Une nouvelle maison...
Clara jeta un coup d'œil sur la grande bâtisse. En moins d'un instant, elle la détesta Comment pourrait-elle être heureuse de quitter ses amies pour partir à la campagne ? L'habitude d'habiter en ville était trop ancrée en elle.
Certes, la maison était plus grande mais plus vieille aussi. Elle imaginait l'odeur qui ne manquerait pas de s'en dégager. Cela ne lui donnait pas envie d'entrer. Mais ses parents l'avaient trainée jusqu'ici avec beaucoup d'enthousiasme, elle ne pouvait pas les décevoir.
Clara avait douze ans et elle était fille unique. Une chance disait les autres. Pourtant ce n'était pas son ressentie au vu des responsabilités qui pesaient sur ses frêles épaules.
Dehors, ses parents la pressèrent de venir les rejoindre. La jeune fille céda.
-Tu pourras organiser une fête d'Halloween, ici avec tes amies, lui proposa sa mère.
-Oui, c'est parfaite dans le rôle de la maison hanté, murmura-t-elle ironique.
Elle dut avouer que cette idée l'enchanta. Ses amies et elle, adoraient se déguiser et se faire peur. Cette année c'était décidé, elle voulait être déguisée sorcière. Mais pas en vieille sorcière ! Plutôt en jeune femme armée de pouvoirs magiques.
Sur cette idée,Clara suivit ses parents et entra. Le plancher grinçait sous ses pieds et elle en retirait un réel plaisir. Laissant sa mère expliquer à son père ce qu'elle verrait bien dans le salon, elle se glissa à l'étage, pour décider quelle serait sa chambre.
Il y en avait au moins quatre ou cinq. Évidemment, elle s'empressa de toutes les visiter. Pour faire un choix, il fallait déjà connaître les produits.
Finalement, elle n'en vit que quatre et la dernière fut celle qui la marqua le plus. Alors que les autres pièces étaient vides, celle-ci recelait un trésor. Une vieille armoire immense se tenait dans un coin. En s'approchant, elle put remarquer les étranges gravures qui blessaient le bois noirci. De drôles de scènes étaient relatées sur les portes. La fillette les contempla, n'osant même pas les toucher.
Les danses et les forêts traçant devant elle un monde nouveau, durent la retenir longtemps puisque sa mère vint la chercher, avec un air énervé sur le visage.
-Clara, ça fait plusieurs minutes que je t'appelle !
-Je n'ai pas entendu, se défendit l'adolescente.
Sa mère lui sourit, avant de reporter son attention sur l'armoire.
-Qu'est-ce que c'est que cette horreur ! Je croyais que la maison devait être vide !
-Je peux avoir cette chambre ! Je veux cette armoire !
-Qu'est-ce que tu vas faire avec ? Elle est vieille et en plus, elle risque d'être pleine de mites !
-Mais maman !
-On verra, déclara la mère.
A force de persévérance, Clara finit par avoir gain de cause et put garder son armoire. Mais était-ce une bonne chose ?
***
Quelques semaines plus tard, Clara et ses parents s'étaient installés dans la nouvelle maison. Finalement, les choses s'arrangeaient bien et la jeune fille s'adaptait à sa vie à la campagne. Un seul élément venait troubler sa quiétude : les sons étranges.
Parfois la nuit, elle entendait des bruits bizarres. Elle ne connaissait pas leurs provenances et s'en était inquiétée. Son père l'avait rassurée en lui disant qu'il y avait souvent des craquements dans les vieilles maisons et qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter.
Pourtant elle avait l'impression que le bruit venait de l'armoire. La fillette décida donc, une nuit, d'en avoir le cœur net. Elle ne pouvait laisser la peur la ronger.
Dès que le premier coup raisonna, elle rebattit les couvertures. Prenant une grande respiration, elle se leva rapidement et avança vers l'armoire. Son cœur battait la chamade, et la peur nouait son estomac. Elle posa la main sur la clé, et de peur de renoncer, elle la fit tourner en vitesse et ouvrit la porte en grand.
Il n'y avait rien, juste ses vêtements pendus à des cintres, bien rangés. Tout lui paraissait normal. L'adolescente se força à rire de sa terreur. Elle avait tout imaginé, rien n'était réel.
