Chapitre 1

 

Enfermé dans son appartement, Die se sent en sécurité. Rien ne peut plus l'atteindre. Il fait un énième aller-retour entre la cuisine et sa chambre. Die n'en est pas à sa première bière et la nuit promet d'être longue.

L'appartement est calme, seul le tic-tac régulier de la pendule trouble la tranquillité du lieu. Plus les secondes défilent, plus la météo se dégrade. Le ciel se noircit, l'air se charge d'électricité. On entend déjà les échos du tonnerre, et l'orage déchire doucement la couverture céleste. C'est une bonne nouvelle pour tous car la canicule était devenue insupportable.

Die ouvre la fenêtre et se respire à plein poumon l'odeur de la pluie. C'est un peu sucré mais avant tout très chaud. Il s'appuie sur le chambranle de la fenêtre et profite de ce moment d'apaisement qui traverse son corps. Son buste bien droit fait ressortir sa musculature finement dessinée et ses bras musclés, forgé au bout de plusieurs années de guitare. Tandis que ses cheveux rouge framboise caresse ses épaules au gré du vent, Die plonge son regard noir de jais dans la contemplation de ce paysage presque apocalyptique.

Die habite un si vieil immeuble que le vent crie dans les conduits et résonne à travers les murs. Avec ses revenus actuels, le guitariste pourrait largement changer de logement mais pour une raison obscure, Die s'était toujours senti très attaché à cet endroit. Il y a vécu de très bons moments.

Die porte le goulot de sa Kirin à la bouche et grimace lorsque le goût amer domine.

Le guitariste ne peut se détourner de ce spectacle fascinant. La nature se déchire. Le vent plie les arbres et de grosses gouttes d'eau s'écrasent sur le bitume. Les cheveux dans la figure, Die ne peut s'empêcher d'y voir une certaine poésie. Ses sentiments sont si proches de cette nature ! Depuis un certain temps, il ne sent plus que l'ombre de lui-même. Oublié est sa joie de vivre. Il ne sent plus qu'un pantin qui vit par habitude. Mais il va changer et se battre contre ce mal-être. Y mettre fin.

La vision du guitariste se porte au loin, là où le ciel se bat pour rester bleu. Cette partie de la ville restera au sec tandis que lui affrontera les trombes d'eau. Die esquisse un sourire. Pourquoi se préoccuper du temps ? Bientôt, il ne sera même plus là pour le voir. Ce que notre corps et notre esprit peuvent être en disharmonie parfois ! Il va quitter ce monde et ce serait mieux ainsi. La douleur est trop grande, trop insupportable à vivre au quotidien.

Die s'accroche aux montants de la fenêtre et observe la ville sous ses pieds. Un vertige l'étourdit. Il enjambe la barrière et accueil la pluie sur son corps. Ses cheveux se plaquent rapidement sur son visage et son débardeur se colle à sa peau. Il ferme les yeux, prêt. Die inspire profondément. L'alcool a de mauvais effet sur sa vue et son équilibre. Il cligne des paupières nerveusement, il s'oblige à être tout à fait conscient quand il franchira le pas. Des pensées incohérentes inondent son esprit. Combien d'argent lui reste t-il, a t-il racheté assez de légumes, rappeler Kaoru pour modifier la dernière partition. Die se redresse, un peu nauséeux, il tremble de froid et de peur. Il tente de chasser toutes ces pensées de son esprit. Die s'interdit même de repenser aux mots et aux gestes qui l'ont si profondément meurtris. Il ose enfin lâcher les montures de fenêtre et reste en équilibre sur le bord. Le vent et la pluie fouettent son visage sans ménagements. Il regarde son point de chute, déterminé. Cette impression de liberté qui lui ouvre les bras est grisante. Il profite de l'absence de contrainte.

La sonnette retentit. Die grogne. C'est un accroc à son plan qu'il n'a pas prévu. Il ne veut plus répondre, il ne peut plus répondre. Le visiteur tambourine, il peut ressentir la panique envahir son hôte. L'aurait-il vu du bas de l'immeuble ? Il se surprit à sourire pour lui-même. Un coup de pied suffit à défoncer la porte, mais la personne l'ignore, c'est excitant. Peut-être qu'il l'a comprit, il semble à Die que ce sont des coups d'épaule qui sont donnés. Il se retourne La porte s'ouvre, mais il est trop tard, le corps de Die est déjà penché à 30 degrés vers le vide. La scène se déroule à une vitesse fulgurante. Le guitariste a juste le temps de voir le visage décomposé de son hôte, ferme les yeux et attend. La vitesse lui fait perdre toute notion du temps. Les mètres qui le séparent du sol diminuent. C'est fini, il ne sent plus la pluie

*

Les quatre hommes ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Kaoru, le leader du groupe, a eu la lourde charge de prévenir les autres. Encore sous le choc d'avoir assisté au suicide de son ami, les images de son corps disparaissant de sa vision le hantent. Il s'en veut de ne pas avoir réagit à temps. Son ami était là, à sa porté, et il est resté tétaniser sur le pas de la porte. Qu'est-ce qui a poussé Die à agir ainsi ? Les autres sont à ses côtés, et doivent se poser la même question.

Sauf Shinya. Lui sait mais ne peut rien dire.

