Chapitre 1

SIGNES

 

Amy s’empresse d’empoigner son sac à main. En retard, encore et toujours en retard. La ponctualité, c’est quoi cette chose ? On dit que c’est la politesse des rois. Et bien, tant pis, elle ne sera jamais noble. Ce n’est pas faute de montres car une dizaine traînent ça et là dans son studio, avec ou sans pile et de toutes les couleurs pour être assorties à sa tenue.

Aujourd’hui, son énervement est à son comble : elle a un rencart ! Avec Homme469 ! Elle ne sait pas trop à quoi il ressemble car, sur son profil, il a placé une photo de dos, face à un coucher  de soleil. On ne distingue que les contours sombres de son buste et de sa tête. Bref, elle sait juste que ce n’est pas un extra terrestre. Quant à notre Amy, elle a choisi comme pseudo  « Bellesansbête2 ». Une autre y avait déjà pensé avant elle. Pour la photo, elle avait fait simple : un clic et sa webcam. Elle avait tout de même dû jeter une couverture sur le sofa derrière elle afin de lui donner un peu de peps et surtout de cacher les trous des accoudoirs. Homme469 lui avait envoyé une demande il y a trois jours de cela. Elle y avait répondu sobrement et, de tchat en tchat, une petite complicité semble s’être créée avec ce parfait inconnu. Prochaine étape : ce rencart, ce soir, au café « Jules Verne » à 18 heures.

Il ne faut pas rater le métro ! Amy court dans les rues animées de la grande métropole. Elle s’engouffre dans le tunnel lumineux, bousculant au passage une petite mémé qui proteste. Amy lance un « Excusez-moi. » qui se perd dans le brouhaha général. Enfin, les portes du ver de terre métallique s’ouvrent et Amy doit jouer des coudes pour s’y faire une petite place. Juste  le temps d’agripper le rebord d’un fauteuil pour ne pas partir à la renverse et le métro s’ébranle. Ouf ! Amy peut reprendre son souffle. Une grande inspiration lui fait découvrir un subtil parfum masculin émanant de l’un de ses congénères. Sûrement celui derrière elle qu’elle ne peut pas voir car elle est pressée comme dans une boîte de sardines. Tout le trajet, elle s’imprègne de cette odeur agréable et rare dans les moyens de transport. Elle a plus l’habitude de celle des aisselles moisies, des haleines fétides et des pieds pleurant de chaud dans des chaussures à bas prix. Le métro marque un arrêt, le sien. Elle joue à nouveau des coudes pour sortir, tente de jeter enfin un regard alentour pour repérer le porteur de ce parfum enivrant mais c’est mission impossible. Elle s’extirpe du véhicule et continue sa course jusqu’à atteindre la rue en surface.

L’arrêt de bus est de l’autre côté de l’avenue. Pendant l’attente devant le passage pour piétons, Amy en profite pour fouiller son sac à la recherche de son abonnement. Il est tout au fond, comme toujours. En le sortant de son bric-à-brac, son portefeuille décide de se faire la malle et tombe, ouvert, à ses pieds, révélant toutes ses photos de famille. Une personne, plus rapide qu’elle se baisse, ramasse le fuyard et lui tend. Amy reprend son bien et, au moment où un « Merci » sort de sa bouche, elle tombe dans le regard bleu azur du chevalier servant. Elle ne distingue pas les traits de son visage. Seuls ses yeux ressortent. Des yeux qui vous font voyager sous d’autres latitudes ou plonger dans un lagon sauvage.  L’homme se retourne et part se perdre à nouveau dans la foule. Le feu est maintenant vert. Faut arrêter de rêvasser. Le bus est arrivé.

Juste le temps de brandir son abonnement et la porte se referme brutalement derrière elle. Elle part squatter la dernière place assise. Plus que quinze minutes et elle atteindra le centre ville. Devant elle se trouve un homme à la chevelure noire d'ébène. Ses cheveux reflètent la lumière du soleil qui filtre à travers les vitres sales du bus. Mais elle ne pourra contempler longtemps la coiffure parfaite de l’inconnu qui descend prestement à l’arrêt suivant.