Soulagée, Clara allait refermer la porte lorsque soudain quelque chose dans l'obscurité, bougea. Elle se figea. Quelque chose approchait même si cela semblait impossible.
Une main surgit et la jeune fille recula violemment.
La main fut suivit par un visage, qui émergea d'entre les vêtements. Contrairement à ce qu'elle avait cru au premier abord, il ne s'agissait pas d'un monstre mais d'une fille de son âge. Elle était petite et portait les cheveux relativement courts. Ses habits surprirent l'adolescente, car l'autre portait une longue robe blanche simple et sans aucune décoration. Néanmoins, même si la menace était éloignée, Clara se demandait ce qu'elle faisait dans son armoire.
-Bonjour, dit la nouvelle venue en s'asseyant .
-Euh...répondit Clara.
-Ça fait plaisir de voir quelqu'un ici ! Le couple d'avant n'avait pas d'enfant, se désola-t-elle.
-Qui es-tu ? D'où viens-tu ? demanda Clara.
L'autre lui sourit.
-Je suis Laé ! Je viens de l'autre monde.
-L'autre monde ?
-Oui, l'armoire est un lien entre les mondes. Malheureusement, seuls les enfants peuvent le traverser.
-Pourquoi tu es là ?!
-Pour devenir ton amie. Chez moi, je connais tout le monde et je m'ennuie. J'aime bien entendre parler de votre vie. Votre monde est si étrange.
-Je dois dormir, demain, j'ai école ! dit Clara qui coupa court au discours de Laé.
-D'accord, je m'en vais. Mais je pourrai revenir ?
Clara réfléchit rapidement. Elle avait peur mais elle était encore plus curieuse.
-Oui, demain vers 20h.
L'autre hocha la tête.
-Je toquerais.
-C'est toi qui faisais ces bruits ?!
-Oui.
Cela eut au moins le mérite de rassurer Clara. Au moins une explication rationnelle dans cette foule d'événements irrationnels.
Elle referma l'armoire abandonnant sa nouvelle amie qui avait disparue derrière les cintres.
***
Peu à peu, Clara en vint à bien connaître sa mystérieuse amie de la nuit. Enfin, c'était plutôt l'inverse qui se produisait car l'adolescente ne cessait de parler de sa classe, de ses copines, des garçons, des musiques et films qu'elle aimait. Laé polie, l'écoutait parler sans l'interrompre. Même si parfois, elle posait des questions.
Elle était au contraire très discrète sur sa vie, prétextant qu'elle était simple et qu'elle n'avait rien à en dire. Clara ne la contredisait pas, étant très bavarde, elle pouvait parler pour deux. Et puis, elle était tellement fière d'avoir une amie secrète, de cette façon, elle se sentait moins seule. Ses parents s'en étonnaient parfois, mais elle les rassurait en leur disant qu'elle n'était plus un bébé. Du coup, ils la laissaient relativement tranquille.
Tout se passait bien, jusqu'au jour d'Halloween. Clara avait invité des amies à la maison. Comme elle avait une grande chambre, sa mère avait proposé que les trois fillettes dorment ensemble. Sur le coup, l'adolescente avait dit « oui », mais maintenant, elle avait peur que ses amies rencontrent Laé et en parle à tout le monde. Si ça venait à se produire, elle perdrait sans doute l'amitié de l'étrange fille de l'armoire.
Revêtue de son costume de sorcière, la jeune fille réfléchissait. Que devait-elle faire ? Aller la voir dans l'armoire ? Cela pouvait être dangereux mais...
Un cri interrompit ses pensées.
-Clara ! Tu viens, je vais découper la citrouille ! Tu t'admireras plus tard !
-J'arrive, répondit Clara.
Elle jeta un coup d'œil au miroir. Elle ne s'admirait pas mais il était néanmoins juste de dire que cette robe avec de larges manches la mettait bien en valeur. Ce qu'elle préférait dans sa tenue était les collants noirs ornés de petits chats violets. Au moins, elle se trouvait belle. Ses cheveux blonds et raides étaient nattés et lui arrivaient au milieu du dos, c'était plus pratique pour aller en quête de bonbons.
Peut-être aurait-elle le droit de mettre un peu de maquillage ? Elle fut soudain emplie d'espoir.
Ensuite, elle se rappela que ses amies allaient arriver et qu'elle n'avait toujours pas réglé le problème de Laé. De plus, sa mère l'attendait en bas.
