Chapitre 1
«Le vent force, de 25 à 31 nœuds. Il faut barrer à tribord de 15 degrés. »
Les yeux rivés sur les instruments, elle ne se retourna pas pour voir les informations prises au pied de la lettre par son capitaine et barreur. Elle sentit le navire glisser légèrement sur la droite. Dans son champ de vision, à sa gauche, Oriag dessinait sur la carte la nouvelle route que traçait Modsognir sur la mer agitée. Lorsque la manœuvre fut effectuée, une puissante houle alla percuter la proue du bateau, faisant retentir un bruit sourd depuis la coque jusqu'au cockpit. Sibéal garda les yeux sur les outils, le casque grésillait à ses oreilles. Elle percevait des voix lointaines et celles du port d'Hokianga-nui.
« Port en vue, annonça Oriag.
-J'peux déjà sentir l'Hangi-Kono de Kupe ! s'exclama Murdock ravi. »
Sibéal plissa les yeux pour tenter d'apercevoir la ville depuis la verrière du cockpit. La mer était sombre, l'après-midi sans soleil. Le ciel grisâtre était torturé de nuages noirs. Le vent jetait sur eux une pluie battante qui piquait la vitre comme des grêlons. Elle ne discernait pas la capitale maorie à l'horizon, simplement la lumière du phare dans la bruine. Elle jeta un regard à Murdock. Il lui adressa un clin d'œil assuré, planté devant la barre qu'il maintenait d'une poigne solide. Elle eut une petite moue, amusée de le voir ainsi exalté de barrer sur une mer aussi capricieuse. La vision nyctalope de demi-nain leur était bien utile dans ces situations dantesques.
Le Modsognir filait sur la courbe des vagues à pleine vitesse, tranchant la houle de sa proue pour se percer un chemin jusqu'à bon port. Il y avait moins de cinq jours qu'ils avaient quitté Bleá Cliath, centre florissant de royaume des Celtes, pour rallier l'empire maritime maori, chargés du whisky le plus raffiné de l'archipel. Ils étaient en avance sur leur contrat. Nialh avait déjà commencé à chercher comment en tirer une ristourne avantageuse. La réputation du Modsognir comme meilleur coursier de l'archipel n'était pas démentie, encore moins quand son capitaine décidait de braver des vents violents moins pour répondre à une commande que pour s'amuser à battre son propre record de vitesse.
La langue maori, faite d'ondulations butées, résonna soudain à ses oreilles.
« Ici Hokianga-nui, vous entrez dans les eaux territoriales maori. Veuillez décliner votre identité. »
Elle ouvrit aussitôt le canal radiophonique, et répondit dans le même dialecte.
« Hokianga-nui, reçu. Ici Modsognir en provenance de Bleá Cliath. Demande autorisation d'accoster au port.»
La voix s'éteignit aussitôt.
« Demande acceptée, ponton nord, place 7. »
Elle relaya l'information à Oriag et Murdock. Quelques instants plus tard, elle sentit le Modsognir décélérer alors qu'apparaissait enfin distinctement la forme des bâtiments des maoris. Ils entrèrent dans le port. Tandis que Murdock manoeuvrait entre les canaux pour accéder à la place attribuée, Sibéal vit son frère et Apollo sortir sur le pont pour mettre les pare-battages en place. Emmitouflés dans leurs cirés contre le vent et la pluie, ils s'activaient avec rapidité. Nialh bondit sur le quai dès que Murdock inclina le navire dans le bon angle. Apollo lui lança l'amarre. Un moment après, son frère leva alors le pouce en l'air pour signifier qu'ils étaient bien à quai.
Tout Hokianga-nui s'était mis bien à l'abri, personne ne traînait sur le ponton. Murdock faisait le tour du bâtiment pour contrôler le Modsognir avec Oriag afin de déclarer la fin de navigation. Une bourrasque violente bouscula Sibéal alors qu'elle mettait pied à terre. Elle rabattit sa capuche et se dirigea vivement vers la capitainerie, emboitant le pas à quelques marins qui s'y pressaient.
« On se retrouve au bar ! s'écria-t-elle au reste de l'équipage. »
Elle se fraya un chemin jusqu'à la chaleur bienvenue de la capitainerie. Une fois à l'intérieur, elle prit le temps d'essuyer ses lunettes avant de s'avancer vers l'accueil. Une vieille maori au visage tatoué la reçut dans un patois difficilement compréhensible mais Sibéal la connaissait assez pour savoir que derrière ses manières rustres Kiri était d'une grande rigueur administrative et une compagne de beuverie enthousiaste.
