Des rayons astraux filtrent par la fenêtre de la chambre et illuminent de façon presque divine une jeune femme. Ses cheveux roux écrasés sur son visage rond, elle semble se débattre dans son sommeil, comme si elle cherchait à fuir un mauvais rêve. De la sueur perle le long de son corps d’une couleur si blanche que l’on pourrait s’y méprendre avec de la porcelaine. Elle finit par se réveiller en sursaut, ses yeux couleur olive balayant la pièce, comme effrayée par la possible présence d’un être malveillant. La jeune femme se lève finalement de son lit pour se diriger vers l’unique fenêtre de ce lieu. La respiration encore saccadée, elle essaie de se remémorer les événements fictifs qui avaient réussi à la sortir de sa torpeur tout en observant le paysage qui s’offre à elle. Vivant dans ce qui pourrait ressembler dans le monde des humains à une cabane donnant sur un lac, elle admire, silencieuse, la lune se refléter sur l’eau claire. Trouvant bon de se dégourdir les ailes, elle ouvre la petite fenêtre qui la sépare de l’extérieur et s’envole brièvement jusqu’à atteindre l’herbe mouillée.
L’air frais l’aide à reprendre ses esprits, lui permettant de se souvenir de la légèreté de sa tenue qui ne se compose que d’un short turquoise et d’un simple débardeur noir. Elle ne fait cependant pas demi-tour et continue son chemin jusqu’au petit lac à quelques centaines de mètres devant elle. La jeune ange s’arrête à la vue du petit ponton, mais décide de continuer sa route jusqu’à arriver à son bout. Elle s’y assoit et trempe ses jambes dans l’eau gelée.
Pensive, elle réfléchit au sens de ce rêve qui la hante depuis bientôt seize longues années. A ce visage ressemblant au sien qui avait l’air de la protéger de quelque chose, mais également à cette voix frêle et inquiète qui l’appelait par son prénom. Ainsi qu’à ce visage étrange qu'elle avait l’impression de connaître. À ces longues cornes reliées au corps de cette femme étrangère. Et ses yeux dorés qui semblent la troubler.
Tout en se torturant l’esprit avec ce rêve farfelu, elle se surprend à torturer ses belles ailes blanches. Un tas de plumes s’était agglutiné autour d’elle et, comme honteuse, elle lâche enfin son plumage qui ne demandait qu’à être chouchoutée par sa propriétaire.
La femme ailée entend du bruit derrière elle et se tend dans un premier temps avant de reconnaître les voix de ses amis.
- Que fais-tu ici Calistia, demande une brune.
- Je…
-C’est évident voyons Raïa, enchaîne un jeune homme ressemblant trait pour trait à ladite Raïa, elle doit être si excitée de quitter ce trou qu’est Enkeli qu’elle n’arrive pas à dormir.
- Ou alors, enchaîne une jeune blonde, il se passe autre chose.
- Vous, les filles, je ne vous comprendrais jamais. Je retourne me coucher.
- Ouais c’est ça Abriel. Ce serait chouette que tu ne reviennes pas.
- Oh la ferme Olariane.
Ladite Calistia ne peut s’empêcher de rire en voyant ses amis agir de la sorte. Elle les connaissait depuis toujours, les aimait et les considérait comme sa famille et réciproquement même si Raïa et Abriel étaient véritablement du même sang. Malgré qu’Olariane et Abriel se crachaient mutuellement dessus, la petite bande était toujours soudée, si l’un allait quelque part, le reste suivait par automatisme. Il était alors évident que tous suivraient la formation pour devenir Maor. Ils souhaitaient tous quitter Enkeli, cette prison pour les anges mais que les humains idéalisent. Une simple illusion donnée par les hauts placés pour qu’ils puissent contrôler aisément ce qu’ils appellent les larves : la race humaine.
La formation qui va leur permettre de sortir de cette prison angélique n’est accessible qu’à partir de l’âge de cent-soixantes ans, il n’y a que cette condition. Mais pourquoi tous les anges ne participent pas ? Pourquoi ne sont-ils qu’une simple minorité de la population angélique à se libérer partiellement de ce système ? La réponse est simple. Les personnes contrôlant le paradis persuadent les anges que le monde humain est hostile pour eux, mais aussi que les démons, l’ennemi numéro un de la race angélique, contrôlent ce domaine et n'hésitent pas à tuer les protecteurs des Hommes. En manipulant les esprits de leurs compères, il est facile de les dissuader de quitter Enkeli.
Cependant, il reste une minorité qui, malgré les tentatives vaines des grands archanges qui régissent ces lieux, s'entête à vouloir rejoindre cet univers qui leur est interdit. Calistia et ses compères en font partie, et bien heureusement ! Sans la présence des anges, la totalité du clan des humains sombrerait dans les méandres du vice.
- Olariane, commence Calistia, tu comptes un jour annoncer à Abriel que tu es folle de lui ?
La blonde se met à balbutier. Le rouge aux joues, elle annonce à ses amies vouloir retourner se coucher. Le silence prit place à nouveau. Les deux jeunes femmes scrutent la lune, ou du moins son illusion. La brune finit par le couper de manière brute.
- Calistia ?
- Oui Raïa ?
- Tu penses qu’il est comment le monde humain ?
- Beau je dirais. Je l’espère du moins. Et toi ?
- Je n’en sais rien. Les gens disent qu’il est effroyable.
- Les gens d’ici sont corrompus.
Le ton glacial de Calistia coupe net la conversation. Son amie comprend que cette dernière désirait rester seule et part rejoindre le petit chalet. Enfin seule, la jeune femme sombre à nouveau dans ses pensées et, sans s’en rendre compte, se laisse guider par Morphée avec pour seule pensée hantant son esprit : la jeune femme aux yeux dorées.