Enfin, sa destination se profile à l’horizon : le centre et ses galeries marchandes. Bon, il ne faut pas se laisser distraire : son rendez-vous ! Quelle heure est-il ? Le clocher de la cathédrale est caché par les immeubles alentour. Amy arrête le premier passant. Celui-ci relève la manche gauche de son costume et pince sa montre pour énoncer : « Il est … ». Amy ne fait pas attention à la réponse donnée mais à la plastique des mains de cet homme. Elles sont longues et fines, des mains de pianiste virtuose. Elle les imagine déjà courant sur les touches bicolores, dansant en harmonie avec les accords musicaux de Beethoven ou Bach. Des ongles parfaitement manucurés à exposer en vitrine. Bref, des mains tops modèles ! Le propriétaire de ses appendices si parfaits semble pressé et abandonne notre Amy avec ses pensées, au milieu de la rue piétonne.

Elle continue sa course folle et atteint enfin le lieu de la rencontre. Amy s’assied à une table en plein milieu de la terrasse. Elle sort un petit foulard rouge de son sac à main. C’est le signe distinctif qu’ils (et oui, elle ose s’associer à ce parfait inconnu) ont choisi pour se reconnaître dans la foule des anonymes. L’horloge au-dessus du bar lui indique qu’elle est un peu à l’avance, fait au combien rarissime ! Le temps s’égrène lentement. La jeune femme sirote une grenadine, cherchant du regard son rencart. Elle boit une énième micro-gorgée quand quelqu’un tire la chaise qui lui fait face et s’assied.

C’est Homme469 ! L’écharpe rouge à son cou le lui crie. Son parfum envoûtant vient lui titiller les sens. Lorsqu’il tend la main afin de quémander la sienne, elle peut toucher ses doigts de pianiste. Finalement, Bellesansbête2 part se noyer dans des yeux bleus azur mis en valeur par une crinière couleur corbeau. 

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Fannie
Posté le 12/01/2020
Ça valait bien la peine de courir comme ça pour arriver à son rendez-vous alors qu’il était là tout le long !  :-) Cette nouvelle est à la fois amusante et charmante. L’idée est bien trouvée et bien racontée.
Coquilles et remarques :
— Et bien, tant pis, elle ne sera jamais noble. [Eh bien]
— car une dizaine traînent ça et là dans son studio [çà et là ; dans cette locution, c’est « çà » et pas « ça ».]
— Aujourd’hui, son énervement est à son comble : elle a un rencart ! [rencard : « rencart » est un synonyme de « rebut » ; à corriger 3 fois]
— Bref, elle sait juste que ce n’est pas un extra terrestre [extra-terrestre ou extraterrestre]
— tente de jeter enfin un regard alentour pour repérer le porteur de ce parfum enivrant mais c’est mission impossible [virgule avant « mais »]
— Une personne, plus rapide qu’elle se baisse, ramasse le fuyard et lui tend [pas de virgule après « personne » / le lui tend]
— et elle atteindra le centre ville [centre-ville]
— Bref, des mains tops modèles ! Le propriétaire de ses appendices si parfaits [top-modèles / ces]
— (et oui, elle ose s’associer à ce parfait inconnu) [eh oui]
— lui indique qu’elle est un peu à l’avance [je dirais plutôt « en avance »]
— fait au combien rarissime ! [ô combien]
— Bellesansbête2 part se noyer dans des yeux bleus azur [bleu azur ; les adjectifs composés de couleur sont invariables]
couscous1976
Posté le 18/01/2020
Un grand merci Fanny pour ton commentaire et tes précieuses corrections.
Sati
Posté le 13/04/2013
Amusante, cette petite nouvelle !
On sent Amy très dissipée tout au long de l'histoire, à sentir et observer tout ce qui se passe autour d'elle, à retenir certains petits détails très précis dans les bousculades des transports en commun... et au final, cette somme de petits détails donnent l'homme de son rencart. J'ai trouvé l'idée très bien trouvée !
Bravo !
couscous1976
Posté le 13/04/2013
Merci de ton commentaire Secretspleen.
dominosama
Posté le 10/04/2013
Mignone petite histoire,haaa les coups de foudre du net, j'ai connu ça tien ^^
couscous1976
Posté le 10/04/2013
Merci d'avoir lu mes deux petites nouvelles et contente qu'elles te plaisent. Et tes expériences se sont bien terminées ?
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