Le médecin passe le pas de la porte. Sa journée harassante se lit sur son visage. On peut même y deviner une certaine résignation. Kyo, le chanteur, s'avance vers le praticien.

Kyo, c'est un mètre soixante de boule de nerfs et de mauvais caractère. Une touffe blonde sur la tête tirant sur le jaune safran et ses yeux noirs semblent brûler de colère. Les deux mains au fond de ses poches de jean, le médecin le voit s'approcher sans savoir comment l'aborder. Il ne cherche pas longtemps, Kyo prend la parole.

- Docteur, dites nous tout !

- Excusez-moi de vous demander ça, mais faites-vous parti de la famille de monsieur Ando ?

- Non, je suis son ami.

- Je vois. Je comprends les questions qui doivent vous tirailler, mais je dois absolument parler à la famille du patient avant tout.

- Die n'a plus de famille docteur, annonce Toshiya en s'approchant à son tour.

Il enlace les épaules de Kyo et lui caresse l'épaule tendrement. Le médecin observe la créature chimérique que représente Toshiya à ses yeux. Les cheveux bleu délavé, les yeux soulignés d'un trait de khôl donne des airs de travesti au bassiste. Le spécialiste ne préfère pas s'arrêter sur le mini short en vinyle et le t-shirt coupé au dessus de son nombril, qui cette fois, lui donne des airs de catins.

- Il n'y a vraiment personne que je pourrais contacter ?

- Pas à notre connaissance. Les parents de Die sont morts il y a deux ans dans un accident de voiture. Il était fils unique et issus d'enfants uniques.

Le médecin tique. Déontologiquement, il ne peut leur parler de ce qui s'est passé, ni des conséquences possiblement graves que risque le patient. D'un autre côté, ce dernier n'a plus de famille, et si par malheur il vient à mourir, personne ne récupérerait le corps. Alors il hésite. Leur dire ou pas leur dire ?

- Dites-nous simplement s'il va s'en sortir ?

- Même ça, je ne peux pas vous répondre de façon catégorique. Son cas n'est pas aussi simple. Pour le moment son état est stable, mais je ne peux vous dire s'il remontera la pente.

Ne pas savoir, c'est la pire chose qui puisse leur arriver. Kyo essuie de grosses larmes qui coulent sur ses joues. Il enrage au fond de lui, et sait que ses amis sont dans le même état. Il n'aurait pas voulu être à la place de Kaoru. Que ce doit être dur pour lui ! Il voit bien que le médecin aimerait leur en dire plus, mais qu'il est coincé entre son envie et son envie. Les quatre hommes fixent le chirurgien qui les invitent à s'isoler un peu.

- Tout ce que je peux dire c'est que votre ami présente une fracture et un trauma crânien. Les risques et les conséquences peuvent être diverses. Soit ça s'aggrave et il entre en trauma crânien plus grave et dans ce cas, son coma peut durer, soit il reste ainsi il se peut qu'il reprenne connaissance entre quelques heures et quelques semaines.

Cette annonce est une claque pour tous. Les réflexions vont bon train et tourbillonnent dans l'esprit de tous. Toshiya se demande comment gérer la suite, surtout vis à vis du groupe L'avenir est devenu soudainement très incertain et les dérives de Die entraînent le reste des membres vers d'obscures chemins. Kaoru se demande tous s'il faut continuer. Sans Die, plus rien ne serait pareil. Mais d'un autre côté, la musique est leur passion, leur raison de se lever le matin. Une sorte d'auto thérapie dans laquelle ils sont soudés. Pour Shinya, c'est inimaginable de continuer.

- Est-ce qu'on peut le voir ?

- Non, il est en soin intensif, et les visites sont interdites pour aujourd'hui. Peut-être demain.

Le médecin s'éloigne d'eux, tandis que le visage de chacun devient blême. Cela peut paraître égoiste, mais ils ont envie de le revoir, une dernière au cas où. Au stade où se trouve Die, tout peut arriver, et très rapidement. Le médecin affiche une mine rassurée. Tandis que Kyo, Toshiya et Kaoru se dirigent vers la sortie, Shinya le rattrape. Il faut qu'il lui parle. Pendant toute la conversation, le batteur n'a cessé de fixer le badge : Sakuya Inashi

- Docteur Inashi ?

L'appelé se fige dans le couloir et se retourne vers lui. Il prend enfin quelques secondes pour détailler le jeune homme, avec le même intérêt que pour les deux autres. Sakuya s'étonne de ses traits si fins qui font penser à ceux d'une jeune femme. Il a de grands yeux marron et des cheveux cuivrés soyeux. Il a les regarde se soulever au gré de la climatisation. Malgré son allure un peu gauche, ce garçon prend soin de lui. Shinya transpire la sensibilité et la fragilité, comme mal à l'aise dans son corps. Cela lui rappelle son fils. Son coeur se serre à cette pensée. Qu'est-ce que ce garçon peut bien cacher ?

Shinya se sent sondé jusqu'au plus profond de son être. Shinya est gêné de cette démarche, même s'il accepte de cacher des informations essentielles qui pourraient aider le médecin, il se demande s'il ne serait pas plus raisonnable de se confier. Sakuya remarque son changement de regard et se doute qu'il ne parlera pas.

- Je... je voulais vous remercier des informations que vous nous avez confié.

