Chapitre 1

Un soir d'hiver Dans la maison isolée, tout était silencieux. En cette fin de nuit de décembre, l'hiver glacial avait gelé tous les bruits. Tout le monde dormait. Mais la petite fille avait les yeux grands ouverts. Le froid ambiant piquant le bout de son nez l'avait fait émerger de son sommeil. Son lit, garni d'un gros édredon gonflé de duvet, lui faisait un nid douillet. Tous les soirs, elle se réfugiait en dessous de la couette, comme pour retourner dans le ventre maternel et là, protégée des monstres et des sorcières maléfiques qui hantaient ses nuits enfantines, rien ne pouvait lui arriver. Pourtant elle sortit du dessous de son bouclier protecteur et guidée par un son étrange provenant de l'extérieur, elle parvint à la tabatière et dépassa son nez de la base de la lucarne. Elle observa l'extérieur et ne vit rien. La nouvelle lune était aussi sombre que les ténèbres, la nuit était noire. Qu'aurait-elle bien pu voir de toute façon ? Les arbres peut-être ? Endormis sous le givre, contorsionnant leurs branches comme des squelettes abstraits. Quelques feuilles mortes gelées ? Aussi fragiles que du cristal, elles réalisaient un tapis craquant sous les pas. En tout cas une chose était certaine elle n'aurait pu apercevoir aucun animal, aucun insecte, aucun homme car rien ne s'était hasardé dans ce décor glacial. Le vent hurlait et fouettait les buissons pour rappeler qu'il était le maître de cette scène macabre et hivernale. A cette période de l'année, la campagne environnante rappelait les plaines sibériennes où aucune créature vivante ne s’aventurait. Qu'aurait-elle pu voir d’ailleurs ? La longue, droite et austère départementale ? Elle fendait en deux cette cauchemardesque beauté campagnarde. Non, il faisait vraiment trop noir et la petite fille ne pouvait rien voir de tout cela. Roulant à fière allure, un motard. La route droite, monotone arrivait à sa fin. Elle se courbait en un virage langoureux. Quel bonheur que ce morceau d'asphalte à la courbure idéale pour un adepte de la vitesse ! Il arriva à l'entrée du virage. Il devait ralentir. La vitesse était trop élevée et il risquait de ne pas passer. Mais, il ne ralentit pas. Sa main resta en position, il se pencha et vit la courbe se dérouler devant ses yeux… sa vie également. La machine se coucha sur le côté. Le frottement de l'asphalte contre la carrosserie, comme deux silex frottés l'un contre l'autre, projeta une gerbe d'étincelles qui s'éleva vers le ciel et retomba en une pluie d'étoiles filantes. La nuit s'éclaira comme si un feu d'artifice marquait la fin d'une fête. Ici, c'était de dernier acte d'une vie. Il sentit la douleur d'une brûlure : l'échauffement de son corps contre le bitume. Il regretta sa témérité mais il était trop tard... contre la glissière de sécurité, la mort l'attendait, le fauchant de sa lame. Le métal le frappa au visage. Il eut juste l'impression que sa conscience était expulsée de ses yeux lorsque ceux ci s'éteignirent dans un éblouissement bleuté. Le ciel s'était illuminé de milliers d'étincelles, une pluie de poussière d'étoiles... comme celle que la fée clochette projetait. La petite fille était béate devant le spectacle qui s'offrait à elle. Elle venait de frapper la terre de sa baguette magique ! Une petite fossette apparue sur le visage enfantin, elle sourit comme seul les enfants savent le faire quand quelque chose de merveilleux leur arrive. La fée Clochette venait de toucher la terre et de sa fenêtre, elle avait été le témoin privilégié de ce miracle ! Le bonheur l'envahit. Elle retourna sans attendre dans le creux de son lit, bien au chaud, réchauffant son petit nez glacé sous la couette. Ravie, elle voulait rêver à la fée. Elle baissait ses paupières de toutes ses forces afin de les tenir bien closes. Tout allait désormais changer. "Les fées existent..." pensa-t-elle tout en souriant en s'endormant. Lui, il essaya de sourire mais il n'en avait plus la possibilité. Seuls ses yeux étaient ouverts. L'infirmier de l'ambulance les lui ferma…