Chapitre 1

Par Honey

Le silence était presque assourdissant, mais il n’y avait personne pour le constater. L’air était vicié, saturé par la fumée des incendies qui rongeaient les restants d’une ville, mais il n’y avait personne pour le respirer. La chaleur suffocante qui avait régné toute la journée cédait maintenant place au froid nucléaire de la nuit. Les derniers rayons d’un soleil arrivé en fin de vie s’accrochaient aux parcelles d’horizon qui lui appartenaient encore, prêt à bruler coute que coute ce qui ne l’avait pas encore été. Pas grand-chose, finalement. Du béton, de l’acier, les vestiges d’une petite gare dissimulée par une autoroute à moitié effondrée. Temporairement hors d’atteinte. À l’abri dans l’ombre du néant. Un sursis inattendu, sans aucune âme pour l’espérer.

Mais cette même gare abandonnée ne résisterait pas longtemps aux assauts du vent et du feu. Elle vivait là ses derniers instants. Tout comme le train qui s’était caché en son cœur et les ossements des derniers hommes ayant tenté de s’enfuir avant la fin. Rien de résisterait au soleil, rien ne sauverait cette petite gare qui avait abrité tant d’espoirs. À jamais visée au sol, elle ne pouvait qu’attendre sa fin sans rien d’autre. On ne défie pas la nature, peu importe de quoi vous êtes fait. D’acier ou de pierre, d’or ou d’argent, de chair et de sang…

À l’intérieur de la gare, une horloge à moitié rongée par la rouille affichait sa dernière heure : midi quarante figé dans l’éternel. Des poussières de cendre voletaient autour d’elle, annonçant le destin funeste qui était le sien. Sitôt que le soleil toucherait sa surface, l’horloge s’enflammerait. Elle se consumerait violemment, entrainant dans sa destruction les restes d’un passé révolu.

Peints à même les murs, en vert foncé, subsistaient les slogans haineux qui avaient entrainé avec eux la chute de l’humanité. Comme une mauvaise plaisanterie que la nature avait voulu offrir à l’homme. Si l’enfer avait existé, il aurait pu contempler une dernière fois le chef-d’œuvre de sa misérable vie. Jusqu’à ce que les rayons mortels en aient assez et se décident une fois pour toutes à détruire les horreurs de cette espèce disparue.

Et là, sur le sol de la gare gisaient les restes osseux des ultimes survivants. Leurs crânes recouverts de cendre fixaient la voute du plafond sans la voir. Leur position incongrue, à genoux, le visage au ciel, témoignait qu’il s’était passé un évènement entrainant un même mouvement avant que la mort ne frappe. Probablement le bruit de la bombe nucléaire lorsqu’elle avait touché le sol. Ils étaient morts ainsi, priant probablement une quelconque divinité de leur venir en aide. Mais une seule chose aurait pu les sauver. Eux.

Le soleil disparut finalement de l’autre côté de la terre, entrainant avec lui ses rayons brulants. La nuit mortelle étendit ses ailes sur la petite gare abandonnée. Dans le silence nocturne, personne n’entendit l’autoroute qui protégeait la petite gare s’effondrer sur elle-même. Demain, le soleil mettrait fin à ce qu’il restait des décombres. Les dernières traces de l’humanité disparaîtraient à jamais dans le feu et la cendres. C’était son destin. L’homme était monté à bord d’un express sans retour. Celui de la cupidité, de l’égoïsme et de la destruction. Il s’était condamné en même temps que tout le reste. Et il l’avait fait en toute connaissance de cause.

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