En trois enjambées, Shinya franchit les portes battantes et regagne l'entrée de l'hôpital avant même que le médecin ne puisse répondre. Le batteur observe le ciel déverser les trombes d'eau. Le temps est déprimant. L'atmosphère lui rappelait ce fameux soir.

Die s'était traîné de bar en bar, sans but précis, juste boire et oublier. En tout cas, c'est ce qu'il lui avait raconté. Shinya n'avait su ce qu'il avait cherché à oublier alors, et maintenant qu'il en comprenait la signification, le poids de la culpabilité se faisait encore plus lourde. Sans vraiment comprendre pourquoi, ce soir là, Die fut mené à rendre une visite nocturne à son ami. Il lui était déjà arrivé de lui rendre des visites surprises, mais jamais ce ne fut si pressant.

- Tu serais pas un peu responsable ? tonne une voix qui sort Shinya de ses souvenirs.

Il se tourne vers la personne et se retrouve nez à nez avec Kaoru, appuyé sur une colonne, les bras croisés sur sa poitrine. Son regard est dur et déterminé, un peu effrayant. Son cœur palpite soudainement mais il respire lentement pour reprendre le contrôle de lui-même. Alors comme ça, Kaoru sait. Depuis quand ? il ne répond pas et se contente de soutenir le regard du leader.

- Je l'ai deviné il y a un moment déjà, poursuit Kaoru sans se résigner. En même temps, ça crevait les yeux. Même un aveugle l'aurait senti.

- Tu n'as rien dit avant, se contente de dire le batteur.

- Parce que les autres ne font pas attention. Moi oui. J'ai vu son changement de comportement ces dernières semaines. Il devenait sombre et taciturne. Il n'avait envie de rien.

Kaoru fait une pause. Il a envie de rajouter que ces derniers temps, il avait vu la lueur de détresse dans le regard du guitariste, les œillades suppliantes et la tentative de mépris du batteur. Feinte, évidemment.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Ce qu'il y a eu. Ce qui a changé.

Shinya tourne le dos à son ami et réfléchit. Un mal-être se creuse dans le fond de son corps depuis son arrivée à l'hôpital. Shinya décide alors de tout lui dire. Tout de A à Z.

Shinya râla. Qui pouvait bien le déranger à une heure pareille ? Il se lèva à contre cœur, et se traina jusqu'à la porte d'entrée. Il se retrouva face à face avec Die, une fois de plus éméché. Quelque chose était différent cette fois-ci. Son regard était perçant. Shinya se sentit tout d'un coup mal à l'aise. Timidement, le jeune homme le laissa rentrer dans son appartement et l'emmène jusqu'au canapé. Cette scène était vue et revue. Shinya l'avait souvent accueillit ici.

Au moment où Shinya se dégagea pour regagner sa chambre, Die le retint par le poignet. Sans rien dire, ce manège continua jusqu'à ce que le guitariste finisse par s'écrouler.

Shinya se réveilla quelques heures plus tard, plus éreinté que la veille. Il plissa le front. Ce matin était différent de tout ceux qu'il a passé auparavant. Un poids écrasait son dos. Il se tordit le cou et vit Die profondément assoupi sur son épaule. Le guitariste l'avait rejoint discrètement dans la nuit. Le rouge monta aux joues du batteur plus vite qu'il ne l'aurait cru. Il inspira et s'extirpa du lit comme un intrus, sans avoir le courage de le repousser.

Shinya resta debout près du lit et le regardait dormir. Il le trouvait beau. Il l'avait toujours trouvé beau. Son charisme et son talent étaient indéniables.

Il l'admirait depuis leur première rencontre. Puis au fur et à mesure, la magie opérant, Shinya en était tombé amoureux. Son sourire illuminait sa journée. Y repenser gèna le batteur qui fila sous la douche. Son corps brûlait d'envie mais là n'était pas son destin. Il ne pouvait se permettre de lui avouer son amour. Pas pour tout lui reprendre par la suite. Si tant était que le guitariste ressentit la même attirance.

Sa douche terminée, Shinya se dirigea vers la cuisine et se prépara un thé. Les veloutes d'eau condensées envahirent la pièce et bientôt l'odeur du thé parfuma l'appartement. Il se servit une tasse qu'il sirota devant sa baie vitrée. De son étage, il avait vu sur une bonne partie de la capitale. Le soleil se levait, intense et éblouissant mais d'une telle beauté qu'il n'aurait voulu rater ça pour rien au monde. Les nuances rouge-orangé qui se mélangeaint, la lumière qui vacilla et inonda peu à peu les rues. Elles invitèrent à se lever et à contempler ce phénomène avec piété. La chaleur inonda son visage à travers la vitre et le réchauffa. Pour la première fois depuis de longues semaines, Shinya ne pensait plus. Cela lui fit du bien. Toute cette pression sur ses épaules était insupportable.

Il ne fit pas attention aux pas feutrés qui s'approchaient et sursauta lorsqu'il fut ceinturé par deux bras puissants. Le rouquin s'immobilisa et se concentra pour ne pas lâcher sa tasse de thé. Une tête se cala dans sa nuque. Il sentit les relents d'alcool et la chevelure rouge de Die. Que faire ? Le laisser faire ou protester ? Son cœur battait la chamade, et pour en rajouter un peu, la main du guitariste lui caressait amoureusement le ventre. Pas un seul mot n'avait encore franchi leurs lèvres.

