Chapitre 1

Les randonneurs 2

C’est une belle journée d’Automne,  idéale pour une balade dans la Restonica. Les chaussures de randonnée sont prêtes. Les sandwiches et les bouteilles d’eau sont dans les sacs, les polaires et les vêtements de pluie aussi il ne faut pas se laisser surprendre par le temps.

« Florent as-tu pris la carte ? » demande Béryl.

« Oui oui, j’ai eu du mal à la trouver mais elle est dans ma poche.

Les quatre amis : Florent, Violette, Joseph et Béryl se connaissent depuis l’enfance. Ils portent tous la même tenue typique des randonneurs, le pantalon multi poches, le tee-shirt en tissu léger et la casquette.

« On prend ma voiture », dit Joseph

« On part d’où déjà ? »

« De Corte, on laissera la voiture sur un parking »

Il faut parfois rouler longtemps avant d’atteindre le point de départ. Les chemins de Grande Randonnée ne sont pas toujours accessibles.

Les premiers kilomètres se font sur le bitume.

« C’est moyen de marcher sur la route, il est encore loin le sentier ? » demande Violette.

« Non, ne t’inquiète pas, et après on sera en pleine nature, tu vas voir c’est magique ! », Florent a sa carte dans les mains et il veille à ce que les amis suivent les marques blanches et rouges qui sont peintes sur les panneaux ou les arbres qui bordent la route. Une voiture noire se gare sur le bas côté, personne ne semble au volant, le conducteur doit être particulièrement petit. Les quatre amis se regardent amusés,

« C’est peut-être un korrigan », Violette est une spécialiste de la culture bretonne.

« ça va on est en Corse, ils ne descendraient pas jusque là », répond Florent en riant.

Un trait rouge surmonté d’une flèche blanche indique qu’il faut prendre un sentier sur la gauche.Nos amis longent un torrent qui serpente entre les rochers. Le paysage est magnifique, les arbres ont pris leurs couleurs de l’Automne, l’air est pur et le soleil encore chaud.

Violette est inquiète, elle sent une présence autour d’eux, quand elle en parle aux autres, ils se moquent d’elle,

« ma pauvre Violette, tu as peur ? Mais nous sommes là pour te protéger des lutins, regarde comme on est costaud ! », Joseph montre ses muscles, il est très « physique » et il mettrait certainement en déroute pas mal de malfaisants.

« Ne riez pas, nous sommes près d’un torrent, c’est le genre de lieu qu’ils adorent. Si on voit un cercle avec de l’herbe grillée tu feras moins le malin »

Les pierres roulent sous les pieds et les racines des arbres sont parfois saillantes sur le chemin. La jeune femme a clairement l’impression que quelqu’un marche derrière eux, elle se retourne à plusieurs reprises mais ne voit que les arbres et les buissons.

Tout à coup le sentier s’arrête, Florent est perplexe :

« Je ne comprends pas, le chemin a disparu, il va falloir traverser le torrent, c’est embêtant».

« Comme tu dis c’est embêtant », s’exclame Béryl. « En tous cas moi je ne traverse pas »

« On ne va quand même pas rebrousser chemin, il faut trouver une solution », dit Joseph

« Il y a sûrement un sentier qu’on n’a pas vu tout à l’heure, comment veux-tu qu’on fasse ? »

« Il n’y a qu’à marcher sur les rochers », propose Florent. « C’est facile, il y a des endroits où ils sont assez rapprochés, il faut voir ça comme un jeu »

« Drôle de jeu », pense Béryl. « Avec tes grandes jambes tu n’as pas de problème, mais Violette et moi on va tomber ! »

« Mais non, je te dis qu’il faut trouver des rochers assez près les uns des autres ».

« Alors on va glisser et se retrouver le derrière dans l’eau ! »

Rien que d’imaginer l’eau glacée pénétrer dans ses vêtements, Béryl frissonne.

« Moi je propose de traverser dans l’eau directement, on enlève nos chaussures et on marche doucement jusqu’à l’autre rive », Violette joint le geste à la parole et commence à défaire ses lacets.

Béryl est effarée « mais l’eau est gelée Violette ! On va attraper la mort ! En plus avec le courant tu vas être déséquilibrée»

« Il y a une autre solution », dit Joseph

Béryl reprend espoir,

« Laquelle ? »

« On cherche l’endroit le plus étroit et on saute »

La jeune femme le regarde comme s’il était devenu fou.

« Tu dis vraiment n’importe quoi, si je ne peux pas sauter de rocher en rocher, je ne vois pas comment je vais pouvoir enjamber le torrent entier. »

« Qu’est-ce que tu proposes alors ? Tu fais toujours des histoires, il n’y a jamais rien de possible ! », réplique Florent agacé.

« On fait une pause, on mange un morceau et on va trouver une solution », Béryl commence à sortir les provisions des sacs, elle est au bord des larmes, elle s’est toujours sentie  un poids pour les autres, la prochaine fois elle restera chez elle.

