Chapitre 1

Maëlys

Un coup de fouet, une pincée de sucre et la nuit te paraîtra moins sombre.
C’est ce que me répétait sans cesse ma mère. Enfin, à ma soeur, Lyvanna et à moi. C’était un vrai cordon bleu, toujours à s’affairer en cuisine. Ce doit être pour ça que Lyv est cheffe de son propre restaurant et que moi, eh bien, que je possède ma pâtisserie/librairie . Les Délices de Maë. Je sais, je ne me suis pas cassée la tête. Quand l’on sait que je m’appelle Maëlys, on comprend tout de suite la raison pour laquelle ma boutique porte ce nom.
Elle me manque. Elle et mon père.
Ca fait maintenant huit ans qu’ils nous ont quittées, Lyv et moi. Nos choix de carrières n’ont jamais été aussi symboliques que depuis ce jour-là. 
Heureusement, c’est bientôt Noël ! J’ai toujours trouvé que cette fête adoucissait les moeurs. L’ambiance, les décorations, l’effervescence que cette fête créer est juste dingue. Et l’affluence à la boutique alors là, je n’en parle même pas. Non seulement elle est située en face de la gare de King’s Cross, mais en plus, elle offre une vue parfaite sur la voie 9 3/4, aménagée spécialement pour tous les fans d’Harry Potter. Fan dont je fais partie. Ca me fait penser que le cupcake “ Celui-Dont-On-Ne-Doit-pas-Prononcer-Le-Nom”, doit être revisité. Depuis que j’ai mis en vente le cheesecake aux quatre couleurs de Poudlard, mes clients le boude un peu.
J’enfile mes gants en laine décorés d’un sapin enguirlandé et me décide enfin à quitter mon appartement. Comme chaque matin quand je pars au travail, les étoiles éclairent faiblement le ciel encore sombre de la nuit. Contrairement à Lyv qui doit se coucher tard tous les soirs après ses services, moi je dois me lever avant le soleil. Ce n’est pas facile toute le temps, mais quand on aime son métier, c’est la moindre des choses que de faire quelques petits sacrifices ! 
D’apercevoir les vitrines des magasins, vêtues de leurs ornements de Noël, me rappelle qu’il faut que je peaufine certains détails de la mienne. J’accélère le pas en sentant la désagréable odeur de la pluie me chatouiller les narines. A peine ai-je franchi le pas de la pâtisserie que des trombes d’eau s’écrasent sur la route. Génial… J’actionne l’interrupteur et observe les guirlandes prendre vie sous mes yeux. Leurs éclats dorés illumine la vitrine, sous les bruits du petit train que j’ai installé il y a peu. J’ai beau savoir que Noël est dans une quinzaine de jours, dès le premier, je choppe cette manie de tout allumer. Comme si ça pouvait accélérer le temps. Franchement, des fois je me désole. Prête à payer une blinde en électricité pour mon simple plaisir.  Je ferme la porte derrière moi et prends cinq minutes pour m’imprégner de l’atmosphère que j’aime tant. Un mélange d’odeur de papier conféré par les nombreux livres disposés sur les étagères, et celui du sucre dû aux gâteaux préparés la veille. Un léger sourire aux lèvres, je laisse mes doigts parcourir la tranche des bouquins de la section Fantasy et mon regard se met à pétiller quand il croise mon livre favori Harry Potter à l’école des sorciers. Mon deuxième but dans la vie : faire connaître à un maximum de gens, cette saga qui m’a fait grandir ! 
En cuisine, je connecte mon téléphone aux enceintes et lance la playlist qui fait mon bonheur depuis le début du mois. La version de Let it Snow, réinterprétée par Michael Bublé emplit la pièce, et entre deux  macarons, je saisit le fouet et m’en sert comme micro, chantant la chanson à tue-tête.
Shows no signs of stopping
I brought some corn for popping
Lights are turned way down low
Let it snow, let it snow, let it snow !
Toujours en musique, je danse jusqu’au devant de la boutique et dispose les pâtisseries sur le comptoir vitré. J’attrape ensuite le pschit pschit et pulvérise en rythme l’air autour de moi. Est-ce un produit pour pour chasser les mauvaise odeurs ? Bien sûr… que non ! Mais je trouve que ça fait rock’n’roll de jouer la star, le bras en l’air à pshiter dans tous les sens. Je vérifie de temps à autre qu’aucun Londonien ne passe devant la boutique, ce qui est plutôt rare vu l’emplacement. Tout en improvisant un moonwalk façon Maë, qui est selon moi, bien meilleur que l’original, je vogue entre les tables pour les nettoyer, et désinfecte au passage les canapés et fauteuils mis à disposition des lecteurs.
Sous le porche, je termine la décoration à coup de marqueurs blanc, rouge et vert, dessinant tantôt des flocons de neige, tantôt des cadeaux ou encore du houx. Peu de temps avant l’ouverture de la pâtisserie, je m’assure que tous les détails pour la semaine spéciale auteurs sont prêts. Une fois par mois, pendant sept jours, je choisis un écrivain émergeant parmi ceux de ma bibliothèque, et l’invite à parler plus de son roman, à faire une lecture commune en direct avec les lecteurs. Je suis plutôt fière !  A peine ai-je retourner l’écriteau ouvert  sur la porte d’entrée que les clients se bousculent à l’intérieur.
Les muffins bonhommes de neige partent comme des petits pains et la boutique s’emplit bien vite de l’odeur sucrée des chocolats chauds et des cafés viennois.
- Bonjour, je viens récupérer ma commande ! me sourit une jeune femme.
- Je n’ai qu’une commande aujourd’hui donc je suppose que c’est pour la maison en pain d’épice ? Je vous emmène ça !
Les bras chargés d’une grosse boîte enrubannée, je sors de la cuisine en poussant le battant avec ma fesse droite. Le regard de la cliente s’illumine quand elle me voit arriver.
- N’hésitez pas à faire une photo en mettant le #lesdélicesdemae !

