Amour, Gloire et Panure
Au début fut la douleur.
Un petit éclair de souffrance lui vrilla le crâne d'un bout à l'autre. Ouch. Putain de bordel de Mock !!
Andiberry Richter ouvrit une demi-paupière pour tomber nez à nez avec des yeux qui bavaient. Oui. Il avait beau être dans un état pathétique, il était formel : les deux iris bleus qui le fixaient bavaient un peu sur les joues de leur propriétaire.
Celle-ci se trouvait très près. Suffisamment pour que leurs nez se touchent et que leurs baves se mélangent sur le traversin. Miam miam !
Andiberry cligna des yeux. Ah ok. Les yeux étaient peints sur les paupières close de sa voisine d'édredon.
Précautionneusement, il enleva sa jambe qui était passée par dessus le corps conséquent de sa voisine, puis il enleva le mollet de celle-ci qui bloquait sa deuxième jambe.
Wow, quelle gueule de bois...
Où est ce qu'il avait atterri ? Il se souvenait vaguement d'un vaisseau. Sa propriétaire en était très fière. Ça s'appelait comment déjà ? La génisse mécanique ? Le phoque magnétique ? Le pingouin métaphysique ? Il ne savait plus.
La dite-propriétaire se retourna dans le lit ; Andiberry ne voyait plus que sa frange bleue au dessus de ses yeux peints. Ce qu'il ne savait plus non plus, c'est s'il l'avait fait.
Il réalisa qu'il avait toujours ses lunettes sur son nez. Il avait aussi son pantalon et ses chaussettes, l'une à son pied droit et l'autre enfilée sur sa main gauche. Avaient-ils joué aux marionnettes ? Lui avait-il fait son plus beau sketch ? La meilleure des techniques pour draguer en soirée ? Mystère et boule de geisha.
Il observa autour de lui : la chambre était en bordel, mais ce qui attira le plus son regard, c'était la mocheté des couleurs et le choix des imprimés. Soit sa propriétaire n'avait pas de goût, soit elle était aveugle.
Il tâtonna à la recherche de son haut, une sorte de pull moelleux et pelucheux acheté dans une boutique locale. Le genre de machin si confortable que plus jamais il ne le lâcherait de toute son existence.
Il cligna à nouveau des yeux. Tout doucement, les choses commençaient à se remettre en place.
La veille, il était descendu boire un verre au Troll Rageux. C'est fou comme ce bar semblait avoir la manie de jaillir partout où on ne s'y attendait pas. Mais dans ce genre de lune où l'alcool était illégal, c'était une place fort convoitée.
Enfin bref, il se souvenait vaguement de sa comparse d'aventures qui avait disparu à un moment de la soirée où il s'était lié d'amitié avec deux maraudes qui aimaient se palper le derrière pour se prouver leur amitié.
La première avait partagé avec lui une conversation palpitante sur les gadgets en tout genre et s'était prise de passion pour son porte clef à diode en forme de basket. La deuxième lui avait fait découvrir et redécouvrir la tournée spéciale de Duteil, le patron : un truc bizarre qui macérait dans sa jatte depuis une éternité et qui l'avait assommé comme s'il s'était descendu dix bouteilles.
Après ça ? Mystère et boule de suie.
A force de tâtonner, il avait remis la main sur son pull. Il l'enfila et grimaça : il piquait étrangement, ce qui était inconcevable !
Le haut n'était pas le seul d'ailleurs, tout piquait !! Depuis son pantalon, jusque dans ses chaussettes en passant par son slip.