Clara décida d'aller voir sa mère pour s'occuper de la citrouille. Elle en profiterait pour lui demander dans combien de temps arriveraient ses amies. Ensuite, elle avait espoir de pouvoir faire un tour dans l'armoire. En espérant qu'elle ne se retrouverait pas face à une porte close.
***
Après s'être occupée de la courge orange, Clara remonta en quatrième vitesse dans sa chambre. Elle ouvrit l'armoire en grand et pria pour que ça marche. Reformant la porte derrière elle, l'adolescente se fraya un chemin parmi les vêtements. Elle atteint le fond du meuble et se colla contre le fond. Malheureusement, il se révéla être un vrai fond.
Elle poussa de toutes ses forces, se sentant idiote. Si ses parents venaient à la voir ainsi, ils se poseraient des questions.
Déclarant forfait, elle s'assit contre le fond de l'armoire, retenant ses larmes. La jeune fille se sentit soudain absorbée. Elle traversa la couche de bois, direction l'autre monde.
Comme elle en avait eu peur, elle se trouva dans une autre armoire, sans doute semblable à la sienne. Avec appréhension, elle tenta de l'ouvrir. Le battant pivota lentement, révélant une pièce aux murs de pierre.
Clara sortit. Il n'y avait rien sinon le meuble proche d'elle. Il allait lui falloir examiner les environs.
Suivant son instinct, elle quitta la petite maison de pierre et se retrouva dans une vaste lande. Une forêt la bordait. Son regard se porta tout autour de la maisonnette. Des cris étranges résonnaient. En levant la tête, elle discerna des corbeaux qui passaient au dessus d'elle.
Une certitude fit jour dans son esprit, elle préférait son monde à celui-ci. Elle n'était pas en sécurité dans cet endroit. Mais elle ne pouvait pas abandonner si près du but.
Suivant le petit chemin qui se dirigeait vers la forêt, elle pensait au temps qui passait. Il ne fallait pas qu'elle soit en retard pour accueillir ses amies. Sinon, ses parents monteraient la chercher et ils paniqueraient quand ils se rendraient compte de sa disparition.
***
L'adolescente s'était rendue compte en s'approchant de le zone boisée que la nuit tombait. Cela n'avait rien de rassurant en soi. Quelle heure pouvait-il être chez elle ?
Elle allait renoncer lorsqu'un bruit attira son attention. La curiosité fut la plus forte et elle s'enfonça dans le sous-bois. Laissant son ouïe la guider, elle avança toujours plus loin.
Clara percevait maintenant des voix féminines qui discutaient entre elles. Peut-être que Laé était présente à cet endroit ?
Une voix plus forte que les autres se démarqua. Elle semblait proche.
-Clara ?!
L'adolescente se retourna et se retrouva face à Laé.
-Qu'est-ce que tu fais là ?!
-Je suis venue te trouver pour te dire que tu ne pourrais pas venir ce soir, répondit rapidement Clara.
Laé la dévisagea. Elle semblait troublée.
-Que se passe-t-il ? reprit Clara, en désignant l'endroit d'où venait la musique, les rires et les voix.
-C'est une fête, répondit son amie de manière évasive.
-Pour Hallowen ?
Laé secoua la tête.
-Je ne sais pas ce que c'est.
Elle prit une grande respiration, avant de demander :
-Tu veux venir avec nous ?
-Je voudrais bien mais je dois rentrer avant que mes amies arrivent.
-Ne t'en fais pas, ici, le temps ne passe pas pareil. Tu as encore du temps devant toi.
Rassurée, Clara sourit.
-C'est vrai ? Alors ça me ferait plaisir de venir.
Laé lui fit signe de la suivre.
-Ici, il n'y a que des filles. Si tu vois un garçon, ne lui parle pas et surtout ne danse jamais avec ! Jamais ! D'accord ?
Clara fut surprise du ton qu'employait son amie. Une fête sans garçon, elle comprenait. Ses parents eux non plus, n'étaient pas d'accord mais pourquoi elle ne pouvait pas leur parler si elle en voyait ? Décidément, ce monde était étrange.
Laé la conduisit devant un grand feu de bois. Autour, de nombreuses filles portant les mêmes vêtements blancs discutaient, jouaient et riaient. Il régnait dans la clairière, une ambiance sympathique.