Le guitariste relâcha son étreinte, laissant penser à Shinya que ce geste n'avait aucune signification particulière. Ce dernier n'eut pas le temps d'y réfléchir plus que Die le retournait vers lui. Son regard plongea dans le sien. Shinya y lu des émotions qui le troublèrent. Depuis quand son ami l'observait avec tant de tendresse ? Depuis quand cette flamme brûlait t-elle dans ses yeux ? La bouche de Die s'entrouvit, un léger décollement des deux lèvres qui fit rougir Shinya. Cette moue sensuelle inspira au batteur des envies inavouables. Mais ce n'était pas le moment. Non, vraiment pas.

Die rapprocha son visage, l'atmosphère s'électrisa et Shinya accueillit les lèvres du guitariste sans protester. Une onde de plaisir et de désir traversa son corps de part en part. Il sentit revivre la moindre de ses cellules. Son corps se couvrit de chair de poule et lorsque le batteur sentit la caresse de sa langue sur la sienne, il fut inondé d'une intense chaleur, à en avoir le souffle coupé. C'est doux et sucré, malgré l'alcool. Shinya eut envie d'y répondre avec plus d'empressement mais n'osa pas. Il s'était déjà imaginé plusieurs scénarios, mais aucun d'eux n'avait atteint l'intensité de ce moment.

Le musicien se détacha de sa bouche laissant à Shinya un arrière-goût de trop peu. Ce dernier se repassa le film, puis une image interféra et le ramena à la réalité. Son visage se crispa. Die caressa sa joue avec tendresse et vit le changement d'expression sur le visage du roux.

Shinya se dégagea de son étreinte et détourne le visage.

- Shinya... souffle t-il. Pourquoi ?- Et toi pourquoi ?Qu'est ce que tu fais ?- Parce que je t'aime et je te le prouve.

Shinya resta figé devant tant de franchise et ne sut plus quoi répondre. Il ne s'était pas attendu à cette réponse mais garda le visage fermé. Shinya inspira un grand coup, il fallait qu'il se lance. Il ne pouvait pas laisser Die l'aimer ainsi, il ne le méritait pas. Quitte à le faire souffrir et à souffrir lui-même.- Non mais tu m'as pris pour qui ?

Le visage du guitariste se mua de surprise. Pourquoi Shinya agissait-il ainsi ?- Je... je ne comprends pas, avoua le roux perdu.- Ce n'est pas parce que je m'habille comme une nana sur scène que je suis homo !

Il passa sa main devant sa bouche comme pour s'essuyer. Il ne fit pas vraiment, Shinya ne voulait pas perdre le goût de sa bouche. Il avait honte de lui. Il avait l'impression d'être un homo refoulé, alors qu'il avait toujours assumé ce qu'il était, jusqu'à ce que sa famille prenne certaine décision à sa place.- C'est peut-être ce que je suis finalement... pensa t-il.

Ce fut un supplice de voir le visage de Die se décomposer. D'y lire de la tristesse et de la déception. Avec ce baiser, il l'avait laissé imaginer que ses sentiments étaient partagées. Shinya avait conscience que c'est de sa faute. Il avait failli.- Casse-toi, ordonna le batteur durement.

Die lèva la tête l'air hagard. Shinya souffrait de jouer le méchant mais il n'avait d'autre choix. Et pourtant, Shinya aurait bien eu besoin de cette épaule sur laquelle se reposer, de ses bras pour le protéger et l'aimer...- Je t'ai dit de te casser bordel ! hurla t-il.

Die quitta l'appartement sans un mot. Trop choqué. Les mots étaient dans sa tête mais la transmission ne se faisait pas. Il ne pouvait pas. C'était trop omniprésent.

Shinya attend la réaction de Kaoru mais ce dernier ne sait pas s'il doit s'indigner, hurler de rage ou le comprendre son ami. Il opte pour un mélange des trois.

- J'arrive pas à croire que tu ais pu lui faire ça ! Surtout si tu l'aimes !- C'est bien plus compliqué que ce que tu crois ! Tu n'imagines même pas ce que j'endure chaque jour !- Alors parle-moi Shinya ! Parle-moi ! Hurle Kaoru désespérément.- Non ! Je ne peux pas.

Son ton s'est voulu plus dur que ce qu'il aurait voulu. Les choses se sont envenimés trop vite. Mais maintenant, il ne peut plus faire retour en arrière. Shinya veut qu'on le punisse pour du mal qu'il promulgue autour de lui mais rien ne va. Pourquoi ? Lui aussi pense à mourir en cet instant.- Je comprends mieux pourquoi Die a agit ainsi, maintenant, la question qui demeure, c'est... pourquoi TOI tu as agit comme ça...

Shinya serre les poings. Une pointe de rage monte en lui. Pourquoi tout le monde désire t-il tellement qu'il parle ? Ne peut-il pas souffrir seul ? Pourquoi personne ne respecte t-il ses choix ?- Je veux dire, tu n'as pas de raison d'avoir honte d'être gay ! On est anticonformiste ici. Est-ce Toshiya se soucie de ce qu'on dit sur nous ? Non ! Et pourtant, il en a essuyé des critiques !- Ce n'est pas ça le problème !- Alors pourquoi tu as sorti cette excuse à Die ?- C'était un mensonge ! Mais je ne veux pas dire la vraie raison. Tout simplement parce que vous me demanderiez d'agir d'une manière dont je suis incapable !- Je ne sais plus quoi te dire Shinya...- Il n'y a rien à dire. Je suis le premier à souffrir de l'état de Die mais... mais... je voulais pas...

