Chapitre 1

Le naufragé et le cocotier

            Esteban est le seul survivant du naufrage. Grâce à ses talents de nageur, il a atteint cette île. Après avoir repris son souffle et ses esprits, il observe les alentours. Le spectacle qui s’offre à lui est digne d’une carte postale : une plage de sable fin, léchée par une mer bleu azur, bordée par une forêt luxuriante sous un soleil de plomb. Un paradis pour touristes, un enfer promis aux naufragés. Le jeune homme fouille ses poches et retrouve son smartphone. Il fonctionne mais, sans réseau, impossible de lancer un SOS par SMS. Par dépit, il prend une photo souvenir. Une machette lui aurait été plus utile pour s’enfoncer dans la jungle à la recherche de nourriture. Il tombe rapidement sur un cocotier aux fruits bien charnus. Mais ces derniers pendent à plus de quinze mètres du sol et notre Esteban est meilleur nageur que grimpeur. Il se met à enlacer le tronc rugueux et, par des mouvements de va-et-vient du bassin, tente de le secouer. Mais ses efforts ne portent pas les fruits espérés. Il maugrée contre l’arbre en continuant son chemin. Le soir tombe et le jeune homme choisit de rejoindre la plage, qui semble le lieu le moins hostile, sous la lueur pâle de la lune. Il pose quelques feuilles géantes au sol afin de s’en faire une couche de fortune et s’endort, le ventre vide.

            Au réveil, il sent son estomac se nouer et réclamer quelque pitance. Il repart donc dans sa quête pour survivre. Il trouve un point d’eau fraîche et en profite pour étancher  sa soif et faire un brin de toilette. Il passe des heures à sillonner l’île sans trouver le moindre aliment. Il repasse devant le cocotier, fouille le sol du regard à la recherche d’une noix qui se serait détachée. Il entend des bruissements. Il lève la tête et aperçoit un singe dans le feuillage. Il tourne un fruit et le décroche sans aucun effort. Esteban l’interpelle :

« Hé ! Donne-m’en une, mon frère ! »

            Le primate observe quelques instants cet animal au pelage étrange avant de s’éloigner avec son butin sous le bras. Le naufragé rage, peste, injurie le singe qui est déjà bien loin en train de déguster l’eau désaltérante de la coco bien mûre.

            Les jours passent et notre homme, à la silhouette de plus en plus chétive, se rend chaque jour au pied du cocotier avec toujours le même espoir déçu. Il est à bout de forces et s’en prend vertement à l’arbre :

« Tu vois que je meurs de faim et tu gardes jalousement tes fruits pour les singes. N’as-tu pas pitié ? « 

            Face au stoïcisme du végétal, il entame une série d’injures. A ce moment, une noix bien mûre se détache de sa branche et entame sa descente silencieuse. Elle prend de la vitesse et part briser le crâne du naufragé qui s’écroule.

« Et même pas un merci ! pense le cocotier. »

 

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Fannie
Posté le 05/02/2018
Bonjour Couscous1976,
C’est drôle, mais à la fin, c’est de l’humour noir. Mourir comme ça, c’est vraiment trop bête !
Pour les mouvements de va-et-vient, je pense comme les autres plumes.
Coquilles et remarques :
Un paradis pour touriste, un enfer promis pour naufragé [Je dirais « Un paradis pour touristes, un enfer promis aux naufragés »]
par des mouvements de vas-et-viens du bassin [de va-et-vient]
Donne m’en une, mon frère ! [Donne-m’en]
Le naufragé rage, peste, injurie le singe déjà bien loin en train de déguster le lait désaltérant de la coco bien mûre. [Je propose : « Le naufragé rage, peste, injurie le singe, qui est déjà bien loin en train de déguster le lait désaltérant de la noix de coco bien mûre. »]
Je trouve bizarre de voir « Estéban » avec un accent aigu : c’est un prénom espagnol et normalement, on l’écrit sans accent, me semble-t-il.
couscous1976
Posté le 19/08/2019
Merci pour les corrections et toutes ces lectures.
arielleffe
Posté le 10/07/2013
Très drôle!!!
J'aime bien les mouvements de vas et viens du bassin d'Estéban, c'est torride.
 Le pauvre c'est quand même triste. 
couscous1976
Posté le 10/07/2013
Eh oui, faute de trouver l'âme soeur sur l'île déserte ... il s'en est pris plein le coco !
Merci de ton passage fidèle arielleffe. 
arielleffe
Posté le 10/07/2013
Très drôle!!!
J'aime bien les mouvements de vas et viens du bassin d'Estéban, c'est torride.
 Le pauvre c'est quand même triste. 
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