Un arbre aux feuilles noires, dans une forêt de même couleur ; un ciel sombre, une odeur de mort et une jeune fille pendue à l'une des branches. Le voyageur qui passera par là, pourra l’apercevoir et éprouvera sûrement un certain dégoût et de peur à sa vue, car la pourriture a commencé son œuvre. Pourtant il reste quelque chose d’envoûtant dans ce visage.
Les restes d’une écharpe violette entour encore ses yeux.
Le vent fait tanguer le corps, paraissant s’amuser à le tourmenter pour ensuite se lasser et le laisser.
La corde pourrie sur laquelle frotte les jambes en armure d’un autre corps, ne tiendra sous doute plus très longtemps. Bientôt, elle abandonnera son fardeau sur la route en contrebas.
Un grincement, un cadavre qui chute, un choc…
L’écharpe glisse dévoilant des orbites vides.
Pendant un petit moment, rien ne se passe. Puis il y a un faible tremblement comme l’esquisse d’un mouvement. Et là, le miracle ! Le corps bouge.
Ses yeux s'ouvrir au monde et elle put discerner ce qui l'entouré.
Elle, qui n’en avait plus put voir. Enfin, pas vraiment voir, plutôt percevoir. Mais cela lui sembla tellement merveilleux.
Elle, qui, dans la vie n’avait jamais eu ce bonheur. Née aveugle, la chance n’avait jamais été de son côté.
Allongée à terre, elle repensa à sa vie. Elle n’avait pas encore compris qu’elle était devenue une mort-vivante. Elle n’avait pas vu l’état de son corps.
On l’avait trahie. C’était le souvenir qui lui revint le plus rapidement en mémoire. On avait profité d’elle et de sa naïveté.
Elle s’occupait d’apporter à manger à un prisonnier, et elle avait commis l’erreur de se lier d’amitié avec un condamné à mort. Mais il avait été le seul à s’intéresser à elle. Du moins, le croyait-elle.
Il lui avait demandé, il l’avait supplié de desserrer ses liens. Il disait qu’il souffrait atrocement, elle avait eu pitié. Elle l’avait détaché.
Pour la remercier, il l’avait frappée. Elle n’avait pas pu voir venir l’attaque.
Assommé, elle s’était retrouvée gisant à terre.
***
Pour la punir, on la pendit à la place du prisonnier qui l’avait séduite, qui avait abusé d’elle.
Il avait volé le village et caché l’argent. Sans lui, la population ne retrouverait jamais leur bien et pouvait dire « adieu » à ce qu’ils avaient perdu.
En elle, la colère fit place au désir de vengeance. Maintenant qu’elle voyait, elle allait leur montrer.
***
Sur la route, un réprouvé faisait sa patrouille du soir, tranquillement. Il n’y avait jamais rien dans le coin. Soudain il aperçut le corps. Il s’approcha et leva sa torche vers le ciel. Il comprit d’où venait le cadavre.
Il souffla, c'était encore à lui de déblayer le chemin.
Il saisit le bras de la fille, pour la tirer hors de la route. Mais le lâcha quand un grand cri résonna. Il se pencha, surpris.
-Réveillée, ma sœur ? demanda-t-il.
Elle le regarda essaya de bouger, mais ses mouvements étaient patauds.
-Bientôt, vous serez habituée, lui assura-t-il.
***
En effet, peu de temps après, elle pouvait faire quelques pas maladroit.
-Quel est votre nom ?
Elle voulut répondre mais sa mémoire refusait de lui livrer l’information.
-Je ne sais plus.
-Changez-en alors !
-Je vais y réfléchir.
Trop de chose se bousculaient déjà dans sa tête.
-Qu’allez-vous faire, maintenant, pour servir la dame noire ?
-La dame noire ?
-Notre reine banshee ! Alors ?
-Apprendre le métier des armes !
***
Et elle devint une guerrière, maniant une épée et une dague, avec force et agilité. Elle rencontra des gens qui lui firent oublier la vengeance pour des causes plus nobles. Elle en vint même à accepter sa condition et à la trouver préférable à la précédente. Elle devint une chroniqueuse de guerre.
-De l’encre ! Vite, je n’ai plus d’encre ! hurla Vargal.
Elle évita, un coup, en rendit un et acheva son adversaire. Elle recula un peu pour ne plus être en première ligne.
L’encre tant attendue arriva et elle put continuer le récit.
Elle avait appris à écrire et depuis ce temps, elle était devenue chroniqueuse de guerre. Celle qui au milieu de la bataille, retraçait l’héroïsme de ses amis, décrivait l’acharnement des ennemis et l’issue finale.