« Sibéal ! l'apostropha-t-elle, l'demi-nain vous a pas encore coulé ?
- Pas encore, secoua-t-elle la tête avant de lui tendre les papiers du Mod.
- J'vous fais un visa pour combien de temps ? Une semaine comme d'hab ?
- Non, on repart dans trois jours. Nialh nous a trouvé un client pressé.
- Ils prévoient grand frais pour les prochains jours, la prévint Kiri, j'sais pas si vous pourrez repartir à temps. »
Sibéal plissa les yeux sur le panneau d'affichage où la houle et le vent étaient indiqués. Une petite grimace lui échappa, le départ semblait compromis. Les tempêtes étaient de plus en plus fréquentes ces derniers temps. Si elle s'était vite habituée aux éléments déchaînés, totalement en confiance sur le Mod, elle craignait tout de même que les années empirent une situation déjà passablement exécrable. Les estimations donnaient la prochaine décennie comme la pire jamais connue en termes d'ouragans et de typhons dans les mers méridionales des archipels.
« Tu passes à la Sirène après ton service ?
- Et comment ! J'ai pas oublié que y'en a un qui me doit une pinte ! »
Elle la salua. En ressortant dans le vent, elle se pressa jusqu'à la taverne lumineuse en ce début de soirée. Les mâts des voiliers s'entrechoquaient avec les anneaux des voiles enroulées dans leurs capes. Une rafale fit siffler les éoliennes sur le toit de la capitainerie et rougir ses oreilles de froid. Ses yeux se portèrent sur le marqueur planté dans l'eau calme du port abrité. Un petit frisson la saisit, l'eau de la mer était encore montée depuis la dernière fois. Ce qui se comptait en millimètres se mesurait ces dernières années en centimètres, la mer avançait inexorablement sur la terre et sur la ville. Bientôt il faudrait penser à accélérer ce déménagement qui avait déjà commencé cinq ans plus tôt à marche forcée. La reine Maata avait lancé la construction d'un nouveau centre urbain qui poussait rapidement à une cinquantaine de kilomètres de la côte.
En entrant à la Sirène, l'ambiance tamisée la saisit d'une chaleur bienvenue et apaisa son anxiété. Elle discernait le celte, sa langue natale, le sioux, le maori et une dizaine d'autres langues. Par dessus tout, la langue commune résonnait pour permettre à tous de se comprendre. Elle repéra aussitôt son frère accoudé au comptoir et le rejoignit.
« Alors ? Fit-elle, tu as réussi à obtenir le prix convenu ?
- Tu sais à qui tu parles Sibby ? se vanta Nialh, évidemment ! J'ai même fait valoir la prime du contrat pour l'avance qu'on avait dans les délais.
- Tu étais avec Apollo, hein ? nargua-t-elle.
- Et alors ? Se renfrogna-t-il. Ça n'a rien à voir ! »
Elle coula un regard en direction de l'intéressé. La lumière des bougies disposées sur la table découpait des ombres sur sa peau noire et sa silhouette élancée. Apollo avait été militaire avant d'être engagé sur le Mod, tout dans sa posture rigide et professionnelle le montrait. Toujours concentré à la tâche et discipliné, il dégageait une force intimidante qui avait certainement été décisive pour la négociation qu'avait dû engager Nialh un peu plus tôt. Son frère préférerait sans doute nier ce léger détail.
Ils firent le service pour le reste de leur équipage qui les applaudirent d'enthousiasme.
« A une affaire rondement menée ! s'écria Oriag en levant sa pinte. »
Sibéal porta sa boisson à ses lèvres, elle manqua de s'étouffer dans sa gorgée lorsque Murdock poussa une exclamation satisfaite en lui balançant son bras en travers des épaules.
« TOURNEE GENERALE ! »
Elle toussota en riant. Elle était heureuse d'avoir retrouvé la terre ferme.
OoOoOo
« Oui on est bien arrivé, désolée j'ai pas pu t'appeler avant on était un peu...
- SIIIIIB ! Beugla son frère depuis la porte de la taverne. REVIIIIENS !
- Occupée, s'esclaffa-t-elle. J'arrive !
- Vous rentrez quand du coup ? A la télé, ils disent que va y avoir des vents trop violents pour quitter le port pendant quelques jours.
