2057 : Les ressources naturelles de la terre ne pourront bientôt plus assurer les besoins exponentiels de la technologie humaine. Face à la catastrophe imminente les Nations unies lancent le projet phénix. La construction d'une station spatiale qui absorbera directement l'énergie des éruptions solaires.
2062 : La construction de la plus grande prouesse technique de notre civilisation s'achève. Ses promoteurs disent qu'elle ouvrira un âge d'or pour une humanité qui pourra désormais s'étendre jusqu'aux confins du système solaire. En attendant, sur terre, le pétrole et le gaz se raréfient. Les centrales nucléaires et thermiques ferment au fur et à mesure que les gisements d'uranium et de charbon s'épuisent. Le phénomène touche toutes les ressources minières, y compris le silicium et les terres rares nécessaires à la construction des panneaux photovoltaïques. Le capitalisme est au seuil de la plus grande crise de son histoire.
2063 : Peu de temps après son activation la station phénix rompt tout contact avec Houston. Quelques jours plus tard une masse de métal en fusion entourée d'hydrogène et d'hélium incandescents se place sur une orbite parallèle à celle de la terre. Aucun scientifique n'est en mesure d'expliquer ce phénomène. Alors que sous l'effet de celui qu'on appelle le deuxième soleil toutes les parties du globe sont constamment éclairées, la crise énergétique tant redoutée éclate et plonge la société mondialisée dans le chaos.
2071 : Le nouvel astre solaire et la disparition de la nuit ont eu des conséquences terribles sur l'écosystème. De nombreuses espèces animales, particulièrement des mammifères, sont devenues enragées suite à la perturbation de leur rythme biologique. Ils attaquent violemment tout ce qui passe à leur porté et vont même jusqu'à s'entredévorer. Sous l'effet de la chaleur de vastes zones se transforment en désert. Autour des points d'eau, la végétation inondée de lumière semble devenir folle et forme des jungles terrifiantes.
2098 : Seuls les reptiles semblent s'adapter à ce nouvel environnement. Certaines espèces ont évolué en moins de deux générations. Les humains survivants se sont regroupés en communautés. Une nouvelle société semblait émerger des ruines de l'ancienne mais le pire est arrivé. Les illuminés ont balayé les germes du renouveau.
Journal d'un survivant.
24 octobre 2099
Je dors dans la cave pour éviter d'y penser. Ça ne change rien. Je suis dans le noir mais je sais qu'il brille au-dessus de moi. Pourtant je devrais être habitué.
Il n'y a pas que la nuit qui me manque. Frotter mes doigts sur ces mèches de cheveux qui pendent à mon collier ne me suffit plus. Je ne peux plus faire semblant que vous êtes là. Vous me manquez tellement tous les deux. Nora, on aurait pu recréer à nous deux ce que nous avions perdu en fuyant nos communautés. Victor aurait grandi sans rien savoir de ce qui s'y est déroulé. Les massacres, la peur et la méfiance qui s'installent à cause des illuminés. En te sachant à mes côtés j'aurai pu trouver la force de vous protéger. J'aurai pu maintenir ces souvenirs horribles et cette menace loin de nous. Si seulement tu ...
Qu'est-ce qui se passe ? Ça ne peut pas être un animal. Il n'y a que des insectes ici. Ce bruit était trop lourd pour être une patte d'insecte. C'est quelqu'un. Où est ma machette ? Je ne vois rien. Et tout ce bric à braque... Pourquoi je ne me suis pas mieux organisé ?
Je me suis coupé l'index. Il a forcément entendu mon cri.
Je saisis ma machette et j'écoute. Je n'entends rien. Il ne fait pas de bruit. Il se cache. Il veut m'attaquer par surprise. Non. Les illuminés ne font jamais ça. Ils n'ont aucune méfiance, n'utilisent aucune ruse. C'est bien connu. Ils ne ressentent pas la peur. Pas plus qu'ils ne ressentent la fatigue ou la douleur. Ressente-t-il au moins quelque chose ? Ils se contentent de déchainer leur frénésie meurtrière dès qu'ils le peuvent. Si un illuminé était descendu dans la cave il se serait déjà jeter sur moi.
Je me dirige lentement vers l'escalier. La lumière de la surface en dévale les marches. Je monte. Je regarde dans ce qui était autrefois un bureau et qui me sert habituellement de chambre. Je longe le couloir et ouvre les bureaux. La lumière du jour perpétuel en traverse indifféremment les fenêtres, qu'elles soient sales ou brisées. Je mets mes lunettes de ski et je sors.
Les ruines de l'aire d'autoroute où j'ai trouvé refuge sont désertes. La route coupe le désert en deux. Ça peut sembler stupide de porter des lunettes de ski en plein désert mais c'est la meilleure protection contre les soleils. Je rentre dans le supermarché. Il a été pillé il y a des décennies. Totalement vide. Idem pour l'entrepôt. Je me suis inquiété pour rien. Mais je sais trop de quoi les illuminés sont capables. Je les ai vus arborer les restes de leurs victimes comme des trophées.
