Le silence de la bibliothèque était brisé uniquement par le doux bruissement des pages que Nyx tournait machinalement. Assise derrière le comptoir d'accueil, elle sirotait son troisième Chochaud de la journée - cette boisson chaude au chocolat qu'elle chérissait tant qu'elle lui avait donné un nom. Ses yeux aux reflets changeants, mélange hypnotisant de vert, de brun et de jaune, parcouraient les lignes du dernier Jennifer L. Armentrout qu'elle avait commandé spécialement.
À vingt ans, Nyx avait trouvé dans ces murs tapissés de livres un réconfort que peu comprenaient. Chaque histoire était une évasion, chaque personnage une possibilité de vivre mille vies différentes.
Ses longs cheveux bruns cascadaient sur ses épaules comme un rideau protecteur, et quand l'anxiété la gagnait - ce qui arrivait souvent - elle se mordillait les lèvres jusqu'à les rendre douloureuses.
— Nyx ? La voix de Madame Rousseau, la bibliothécaire en chef, la tira de sa lecture. Il est dix-huit heures, tu peux fermer si tu veux.
Nyx leva les yeux, surprise de voir que le soleil déclinait déjà derrière les hautes fenêtres. Elle avait encore perdu la notion du temps, comme souvent quand elle se plongeait dans ses mondes imaginaires.
— Merci, Madame Rousseau. Je finis juste ce chapitre.
La femme plus âgée sourit avec bienveillance. Depuis deux ans que Nyx travaillait ici - depuis qu'elle avait abandonné ses projets universitaires pour soutenir financièrement son père après la mort brutale de sa mère - elle s'était montrée d'une patience remarquable avec ses petites manies de lectrice compulsive.
Une fois seule, Nyx referma son livre en soupirant. Même les héroïnes les plus courageuses de ses romans préférés lui semblaient parfois plus réelles que sa propre existence. Elle rangea consciencieusement son espace de travail puis éteignit les lumières une à une.
Le trajet du retour se déroula dans la routine habituelle. Nyx marchait d'un pas rapide dans les rues de leur petite ville, ses un mètre soixante-quinze lui donnant une foulée assurée. Le collier que sa mère, Lyria, lui avait offert pour ses dix ans brillait doucement sous les réverbères - un pendentif étrange en forme de trèfle à quatre feuilles, gravé de symboles qu'elle n'avait jamais réussi à identifier. Elle le serra fort contre elle comme pour se rapprocher de sa mère, partie récemment. La douleur, toujours aussi vive, la poignait encore.
Elle arriva finalement dans la modeste maison qu’elle partageait avec son père et le prévint de son arrivée.
— Je suis dans la cuisine, ma puce, cria-t-il, sous le brouhaha des casseroles.
Son père n’avait jamais été très doué en cuisine, mais depuis la disparition de sa femme, il tenait fermement à s’occuper de Nyx au mieux.
— Qu’as-tu préparé de bon ? demanda l’intéressée en louchant dans l’ustensile. Au vu de l’odeur et de la texture, un plat brûlé comme souvent.
— Ton plat préféré : les pâtes bolognaises de ta maman.
Le cœur serré, Nyx sourit à son père et le remercia. La perte de sa mère dans un accident de voiture lors de ses dix-huit ans avait été si brusque, vif… impensable, que la jeune fille se demandait encore si sa mère n’allait pas un jour passer la porte et la serrer dans ses bras.
Elle me manque, pensa Nyx. Mais aussi vite, elle se remit en marche, se changea dans sa chambre et rejoignit son père. Elle refusait de se laisser submerger par la douleur. Elle voulait être un soutien pour son père, l’aider au mieux et être sensible ne faisait pas partie de ses plans.
Elle termina de mettre la table et son père apporta les fameuses pâtes de Lyria. Nyx remercia son père et sourit avec amertume au plat. La blessure était vive, le goût brûlant, la douleur bien présente.
Comme souvent, les souvenirs affluaient sans qu’elle ne puisse les retenir. La jeune femme venait de terminer le lycée. Elle avait sa remise des prix, mais ses parents n’arrivaient pas. Pourquoi ont-ils autant de retard ? Nyx était bien loin d’imaginer la raison de leur manquement et ce qu’il allait signifier pour elle.
Quand fût enfin son tour de monter sur scène, elle vit son père arriver au loin. Elle ne percevait pas les émotions de son père, mais fière de lui montrer sa réussite, elle monta sur scène. Ce n’est qu’à la fin de la cérémonie qu’elle put le retrouver.
— T’as vu ? J’ai réussi ! J’ai réu… s’interrompit la jeune femme, que se passe-t-il, papa ?
Nyx ne souriait plus. Son père avait pleuré. Elle le voyait. Et sa mère n’était toujours pas là.
— Ma puce… Ta mère… Elle… est décédée…
Les mots étaient durs à dire, mais encore plus à recevoir. Nyx s’effondra. Non, non, c’est impossible ! Mais où pouvait bien être sa mère ? Pourquoi raconter une si mauvaise blague en ce jour si important ?
La jeune femme se mit à courir vers leur maison. Elle était désespérée. Elle ne pouvait pas accepter la mort de sa mère en ce jour, d’un coup, comme un souffle. Pas maintenant. Elle était trop jeune pour partir, pour l’abandonner. Elle, qui l’aimait tant.
Maman…
Un cri profond, qui n’eut jamais de réponse.
Sa mère était partie. Si vite que Nyx ne la revit jamais, ni dans ses rêves, ni dans son cercueil. Seul un vide, profond, sombre, ignoble, l’accompagnait désormais.
Chapitre très intéressant qui donne déjà des émotions claires.
Sincèrement j'ai lu d'une traite et le style est fluide donc bravo.
A voir la suite avec Nyx.
Juste cette phrase : "Qu’as-tu préparé de bon ? demanda l’intéressée en louchant dans l’ustensile." -- le loucher dans l'ustensile me parait étrange. Je sais pas si ça se dit vraiment. J'aurais plutôt "lorgnant l'intérieur de l'ustensile" peut-être :)
A plus :)
Merci beaucoup pour la correction ! J'espère que la suite te plaira tout autant.
Bonne journée !