Shinya pleure soudainement. Tout est devenu bien trop lourd à supporter. Alors, malgré le déluge, il affronte la pluie et s'engouffre dans le premier taxi. Il veut partir loin de cet hôpital, y revenir quand ses idées seront plus claires. Shinya est perdu entre ce qu'il veut vraiment et ce qu'il doit faire. Il a besoin de beaucoup de thé et d'une bonne nuit de réflexion dans la chaleur de son appartement.

Son téléphone bip. Il le sort et voit le nom du destinataire. Shinya soupire.

Kaoru

Il y a quelque chose que tu ne m'as pas laissé te dire. Tu m'as annoncé que tu aimais Die, mais je ne te crois pas. Quand on aime quelqu'un, on se bat pour lui, et aucune excuse n'est valable. Si tu l'aime, assume-le, rebiff toi contre ce qui t'empêche d'être heureux. C'est tout.

Kaoru espère que son SMS aura son petit effet sur le batteur. Shinya a besoin d'un bon coup de pied aux fesses, et c'est le moment où jamais. Le leader a eu de nombreux problèmes pour apaiser Kyo ou même Toshiya dont la vie privée a été compliquée. Avec Shinya, c'est différent. C'est même le contraire. Ce garçon trop sage cache une vraie énergie. Kaoru le sent, notamment quand il joue de la batterie.

Une fois dans la sécurité de son appartement, le musicien fait chauffer de l'eau et ouvre sa baie. Il prend l'air frais et se vide l'esprit. Durant tout le trajet en taxi, Shinya a lu et relu le message de son ami. Il s'appuie contre la barrière de sécurité et se balance d'avant en arrière. Il grimpe sur le rebord et se met debout. La sensation est grisante. Et effrayante. Il comprend soudainement que le guitariste a dû faire preuve de courage pour sauter. Et qu'il est aussi atteint d'une certaine folie, générée par lui essentiellement. Il entend le sifflement de la bouilloire. Il redescend de son perchoir et retourne à la sécurité de son appartement. Il n'aurait jamais été capable de sauter. En versant l'eau chaude dans sa tasse, il se demande si ça fait de lui une mauvaise personne. La capacité de mourir pour l'autre est-elle une réelle preuve d'amour ? Dans son cas, il n'a jamais été d'accord avec ce principe. Mais aujourd'hui, c'est différent. Die est dans le coma par amour pour lui. Par manque d'amour plutôt.

Shinya s'installe dans son canapé douillet et cale un oreiller entre lui et l'accoudoir. Ce contact réconfortant apaise un temps ses tourments. Il attrape la télécommande et zappe d'une chaine à l'autre sans réelle envie. Il veut simplement casser ce silence angoissant qui le rappelle à sa solitude et sa culpabilité.

Les images inondent sa rétine mais ne parviennent pas à atteindre son cerveau. Totalement déconnectée de la réalité, le batteur reste ainsi, la main en suspens dans les airs, la télécommande toujours serrée entre ses longs doigts. Un courant d'air lui foit reprendre ses esprits. Il soupire et s'allonge, la tête sur le coussin. Devant une émission quelconque qu'il ne regarde pas réellement, Shinya sent les larmes couler le long de ses joues. Des larmes silencieuses. De temps à autre, il essuie sa joue inondée. Le batteur n'en peut plus souffrir comme ça. C'est impossible et inhumain. Peut-être que Kaoru a raison. Un choix devait être fait et vite. Mais il se sent si las, si perdu que le batteur décide de remettre cette question au lendemain. Épuisé par toutes les épreuves, Shinya s'endort sur son oreiller.

- DIE !!!

Shinya se relève en sursaut, tout le corps en sueur. Le même rêve l'a hanté toute la nuit sans pouvoir se réveiller. Le pire de tous les cauchemars.

Le guitariste et lui se trouvent face à face dans l'appartement. Die est perché sur son balcon le regarde fixement. Lui est sur le seuil et le attend. Die sourit, le visage serein mais déterminé. Ils sont figés. Tout est fixe, même les aiguilles de la trotteuse. Puis Die se laisse tomber, son sourire toujours imprimé sur son visage. Il disparait.

Le batteur plaque les mèches rebelles en arrière et se lève toutes jambes tremblantes et regarde son appartement comme pour la première fois. Désorienté, il cherche Die, avant de se souvenir d'où il est.

Il cherche la signification de ce rêve, outre son évidente culpabilité. Le destin veut-il lui montrer la direction à suivre ? Die doit-il devenir le centre de sa vie ? comme l'a laissé suggérer Kaoru. Sans doute oui... mais en aura t-il la force ? Ce n'est pas contre n'importe quoi qu'il devra se battre, mais contre des siècles de tradition.

Il prend une longue douche chaude pour se réveiller et chasser son mauvais rêve. Le soleil se lève à peine, et pour la première fois depuis son emménagement, il ne prend pas le temps de le regarder. Il s'habille rapidement et quitte son nid pour rejoindre l'hôpital.

