Quelque part en Finlande.
Minna s'habille, comme toutes les nuits, pour partir au travail. A l'heure où tout le monde rentre pour se mettre à l'abri du froid, au coin de sa cheminée, Minna enfile chaussettes polaires et collant, pantalon de randonnée, sous-pull bleu clair et pull en laine de chèvre.
Pour braver le froid, elle se glisse dans sa combinaison turquoise, passe la tête par sa fenêtre donnant sur la balustrade, le temps est dégagé, le ciré restera sur le portemanteau.
Minna pare sa tête rousse de tresses bien serrées, et met son bonnet blanc par-dessus. La voilà prête.
Comme toutes les nuits, elle sort en passant par le garage pour récupérer ses miroirs. Elle commence à avoir une belle collection, et cherche ceux qui reflèteront au mieux son humeur du moment. Finalement elle s'arrête sur l'ovale argenté et le carré rouge.
Ainsi équipée, elle s'apprête à partir faire un métier que ses ancêtres les Vikings exerçaient déjà il y a fort longtemps.
La jeune fille est la dernière à exercer le métier de boréalite, « revontuli » en finnois.
A l'époque de ses ancêtres et des dieux nordiques, c'était plus simple. Il suffisait de suivre à la trace les renards de feu pour recueillir les étincelles. Les Vikings suivaient alors les légendaires « revontuli » qui balayaient la neige et qui frottaient leurs longues queues le long des montagnes et ainsi jaillissaient les étincelles, les vagues vertes éclataient alors. Lumières sacrées qui faisaient renaitre le jour, depuis toujours. Mais voilà, ils se faisaient de plus en plus rares et, pour l'avouer, elle n'en avait jamais vu elle-même.
Minna recueille les fragments d'aurores boréales qui tombent sur terre à l'aide de ses miroirs, des étincelles. Métier insolite mais combien salutaire pour l'humanité vivant dans le cercle polaire.
Minna est prête pour sa mission, elle chevauche sa motoneige le long de la toundra finlandaise et apprécie la solitude et le réconfort de ces longues nuits polaires.
A l'image de ces nuées de touristes qui sont de plus en plus nombreuses, elle part chasser l'aurore boréale. Elle quitte Inari en saluant les quelques passants qui rentrent chez eux et s'apprête à remonter le lac gelé, direction le nord.
Les conditions sont réunies aujourd'hui, le ciel est clair mais elle ressent une certaine électricité dans l'air jusqu'à la pointe de ses tresses. Elle file encore sur quelques dizaines de kilomètres. Soudain, elle la sent avant de la voir. Elle est magnifique, la vague émeraude se reflète dans les yeux de Minna, se superpose même sur le vert de ses yeux. Elle déferle sur le firmament en laissant des trainés turquoises et même violettes aujourd'hui.
Minna est ravie, elle arrête sa moto et s'élance sur le lac gelé, elle positionne son miroir carré et part à l'opposé sud avec son précieux miroir ovale.
Et là, tout ce qui fait de son métier un bien si précieux se fait en un geste. Une rotation de son poignet gauche, qui tient le miroir, pour le faire refléter dans le premier placé à terre.
Ca y est l'étincelle est là, aujourd'hui Minna a réussi à attraper du vert avec ce fameux reflet violet. Elle regarde la vague un instant toujours ébahi de cette féerie qui a toujours tant fait parler l'humanité. Puis, elle range le bout de verre étincelant et court chercher le deuxième. La jeune fille remonte sur sa moto et fait le trajet en sens inverse en pensant à la chance qu'elle a de faire ce métier fabuleux, et, surtout, qu'elle ira demain faire ses provisions car l'hiver arrive avec son lot de nuits journalières.
Après une bonne nuit, Minna se prépare à faire des courses. Elle quitte le réconfort des chaleureux chalets rouges de son village pour rentrer dans la modernité des centres commerciaux. Elle passe le pont qui enjambe le lac et fait un saut dans le temps.
Les années vikings sont bien loin face à cette armada de béton. Au croisement, elle échange sa motoneige contre un chariot et fait le plein de ressources nécessaires à l'arrivée de l'hiver et de ses ténèbres.
En Finlande, il y a le soleil de minuit, mais aussi les nuits à rallonge et, Minna est essentielle dans le retour de la lumière. Grâce aux étincelles des aurores boréales prisonnières de ses miroirs, elle permet le retour de la lumière après ces longues nuits d'hiver.
Minna travaille méticuleusement, elle possède de nombreuses étincelles et elle s'applique à faire renaitre le jour chaque année.