Clara s'y sentit tout de suite bien. Elle était heureuse de pouvoir se faire de nouvelles amies. Néanmoins, elle ne put s'empêcher de remarquer qu'il n'y avait aucun garçon en vue.
Et aucun parent, ajouta-t-elle mentalement.
Qui étaient les parents de la dizaine de jeune fille plus ou moins de son âge ?
Une douce musique la tira de ses réflexions. Plusieurs adolescentes s'étaient munie d'instruments de musique et jouaient avec passion. Elles connaissaient les notes par cœur.
Clara trouva la musique envoutante cela lui donnait envie de danser. Malheureusement, ce n'était pas le bal du lycée puisqu'il n'y avait aucun garçon en vue. Dommage, elle devrait encore attendre plusieurs années.
-Tu veux danser ? lui demanda Laé.
Clara prétendit ne pas savoir danser pour éviter de se donner en spectacle. Elle préféra s'assoir sur une souche pour regarder les autres. Suivre le rythme l'occupait bien assez. Cela lui laissait aussi, le temps de réfléchir sur ce qu'elle voyait.
Son amie avait l'air de bien s'amuser et l'adolescente lui rendit son sourire lorsque leurs regards se croisèrent. Peut-être que les garçons avaient leur propre fête et qu'en vieillissant, ils avaient le droit de se rencontrer.
Un bruit attira l'attention de la jeune fille. En se retournant, elle discerna une forme. Surprise, elle décida d'aller voir. Oubliant tout bon sens, Clara s'enfonça dans la forêt. Faisant son possible pour être silencieuse, elle progressa lentement pour éviter de marcher sur un trop grand nombre de feuilles mortes. La jeune fille ne voulait pas attirer l'attention sur elle. Son objectif était simplement de savoir à qui elle avait affaire.
Malheureusement, l'être mystère s'était envolé. Déçue, elle allait rebrousser chemin, lorsque quelqu'un lui fit face. Plus grand qu'elle, la silhouette appartenait à un garçon. Clara se retint de crier, avant de se demander pour quelle raison elle se ferait du souci. Elle ferma la bouche sans rien dire et resta silencieuse.
-Tu n'es pas d'ici ?
L'adolescente secoua la tête intimidée. Le garçon s'était approché. Il devait avoir une quinzaine d'année, ses cheveux longs et bruns pendaient sur son épaule sous la forme d'une natte. Il avait un visage fin et pâle qui mettait en valeur ses grands yeux noirs et ses sourcils sévères. Sa voix était étrange, envoutante. Elle sentait qu'elle ne pourrait pas lui résister. Peut-être était-ce de là que venait sa peur.
Avec ses amies, elles aimaient parler des garçons de la classe, dire lequel était beau, lequel était moche et lequel n'était pas digne d'intérêt. Mais lui, les battait tous. D'une manière idiote, elle était sous le charme.
-Tu es une invitée ? Je me présente, je suis Danati. Et toi ?
-Clara, baragouina-t-elle, en manquant de s'étrangler.
-Bien Clara, tu es là pour la fête ?
Elle hocha la tête.
-Alors puis-je t'inviter à danser ? demanda-t-il en lui tendant la main.
Timide, elle accepta sa main. Il l'entraina lentement dans un tourbillon délicat sous la lune. C'était merveilleux !
Elle avait hâte de raconter ça à ses copines même si elle avait peur qu'elles ne la croient pas. En même temps, dans quel contexte allait-elle pouvoir replacer la situation pour pouvoir en parler.
Clara n'avait pas envie que la valse s'arrête. C'était la première fois qu'un garçon s'intéressait à elle. C'était comme si des ailes lui poussaient.
-Tu es une très jolie jeune fille, Clara, lui susurra Danati.
L'adolescente se mit à rougir.
Le jeune homme cessa ses mouvements. Ses yeux se rivèrent sur les siens.
-Nous nous reverrons !
-Comment ?
-Je viendrais pour toi, déclara-t-il d'un air mystérieux.
La jeune fille le fixa alors qu'il s'évanouissait dans la forêt. Elle voulu le suivre des yeux mais elle le perdit rapidement de vu.
Jetant un regard aux alentours, elle se demanda comment retrouver son amie. C'était vraiment idiot de courir sans savoir où elle allait. Maintenant, elle était perdue.
-Clara ! cria une voix.
-Je suis là !