C'est au moment où il allait se poser plus de question que son bipper se mit à sonner. Andiberry bondit sur place. Il ignorait si les gens du coin avaient ce genre d'engin. Il jaillit de la chambre, referma la porte et souffla un bon coup avant de s'appuyer contre le mur. Son bipper continuait de lancer des sons stridents. Il jeta un coup d’œil dessus :
« Où es-tu passé BORDEL ! Je t'ai cherché toute la nuit ! »
C'était Lou. La coéquipière. Il lui répondit immédiatement :
« Rien de grave. Je me suis un peu perdu »
La suite ne se fit pas attendre :
« Tu as découché ? »
« A vrai dire, aucune idée. Et j'ai 40 ANS ! JE FAIS CE QUE JE VEUX ! »
« Ouais c'est ça, ramène vite ton fessier avant que je décolle sans toi! »
Il soupira avant de sursauter pour la deuxième fois en deux minutes -il devait arrêter cette vie frapadingue, ou autant se faire poser un pacemaker tout de suite!- . Assis sur un tabouret, un type le regardait en mâchonnant un bout de brioche. Sans doute un membre de l'équipage de Mme la commandante qui dormait à poings fermés à côté.
- Heuh. Salut ?
L'homme leva les sourcils et lui indiqua un tabouret du pouce sans cesser de mâchonner sa brioche, puis il alluma la boitazik pour passer « Le beau Danube bleu ».
Assez peu serein, Andiberry glissa une demi-fesse sur le tabouret et accepta avec reconnaissance le café qui lui fût servi.
Le type n'avait pas l'air complètement étonné. La cheftaine -alias Guevara, s'il se souvenait bien- devait avoir quelques frasques dans son sac. Cependant, l'homme jetait des coups d’œil insistants sur sa joue. Avait-il encore la marque de l'oreiller ? Ou pire, une coulure de la bave du chef ?
Il n'eut pas l'occasion d'y réfléchir plus car la porte de la cabine s'ouvrit, laissant passer une Guevara ébouriffée, visiblement pas du matin, qui traînait autour d'elle une couette à l'imprimé hideux.
Elle rampa jusqu'au dernier tabouret et attrapa avec reconnaissance le café que son acolyte lui tendit. Puis elle tourna ses yeux baveux vers Berry qui se raidit et faillit tomber du tabouret -il y posa finalement sa deuxième moitié de fesse pour plus de sécurité-.
- Salut. Sacré murge.
- Haha ouais.
Et voilà, ce fût tout.
Andiberry finit sa tasse de café, grignota un bout de brioche du bout des dents, puis se leva pour partir, résigné à ne jamais apprendre ce qui avait pu se passer cette nuit.
- Bon, il faut que j'y aille. Merci beaucoup pour l'hospitalité, et pour le café aussi. Ma partenaire doit s'inquiéter.
Guevara hocha la tête gravement, les yeux toujours fermé.
- Pas de soucis. Salue Duteil pour moi la prochaine fois.
- Aucun problème.
Alors qu'il les saluait vaguement et s'apprêtait à -fuir?- partir, Guevara fronça les sourcils et l'interpella :
- Attends, toi!
Apparemment, elle ne se souvenait plus de son nom. Il était soulagé de ne pas être le seul à avoir été lamentable. Elle le montra du doigt puis se tapota la joue :
- Tu comptes vraiment sortir comme ça ?
Andiberry se frotta la joue. Ça piquait.
Il regarda sa main.
De la panure...
"Le corps conséquent de sa voisine" ; "le pingouin métaphysique" ; "C'est fou comme ce bar semblait avoir la manie de jaillir partout où on ne s'y attendait pas" hehehe tu m'as vraiment fait mourir de rire !
Et puis au milieu de toutes ces blagues, hé, c'est quand même super bien écrit j'ai trouvé, ça colle vraiment bien au ton du personnage <3 Ça me perturbe d'être si fan de Berry, sachant que ce serait probablement quelqu'un que j'aurais tendance à fuir à toutes jambes dans la vraie vie :'D
Merci pour cette lecture Loupette, c'était trop trop chouette ! Amour et panure sur toi !
Bravo bravo !
Je vote pour que Danah ait un vaisseau qui s'appelle le pingouin métaphysique xD Et je trouve Guevara très digne après cette soirée de panure. Madame sort drapée dans son édredon moche sans soucis !
Elle utilise son don pour saisir le morceau de panure sur sa joue ?
C'était une étape parfaite dans son voyage, au Berry !