Une nuit, en revenant de sa recherche journalière, elle trouve son garage fracturé et sentit de l'électricité dans l'air. Le vol n'était pas grave pour la boréalite mais la casse était irréparable, catastrophique pour les habitants du cercle polaire. Elle rentre à pas feutré et trouve son mobilier retourné, sa collection de miroirs éparpillée au sol, plus d'étincelle, plus de lumière dans le cercle polaire.
Un souvenir lui revint, alors, en mémoire, son grand-père lui racontait souvent une vieille histoire viking.
« Dans les temps anciens, les dieux nordiques se plaisaient à se quereller. Le Dieu Loki était le plus fourbe de tous, il essayait sans cesse de contrecarrer les plans d' Odin le dieu des dieux. Ils aimaient envoyer quelques monstres sur l'humanité. De nombreux héros partaient alors les combattre pour préserver les hommes de l'obscurité. »
Les Dieux étaient partis depuis longtemps en laissant derrière eux des monstres en mal de maîtres. Un dernier était, peut-être, caché dans le lac en espérant éteindre la lumière à jamais.
La jeune femme sentit le désespoir dévaler sur elle, comment accomplir sa tâche millénaire seule avant l'arrivée du printemps ?
La jeune fille se ressaisit et réfléchit, elle vivait au XXIème siècle et elle trouverait surement une aide salutaire sur les réseaux sociaux. Elle allait faire découvrir son métier au reste du monde. L'avenir de la lumière dans le cercle polaire reposait alors sur une simple annonce :
« Salut, je m'appelle Minna et j'habite au nord de la Finlande dans le cercle polaire. Je suis Boréalite, surement une profession qui ne vous dit rien mais ô combien importante par delà cette latitude.
Je collecte, comme mes célèbres ancêtres vikings, les étincelles des aurores boréales afin de faire renaitre la lumière du printemps et combattre ces fameuses nuits perpétuelles. Pour récupérer ces étincelles je m'arme de miroirs et je pars à la poursuite des aurores. J'ai subi une grande perte aujourd'hui, celui de mes miroirs et surtout des étincelles que j'avais recueillies.
Je sollicite votre aide aujourd'hui en vous dévoilant mon métier qui m'est si cher et qui est si nécessaire dans ce petit coin du monde parce ce que ce n'est pas qu'à moi qu'il est nécessaire.
Dans l'immédiat, j'aurai besoin de miroirs et de bras. Je compte sur vous pour faire renaitre la lumière, et de ne pas nous laisser dans le noir.
Merci. »
A la suite de cette annonce, Minna reçut des centaines de messages, d'étonnement, de joie, d'incrédulité et d'autres comme les réseaux sociaux savent si bien créer.
Mais plus important pour elle, la boréalite reçut miroirs et aide grâce aux nombreux bras qui se transformèrent en boréalites le temps d'un soir.
A l'heure où Minna doit vaincre les monstres des ténèbres, la jeune fille se prépare dans son chalet. Elle descend au garage puiser les nouveaux stocks de miroirs. Elle les prend délicatement en visionnant chaque étincelle et les charge dans son sac à dos.
Ce soir, elle a des spectateurs. Les apprentis boréalites sont là, ils veulent découvrir le spectacle du ciel après ces nuits ténébreuses.
La jeune fille entreprend de faire le tour du lac, en plantant à intervalle régulier ses précieux miroirs. Avec une grande minutie, Minna compte ses pas.
Arrivant au bout, elle se sent rougir, c'est la première fois qu'elle entreprend sa mission en étant étroitement observée. Tout à coup, elle doute. Et si cela ne fonctionnait pas, si les ténèbres gagnaient.
La descendante viking sent alors l'électricité jusqu'à la pointe de ses tresses, les miroirs vibrent et les étincelles jaillissent. Cette fois, c'est elle la peintre qui colore le ciel. Des étincelles vertes, bleues, turquoises, violettes et même rouge sortent tout droit des miroirs à la verticale et touchent l'atmosphère. La dernière aurore boréale de l'année naît là sous le regard ébahi de dizaines d'yeux.
Le bout de son nez s'illumine, le rayon de soleil salvateur est là, bien là. Il grandira un peu plus chaque jour pour illuminer le ciel pendant 24 heures même, le jour du soleil de minuit, la revanche du soleil sur les ténèbres.
C'est ainsi que Mina fit connaitre son merveilleux métier au reste du monde. Et peut-être, fit-elle créer de nouvelles vocations.
très jolie idée, très poétique et qui mériterait d'être approfondie. j'aurais beaucoup aimé plus de détails. Quelques petites fautes cependant.
bonne continuation..