Laé arriva essoufflée.
-Qu'est-ce que tu fais là ?! C'est dangereux !
La nouvelle venue comprit tout de suite qu'il y avait un problème lorsqu'elle vit le regard de Clara.
-Qu'est-ce que tu as fais ? demanda-t-elle d'un air accusateur.
-Rien...répondit d'un air vague la jeune fille.
Laé blêmit.
-Tu n'as parlé à personne ?
-Non, non...
-Qui as-tu rencontré ? Dis-le moi, c'est vraiment important !
-Pourquoi ?! Ça t'embête que je parle avec quelqu'un !
-Oui, parce que c'est dangereux !
-N'importe quoi ! Danati a été très gentil !
Laé s'apprêtait à dire quelque chose mais referma la bouche.
-Tu as fais une erreur ! Maintenant, il va vouloir de toi !
-Comment ça ?
-Il va vouloir faire de toi, sa femme !
Clara cessa de rire devant l'expression de son amie.
-Mais j'ai que douze ans !
-Lui est vieux, très vieux. C'est un monstre et il se nourrit de la vie des jeunes filles ! Celles qui dansent avec lui, sont ses promises.
Laé comprit à l'expression de l'adolescente qui lui faisait face que quelque chose n'allait pas.
-Tu as dansé avec lui ?
-Oui... répondit celle-ci d'une voix blanche.
-Idiote ! Viens !
Elles se mirent à courir.
-Tu va rentrer chez toi, j'espère que cela te protègera.
Les deux amies coururent pendant longtemps. Malgré la fatigue, elles ne s'arrêtèrent pas. C'était comme si quelqu'un était sur leur pas.
Atteignant enfin l'armoire, elles se séparèrent.
-Rentre chez toi.
-Et toi ?
-Je me débrouillerais.
-Et s'il te fait du mal ?
-Ne t'en fais pas pour moi; mets-toi à l'abri.
Clara rentra dans l'armoire le cœur serré. Elle fit un dernier signe à son amie avant de disparaître.
Une fois dans sa chambre, elle se jeta sur son lit. Quelle idiote, elle avait été ! Elle risquait de perdre une amie, pour un garçon. En plus, elle s'était mise en danger.
Tout s'embrouillait dans son esprit, elle n'arrivait plus à réfléchir. Elle finit donc par s'endormir.
***
Lorsque Clara s'éveilla, elle se demanda pourquoi elle s'était endormie et ce qui venait de la réveiller. En écoutant plus attentivement, elle s'aperçut qu'il y avait du bruit en bas. Sûrement, ses amies qui arrivaient. Dire qu'elle n'était même pas prête. Il fallait qu'elle se dépêche si elle voulait être coiffée et maquillée. Pas quelque chose de très voyant mais un peu de vert sur les yeux ferait l'affaire pour la transformer en sorcière.
Excitée à l'idée de faire sensation devant ses copines, elle se redressa en cherchant où elle avait mit sa brosse à cheveux. Sa mère devait l'avoir rangée pourtant l'adolescente lui avait demandé de ne pas le faire. Les choses n'allaient jamais comme elle le voulait.
Se relevant, elle voulu faire le tour de la pièce mais elle fut coupée dans son mouvement lorsqu'elle sentit un liquide chaud couler le long de ses cuisses.
Horrifiée, la jeune fille se retourna et découvrit sur ses draps bleu ciel, une tâche de sang rouge foncé. Elle voulut crier mais n'y arriva pas. Ses jambes faiblirent et elle se retint à son armoire pour ne pas tomber. Les gravures lui rentrèrent dans la peau, mordant sa chair et semblant rire de sa situation.
« Tu as dansé avec lui » riaient-elles.
C'était sa faute ce qui lui arrivait. Des larmes coulèrent sur ses joues, s'en était trop. Elle fixait la tâche sans pouvoir en détacher ses yeux, tétanisée. L'envie de vomir qui la prit, lui permit de s'échapper.
Pourquoi avait-elle été dans cet autre monde ? Ses parents lui avaient toujours dit de ne pas parler aux inconnus et qu'elle devait se méfier des gens qu'elle ne connaissait pas et qui étaient trop gentils, surtout lorsqu'ils cherchaient à s'approcher d'elle.