- Je sais pas trop, Murdock dit que ça devrait le faire pour repartir d'ici trois jours... »
A l'autre bout du fil, Gauvain poussa un soupir désabusé. Elle imaginait parfaitement son visage perplexe. Il n'était pas marin, loin de là. Il gagnait sa vie comme chanteur d'un groupe folk à la solide réputation dans les pubs de Bleá Cliath. Il avait toujours eu du mal à l'imaginer voguant aux quatre coins des archipels par les temps qui couraient. Elle tenta de le rassurer avec humour.
« On peut lui faire confiance, il est plus intelligent qu'il ne le laisse croire !
- Mwouais ça reste quand même un nain... ils sont bornés et pas bien futés.
- Hé !
- Mon amour, ça peut devenir dangereux quand même... Les gens commencent même à croire à cette vieille fable pour enfants !
- Quoi ? Celle de la malédiction ? rit-elle, les gens sont prêts à croire n'importe quoi pour donner du sens. C'est simplement une histoire pour enfants ! »
A chaque nouvelle tempête, les habitants des archipels essayaient de trouver une explication au déchaînement de la nature qui menaçait de plus en plus la civilisation humaine dans cette vieille comptine pour enfants. Une comptine qu'elle avait elle-même entendue. Sa mère la lui avait raconté, toutes les mères l'avaient raconté un jour ou l'autre à leur progéniture. Une fable selon laquelle, l'humanité serait destinée à être engloutie par les eaux, comme l'ancienne cité légendaire d'Atlantide, pour avoir un jour massacré des sirènes...
« T'façon tu finiras bien par revenir à Bleá Cliath, ma musique te manque trop ! lâcha-t-il.
- On va dire ça oui ! lui assura-t-elle avec humour. Je te rappelle demain ! Passe une bonne soirée mon chéri. »
Elle l'entendit lui répondre avec légèreté et lui souhaiter la même chose. Elle raccrocha et se pressa à l'intérieur de la Sirène en frissonnant, une pluie froide s'abattait sur elle depuis dix minutes. Elle avait hâte de se réchauffer. Elle se glissa à sa place à la table de son équipage. Elle avait du mal à croire qu'ils naviguaient ensemble depuis maintenant cinq ans. Le Mod était devenu son foyer, plus encore que la maison familiale loin dans les terres celtes où ses parents travaillaient encore dans leur petit commerce et allaient à la messe tous les dimanches. Ce petit carcan étriqué avait manqué de l'étouffer entièrement. Les embruns et l'espace infini de la mer lui avaient offert un échappatoire qu'elle avait espéré toute son enfance.
« C'est bientôt l'anniversaire d'Apollo, fit Nialh en observant attentivement son meilleur ami.
- Tu as prévu quelque chose ? S'amusa-t-elle.
- Deux trois bricoles... »
Oriag arqua un sourcil dubitatif. La dernière fois que Nialh avait organisé quelque chose, cela s'était fini par une semi-noyade dans les eaux du port de Cork. Certes cela alimentait leurs soirées en plaisanteries mais Nialh avait tout de même fini en observation à l'hôpital pendant deux jours.... Murdock s'était fait un plaisir de le couvrir de fleurs dans sa chambre pour le remercier de cette soirée mémorable.
« La seule chose qu'il espère, tu ne peux pas lui offrir, sourit avec amusement Sibéal.
- Pfff, il faut que ça lui passe cette lubie ! leva-t-il la main avec désinvolture.
- Arrête, il est adorable avec sa petite tête de chiot perdu, défendit Oriag. »
Elle imita avec expertise la mine énamourée d'Apollo dès que la voix du mystérieux jeune homme retentissait dans l'oreille de Sibéal. Nialh eut une moue agacée.
« Il n'a même pas rencontré ce type ! s'écria-t-il, si ça se trouve c'est un psychopathe en puissance!
- N'exagère pas, on sait qu'il s'appelle Chad et qu'il est sur le Yaktantton, rappela Sibéal.
- Raison de plus pour se méfier ! S'il est dans l'équipage de Yakta, il voudra jamais donner sa chance à Appolo, assura-t-il d'un mouvement ample. Autant arrêter les frais. J'vais lui payer des chippendales pour son anniv' ça lui changera les idées !
- Oh ben écoute, on dit pas non avec Sib, commença Oriag.
