Il faisait nuit, ou du moins, l'apparence en était telle. Le ciel se présentait vide, dépourvu d'étoiles ou de lune, une étendue infinie de noir profond. Aucun nuage ne voilait l'obscurité, seulement un firmament noir, mystérieux. En scrutant autour de lui, il constata que ce noir n'était pas absolu, comme si une lueur provenant d'une lune invisible éclairait faiblement la zone. Il se tenait au milieu d'une route sinueuse, serpentant à travers une forêt silencieuse. Les arbres, aux troncs sombres et aux feuilles éteintes, semblaient renfermer des secrets millénaires. La route, juste assez large pour permettre le passage d'une vieille carriole, était pavée d'un sol irrégulier.
Où était-il exactement ? Il l'ignorait, ou peut-être pas tout à fait. Alors qu'il commençait à saisir la situation, une réalité troublante s'imposa : une partie de sa mémoire était floue, non pas une partie, mais la majeure partie. Il devait se souvenir, mais de quoi ? Son nom ? Non, ce n'était pas important pour l'instant. C'était comme si ses pensées étaient voilées par un brouillard onirique.
Ce qui se produisait, oui, c'est cela. Il était dans un rêve, mais pas le sien, car ce n'était jamais le sien. Que devait-il faire à présent ? Comme toujours, suivre le rêve. Il entreprit de marcher le long de la route, ses pas résonnant dans le silence nocturne. Le froid s'insinuait dans ses os, une froideur glaciale qui contrastait avec l'apparente tranquillité du rêve. Une faible buée émergeait de sa bouche
à chaque expiration, attestant un froid ambiant.
Après quelques minutes de marche, des ombres mouvantes se dessinèrent devant lui. Une silhouette humaine, indistincte, émergea de l'obscurité. Ce devait être le rêveur, ces êtres flous dans leurs propres rêves. Il ralentit, s'arrêtant à environ cinq mètres derrière lui, observant attentivement la forme qui prenait peu à peu consistance. Il savait qu'en le faisant, il finirait par percevoir chaque détail. C'est ce qui se produisit après quelques secondes.
La silhouette se transforma en un homme d'environ un mètre quatre-vingts, une silhouette mystérieuse éclairée par une lueur insaisissable. Ses longs cheveux noirs étaient soigneusement rassemblés en une queue de cheval qui s'élevait vers le haut, donnant une allure à la fois élégante et sauvage. Un manteau en cuir noir descendait majestueusement jusqu'en dessous de ses genoux, ajoutant à son aura de mystère. Une arbalète d'une conception étrange était solidement attachée à une sangle sur son dos, la poignée orientée vers le haut, prête à être saisie pour tirer à tout moment. L'homme, absorbé par ses propres pensées, semblait fixer quelque chose devant lui, plongé dans une contemplation silencieuse.
Curieux, le jeune homme se décala pour avoir un meilleur aperçu. En face de l'homme se tenait une autre personne, un garçon à peine plus âgé que lui. Cependant, ce qui le frappa, ce n'était pas l'écart d'âge, mais le fait que ce garçon ne semblait ni être un rêve ni un rêveur mais encore moins un humain. Son apparence défiait toute logique humaine. Ses yeux, noir et insondables, reflétaient une étrangeté indicible, comme si on pouvait tomber dedans et sombrer dans des ténèbres infinies. Son visage, rond et pâle était recouvert d’anneaux et morceaux de métal, quelque chose que certaine personne faisait pour apporter une touche à leur apparence. Mais encore plus étrange, il avait le tatouage d’un serpent sur le cou et le bas de la tête, sa queue semblant se glisser sous le T-shirt du garçon pour continuer sur le reste de son corps. Sa tête, fine et détaillée, le regardait droit dans les yeux. Le regardait ?! Après avoir cligné des yeux il affirma sa vision, le serpent avait bougé, et le fixait, il était vivant. Alors qu’il tenta de se faire à l'idée, le jeune homme tourna sa tête vers lui, se plongeant dans ses yeux et rentrant dans son esprit.
Ce sentiment était tout sauf agréable, des souvenirs ressurgissaient dans son esprit et provoquaient les pires émotions avant de disparaître la seconde suivante. Le garçon jouait avec son esprit, fouillait dedans et avait même l’air de se nourrir de tous ces sentiments négatifs en lui. Il voulait détourner les yeux, il savait que c’était en regardant dans ces globes de ténèbres qu’il pouvait passer dans sa tête mais quand il essaya il se rendit compte que son corps était comme paralysé. Il ne remarqua même pas que l’homme s’était tourné vers lui. Cela ne dura que quelques minutes mais dans sa tête il avait l’impression que ce furent des heures quand enfin il le libéra et disparut dans un ricanement.
Après cette libération il tomba par terre, sa vision était trouble, son corp faible et tremblotant.
-Hey, gamin, tu m'entends ? Quel est ton nom ?
Regardant à sa droite il vit le visage de l’homme penché vers lui, il était à genoux et tentait tant bien
que mal de le garder conscient.
- Mon nom ?
- Oui, ton nom.
-Je… ne m’en rappelle pas.
Sa mémoire était encore plus trouble qu’avant, tout disparaissait et réapparaissait, des endroits, des noms, des visages.
- Allez, gamin, reste éveillé encore un peu. Où es-tu en ce moment ?
- Je…Je ne sais pas.
- Je vois. D'accord. Écoute, regarde ceci.
Il détacha de son manteau un insigne en métal et la plaça devant les yeux du garçon.
-Souviens-toi de ça, d'accord ? Je viendrai te chercher, il va falloir qu’on parle.
Tentant de se concentrer il finit par discerner la forme d’un crâne de squelette avec des cornes et des crocs transpercés par une flèche noire.
- Ecoute moi bien, il va falloir que tu…
HENRY ! HENRY ! HENRY !
Soudain une voix, différente remplis sa tête, qui criait, le monde autour de lui devint trouble et disparu, il se réveillait.
-Vitale