Je passe au restaurant. Les tables où dans un passé révolu des familles s'asseyaient. Par acquis de conscience je fais le tour du bâtiment. Je m'arrête devant les tombes de Nora et Victor. De simples parpaings sur lesquelles j'ai gravé leurs noms.
25 octobres 2099
Ma citerne sera bientôt vide. Habituellement il pleut une fois par an. Une gigantesque mousson. Suffisante pour remplir la citerne. Mais là, il n'y a aucun nuage à l'horizon. Je vais devoir aller chercher de l'eau dans la jungle mais je n'ai pas envie de retourner là-bas.
J'ai déjà été confronté à un varan géant et je ne veux pas revivre ça. Ces créatures sont abominables. Il suffit de voir leurs yeux. Ce n'est pas un hasard si les reptiles sont les seuls à s'être adapté à ce nouveau monde. Et je ne parle pas ici de leur métabolisme à sang froid. Je parle de leur esprit si primitif. Il suffit de voir leurs yeux. On n'y trouve rien d'autre que la volonté de tuer. Et si les illuminés étaient des humains à l'esprit de reptile ?
28 octobre 2099
Mes courtes phases de repos sont entrecoupées de cauchemars. Les illuminés. Mais ce ne sont pas les bruits de l'autre jour qui m'angoissent. Non, ce sont des souvenirs plus lointains.
On ne s'attendait pas aux premières attaques. Bien sûr il y eut des guerres dans le passé, nous le savions. Mais le temps n'était plus à la guerre. Nous voulions accueillir ces étrangers.
Mais les attaques ce n'était rien. Le pire ce fut quand le mal toucha l'un des nôtres. La folie dans ses yeux puis le meurtre.
Cette folie meurtrière les frappa les uns après les autres puis tous en même temps. Par miracle je parvins à fuir.
J'ai faim. Je vais dans le supermarché et je trouve un cafard sur le carrelage. Je l'attrape et lui mets un coup de dent. Je me surprends parfois à aimer cette saveur acre et piquante du cafard. Les insectes ont toujours été dédaignés malgré leur valeur nutritive. En ce qui me concerne je n'ai plus le choix.
Je regarde tes cheveux sur mon collier. Mes yeux s'attardent sur cette mèche tachée de sang et les larmes coulent. Je revois cette chevelure ensanglantée dans mes cauchemars et la manchette dans ma main. Tout ce sang. Oh Nora, je n'avais pas le choix. Au moment où j'ai vu la folie dans tes yeux je n'avais plus le choix.
30 octobre 2099
C'est décidé. Je pars dans la jungle. Je rassemble tous les bidons que je peux transporter. Je n'ai plus peur des varans, des serpents ou que sais-je encore, des dragons. Le trouble et la mélancolie qui m'ont mis à terre l'autre jour ont disparu. Plus de larmes. J'ai retrouvé ma force. Et plus important encore, j'ai retrouvé toute la clarté de mon esprit.
Les soleils ont chassé l'ombre de mes cauchemars. Quand je pense qu'on a appelé les illuminés ainsi parce qu'on accusait les soleils d'être responsable de leur mal. Certains disaient que c'était le manque prolongé de sommeil dû à l'absence de la nuit. Conneries.
Le soleil n'était-il pas vénéré comme une source de vie ? Sa lumière fortifie les âmes pures. Je ne porte même plus de lunettes.
Nous écraserons les monstres comme mes dents écrasent cette poignée de fourmis et ce mille-pattes qui tentent de sortir de ma bouche.
Oui, je dis-nous. Car un amour comme le nôtre ne peut pas être emporté par la mort, Nora. Je savais déjà tout de toi, ton nom, ta vie, rien qu'en lisant ton âme à travers tes yeux. Nous nous sommes aimé en un seul regard quand je t'ai croisé sur cette route. Et avant d'avoir pu parler le mal t'avait déjà emporté. Mais je t'ai libéré, comme j'ai libéré ton petit garçon. Et vous serez pour toujours à mes côtés. Quelqu'un vient. C'est l'un d'eux ? Peut-être ou peut-être pas. De toute façon son âme sera bientôt corrompue par le mal. Il ne m'a pas vu. Ma machette s'abat sur lui. Ne hurle pas mon frère ! Chasse ta peur comme j'ai chassé la mienne ! Il ne hurle déjà plus. C'est bien. Je frappe encore et encore jusqu'à ce que le crane se détache de son corps pour que je puisse sortir avec, le présenter à la lumière du soleil qui le purifiera. Et je danse avec sa tête dans le sable. Vos mèches de cheveux, elles aussi dansent sur ma peau nue et couverte de sang. Regarde, ma princesse ! Je pars combattre le dragon.