- C'est pas votre anniversaire, rouspéta-t-il. Votre tour viendra ! »
Sibéal eut un rire devant tant d'emphase. Elle connaissait assez Apollo pour savoir qu'il se contenterait d'une bonne pizza et d'une soirée à voir son groupe préféré. Hélas, celui-ci se trouvait bien loin en tournée dans les Hespérides... Ils avaient abandonné l'idée assez rapidement.
« Je te croyais plus romantique, taquina Sibéal.
- Sib, depuis que tu sors avec Gauvain j'ai plus le cœur au romantisme ! marmonna-t-il. Tu as tué le romantisme !
- Hé! Tu disais pas ça quand tu l'as vu à son concert.
- J'ai dit qu'il était cool oui, comme chanteur !
- Si je t'écoutais... haussa-t-elle des épaules, je serais mariée avec Apollo !
- Je maintiens que vous auriez été parfaits ensemble !
- Aaaaah, cette période bénie où il a tout fait pour vous caser ensemble, rit Oriag, encore un plan génialement mis au point, Nialh ! »
Son frère, se drapant dans son orgueil blessé, s'en alla rejoindre Murdock et Apollo. Sibéal eut un petit sourire en se penchant vers Oriag.
« Murdock a eu une bien meilleure idée pour l'anniversaire d'Apollo.»
OoOoOo
Avant même d'ouvrir les yeux, elle émergea du sommeil en sentant le balancement paisible du Modsognir. Il la berçait paresseusement. Elle se sentait comme dans un cocon, protégée du monde. Elle prolongea un instant ce moment suspendu avant de se redresser et de s'étirer. Elle entendait encore le vent mugir violemment contre le hublot. Le port était calme et sombre, le temps ne s'était pas levé. Ils ne partiraient pas aujourd'hui vraisemblablement. Elle laissa un instant son regard courir sur sa cabine où le capharnaüm faisait frémir d'horreur son frère dès qu'il passait le pas de la porte. Un amoncellement de livres partout, le moindre recoin avait été mis à profit pour que rien ne puisse empêcher les romans d'Ursula Le Guin, de Ken Liu et tous ses numéros de Métal Hurlant d'avoir leurs petites places sur le navire. Elle farfouilla sur la table basse pour retrouver ses lunettes, enfila sa polaire et d'épaisses chaussettes avant de sortir de sa cabine retrouver le carré.
Il n'y avait que Murdock de debout à cette heure. Il était avachi sur l'une des confortables banquettes qui leur servaient de canapé et sirotait son café en feuilletant le journal. Un thé préparé à son intention infusait dans un mug. Un petit soupir de contentement lui échappa lorsqu'elle se glissa sous le plaid avant qu'elle ne porte le thé à ses lèvres.
« Quelles nouvelles du monde ?
- Ça part en couille, lâcha-t-il, comme d'hab. »
Elle se pencha par-dessus son épaule pour apprécier la première page, encore une énième manifestation pour la mise en place de mesures visant à entretenir les digues qui protégeaient les villes portuaires de la montée des eaux. Beaucoup ne supportaient pas de devoir quitter leurs foyers pour s'installer plus loin dans les terres, d'aucun y voyait le défaitisme et l'abandon de la royauté maori de ses terres ancestrales. Les religieux haranguaient les fidèles en ce sens...
« Ah ben si regarde, ils font une promo sur le dernier roman d'Ubik ! fit-il avec un faux enthousiasme. Ton auteur préféré, non ?
- Quelle bonne nouvelle.... marmonna-t-elle. »
Elle se souvenait encore de l'arrogance et de la suffisance de ce petit homme lorsqu'elle avait eu en charge la traduction de son ouvrage... Il l'avait plus ou moins décidé à quitter son poste dans l'édition, juste avant qu'elle n'intègre l'équipage du Mod.
« T'exagères pas un peu ? se moqua-t-il.
- Et c'est toi qui dis ça? S'amusa-t-elle avant de proposer. Tu as déjà lu un de ces travaux ? Je peux t'en prêter un.
