Dans ma boîte aux lettres, je trouve une enveloppe blanche, le papier est gaufré, l’écriture élégante et fine. A l’intérieur se trouve probablement un bristol. J’ouvre avec précaution cette jolie lettre à l’aide d’un coupe-papier.
Le 15 Mars 1814 se tiendra notre réception séculaire. C’est avec une immense joie que nous vous accueillerons à cette occasion.
Cette cérémonie se tiendra au sein du Château de Mortemer, cadre tout à fait approprié à cette célébration.
Nous comptons sur votre présence à partir de 20 heures. Tenue de soirée exigée.
Merci de nous confirmer votre participation par le biais d’un billet retour avant le 30 Janvier 1814.
Dans l’attente de vous voir,
Bien cordialement,
Comte Philibert de Mortemer
Je ne connais personne de ce nom. Une cérémonie séculaire, ça doit être quelque chose ! Ils se sont trompés sur l’année visiblement. Aller à une soirée dans un château ? Pourquoi pas. Je vérifie le nom sur le carton d’invitation, c’est bien de moi qu’il s’agit, il n’y a pas d’erreur. Une petite voix dans ma tête me dit :
- N’y va pas pauvre gourde, c’est une erreur, pourquoi veux-tu qu’un comte t’invite ?
Et pourquoi pas après tout ?
Le 15 Mars je suis prête. J’ai choisi une longue robe noire avec un joli décolleté, le noir c’est distingué et discret. Je ne veux pas me faire trop remarquer. J’ai ressorti de l’armoire la cape en vison de ma mère, une paire de stilettos et me voilà prête ! Un sautoir en perles complètera ma tenue.
Je programme l’adresse sur le GPS et me voilà partie ! Après 50 kilomètres de route nationale, la voix énervante de ma machine me dit de prendre un chemin sur la gauche. Je m’enfonce dans les bois. J’espère que je ne vais pas avoir un accident, il fait nuit. Après une dizaine de kilomètres il faut tourner dans un chemin forestier, ma voiture va être couverte de boue ! Je n’aurais peut-être pas dû y aller.
- Tu as l’air malin dans la bouillasse avec ta robe du soir, tu es ridicule ma pauvre fille, tu vas arriver couverte de terre à ta soirée !
Tout au bout un château médiéval apparaît au milieu des arbres. Il est lugubre avec des tours, brrrr, pas bon tout ça !
- Si tu veux mon avis, ça sent la grosse galère, tu t’es faite avoir, c’est une plaisanterie, on dirait un décor de film d’horreur.
Un type chauve et bossu habillé en redingote me fait signe d’aller me garer sur un parking caché derrière des fourrés. Le parking est absolument vide.
- C’est la famille Adams ma parole ! Tu vois il n’y a personne, ils vont te piquer ta voiture et te zigouiller, personne n’entendra plus parler de toi.
Le bonhomme bizarre ferme une grille qui me sépare de ma voiture, il m’emmène près d’un ruisseau, il n’y a pas de pont levis, il va falloir monter dans une barque. Je ne sais pas si je dois le suivre. Mes talons n’ont pas aimé le chemin couvert de gravillons, ma robe longue et mes collants n’aiment pas l’embarcation.
Le valet ne dit pas un mot et ne répond pas à mes questions, il ne me regarde même pas. Si je veux partir, je vais forcément me faire remarquer, il faudra que j’arrive à convaincre ce demeuré de me ramener de l’autre côté du ruisseau, ça ne va pas être simple ! Je n’aurais pas dû y aller !
- Tu es faite comme un rat !
Une énorme porte en bois munie de rivés en cuivre, s’ouvre en grinçant. Le domestique étrange referme derrière moi avec une clé gigantesque. Je suis prise au piège !
Au bout d’un couloir sans fin mon hôte se présente enfin. Sa voix est caverneuse, il est habillé avec un costume noir, ses cheveux couleur corbeau arrivent jusque sur ses épaules.
- Bonsoir, je vous attendais.
- C’est le Comte Dracula, MDR.
La salle est décorée de bougies allumées, visiblement il n’y a pas l’électricité. Au fond de la pièce il y a un feu de cheminée, c’est le seul aspect chaleureux, même le rouge des tentures est inquiétant.
Une table est dressée près du feu. Il n’y a que deux couverts…
- Je pensais qu’il y aurait d’autres invités.
- Ma chère votre compagnie vaut bien la présence d’une centaine d’invités !
- Ben voyons ! Tu ne vois pas que c’est bizarre ?
Je n’aurais pas dû y aller ! Je me sens comme une souris entre les pattes d’un chat.
Les plats se succèdent : boudin noir en entrée, canard au sang et oranges sanguines, les verres se remplissent régulièrement d’un vin couleur rubis.
C’est un vampire ! Je n’aurais pas dû y aller !
- Je t’avais prévenue !
- Vous avez l’air tendue, quelque chose ne va pas ?
- J’ai la tête qui tourne, je ne me sens pas très bien.
- C’est le vin, il vient d’Espagne il est peut-être trop alcoolisé pour vous, vous paraissez si délicate. Votre teint est bien pâle, voulez-vous vous allonger ?
- Comme par hasard !
Je suis trop bête décidément, je me suis faite avoir comme la dernière des imbéciles ! Soudain ma vue se brouille et je m’évanouis non sans avoir vu la tête du comte se pencher dangereusement vers moi, sa bouche est ouverte et ses canines immenses se rapprochent de mon visage.
Quand je me réveille, il fait grand jour. Je regarde autour de moi, je suis dans mon lit, dans ma chambre, dans ma maison. Ouf ! Tout va bien, ce n’était qu’un mauvais rêve. La petite voix qui me fait tourner en bourrique a disparu, quel soulagement !
Je vais dans la salle de bain et je me regarde dans le miroir. Deux petits points rouges sont visibles sur mon cou.
- Je n’aurais pas dû y aller !!!
FB arielleffe