Ma pire journée
Comme je me sens bien aujourd’hui. Tout baigne pour moi : pas de tracas, pas de peur du lendemain. Je suis logé, nourri, blanchi. Parfois, on me bouscule un peu. On me dit que, dans la vie, il faut pouvoir se retourner. J’ai bien envie de prolonger ma sieste. Personne ne viendra me déranger ici.
Mais que se passe-t-il ? J’ai tout à coup l’impression d’être à l’étroit, c’est comme si les parois qui m’entourent venaient m’oppresser. Quelle désagréable sensation ! Je suis encore dans mon rêve ou quoi ? Et là-bas … il y a de la lumière. Je suis irrémédiablement attiré par celle-ci. Le passage est étriqué. Je m’y engage, un peu malgré moi. Zut ! Me voilà coincé. J’ai peur ! Qu’est-ce qui m’arrive ? Il faut que je me dégage. Je me tortille et on m’attrape par la tête. D’un coup, je me retrouve aveuglé et occupé d’étouffer. Je vais mourir ! Quelqu’un a entendu mon appel au secours et me tape dans le dos et sur les fesses. Doucement Monsieur ! Je tousse et crache avant que l’air n’entre dans mes poumons. Drôle de sensation …
Mais qu’il fait froid ici. J’ai horreur de ça et je ne peux m’empêcher de crier et pleurer. Je suis très émotif, vous savez. Ouf, un bon bain tiède, mais un peu trop court à mon goût. On m’enfile dans quelque chose de doux et surtout chaud. Je tremblote encore,
Tout me paraît flou. Oh ! Un visage qui me sourit. Je reconnais cette odeur, elle me rassure. Je suis enlacé et bisouillé à souhait. J’entends : « Bonjour Kevin ! » C’est qui ce Kevin ? J’ai l’impression que c’est le prénom dont on m’a affublé. Quelle horreur ! Et on ne me demande même pas mon avis.
J’ai une de ces faims ! J’en hurle. Mes lèvres sont titillées. Elles s’ouvrent toutes seules pour aller chercher de quoi me caler l’estomac. Pas mauvais. Bon, il y a beaucoup mieux évidemment, mais je m’en contenterais … pour quelques mois du moins. Après, va falloir varier les plaisirs, Madame ! Madame ? Non … Maman ! C’est ainsi qu’elle se présente à moi. Je sens qu’on va faire un bout de chemin ensemble. Mais on me retire de son étreinte chaleureuse. Non ! Me voilà dans une cage. Il y fait bon et on m’emmitoufle jusqu’aux oreilles. Je cesse de trembler.
Ouf ! Je vais enfin me reposer. Quelle journée ! Je pense que c’est bien la pire de mon existence. En même temps …. c’est la toute première !
Quelle belle idée de se mettre dans la peau d’un nourrisson ! C’est bien probable que si les bébés pouvaient s’exprimer, ils diraient que la naissance a été le pire moment de leur vie.<br />Ce récit est bien sympathique.
Coquilles et remarques :
Je suis logé, nourri, blanchi. [C’est l’expression consacrée, mais « blanchi » veut dire qu’il a des vêtements et du linge de lit...]D’un coup, je me retrouve aveuglé et occupé d’étouffer [occupé à étouffer, en train d’étouffer ?]Doucement Monsieur ! [« Doucement, Monsieur ! »]Mais qu’il fait froid ici. [Il faudrait mettre un point d’exclamation.]il y a beaucoup mieux évidemment, mais je m’en contenterais [je m’en contenterai ; futur simple)]Il ne doit pas y avoir d’espace avant les points de suspension ; seulement après.