- Naaaan, ça va j'ai pas besoin de somnifères pour dormir, j'te remercie ! »
Elle rit derrière l'odeur fruitée de sa boisson. Son regard se perdit un instant sur le panneau de liège au-dessus de la table. Ils y accrochaient les factures, qu'exécrait Nialh en charge de la comptabilité, mais aussi des photos dont l'une qui l'émouvait particulièrement. Ils étaient tous les cinq autour d'une table d'un bar de Cork dont elle avait aujourd'hui oublié le nom. Ils fêtaient le record de vitesse dans leur catégorie de vaisseau qu'ils venaient de catapulter entre Cork et Bleá Cliath. Le cadrage était incertain mais leurs mines fatiguées et rayonnantes étaient tout ce qui importait. Apollo levait une main vers l'objectif, Nialh était un peu flou et Murdock avait passé un bras autour de ses épaules en brandissant une pinte.
«Au fait, tu penses qu'on pourra pas partir aujourd'hui ? Gauvain me demandait quand on serait de retour à Bleá Cliath. »
Murdock se renfrogna.
« J'sais pas, l'avis de grand frais a pas été levé. On va encore glander un moment ici.
- Ah ben comme ça, j'pourrais peut-être réussir à finir de te battre au Fou des îles ! songea-t-elle.»
Il lui adressa un petit regard narquois.
« Faut p't'être te rappeler tes quatre défaites Sib ? Susurra-t-il. Hier soir ? Ça te dit quelque chose ?
- Hum... je me souviens pas de ça, secoua-t-elle nonchalamment la tête.
- Les ravages de l'alcool chez les humains... affligeant.
- C'est vrai que tu sais de quoi tu parles, taquina-t-elle. »
Sa remarque le fit s'esclaffer, avant qu'un grésillement sonore ne les interrompt. Abandonnant son thé sur la table, elle s'approcha de la table à instruments. Elle avait dû oublier de couper la radio hier soir. Avant de fermer le canal, elle eut une oreille curieuse pour l'échange.
Elle se retourna vivement et agita la main avec enthousiasme vers Murdock. Il comprit instantanément et sa voix tonitrua aussitôt :
« Poloooooo, ya ton cher et tendre qui rentre au poooooort ! »
OoOoOo
Sibéal observait discrètement la rencontre depuis les halles couvertes du marché aux poissons derrière la capitainerie. Murdock arborait un air ravi, ses bras musculeux croisés devant sa poitrine. Sa tête était emmitouflée dans son habituel bonnet en laine pour se protéger des bourrasques violentes et de la petite pluie perçante. Adossés à un pilier en bois, ils scrutaient attentivement la scène qui se jouait devant la capitainerie.
Apollo qu'elle avait rarement vu aussi mal à l'aise, toujours drapé dans son professionnalisme, concentré, semblait décomposé. Il se balançait sur place en essayant d'engager la conversation avec un jeune homme à la tignasse bouclée, châtain aux reflets miel. Celui-ci paraissait peu intéressé par Apollo, et le toisait avec hauteur.
« Regarde-le l'Polo, rit le demi-nain. Il galèèère, y'm'fait marrer.
- Le pauvre, compatit-elle. Chad a pas l'air commode...
- En même temps... quelle idée de s'enticher d'un chieur pareil ! se marra Murdock. Personne peut s'le voir en peinture dans tout l'archipel !
- C'est vrai qu'il est pas toujours aimable non plus à la radio...
- Il va le bouffer tout cru, Sib.»
Cette remarque lui arracha un rire. Apollo n'était pas réputé pour être aisément « bouffé tout cru», il était plutôt craint et respecté... Il y avait quelque chose de surnaturel de le voir ainsi troublé par quelqu'un qu'il n'avait jamais connu que par radio. De l'équipage du Yaktantton elle ne connaissait que sa voix à lui, Chad Benahli. Il était souvent acerbe et incisif dans ses prises de parole à la radio. L'accent arabe mélodieux de ses mots avait immédiatement capturé l'attention discrète et attentive d'Apollo. Depuis des mois, elle ouvrait tacitement le canal à tout le cockpit pour qu'il puisse l'écouter. Évidemment, de tacite il n'y avait que leur accord à eux deux. Murdock était beaucoup trop amusé par la situation pour laisser filer toute occasion de le passer au grill...
En personne, l'allure de Chad dégageait le même dédain agacé que sa voix. Apollo était statufié devant lui, foudroyé par tant de froideur. Elle pouvait presque entendre d'ici son frère s'agacer à côté de lui. Nialh avait absolument tenu à accompagner Apollo qui était allé se présenter à Chad et lui proposer un rencard avec lui. Il voulait prouver en personne à son ami à quel point ce n'était pas du tout l'homme de sa vie.