Une fois arrivé, Shinya se présente à la réception. La standardiste hésite, passe plusieurs appels puis l'envoie au service des soins intensifs. Trimballé d'infirmières en médecins, Shinya obtient l'autorisation de visiter son ami. Une interne lui ouvre la porte et se retire. Un pincement lui serre le cœur. Il se retrouve devant le fait accompli, et il va falloir qu'il affronte le nouveau visage tuméfié de cet homme qu'il aime.

Dans la chambre, la lumière filtre par une petite fenêtre qui se trouve en hauteur derrière le lit. Die est branché de partout. Un entremêlas de tubes passent sous son lit, tous reliés à un moniteur qui bip régulièrement. Intubé par le nez, son corps se soulève doucement. Plusieurs sachets translucides pendent à des crochets reliés à Die par perfusion. Son crâne, enveloppé dans un large bandage laisse apparaitre un visage couvert de bleus et sa lèvre inférieure fendue. Le spectacle n'est pas beau à voir, Shinya a du mal à le reconnaître.

Le batteur pose son sac dans un coin de la pièce et se faufile jusqu'au lit. Après une courte hésitation, il prend sa main inerte dans la sienne.

- Die ? appelle t-il tout doucement. Puis il attend un moment, espérant qu'il ouvre les yeux et lui réponde, en vain. J'ai lu dans un article que les patients plongés dans le coma peuvent parfois entendre leur proche. Tu vas peut-être penser que c'est un peu tard pour les révélations mais ne dit-on pas qu'il vaut mieux tard que jamais ?

Shinya n'a jamais cherché autant d'excuses qu'aujourd'hui. Il se lance.

- Je t'ai menti la dernière fois, je suis gay. Tu vas peut-être trouver ça ridicule mais c'est la seule chose qui m'aie venu en tête. Je suis même entre guillemets sorti avec Toshiya pendant un moment. Enfin, j'ai été son amant surtout. Shinya marque une pause se rendant compte qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin sur ce sujet. Je te jure n'ai pas voulu te faire de mal. Enfin si, pour que tu me déteste et pour que tu cesses de m'aimer. Mais, te faire réellement du mal, c'est la dernière chose que j'espérais faire. Le batteur fait une nouvelle pause. Avouer ses sentiments à Die lui demande beaucoup de courage, et beaucoup d'énergie. Tu es la personne la plus importante au monde pour moi. Je... je t'aime Die. C'est difficile à croire mais c'est vrai. Je t'ai toujours aimé. Même quand tu as cru que j'étais une fille le jour de notre rencontre. Je n'ai rien dit durant plusieurs semaines parce que je ne voulais pas que tu arrêtes de me regarder comme tu le faisais. Bon, il a bien fallu que tu entendes le son de ma voix à un moment... Je sais que ces dernières semaines ont été épouvantables, surtout pour toi. Pour moi aussi, je te rassure. J'aurais jamais cru que repousser la personne qu'on aime puisse être aussi dure, et plus tu me regardais, moins je le voulais.

Shinya marque un nouvel arrêt dans ses aveux. Le batteur se sent tout chamboulé soudainement. Est-ce avouer ses sentiments ou le simple contact avec Die ? Il tient toujours sa main dans la sienne.

Ses mains... il se met à sourire. Shinya a tant fantasmé dessus. Elles sont douces, lisses et bien entretenues, sauf l'extrémité de ses doigts, irréguliers et rugueux à cause des cordes de la guitare. Il se remémore ses caresses et du plaisir qu'il y a ressenti. Le désir gonfle au creux de son ventre, faisant remonter les larmes qui lui restent. Puis il se demande soudainement s'il l'écoute et hésite à lui confier la raison de son refus. Il chasse l'hésitation qui nait en lui et continue dans son optique.

- Tu dois sûrement te demander pourquoi je t'ai rejeté dans ce cas. Mon père m'a appelé il y a deux mois pour m'annoncer qu'il était temps que notre famille assure un héritier. Et tu sais que je suis le seul garçon. Tu connais ma famille, gentille mais stricte. Surtout sur les traditions. Je vais devoir épouser une fille que je ne connais pas, que je n'aime pas. Pour leur faire plaisir. Je ne sais pas quand aura lieu la cérémonie. Ils m'ont dit "tu n'as pas à t'en inquiéter, on s'occupe de tout". Je ne suis même pas sûr de choisir mon costume. Je suppose que ça te dérange pas si je t'envoie pas de faire-part. Surtout que...

Shinya prend une immense inspiration et souffle de toutes ses forces. Les parents de Shinya n'ont jamais accepté son homosexualité, toujours persuadé que ce serait une question de temps, qu'il changerait. Quand ils l'ont autorisé à continuer la batterie en professionnel, Shinya a eu l'impression d'avoir gagné une mini révolution. Est-ce qu'il gagnerait celle qu'il préparait ?

- Surtout que j'ai décidé de ne pas l'épouser. Je te veux, toi... J'ai pris du temps à m'en rendre compte mais maintenant je suis sûr. Et j'ai besoin de toi, j'ai besoin que tu me donnes toute ta force pour leur tenir tête. Alors tu vas vivre et sortir rapidement de ton coma ! Parce que moi, je veux vivre chaque seconde de ma vie à tes côtés. Je veux passer le reste de mon existence à me faire pardonner de mes erreurs. Tu es le seul que je veuille.