Les quatre amis mangent en silence, ils sont tous un peu tendus, la randonnée ne se passe pas comme prévu. Violette tourne la tête brusquement, elle est sûre d’avoir aperçu quelqu’un derrière un tronc.

« Est-ce que quelqu’un a pris ma banane ? Je l’avais posée sur ce rocher », Joseph cherche désespérément.

« Sympa les copains, vous êtes supers drôles ! Je crève de faim en plus ! »

Tout le monde se regarde, visiblement personne n’a volé quoi que ce soit. 

« Tiens, prend la mienne », dit Béryl, « j’ai assez avec mon sandwich »

« Merci, tu es gentille. Florent tu es sûr que tu ne t’es pas trompé à un moment ? On a peut-être pris le mauvais chemin ? »

Florent jette presque sa carte au visage de Joseph,

« Et bien prends-la cette carte, tu sauras mieux la lire que moi ! »

Florent en a assez qu’on le prenne pour un incompétent, il fait son possible mais ce n’est jamais assez.

« Béryl tu fais trop d’histoires aussi. Pourquoi est-ce que tu ne veux pas traverser ? », Violette est un peu énervée par l’attitude de son amie, elle ne veut pas rester dans cet endroit bizarre.

« Vas-y traverse puisque tu es si maline ! »

Violette enlève ses chaussures et commence à traverser. Arrivée à mi-chemin elle glisse et tombe dans l’eau froide.

« Zut, aïe, je me suis fait mal ! »

Joseph se précipite pour la relever,

« Tes chaussures ne sont pas mouillées c’est déjà ça ».

Ils reviennent tous les deux sur la rive. Violette boîte et sa cheville enfle à vue d’œil.

Joseph se dit qu’il en a marre d’être avec des « bras cassés », la prochaine fois il partira seul. Pourtant être enfant unique a toujours été difficile à supporter, il a beaucoup souffert de la solitude, mais comment faire pour s’entendre avec les autres ?

Violette s’est fait vraiment mal, elle veut toujours prouver qu’elle peut tout faire et se retrouve souvent dans des situations difficiles.

« Bon, c’est plus compliqué que prévu, qu’est-ce qu’on fait ? »

« Dans un premier temps il faut donner des vêtements secs à Violette, tiens voilà un short que j’avais pris en plus », Béryl lui tend le vêtement.

Florent lui donne sa polaire :

« Tiens je ne suis pas frileux ».

 

A ce moment un autre promeneur arrive, il est minuscule et porte un drôle de chapeau sur la tête.

« Bonjour »

Sans un mot il passe à travers un  fourré, il y a un chemin qui conduit à un pont, avec les orages de l’ été, le tracé du sentier a été sans doute un peu modifié.

 « C’est  notre sauveur ! »

« C’est peut-être un peu exagéré Béryl», mais Florent est soulagé lui aussi.

Seule Violette ne partage l’enthousiasme de ses amis. Ce type a vraiment l’allure d’un korrigan, à quoi joue-t-il ? Derrière le buisson le petit homme est introuvable, « où peut-il bien être ? »  se demande Violette.

Les autres sont partis devant pour repérer les lieux. Soudain, la jeune femme entend une petite voix de vieillard,

« Bonjour Violette ! Tu m’a repéré, bravo ! »

Violette est affolée, ses amis sont trop loin pour l’entendre et arriver à son secours assez vite.

« Allez, ne crains rien, tu concoures à la connaissance de mon histoire et de ma culture, en remerciement je vais arranger ton problème. Je t’ai suivie jusqu’ici parce que je savais que tu aurais des ennuis ».

Le korrigan touche la cheville de Violette, celle-ci sent une chaleur dans l’articulation et la douleur s’en va. Quand elle relève la tête le petit être a disparu. Elle pensait que ces être étaient maléfiques mais celui-là avait plutôt été sympa. La jeune femme se relève fait quelques pas en arrière mais il n’y a plus aucune trace du minuscile bonhomme. Elle décide de rejoindre ses amis.

« Tu n’as plus mal ? », demande Bèryl

« Non tu vois ça va mieux, ce n’était rien finalement ».

 

Les quatre amis se sentent un peu honteux de s’être emportés. Il y avait une toute petite difficulté et ils n’ont pas su la gérer, il a fallu qu’un homme étranger à leur groupe leur donne la solution. Peut-être même que sans son intervention ils se seraient disputés plus sérieusement. Leur amitié est-elle si fragile ? Peut-être se connaissent-ils trop, ils n’ont pas la retenue les uns envers les autres qu’ils auraient avec un inconnu. Ce qui devrait être un atout est devenu un écueil. Mais connaît-on vraiment l’autre ? Notre part d’ombre se révèle dans les situations difficiles, nos amis en ont fait l’expérience. Violette elle, a découvert qu’elle avait un ange gardien, les farfadets ne seraient pas aussi méchants et malfaisants qu’on le dit. Il faudra qu’elle en parle lors de sa prochaine conférence …

 

 

 

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