J'aime beaucoup la façon dont tu as su installer un monde en si peu de mots... Si je devais faire une petite critique, c'est que ça paraît totalement improbable qu'il écrive cette fin, je veux dire, ça ne fait pas journal...
J'ai vraiment eu peur, avec la façon dont monte l'horreur, quand on comprend petit à petit ce qui se passe... Et puis cette fin, brr, c'est super fort !
Tu as totalement raison. Je voulais un journal mais je n'en ai pas du tout respecter les codes
Je n'ai pas lu grand chose de toi, du coup je redécouvrais un peu ta plume avec cette nouvelle et tu écris bien ! Je suis un peu sortie du récit quand tu annonces que c'est un journal et que la personne, manifestement, n'écrit pas un journal. Mais je me suis remis dedans avant la fin.
Et sacré fin. Si j'ai bien compris, il est devenu fou à son tour, hein ? J'ai d'abord cru qu'il l'avait toujours été mais il semble trop sain au début de la narration.
J'ai bien aimé ta mise en condition en tout cas. Ce "deuxième soleil", c'était une chouette idée ! Je suis même triste de ne pas avoir davantage arpenté cce monde à tendance reptilienne !
Bravo Toluène ! :)
je crois que tu as mis le doigt sur deux gros problèmes de l'histoire ^^
J'ai trouvé tes idées vraiment bonnes, et surtout bien présentée en si peu de mots. Le style et la chute sont très travaillés et je dois dire que cela m'a tenu en halène tout du long.
Bref, c'est génial :)
Je ne sais si on va vers la fin du monde mais c'est vrai que les histoires qui en parle peuvent être très forte.
Je crois que j'ai vraiment beaucoup beaucoup aimé le début avec les explications scientifiques. J'aime vraiment cette idée de l'apparition d'un "autre soleil". Par contre j'ai un peu moins accroché à la suite bien que ce soit la partie qui fasse peur.
Je ne dis pas que c'était une mauvaise idée, juste que mon moi amateur de science fiction aurait été curieuse de voir comment l'humanité aurait pû essayer de "survivre" sans la nuit plutôt que de sombrer ;).
Des bisous et encore bravo pour ta participation!
Moi c'est vraiment la chute qui m'interesse dans ce genre d'histoire.
Merci, des bisous aussi
Je trouve que c'est vraiment un très beau texte, très touchant. Je ne suis pas très fan des dates au début pour poser l'ambiance générale mais je pense que si tu les as jugées nécessaire, c'est qu'elles le sont !
Au-delà de ça, j'ai vraiment tout trouvé vraiment chouette, même si on se doute qu'à la fin il va devenir timbré lui aussi (tout ce soleil, ça finit par vous donner la migraine, forcément). Je trouve ça terrible ce sentiment de perte qu'il ressent à chaque fois qu'il évoque sa femme, qu'il parle pour eux deux, je trouve ça très réaliste : je pense que quand on se sent seul, on finit toujours par se parler au pluriel dans sa tête.
Bref, j'ai trouvé ça vraiment cool, cette histoire c'est un coup de coeur pour moi. Bravo pour ta participation !
Merci
J'ai adoré ta mise en situation, avec cette grosse boule de déchets incandescente qui gravite autour de la Terre. C'est super original ! Et scientifiquement, ça se tient, c'est important ^^
Bonne chance pour le concours !
Merci Mimi
Très beau texte avec la chronologie du début qui place les bases de ce monde dévasté et la dérive de la vie sur la Terre. Ton héros, lui, fait pitié au début avec ce drame. Même si on en comprend qu'il bascule lui aussi et peut-être depuis longtemps.
Félicitations ...
Comment dire... ça me déprime un peu. Exuse moi mais c'est vrai. J'ai tellement l'impression que ça va se passer .
En fait, ton texte relate ce qui risque d'arriver et c'est affreux.
Je trouve le fait qu'on connaise pas le nom de l'héros mais celui de celle qu'il a aimé, c'est mignon.
Bon, une question. C'est qui les illuminés?
Juste, il a tué Nora car elle est devenu folle et donc qu'elle allait tué? c'est ça?
Puis, en fait, a la fin, il est devenu fou. Il a eu cette lumière qu'avait Nora quan il l'as tué. N'est ce pas? En tous cas, il y a de l'horreur: tous ce monde dévasté et cet folie à le fin qui le prend et c'est affrreux.
Félicitation pour ta participation.
Si ca peut te rassurer il y a quelques approximations scientifiques. Donc ca n'arrivera pas ^^
Les illuminés ce sont simplement des gens devenus fous. Oui, il pensait que c'était arriver à Nora et l'a tué.Et au final... Bein, lui aussi. C'est exactement ca.