Belle et cruelle
Robert était un homme que d’aucuns qualifieraient d’âge mûr. Les cheveux grisonnants, la peau burinée par le soleil du Sud, il gardait fière allure. Il avait vécu pendant près de vingt ans avec Madeleine. Il l’avait choisie pour sa bonté et sa générosité. Elle organisait souvent des actions afin de récolter des fonds pour les plus démunis. Elle était marraine d’un enfant somalien afin de lui assurer un avenir meilleur. C’était une cuisinière hors pair et elle aimait combler son mari d’attentions. Cela compensait son physique plutôt ingrat. En effet, ses yeux noisette ne regardaient pas en même temps dans la même direction et son petit nez crochu ornait un visage rond surmonté d’une chevelure clairsemée plaquée sur un crâne irrégulier. Elle était appréciée de tous. Mais son excès de générosité usa son cœur qui s’arrêta un jour d’avoir trop donné.
Robert resta quelques années inconsolable jusqu’à ce qu’il croise Christine. Au premier regard, il fut conquis par sa fine silhouette qui paraissait découpée dans du papier de soie. Ses yeux bleus l’avaient envouté. Il ne rêvait alors plus que de pouvoir plonger ses mains charnues dans sa chevelure dorée et de poser ses lèvres ridées sur sa bouche pulpeuse. Il lui fit une cour acharnée pendant plusieurs mois, ne lésinant pas sur la valeur des cadeaux afin d’obtenir sa main et bien plus évidemment. Malgré la différence d’âge évidente, elle finit par accepter. Les noces furent somptueuses et les invités ne tarirent pas d’éloges sur la beauté de la jeune mariée. Celle-ci provoquait l’envie chez les représentants du sexe fort et la jalousie chez les autres.
La nouvelle vie conjugale de Robert se résuma rapidement à tenter de combler les désirs de sa mie. En échange, il ne recevait que peu d’attentions. Jamais elle ne lui cuisinait de bons petits plats, ni ne le remerciait.
Lors d’un voyage, ils se rendirent dans le désert du Sahara. En contemplant le soleil couchant rougeoyant sur les dunes mouvantes, Robert s’exclama :
« Ce désert est tel ton cœur. Il est aride. »
La femme afficha un fin sourire mais n’eut aucun regard pour son époux.
Les jeunes mariés retournèrent dans leur ville de Cassis. A l’occasion d’une promenade le long des Calanques, ils s’arrêtèrent face à la Méditerranée. Robert ne put s’empêcher de dire :
« Cette mer est comme tes yeux, d’un bleu dans lequel on se noie. »
Un craquement résonna. Robert eut juste le temps de reculer de quelques pas avant qu’un pan de falaise n’aille s’émietter dans les flots écumeux en contrebas. Il vit Christine disparaître au milieu de ce chaos rocheux et conclut :
« Finalement, c’est cette falaise qui te ressemble le plus : belle et cruelle. »
Ce texte ne date pas d’hier et tu n’es peut-être plus dans les parages… Tant pis. J’y vais de mon commentaire.
Quand tu parles du premier mariage de Robert, tu dis qu’il a choisi sa femme pour sa bonté et sa générosité, mais tu ne donnes aucune indication sur leur relation. Seul le fait qu’il ait été longtemps inconsolable indique qu’il l’aimait vraiment. C’est dommage.
La chute est inattendue : j’imaginais que cette femme belle et cruelle allait le pousser. Mais non. La falaise est elle aussi belle et cruelle. C’est une excellente idée.
Coquilles et remarques :
Robert est un homme que d’aucun qualifierait d’âge mûr [comme la nouvelle est au passé, je propose « était » / que d’aucuns qualifieraient / l’expression « qualifier d’âge mûr » me paraît maladroite]
la peau burinée par le soleil du sud [du Sud]
un visage rond surmonté par une chevelure clairsemée [Je propose « surmonté d’une chevelure »]
Ses yeux bleus l’ont envouté [l’envoutèrent ou l’avaient envouté]
d’un bleu dans lesquel on se noie [lequel]
Franchement je pensais que c'est elle qui allait le pousser. Qui est le plus cruel, lui qui veut épouser une jeunette, ou elle qui ne fait pas semblant de l'aimer ?
La falaise aurait dû les supprimer tous les deux.
Merci.
J'ai bien aimé ton histoire, bien plaisante à lire ^^ C'est très délicatement écrit je trouve, et il y a ce qu'il faut pour contenter le lecteur, c'est très bien dosé ! Et la conclusion est innatendue, pour moi en tout cas ^^
J'aurais juste une remarque, un soucis avec les temps. Le tout est au passé mais il y a deux verbes qui sont dans les codes du présent et qui font donc tâche :
"Robert est un homme..." était
"Ses yeux bleus l'ont envouté" l'avait envouté
Voili voilou ^^ Pluchouille zoubouille !