« Eh ben... s'amusa Murdock en se grattant la barbe, ton frangin va pas s'faire un copain.
- Il a toujours su s'y prendre pour se faire des amis... remarqua-t-elle avec humour. »
Son frère revenait vers eux à grandes enjambées en traînant Apollo derrière lui. Chad les avait déjà sortis de son champ de vision et de son intérêt. Nialh semblait sorti de ses gongs tandis que son meilleur ami affichait une mine complètement dépitée.
« Il veut pas du rencard ! répétait Nialh, pas intéressé ! C'est n'importe quoi ! Ce crétin se trouve trop bien pour Apollo ! T'entends ça ?!
- Ouais, j'crois que tout le monde a bien entendu, rit Murdock. »
Apollo détourna le regard gauchement, des badauds faisant leur marché l'observaient avec intérêt, attirés par le tapage de Nialh.
« Je suis désolée, Apollo, souffla Sibéal avec gentillesse.
- C'est gentil, Sib... c'est comme ça j'imagine, fit-il piteusement. »
Elle eut un petit sourire de consolation qui ne le dérida pas. Il prit une petite inspiration puis retrouva contenance dans sa sature rigide. Elle discernait tout de même le petit pli déçu au coin de ses lèvres et lui toucha gentiment le bras.
« Allez va, on va t'faire oublier c'te débâcle ! proposa Murdock.
- On doit s'occuper de charger le Mod, interjeta Apollo.
- Oh tu sais on risque d'être bloqué encore un jour au port, relativisa le demi-nain.
- Oublier ? grinça Nialh, pas question. On va le faire revenir en rampant pour un rencard avec Apollo ! »
Sibéal et Murdock éclatèrent de rire, Apollo passa sa main sur son visage avec un profond soupir.
Je viens de commencer ton histoire et pour l'instant : j'adore ! :)
J'ai hâte de lire la suite !
Après, j'imagine que la comptine pour enfant n'est pas si affabulée que ça et que la montée des eaux uni au mauvais temps va venir accroitre le rythme ?
(Oui, je sais, la réponse se trouve dans la suite. Inutile de spoiler) ! :'D
Un premier chapitre qui donne envie de continuer.
L'univers est prenant et je me suis laissé emporter avec plaisir dans le début de cette aventure. Les relations entre les personnages sont vraiment intéressantes et ils ont chacun leur petit caractères qui nous font les aimer de suite. J'aurais aimé voir un peu plus Oriag que j'ai trouvé plus en retrait que les autres.
Bon courage pour la suite de l'histoire !
Nous sommes heureuses que nos personnages t'ont plu ! C'est vrai qu'il y en a des plus présents que d'autres et qu'Oriag ne compte pas parmi les principaux...
Merci beaucoup pour ton commentaire !
J'ai trouvé le début de ce roman d'aventure très prometteur ! L'histoire se déroule dans un monde maritime intrigant et mystérieux, avec des personnages variés et intéressants. L'ambiance de ce premier chapitre était également très agréable : déjà, j'adore le cadre maritime (que tu évoques d'ailleurs très bien) ; on ressent également la camaraderie qui lie les différents membres de l'équipage, et c'était agréable de suivre leurs échanges ponctués par des touches d'humour.
Par ailleurs, l'univers autour des personnages a l'air riche et original.
C'est vrai qu'en tant que lecteur, on est directement plongé dans l'action. Il y a quelque chose d'efficace, mais pour autant, vu qu'on a peu d'informations sur le monde, les personnages ou le contexte global de l'histoire, on peut se sentir un peu perdu. Peut-être sera-t-il possible d'équilibrer un peu... Il en va de même pour les personnages : ils sont nombreux, on s'y retrouve peu à peu, notamment parce qu'ils ont tous un petit truc à eux qui les caractérise, pour autant j'ai eu du mal à me les représenter. Je me demande si quelques descriptions physiques ne seraient pas les bienvenues : l'action se poserait, on prendrait nos marques... Ce sont des pensées qui me sont venues au fil de la lecture ; si ça se trouve ça brisera le rythme ou ça ne collera pas du tout aux attentions initiales.
Pour revenir un peu sur les personnages, chacun a sa propre personnalité distincte, ce qui les rend mémorables et attachants. Sibéal semble très sympahtique, mais c'est Nialh, je crois, qui m'a le plus marqué. Il a quelque chose de léger.