Évidemment, comme à son habitude, elle n'avait rien écouter, persuadée qu'elle était, d'être dans son bon droit et d'avoir raison. Il fallait être idiot pour croire qu'un garçon plus vieux pouvait s'intéresser à elle.
On frappa à sa porte.
-Clara, tes amies sont là ! Tu es prête pour aller chercher des bonbons ?
-Maman ! se mit à pleurer Clara.
Sa mère en l'entendant, entra rapidement et la trouva en pleure et n'osant pas bouger. Elle prit sa fille dans ses bras pour la rassurer et comprendre ce qui n'allait pas. L'adolescente lui montra l'horrible tâche sur le lit.
Sa mère l'emmena pour se changer et lui expliqua que ce n'était pas grave et que cela arrivait à toutes les filles mais cela ne réconforta pas Clara qui se demanda pourquoi s'était tombé sur elle. Elle ne pouvait en démordre, pour elle, la faute revenait à l'inconnu de l'autre monde.
L'adolescente sortit quand même avec ses amies et elles ramenèrent un gros sac de bonbon qu'elles se partagèrent.
Elle eut le bonheur, en rentrant dans sa chambre de trouver son lit refait avec des draps propres. Elle se coucha avec délice dans un lit sentant bon l'air frais. Néanmoins, elle avait demandé à ce que ses amies dorment dans une autre chambre, tant elle était gênée de grandir.
***
Clara dormait tranquillement lorsqu'elle entendit un bruit. Elle releva la tête, cherchant d'où il pouvait venir. Elle ne vit rien et essaya de se rendormir. Pourtant la jeune fille sentait que quelque chose n'allait pas. Il y avait quelqu'un près d'elle.
Elle n'osa plus respirer, elle avait trop peur de se faire repérer. Réflexion idiote parce que la personne devait déjà l'avoir vue. Quelque chose bougea près d'elle. Une main glissait sur ses cheveux.
Muette, Clara frissonna. Si elle ne faisait pas attention peut-être que ça passerait.
-Clara, jolie Clara, murmura une voix à son oreille.
-Qui est là ? demanda peu sûr d'elle, la jeune fille.
-C'est moi, ma Clara.
-Non, murmura-t-elle.
-Je suis là, pour toi. Tu es ma femme, maintenant !
-Non, je suis trop jeune !
-Tu es une vraie femme, à présent.
L'adolescente se mordit la langue. Comment pouvait-il savoir ça ?
-Dans une semaine, je viendrais te chercher. Alors nous pourrons être ensemble.
Clara se mit à pleurer.
-Je te laisse faire tes adieux à ta famille.
Il disparut dans un souffle mais malgré cela elle n'arriva plus à fermer l'œil de la nuit. Elle se sentait épiée, surveillée. Chaque bruit lui rappelait ce garçon. Non ce n'était pas un garçon, c'était un monstre.
Elle pleura aussi sans que cela ne lui enlève sa peur. Nichée dans son estomac, une boule l'empêchait d'oublier.
Il fallait qu'elle parte d'ici. Qu'elle parte loin de cette armoire de malheur.
***
Même si cela surprit ses parents, Clara réussit à les convaincre d'aller passer la fin de la semaine chez sa grand-mère. Elle pensait que le garçon de l'armoire ne pourrait pas la suivre jusque là. Cela la rassura un peu, et elle put dormir plus tranquillement.
Finalement, elle passait un bon moment chez sa grand-mère qui lui faisait des gâteaux et du chocolat chaud. Ensemble, elles jouaient à des jeux de société et puis, il fallait l'avouer elle ne lui demandait pas de faire ses devoirs toutes les cinq minutes, ce qu'appréciait beaucoup l'adolescente.
Clara réussit petit à petit à oublier sa peur. Il ne viendrait pas la chercher ici et quand elle rentrerait, il devrait s'être lassé de l'attendre.
Peu à peu, elle n'avait plus peur d'aller dormir. Les bruits ne la réveillaient plus, et elle se reposait tranquillement.
***
Malheureusement, Danati ne l'avait pas oubliée comme elle le pensait. Son image hantait son esprit. Maintenant qu'il avait une proie en vue, il n'allait pas la lâcher.
La dernière nuit, il apparut proche de son lit et contempla la forme assoupie sous les draps. Elle n'était encore qu'une enfant mais bientôt elle serait une jeune fille et après une femme. Il l'aurait à ses côtés, il la prendrait et la garderait près de lui.
