CHAPITRE 1

2 semaines plus tard

 

Mon crâne. Mon crâne me fait mal. J’ai l’impression d’être en lendemain de cuite. J’ai du mal à ouvrir les yeux. La lumière me pique les paupières. Je finis tout de même par réussir à les ouvrir. La pièce où je suis est entièrement blanche. C’est moche. Attendez. Quoi? Je suis à l'hôpital? Mais qu’est-ce que je fais là. Je n’ai aucun souvenir de ces dernières heures. 

 

Je regarde autour de moi. Je vois ma mère endormie sur une chaise. J’essaye de l’appeler, mais ma voix ne sort pas fort. Elle ne m’entend pas. J’attends un peu et je réessaye. 

 

— Maman…

 

Elle sursaute. 

 

— Ysia ma chérie, enfin tu es réveillée. Attends, ne bouge pas. Je reviens. 

 

Elle court vers la porte et se précipite vers le couloir. 

 

— S’il vous plaît! Quelqu’un peut-il venir? Ysia est réveillée, Ysia est réveillée!

 

Puis elle revient s’asseoir. Peu de temps après, une jeune femme arrive dans la chambre. 

 

- Bonjour, Ysia, je m’appelle Marine, je suis infirmière et je vais m’occuper de toi aujourd’hui. 

 

— Maman, pourquoi je suis là? 

 

Elle se met à pleurer. Mais qu’est-ce qu’il s’est passé? Pourquoi je suis là?

 

— Si tu veux bien, je vais répondre à la place de ta maman. Je crois qu’elle n’est pas capable de te répondre pour le moment. 

— OK, pourquoi je suis là alors?

— Tu as eu un accident de voiture, tu ne t’en souviens pas?

— Non

— Tu as été dans le coma pendant deux semaines. Et…

— Et? Dites-moi s’il vous plaît …

— Ta jambe…

 

Quoi, ma jambe? Non c’est pas possible. J’essaye de soulever le drap. Mais l’infirmière m'arrête avant. 

 

— Attends je ne pense pas que ce soit une bonne idée que tu regardes maintenant. Laisse-moi t’expliquer avant s’il te plaît. 

— D’accord..

— Lors de ton accident, ta jambe a été beaucoup affectée. Elle s’est infectée. Le chirurgien a dû l’opérer. Si on ne t’amputait pas, ça aurait pu être bien plus grave. C’était ta jambe ou la mort…

— Et pour la danse? Je vais faire comment? Je vais pouvoir danser à nouveau? 

— Je ne sais pas, mais je ne pense pas. J'aurais aimé te dire oui, mais je ne veux pas te faire de faux espoirs. 

— Vous mentez, regardez je suis capable de me lever et danser comme avant.

 

J’essaye de sortir du lit, mais je n’y arrive pas, mon corps est tout mou. J’ai l’impression de ne plus avoir de muscles. Ce n'est pas possible. Non c’est pas possible.

 

— Ysia ce n’est pas raisonnable. Tu n’en es pas capable pour le moment. Ton corps doit se réadapter petit à petit.

— Mais si je suis capable. Regardez. Regardez-moi.

— Tu vois bien que ça ne marche pas Ysia, arrête stop. Fais-moi confiance s’il te plaît. Je te promets en tant que professionnel de santé que tu remarcheras un jour.

— Mais je ne veux pas marcher, moi je veux danser. Vous m’avez privé de ma jambe, de mon avenir, de ma vie et de ma liberté. À votre place j’aurais honte! 

— On avait pas le choix Ysia je te l’ai déjà dit. Crois moi, j’aurai aimé que ça se passe autrement.

— Puisqu’il n’y avait pas le choix dans ce cas j’aurai préféré la mort. Je peux la regarder maintenant?

— Si tu t’en sens capable, tu peux, pour l’instant tu as un pansement le temps que ça cicatrise. Je dois d’ailleurs te le changer. Est-ce que tu veux me regarder faire?

— Oui 

 

Elle soulève le drap, maman détourne le regard. Elle ne veut pas regarder, je la dégoûte sûrement. En même temps c’est compréhensible, c’est vraiment laid. Et encore pour l’instant elle n’a pas encore enlevé le pansement. J’ai peur, ça me terrifie. Je ne peux pas croire que c’est vrai. Je ne veux pas croire qu’il ne me reste ma cuisse sur ma jambe droite. Je ne pourrai plus jamais marcher, ni conduire, ni danser. Je ne pourrai plus vivre. Plus rien ne sera comme avant. 