J'ai hâte de découvrir la suite, mais également le second personnage principal !
A bientôt, donc !
Oui, c'est vrai que les descriptions des personnages peuvent manquer, au vu de leur nombre significatif. Tu n'es pas le premier à nous le faire remarquer, et on en tiendra compte dans notre relecture. Si jamais, pour t'aider, nous avons mis un récapitulatif des personnages à la fin de l'histoire pour que vous puissiez vous y retrouver !
Merci en tout cas pour tous ces compliments et remarques. A bientôt :)
Rohlala j'ai lu ce chapitre y a plusieurs jours mais je ne commente que maintenant !
Déjà je pointe que je suis toujours admirative des gens qui parviennent à écrire à 4 mains. Je n'ai pas encore lu le suivant, mais rien que la prouesse mérite des bravos et des encouragements, pour moi :D
J'ai trouvé pleins de bonnes choses à ce démarrage ! Mêler fantasy et modernité c'est très original et ça me plaît beaucoup ! Ouvrir sur un groupe déjà formé, qui a eu son lot d'aventures et se connait bien et aussi très chouette (et change très agréablement des constructions de groupes, que j'aime aussi, mais qui est une technique plus commune). Ton héroïne est déjà en couple, aussi, ça change et c'est cool. Et toutes ces mentions de territoires et de peuples dépaysent franchement.
Pleins de belles idées qui m'emballent, donc ! Entrer dans une histoire in medias res, c'est dynamique et bien fait, ça n'est que bénéfique. Et franchement, tu t'es bien débrouillée (je dis "tu" parce qu'il me semble que ce chapitre là c'est le tien ? Un perso chacun avec ta/ton co-auteurice ?)
J'ai quand même quelques petites choses à dire, sinon ce ne serait pas drôle ahaha Sache que dans l'ensemble ça m'a beaucoup plu, mais j'ai trouvé 2-3 choses qui - subjectivement - aurait parfait mon expérience de lecture.
- Un détail, d'abord, sur le fait d'avoir un demi-nain et des télés. Tu nous présentes d'abord le bateau, le demi-nain, puis y a une pause et PAF, télé et téléphones surgissent. Ca m'a un peu sorti de ma lecture en me faisant me demander si j'avais bien compris et pourquoi ça me dérangeait alors que l'idée était cool. En fait, comme ce n'est pas un mélange courant, cet ordre nous donne l'impression d'avoir été mené en bateau (aha). A mon avis, pour une lecture fluide, il faudrait d'abord mentionner un élément moderne (téléphone portable trempé, pensée pour l'appli météo qui n'avait pas prévu une telle tempête...) avant de dire qu'il y a un demi-nain.
Comme ça on place d'abord une époque, avant de la remplir de la galerie de personnages de ton choix.
- J'ai lu les commentaires et vu des gens qui ont été perdus avec ton groupe de personnages. Je l'ai été sans l'être, personnellement (et encore une fois, j'ai cherché à comprendre pourquoi). Tu n'as que 6 personnages, dont un frère et une soeur. Ce n'est pas dur à suivre. Mais j'ai eu l'impression que tu as voulu bourrer pleins d'infos d'un coup, et c'est peut-être le soucis (très personnellement, j'ai trouvé un peu trop insistant tout le côté "on va te trouver un mec/oublie ce type vu sur "Internet"/ah tiens en fait il débarque"). Ca reste ton chapitre 1. Peut-être y aurait-il moyen d'avoir une scène plus simple tout en restant bonne enfant, qui montrerait avant tout à quel point ils s'entendent et se connaissent ? Glisser ainsi qui est le capitaine, que Bidule est un fêtard mais que machine a tendance à le retenir (je balance au pif bien sûr). Un instant au bar plus posé/simple, finalement, qui nous apporte l'essentiel : c'est déjà un groupe, avec son passif, son histoire et ses liens.
- Dernier point et après je ne t'embête plus, promis xD C'est dur à saisir pour le lecteur pourquoi il y aurait des demis-nains, mais les sirène "voyons ce n'est qu'une légende" et les maledictions "c'est improbable". Tu insistes peut-être un poil trop là-dessus, aussi, mais c'est mon côté "show don't tell" qui parle.
Est-ce que Sibéal ne pourrait pas juste lever les yeux au ciel type "moi je ne crois pas aux malédictions mais c'est potentiellement un vrai truc" ? En faire moins, finalement, en dire moins là-dessus.
