puis elle s’éloigna avec ce petit air contrarié si touchant.

 

        Avec une impatience peu coutumière, j’attendis ma pause, pour enfin pouvoir demander au barbare les raisons d’une telle fureur. Mais ce dernier refusa de me répondre. Je voulus en avoir le cœur net. Je décidai de retrouver cette fillette. Parcourant l’immense galerie marchande, à la recherche de la petite lolita, je désespérai de la retrouver. Quand tout à coup j’entendis des cris un peu plus loin. De suite, je reconnus la voix de la jeunette. Un peu en contrebas, je l’aperçus. Les mêmes petites oreilles pointues, fourbues de colères. La même tenue gothique.

 

        Deux énormes bonnes femmes, costard noir, l’œil mauvais, la barbe blanche broussailleuse… barbe … femme ! Un instant, je crus rêver, mais non. Groupies du Père Noël ou artiste du cirque ambulant. Aucune idée. Mais, les deux incongrues saisirent la gamine à bras le corps. Ni d’une, ni deux, la fillette aux oreilles de chat empoigna fermement la barbe de droite et tira de bon cœur. Hurlements. La propriétaire de cet amas broussailleux bascula en avant sous l’œil ravi du chaton. Elle bondit joyeusement autour de son escorte, les narguant de plus belle.

 

         La première attrapa la gamine par le col, tandis que la seconde, remise de son douloureux accrochage pileux, lui saisit le bras fermement. Ainsi escortée, la fillette n’eut d’autre choix que de suivre les deux barbues. Leur direction… manifestement celle de l’étale de mon collègue. Pour quel motif ? J’eus soudain un doute. Cette fameuse vengeance ? A moins que ce ne fut pour une belle remontrance ! Je ne sus jamais car à mon arrivée sur le stand … plus personne. Plus trace de la fillette, des femmes à barbes, ni même de mon ami.

 

        Je ne revis jamais cette petiote du peuple chat, encore moins sa singulière escorte, ni même le vieux barbu. Que devint tout ce petit monde ? Aucune idée. Cependant, depuis cet incident, Noël ne fut plus jamais le même pour moi. Sans cet unique ami que je sus me faire en ce monde. Quel dommage !

 

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vefree
Posté le 02/01/2010
Wow ! Alors, chapeau, c'est balaise !
J'aime vraiment beaucoup. Tout en respectant l'exercice, tu as su m'évader complètement. Tes descriptions sont très vivantes et très originales. Le vocabulaire est fouillé et bien adapté. Quant au passé simple, bah, il est bel et bien là, présent et servant le récit.
Bravo ! Moi, j'aime.
Biz Vef' 
Shaoran
Posté le 02/01/2010
Merci Vef'... Tu vas me faire rougir.
 
Je suis ravie que ca t'ai plu... surtout que ca n'a pas été toujours facile à rédiger ^^'
Encore merci
Seja Administratrice
Posté le 24/01/2010
Intéressant de voir où tu es partie avec cet exercice de style XD De la fantasy dans ce genre de sujet, je ne m'y attendais pas ^^
Et du coup, ça donne quelque chose qui se tient, tout un monde en background  qui ne demande qu'à être exploré. L'elfe, la fillette aux oreilles de chat, les femmes à barbe... :D
Quant au passé simple, je l'ai trouvé bien utilisé ici. J'ai cru comprendre que t'avais eu du mal avec, apparemment, t'es venue à bout de tes hésitations :)) 
Shaoran
Posté le 24/01/2010
Mhooooo Sej !!!
 
*rougit de plaisir et sert Sej très fort dans ses bras* 
ca me fait plaisir de savoir que ca t'a plu ^^   Bah pour la fantasy, en fait, j'ai pas trop réfléchi, j'y ai été à l'instinct. Un petit coup sur les doigts à chaque fois que je trouvait de l'imparfait... T.T j'avais des bleus sur les doigts après T.T (en fait c'est pas vrai mais faut pas le dire XD)... l'astuce, c'était d'utiliser des phrases sans verbes pour donner un peu de rythme et créer un décalage par rapport aux phrases au passé. 
 
Tu crois que c'est possible d'écrire ce texte sans aucun verbe ... XD ... 
 
Pis au final, le narrateur est devenu un elfe... la fille chat ... bref, de la fantasy ... chassez le naturel, il revient au galop ^^ 
 
En tout cas merci d'avoir pris un peu de temps pour me lire et commenter... cha fait plaisir ^^
Bisous 
 
Shao 
Nascana
Posté le 18/01/2010
J'ai bien aimé le petit côté fantasy, de l'histoire.
L'usage du passé simple ne gène pas, et donne même une autre dimension à l'histoire.
Shaoran
Posté le 18/01/2010
Rhoooo une nouvelle revieweuse ... comme je suis contente. Ravie de voir que tu as aimé...
Quant à la fantasy bah on ne se refait pas ^^' Chassez le naturel, il revient au galop ^^
Et le passé simple, ma contrainte d'écriture, je peux t'assurer que ce n'est pas chose facile que de tout mettre au même temps (quelqu'il soit d'ailleurs). Je n'étais pas sûre du tout que cela rendrais bien... Mais au final, je suis contente ca a bien plu ^^
 
Merci pour ton commentaire et repasse me voir un de ces jours (surtout si tu aimes la fantasy^^)
 
Sati
Posté le 03/01/2010
Excellent !!
Dsl, je ne vois pas quoi dire d'autre. Tu as parfaitement géré ton exercice, et en plus, tu l'as fait de façon très originale. Tu as même su y mettre un soupçon de magie et un brin de fantaisie qui, loin de déparer ce texte, l'enrichit encore !
Oui, comme je le disais, Excellent !
Bravo à toi Shao.
Enjoy,
Spilou ^^
Shaoran
Posté le 03/01/2010
rhhhooo Spilou, *w*  tu ne sais pas à quel point ca me fait plaisir de voir que mon texte plait ainsi ^_^
Je me suis bien cassé la tête dessus... mais au final, vu les retours que j'en ai, ca valait vraiment le coup 
 
Merci beaucoup Spilou 
* sert Spilou très fort dans ses bras *