Shinya éclate en sanglot.

- Je t'aime Die !

Shinya se penche en avant et enfouie sa tête dans le cou de son ami. Il respire à plein poumon l'odeur de sa peau. Mais il ne sent que la Bétadine et le désinfectant. Le batteur s'en fiche, il est contre celui qu'il aime et c'est tout ce qui compte. Les moniteurs se mirent à biper plus vite. La panique le gagne sans comprendre la raison de cet affolement soudain. Avant même de pouvoir réfléchir plus loin, la chambre de Die se remplient d'infirmiers et d'internes. Le batteur se sent attrapé par le bras et tiré à l'extérieure par une infirmière pas commode. Elle ne le laisse pas poser la moindre question et se retrouve à attendre derrière une vitre en plexiglas. La peur au ventre, Shinya a envie de vomir. Ses boyaux se tordent, il se tient le ventre et se répète que Die ne va pas le quitter, qu'il ne va pas mourir. Mais il sait pertinemment que rien n'est sûr. Sur les moniteurs, ils voit les chiffres dégringoler et l'électrocardiogramme s'affoler. Puis, plus rien. La machine affiche une ligne régulière, sans la moindre variation. Le temps est figé, exactement comme dans son rêve. L'atmosphère est lourd, l'air irrespirable. Le batteur a l'impression d'étouffer. Les internes sont immobiles.

- Heure du décès 10h43.

Le monde s'écroule. Le jeune homme entend un craquement dans sa tête. La situation est inimaginable. Die mort. Non. Il a toujours été un garçon fort et robuste, jamais malade, jamais blessé. Dans la tête du roux, le guitariste est tout puissant. Tel un soldat en guerre, il vient de tomber. Qu'allait-il devenir ? La pièce se vide lentement. Shinya est incapable d'émettre le moindre son quand une interne vient lui présenter ses condoléances. Les larmes coulent d'elles-mêmes sur son visage, et glissent sur sa nuque. Il pénètre dans la chambre et réussit à s'allonger auprès de Die.

- Pardonne-moi mon amour, murmure t-il.

Il pose sa tête sur son épaule et caresse sa joue. Le batteur reste ainsi quelques secondes et se redresse pour l'embrasser. Un dernier souvenir de lui, même s'il sait que ce ne sera jamais comme ce fameux jour. La vie n'a plus aucune importance. Tout est fade, sans intérêt. Est-ce dû au choc ou le pense t-il vraiment ? Shinya resserre son étreinte pour ne plus jamais le quitter.

Puis un bruit trouble le silence pesant. Un mouvement aussi. Il a eu l'impression que la cage thoracique de Die s'est soulevée. Une respiration et un bip, presque imperceptible. Shinya se redresse, intrigué. Il fixe le moniteur, la main posée sur son torse. Ce n'est pas un rêve. La ligne verte parfaitement lisse il y a trois minutes oscille. Fragilement mais elle est là. Un miracle.

Shinya sort telle une tornade de la chambre et prévient immédiatement les responsables qui viennent vérifier. De lui-même, le batteur reste en retrait et ne veut pas gâcher leur effort. Les mains jointes, le batteur prie pour la survie de Die. De nouvelles poches sont placées.

Bien que Die soit toujours dans le coma, Shinya reprend espoir. Il remercie le ciel de l'avoir écouté et jure qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour s'occuper de Die et le rendre le plus heureux du monde. Il paiera sa dette.

Chaque jour de chaque semaine, il se lève au aurore et reste tout la journée au côté du guitariste. Le groupe s'est mis en pause, le temps que le guitariste reprenne conscience. Si un jour, Die revient. Shinya s'interdit toutes pensées négatives et continue d'espérer. Il a du mal à accepter que les autres puisse avoir baisser les bras si vite. Lui, il lui parle chaque jour. De tout et de rien, mais il fait en sorte que Die ne se sente pas hors du temps quand il reviendra.

C'est un matin comme un autre. Shinya se faufile entre les chariots des infirmières avec une dextérité naturelle. Il sait les horaires par cœur, connait toutes les internes avec qui il discute régulièrement. Ils échangent des sourires de soutien. Chaque matin, l'angoisse lui serre le ventre, il espère que l'une d'elles lui annoncera le réveil de Die. Il rentre dans la chambre, fait le tour du lit et pose son sac sur la table prévue à cet effet. Il se tourne vers son ami et reste coi. Die a les yeux grands ouverts. Il sent son coeur bondir dans sa poitrine et n'ose plus bouger. Il se demande s'il rêve. Ce doit sûrement être le cas. Il ne peut en être autrement. Les bleus ont disparu avec le temps, les bandages aussi. La cicatrice est dissimulée dans la repousse des cheveux noirs. Malgré sa mine fatiguée, sa perte de poids évidente et ses yeux cernés de violet, son visage a l'air serein. Depuis combien de temps est-il revenu à lui ? Un sourire s'affiche sur le visage du batteur qui saute littéralement sur Die. Il le serre si fort dans ses bras que l'autre étouffe. Ils se regardent comme la première fois, curieux et fascinés. Au fond de ses yeux, Shinya voit toutes les questions que se posent le guitariste. Elles sont évidentes. Sa présence, tout d'abord qui relève du miracle.- Tu as été cruel... souffle Die d'une voix rauque qui le surprend. Les longues semaines de silence rendent sa voix grave, presque inaudible.

