Il est 7h15, je sors de la maison, mon cartable à la main. Je marche d’un bon pas vers la bouche du métro que je dois prendre pour me rendre au travail. Il fait beau, je me sens bien, je me sens légère, cette journée s’annonce on ne peut mieux. Il y a du monde sur le quai, mais aujourd’hui les gens sont très polis, et personne ne se bouscule pour monter dans la rame. Je trouve une place assise, miracle ! Les stations défilent, j’arrive à destination, et je me rends au lycée. Je suis d’excellente humeur, certains jours le poids des soucis alourdit mes mouvements, mais cette fois tout semble différent, je me sens sûre de moi. Je passe en salle des professeurs, où je salue tout le monde avec un large sourire, ma bonne humeur doit être très communicative parce que tout le monde me répond gentiment.
« Bonjour, ça va ? »
On se fait la bise, on se raconte les potins en buvant un dernier café avant d’aller rejoindre nos élèves.
La sonnerie retentit, c’est un bruit assez étrange qui fait plus penser à une alarme qui signalerait un danger, qu’à une indication du début des cours dans une école. Aujourd’hui, je ne sursaute pas, je suis même à deux doigts de trouver ce son agréable. Les élèves m’attendent dans la cour, je vais les chercher et nous nous dirigeons vers la classe. La leçon se passe à merveille, les jeunes lèvent le doigt et participent, je rajoute des éléments dont je n’avais encore jamais parlé, je passe dans les rangs pour contrôler leur travail, chose que je ne peux jamais faire d’habitude à cause de la discipline.
Je me sens aérienne, j’aimerais tellement être comme ça au quotidien et ne pas sentir le fardeau des corvées à accomplir et des factures à payer. J’ai le cœur léger. Je vais en profiter pour aller voir la direction et reparler de quelques projets que j’aimerais réaliser. Je dois aussi passer à l’intendance pour demander si on peut acheter du matériel assez cher mais qui me semble indispensable pour enseigner de façon plus ludique ; nos élèves de lycée professionnel sont souvent en grande difficulté et il faut développer des trésors d’imagination pour pouvoir les intéresser.
La vie est belle.
L’après midi se passe comme la matinée, idéalement !
Pendant la dernière heure de cours, le hasard fait que je baisse les yeux vers mes jambes, et je constate que je ne porte pas ma tenue favorite, le jean ! Mes jambes sont nues, mais ce qui est plus embêtant, mon ventre aussi est nu, ainsi que mes fesses, mon pubis, mes seins, bref, je suis complètement à poil .Comment est-ce possible ? Depuis combien de temps suis-je dans cet état ? Je commence à paniquer. Les ados présents dans la classe n’ont pas l’air de remarquer quoi que ce soit, ils travaillent sagement. Je ne peux pas rester dans la classe, il faut que je me cache, je tente de me dissimuler derrière le bureau, mais c’est mission impossible. Je mets un bras devant ma poitrine pour la cacher, mais même si elle n’est pas très opulente, on voit que je n’ai pas de vêtement !
Pourquoi est-ce que personne ne m’a rien dit ! Tout à coup un élève me regarde et éclate de rire, les autres lèvent les yeux, et c’est l’humiliation suprême, je quitte la salle en courant. Dans le couloir je rencontre plusieurs collègues qui se mettent tous à rire bruyamment en me montrant du doigt. Je m’échappe de cet enfer pour me retrouver dans la rue. Aucun moyen de me cacher, il faut que je rentre chez moi au plus vite. Réfléchissons : je ne peux pas aller à la maison à pieds, même en courant ça va me prendre trop de temps, et je risque de rencontrer beaucoup de monde. La seule solution est de prendre le métro. Arriver sur le quai totalement nue, ça va être horrible. Je pique un 100 mètres en pulvérisant tous mes records, en passant vite les gens ne me verront peut-être pas. Quelle horreur ! Je ne pourrai plus jamais retourner travailler, qu’est-ce que je vais devenir ? Je me retrouve dans la station, évidemment le train n’est pas arrivé, il faut attendre. Les usagers me regardent à la dérobée en pouffant. Je pourrais me faire arrêter pas la police pour exhibitionnisme. Tout à coup je prends une décision, j’ai passé ma journée dans cet état, je ne peux pas dire dans cette tenue, puisque j’ai laissé cet accessoire chez moi ce matin. Si personne ne m’a rien dit de toute la journée, je vais agir comme si tout était normal. En prétendant que je me promène nue en toute connaissance de cause, je deviens une militante de la nudité urbaine. Cette décision prise, je monte dans la rame et vais m’assoir près d’une dame. En face, deux hommes, ils me dévisagent, en fait c’est plutôt mon corps dans son entier qu’ils scrutent. Je leur souris comme si tout était normal, je suis morte de trouille, mais mon stratagème semble fonctionner, les deux voyageurs retournent à la lecture de leur journal. Le trajet me semble très très très long, je comprends mieux pourquoi je me sentais si légère ce matin, je n’avais pas d’entrave…Quelle idiote ! Je suis une imbécile, comment ai-je pu oublier de m’habiller, c’est incroyable, je suis étourdie mais là j’ai pété un plomb ! Des contrôleurs ! Surtout il faut que je reste zen, je tends mon billet tout sourire. Ils font leur travail sans réaction particulière.
Je sors de la station et je me mets à courir. Là encore les quolibets fusent. Je rentre enfin à la maison, j’enfile une robe de chambre. Le répondeur clignote, mon chef a laissé un message, il ne veut plus me voir au lycée. Quelques collègues me proposent leur aide et me conseille d’aller voir un médecin. Comment est-ce que j’ai pu tout gâcher à ce point, tout avait si bien commencé, je me sentais si à l’aise ! De toute la journée je n’ai pas senti la moindre réprobation des gens que j’ai rencontré, tout le monde était gentil et même prévenant, ils ont du me prendre pour une folle. Quand je pense à toutes les personnes que j’ai rencontrées sur mon chemin, je vais être obligée de changer de travail et même de ville ! Je ne pourrai pas vivre avec cette honte.
Un bruit strident retentit, la cloche du début des cours, non c’est autre chose. Je suis nue, encore ?!? Mais encore dans mon lit, la situation est donc normale. C’est le réveil qui sonne.
C’était un cauchemar, la journée ne fait que commencer. Je prépare mes affaires avec soin, et je me regarde attentivement dans le miroir avant de sortir, je rajoute une écharpe autour de mon cou. Je marche d’un bon pas vers la bouche du métro que je dois prendre pour me rendre au travail. J’arrive au lycée, en salle des professeurs et tout le monde se met à rire !
« Alors, on se met à l’aise ? »
Je deviens rouge de honte. Je n’ose pas me regarder, pourtant j’ai vérifié dans le miroir, le cauchemar recommence, je sens que je vais m’évanouir. Mes collègues regardent mes pieds. Quand je baisse la tête je vois deux belles pantoufles rouges rubis avec de gros nœuds sur le dessus…
FB arielleffe