 

Marine retire délicatement le pansement en vérifiant que je suis toujours sûre de vouloir regarder. Elle me pose la question toutes les deux secondes. Elle est vraiment douce et attentionnée. Ça se voit que c’est une bonne infirmière. 

 

— Ysia, j’arrive bientôt à la fin du pansement. Tu es vraiment vraiment sûre de vouloir regarder maintenant?

— Oui

— D’accord, alors quand tu es prête tu me dis et j’enlève la fin du pansement. Ça fait un peu peur, mais ça ira mieux quand ça sera totalement cicatrisé.

 

Maman regarde toujours par la fenêtre. J’aurais préféré qu’elle soit à mes côtés pour me tenir la main. .  

 

— Je suis prête. 

— OK c’est parti alors. 

 

Et là je découvre l’horreur. Mon genou, enfin mon moignon maintenant, est à moitié rouge et rose; on dirait qu’il a été brûlé. 

 

Je peux plus voir ça, ça me fait trop mal. Marine commence à faire les soins pour désinfecter la plaie. Je ferme les yeux et j’éclate en sanglots. Maman pleure encore plus fort et sort de la pièce. La douleur à l’intérieur de moi est insupportable. L’infirmière essaye de me réconforter comme elle peut, mais je la rejette. 

 

— Je ne veux plus voir personne. Je veux rester seule. Laissez-moi s’il vous plaît. Laissez-moi.

 

Pourtant, elle reste là à me regarder, en espérant sûrement que je me calme. 

 

━ Laissez moi j’ai dit! Vous comprenez pas quoi dans laissez moi? Cassez vous c’est peut-être plus clair? Et dites à ma mère que ce n’est pas la peine de revenir. Je ne veux voir personne. Personne. Personne c’est clair?

— D’accord ma belle. Je te remets le pansement et je te laisse. Il faut que tu te reposes de toute façon.


 

Elle ferme la porte, et je craque à nouveau. Mes larmes ne cessent de couler. J’aimerais que ça s'arrête. Je voudrais dormir, je suis épuisée. je n’y arrive pas. Le temps semble être une éternité. Je ne pense qu’à ça. Je n’ai plus de jambe. Plus de vie. Plus d’avenir.

 

La danse c’était toute ma vie. J’ai toujours été très bonne. Il ne me manquait pas grand-chose pour devenir professionnel. Je travaillais dur pour ça, tout simplement parce que ce sport c’est comme une drogue. Tu commences et tu n’as plus envie d’arrêter. Tellement ça te fait du bien, tu en veux toujours plus, encore et encore jusqu’à ce que tu ne penses plus à rien. Juste ça. Juste la danse. 

 

Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé depuis que je suis seule, il n’y a pas d’horloge dans cette foutue chambre d’hôpital, mais quelqu’un toque à la porte. 

 

— Bonjour, Ysia je suis le docteur Bonnet. On m’a dit que vous vouliez être seule, mais je suis obligée de vérifier que tout va bien. 

— Ben oui tout va bien, regardez j’ai la patate, je pète la forme…

— Vous pétez la forme c’est super ça!

— …

— OK bon tout va bien, une infirmière viendra faire des vérifications deux fois durant la nuit. Essayez de vous reposer un maximum. Demain, un psychologue viendra faire un entretien avec vous. Et si votre État se stabilise bien vous devriez commencer les séances de kiné d’ici 2 ou 3 jours.

— Super, je suis ravie..

— Vous êtes ravie, c'est super ça, c’est vraiment bien. Vous verrez ça finira par aller de mieux en mieux au fil du temps. Vous allez retrouver votre vie d’avant. 

— Oui c’est ça bien sûr. 

— Hmm. Bonne soirée Mademoiselle!

━ Oh attendez, ça serait possible d’avoir une horloge ou un réveil? J’ai l’impression d’être dans une salle de torture là.

━ Une horloge ou un réveil? Oui bien sûr je vais voir avec votre mère si c’est possible qu’elle vous en amène un. 


 

À la suite de la visite du médecin, la fatigue était encore plus intense. Je sens le sommeil arriver. Je suis à deux doigts de m’endormir quand soudain la porte s'ouvre soudainement.