Le guitariste ressent la difficulté de prononcer les mots. Déjà parce que sa bouche est pâteuse, et parce que, sortant du coma, les mots et les phrases s'embrouillent dans son esprit. Il voit que Shinya a changé, il sait pourquoi, mais là, cela ne lui revient pas. Il cherche dans son esprit et ré-entend l'écho de sa voix dans son sommeil.

Ce dernier pose son front sur le sien.- Je passerais le reste de ma vie à me faire pardonner. Je te le jure.

Shinya ose un baiser sur son front. Ressentir le contact avec l'homme qu'il aime lui procure une étrange sensation. Une dose d'adrénaline parcourt son corps. Il a envie de rire et de pleurer, de serrer Die dans ses bras pour l'éternité. Il veut être excessif dans tous ses gestes, s'il pouvait il bondirait hurler sa joie. Mais il contient ses ardeurs.

Die assiste à ce débordement de sentiments avec méfiance. Pourquoi agit-il ainsi ? Die a aussi changé. Cette expérience lui aura appris à se montrer méfiant avant de se dévoiler. Il se sent un autre homme et une partie de lui sera éternellement brisée. Se sentira t-il un jour capable de pardonner au musicien ? En lui, il sait que son suicide ne tient qu'à sa seule décision, que Shinya n'en est pas réellement responsable, mais Die est incapable d'accepter.

Les semaines passent avant que le miraculé puisse complètement quitter l'hôpital. Psychologiquement, il est déclaré apte à reprendre une vie normale mais il doit suivre un psychologue pour ses tendances suicidaires. Le guitariste s'estime incompris par le psychiatre de l'hôpital. Loin d'être suicidaire, Die considère son expérience comme un passage à vide. Comme ça arrive à beaucoup de personnes. Maintenant qu'il va mieux, il souhaite recommencer une nouvelle vie.

Un pied dehors, la brise vient caresser son visage. Pour la première fois depuis longtemps, la liberté accueille le musicien qui l'accepte à bras ouvert. Face à lui, Shinya lui tend une main tremblante qu'il attrape avec fermeté. Son guide lui explique que si les autres sont absents, c'est parce qu'ils finissent d'aménager son nouvel intérieur. Personne n'a envie que Die revienne vivre dans l'appartement où il a vécu les heures les plus sombres de son existence.

Plus les rues défilent sous leurs yeux, plus le guitariste est ébahi. Ce qu'il a regardé autrefois avec désabusement est source d'étonnement. Les couleurs qui clignotent à chaque palier, les grands écrans qui présentent des publicités pour les dernières trouvailles technologiques. Le musicien est dépaysé.

Le couple s'arrête au passage clouté. Le feu vient de passer au rouge. Les piétons s'arrêtent. Shinya tire Die à lui et se serre contre son bras. La proximité avec son petit ami lui est devenue essentielle. Sentir ses bras, le tissu de son polo. Sa présence tout simplement.

La circulation est dense, le bruit étourdissant. Die se rapproche de l'oreille du batteur.- Je t'aime, lui murmure t-il- Moi aussi.

Shinya sent son cœur se gonfler dans sa cage thoracique. Il attend depuis tant de semaines maintenant que Die le lui dise. Le batteur lui répond par le sourire le plus épanouie qu'il puisse. Ce n'est pas difficile, il l'est. Pour mieux admirer cet homme qu'il aime, Shinya décide de tourner le dos à la route, le temps que ce soit leur tour de passer. Il observe ses traits fin, sa silhouette encore amaigrie. Shinya ne peut s'empêcher de le trouver beau. Il transpire une envie de vivre et une nouvelle aura l'entoure. Il se repasse mentalement toutes les heures passées ensembles à l'hôpital à se câliner. L'embrasser encore et encore. Shinya est pressé de se retrouver seul avec lui pour goûter à ses lèvres sans contraintes et sans interruptions. Le musicien devine les pensées de son petit ami et se penche pour exaucer son envie. Le rouge monte aux joues de Shinya qui ne sait plus où se mettre. Il n'est pas tant démonstratif en public d'habitude. Une œillade coquine suit le baiser, enflammant un peu plus ses sens en éveil.

La foule devient compact autour d'eux. Les hommes et femmes des bureaux sortent en masse. Tous habillés dans leur costume gris ou noirs, ils sont tristes à pleurer.

Un mouvement foule brise la parfaite immobilité de ces pantins travailleurs et un homme en costume gris percute Shinya de plein fouet qui perd l'équilibre. Ce dernier tombe sur l'asphalte brûlante. Effet domino.

Die reste parfaitement statique. Son cerveau fait difficilement le lien de cause à effet. Le feu est toujours vert.

Une douleur aiguë se propage dans le fessier du batteur. Sonné, il se dit que c'est idiot de tomber ainsi. Puis il s'aperçoit qu'il doit se dépêcher de se relever. Sans quoi...

Die regarde son petit ami et lui tend la main. Il plonge son regard fauve dans celui du batteur et lui sourit. Ce dernier le lui rend.- Il a de si beau yeux... est sa dernière pensée.

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