Bref, voilà ! Un début qui m'a semblé très prometteur ♥ Je te souhaite une belle continuation !!
Déjà, je te remercie pour cette longue et dense review, avoir pris le temps de décortiquer ce premier chapitre est très gentil de ta part.
C'est assez étonnant que les lecteurs soient surpris par les fait qu'on écrit à quatre mains, comme ça fait des années pour nous alors c'est assez naturel !
Merci pour les points positifs, on a fini par croire qu'on y était peut être allées un peu trop fort dans le "on vous jette dans l'histoire". Pour ce qui est des points d'améliorations, en effet j'ai sûrement voulu trop en dire d'un coup... c'est sûrement parce sachant qu'il y a beaucoup de personnages (dont ceux du chapitre 2) je voulais être sûre qu'on puisse les distinguer mais il faudrait probablement faire ça plus graduellement. Pour le set up moderne / fantaisy je vais essayer de l'améliorer car le conseil peut rapidement être mis en oeuvre ! (merci!)
Pour le reste je veux relire un peu et corriger au mieux.
En tout cas merci beaucoup de ton implication, c'est vraiment très appréciable ! J'espère te relire bientôt !
A plus !
C’est intéressant, ce mélange monde connu/monde inconnu, avec la mention de peuples et technologie réels mais dans un environnement fictif… Est-ce que l’histoire se passe dans une espèce de version alternative de notre monde, ou plutôt dans son futur?
Beaucoup d’informations et beaucoup de noms dès le premier chapitre, il faut être bien concentré, mais au moins comme ça on est plongé direct dans le vif du sujet ! :)
A bientôt !
Merci de laisser ce commentaire, c'est très gentil ! On a pour habitude de lancer directement l'intrigue et de jeter le lecteur un peu dans le bain parce que le côté exposition nous convient moins mais c'est sûr qu'avec autant de personnages c'est beaucoup après promis il n'y en a plus (trop) =)
On est plutôt sur un univers alternatif achipélagique fondé surtout sur la mer mais moderne dans les technologies :) On espère que ça brouille pas trop la perception !
Au plaisir de te lire !
J'aime bien l'ambiance de ce début d'histoire - ça sent l'aventure, l'audace, l'intrépidité. Ces personnages ont l'air d'avoir de belles relations de camaradie, d'amitié ; ça a l'air d'être l'histoire du groupe et pas seulement d'un-e individu-e, je trouve ça intéressant. Par contre, ça va un peu vite pour moi. Je me sentais un peu perdue dans la multiplicité des noms. A la fin du chapitre, je commençais à situer qui est qui, mais je garde une impression de flou sur le début du chapitre, à cause des situations qui s'enchainent très vite. Il y a aussi beaucoup de fils différents qui m'interpellent, qui semblent être des éléments importants, des enjeux de l'histoire : il semble y avoir une tempête, il y a une histoire de fable/ mythe (dont parlent Sibéal et Gauvain), il y a le déménagement en cours de la capitainerie, il y a le crush d'Apollo pour ce cruel Chad... que de pistes ! Je me demande quel fil va être développé dans la suite.
Je me demande aussi si on en saura plus à propos de ce peuple Celte que je suis très heureuxe de croiser ici :-). J'aime bien ce mélange fantasy-réalité contemporaine.
Merci de ton commentaire ! En effet on aime bien jeter le lecteur dans le bain et créer pleins de personnages (on aime les histoire de groupe), c'est vrai que c'est peut être un peu trop raide pour quelqu'un de neuf. En tout cas quelques uns des fils que tu as identifié vont être travaillés. On espère que ça te plaira. Merci de ton avis en tout cas !
Mais je suis loin d'être sure de moi, à chaque fois que je pensais avoir saisi le monde, un nouvel élément m'a fait tomber à la renverse (les concerts etc, alors que je les croyais dans un genre de passé... Les romans connus alors que je les croyais dans un autre univers... alala)
Puis j'ai mis de côté toutes ces questions : on verra bien ! Dans l'immédiat ce qui est intéressant c'est l'histoire d'amour improbable avec le BG de la radio, et tout le monde qui s'en mêle, hahaha ! Pauvre Apollo !
Hate d'avoir la suite pour en comprendre un peu plus ! Et bravo pour l'écriture à 4 mains, c'est pas forcément évident !
Ca fait des années qu'on écrit ensemble donc on est plutôt habituées maintenant :)