En début d’après-midi, j’accueille l’auteure et lui indique le petit coin que j’ai prévu pour elle. Profitant d’une accalmie, j’avais installé une jolie table en bois juste devant le sapin, sur laquelle elle déposa ses livres. C’est maintenant que je vais savoir si la comm que j’ai faite pour cet évènement a marché !
Une dizaine de lecteurs répondent présents dès la présentation que je me décide à faire.
- Cette semaine, nous mettons à l’honneur la France, avec une auteure française qui vient tout juste d’être publiée en Angleterre. Voici Solene Luna qui va vous parler un peu plus de sa trilogie La Saga Calypso. 
Des applaudissements fusent. Chacun semble envouté par les yeux bleus et la chevelure brune de Solene. J’en profite pour installer des cupcakes faits spécialement pour l’occasion, dont les noms correspondent à ceux des personnages du bouquin.

Je ne suis pas peu fière de voir qu’en fin de journée, la moitié des romans ont été vendu. Quel succès ! Alors que les derniers clients referment avec tristesse leurs livres en cours, j’aperçois la silhouette élancée de ma soeur passer la porte.
- Encore ouverte, Maë ?
- J’étais en train de clôturer la caisse. Ton jour de repos a été profitable ?
- Mais tellement ! Et j’ai reçu ceci, dans ma boîte aux lettres…
Elle me scrute malicieusement. Je connais ce regard. Elle a sûrement du me faire un sale coup comme quand nous étions gamines. Elle me tend une enveloppe rouge, joliment décorée de flocons en relief. J’ouvre la la lettre, intriguée par tout ce mystère.
Depuis quand Lyv reçoit du courrier qui m’est destiné ?  
Mes yeux lisent attentivement les informations qui s’y trouvent et mon coeur manque un battement.
- Lyv ! Qu’est-ce que…
- Tu es sélectionnée pour participer au concours de pâtisserie de Noêl à Winterhall ! me coupe-t-elle en sautillant sur place.
- Mais ce n’est pas possible ! Je n’ai jamais envoyé ma candidature.
- Eh bien…
Je plisse les yeux en la dévisageant. Il y a quelques jours, elle a tenu à me filmer pendant que je réalisais la maison en pain d’épice, de la fabrication à la dernière touche de glaçage. Je comprends mieux pourquoi.
- Je ne suis pas prête pour ça, Lyv ! On parle du plus grand concours de pâtisserie de Noël ! A Winterhall qui plus est ! La ville où maman à toujours voulu m’emmener pendant les fêtes ! 
- Justement ! C’est l’occasion rêvée ! s’entousiasme-t-elle.
- Et qui garderait la boutique pendant mon absence ?
- Maë… Il y a plein de pâtisseries à King’s Cross. Tes clients ne t’en voudront pas de fermer une semaine.
- Tu imagines la chute colossale de mon chiffre d’affaire ? La semaine de Noël est celle qui me rapporte le plus, m’exclamè-je.
- Peut-être, mais tu as pensé à la renommé que pourrait t’apporter la victoire de ce concours ?
- Lyv…
- Allez, ne discute pas et dis juste oui je vais le faire !
Je soupire, un léger sourire en coin.
Elle sait s’y prendre pour convaincre les gens… En même temps…
Je fais mine de réfléchir pour la torturer un peu.
- Dans ce cas… Oui je vais le faire !