Soulevant son corps endormi, il l'entraina sans la réveiller. Pour lui, elle ne pesait rien.
Le voyage fut rapide et il l'allongea sur un autre lit. Elle était dans sa demeure, celle dans laquelle elle passerait le reste de sa vie, à présent.
Demain quand elle comprendrait et la chute serait dure.
***
Clara contempla le ciel gris, qui lui fit penser à l'état de son moral. Elle se leva et s'assit, prit un miroir et posa son regard sur son reflet. Elle n'était plus une adolescente joyeuse, elle était une jeune femme au visage triste.
Sa peau pâle avait prit un teinte grisâtre, sous ses yeux se dessinaient de larges cernes noirs, elle avait beaucoup minci. La seule forme se démarquant sur son corps était son ventre.
Elle attendait un enfant, ce qui aurait du être pour elle une source de joie mais il n'en était rien. IL était le père de cet enfant.
Le garçon s'était rapidement révélé être une sorte de monstre à l'aspect humain. Il pouvait choisir son apparence pour plaire. Pourtant maintenant, cela ne marchait plus sur Clara. Il avait peut-être la beauté physique mais il était le mal.
Chaque nuit, il venait près d'elle, il lui volait tout : son corps et sa vie. Telle était sa nourriture, la vie. Preuve en était les cheveux de Clara blanchis rapidement.
Elle ne vivrait pas encore longtemps. Si elle l'était encore, c'était parce qu'elle était enceinte.
La jeune fille se laissa tomber sur le lit, elle voulait mourir, c'était son souhait. Son seul et unique souhait.
Cette chambre était sa prison. Jamais elle ne sortirait. Jamais elle ne marcherait en extérieur. Une seule erreur peut vous condamner à beaucoup. Maintenant, elle en prenait conscience et cela lui faisait encore plus mal.
***
-Approche Laé !
L'enfant s'approcha lentement de l'homme qui la dominait de toute sa hauteur.
-Bientôt, vous aurez une nouvelle petite sœur. Il faudra que vous vous occupiez d'elle.
La fillette hocha la tête, craintive.
-Qu'y a-t-il ?
-Rien, murmura-t-elle.
-Mais si. Il y a quelque chose. Je sais, tu t'inquiète pour Clara.
Il lui sourit avec bienveillance.
-Ne te fais pas de soucis. Clara va partir mais ce n'est pas grave quelqu'un d'autre la remplacera. Après tout, c'est toi qui me l'as amenée.
Il posa la main sur ses cheveux.
-Tu sais, c'est normal que mes filles veulent que je sois heureux. Si je suis seul avec qui pourrais-je partager ? N'oublie pas que les seules habitantes sont mes enfants que devrais-je faire alors ?
-On trouvera quelqu'un, murmura Laé.
-C'est bien, tu es une bonne fille.
L'enfant voulut partir mais il la retint par le bras.
-En attendant, tu n'embrasses pas ton père ?
Résignée Laé s'avança.
Bon, je vais sans doute reprendre plus ou moins ce que j'avais déjà dit sur le forum des Studios.
C'est une bien jolie nouvelle que tu nous a offert là, avec un style fluide, prenant et lisible. Tout autant un conte fantastique triste et poétique, empreint de fatalisme, qu'une parabole (du moins d'après mes impressions) sur la transition de l'enfant en femme et la perte de l'innocence.
Difficile de dire qui est plus à plaindre au final, Laé ou Clara. Les jeunes filles ne l'autre monde sont condamnées à rester de jeunes filles immatures, mais à ne jamais réellement vivre, d'où l'attrait que représente la tâche d'attirer des adolescentes de notre monde, même si cette tâche est pénible à Laé. <br /><br />Quant à Clara, la perte de son innocence a eu un prix terrible, mais n'est ce pas le prix que tout le monde paye en vivant et en acceptant de devenir adulte ?
Je suis contente que les deux personnages t'es plu. Clara veut grandit à tout prix mais elle n'en connait pas les risques, elle ne voit que les avantages. Laé voudrait s'échapper mais n'en a pas la force. Elle n'a pas la volonté pour s'opposer à son père.
Heureuse, de voir que la nouvelle même si elle peut paraitre triste et en même temps intéressante. J'ai toujours peur d'écrire des truc nulles.
Merci du commentaire.
Amicalement,
Nascana