 

— Maman tu fais chier, j’étais en train de m’endormir. Toi non plus t’as pas compris le message “je veux être seule laissez moi”, tu le fais exprès ou quoi?

—Pardon, ma chérie j’ai fait au plus vite. Tiens, ton réveil de ta chambre. Je t’ai pris des vêtements aussi pour que tu aies le choix.

— C’est gentil, mais je n’ai pas envie de m’habiller. Je viens de perdre la moitié de ma jambe, tu te rends compte maman? Tu comprends bien que les vêtements ne sont absolument pas ma priorité actuellement. Il faudrait déjà que j’arrive accepter ce truc, et je ne suis pas certaine d’y arriver. Alors les vêtements, tu peux les reprendre.

— Oh je suis tellement désolée ma chérie. Je t’ai pris ton doudou. Je ne sais pas si tu le veux, mais je l’ai pris au cas où.

—Si tu as bien fait, merci.

—Je t’ai aussi apporté les photos accrochées sur ton mur. je te les pose là, à côté de toi tu les regardes quand tu veux.

—Merci. Et mon téléphone tu l’as? 

—Il a été détruit pendant l’accident, enfin la police ne l’a pas retrouvé. Je t’en achèterai un nouveau quand je pourrai. 

—D’accord…

 

Elle reste là sans bouger, à côté de moi.

 

— Maman?

— Oui?

 

Elle s’approche de la fenêtre.

 

— Tu sais ce qu’il s’est passé au moment de l’accident?

— Euh non on n’a pas voulu me le dire pour le moment.

━ T’es sûre?

━ Quel intérêt j’aurai à te mentir?

━ Je sais pas, peut-être que t’aimes ça, mentir.

━ De quoi tu me parles?

━ De l’homme avec qui tu sors. 

 

Son visage se décompose. 

━ T’es complètement timbrée, ça ne t’as pas arrangé ton accident. Je me demande même si tu n’as pas quelques neurones de touchés petite conne. 

 

Le silence se fait, je n’en reviens pas qu’elle me parle ainsi. Ce n’est jamais arrivé auparavant. 

 

— Maman?

— Quoi encore?

— Est-ce que je te dégoûte?


Je la vois accourir vers moi en pleurs. Son regard a changé et s’est adouci.

 

— Oh mon dieu bien sûr que non ma fille, je suis là pour toi, désolée d’avoir réagi comme ça tout à l’heure, il faut qu’on s’y habitue, avec le temps. Je m’en veux terriblement et ne veux pas que tu penses que j’ai honte de toi. 

— D’accord maman, ce n’est pas  grave, je ne t’en veux pas, d’accord. 

 

Elle me prend dans ses bras. 

 

— Je t’aime ma fille.

— Moi…

 

Quelqu’un entre en trombe dans la chambre sans même penser à frapper.

 

— Ah, madame Gayot, vous êtes là! Va falloir partir c’est bientôt l’heure du repas et c’est la fin des visites, vous pourrez revenir demain ne vous inquiétez pas, on ne vous enlève pas votre fille promis. Au fait, j'aimerai vous parler avant que vous partiez, je vous attends devant la porte. Prenez votre temps, mais pas trop non plus j’ai d’autres patients à aller voir après elle.

—Ok docteur, j’arrive. Bisous ma chérie, je reviens demain d’accord. Sois forte et dors bien. Je t’aime très fort.

 

Elle sort de la chambre et j’entends des murmures derrière la porte.

 

— Pourquoi voulez-vous me voir? Il s’est passé quelque chose? 

— Hmm alors il s’est passé quelque chose non, mais je crois que vous avez pu le constater, Ysia est assez fragile en ce moment il va falloir la ménager et la soutenir mentalement. 

— Oui et? Vous voulez en venir où? 

— Je veux en venir au fait que tant qu’elle se souvient de rien, le reste ça n’existe pas.


 

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coeurfracassé
Posté le 23/04/2023
Salut ? Je viens de voir que cette histoire est «terminée» mais euh... Il n'y aura pas de suite ? Personnellement j'ai très envie de la lire, si elle existe ! Le texte est bien écrit, malgré quelques petites erreurs de français. Attention aussi au narrateur : est-il présent ou absent ? Cette question devrait aider pour la relecture.
Mais mis à part ça c'est vraiment bien, j'espère sincèrement qu'il y aura une suite !
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