Chapitre 1

Par Vylma

Erica avait quitté l’autoroute depuis une bonne heure déjà et arpentait à présent la dernière route de campagne jusqu’à sa destination. La départementale, couverte de nids de poule, serpentait à travers une forêt de chênes. En ce début de mois de septembre, il faisait encore assez chaud pour conduire les fenêtres ouvertes en débardeur, mais les arbres commençaient déjà à montrer des feuilles jaunes.

Elle n’avait pas regardé d’itinéraire avant de partir.

Le matin même, aux aurores, assise sur son lit d’où elle sortait à peine depuis plusieurs semaines, elle avait pris une décision. Elle s'était levée, avait saisi son sac de voyage élimé qu’elle traînait depuis son adolescence, et l'avait rempli de ce qui lui tombait sous sa main. A savoir des vêtements pour une petite semaine, sa brosse à dent, une serviette qui semblait propre, un chargeur pour son téléphone, son livre de chevet qu’on lui avait prêté et qu’elle n’avait jamais commencé, ainsi que quelques bouteilles d’alcool disséminées dans son appartement.

Ensuite, elle s’était assise à sa table de salon, le sac à ses pieds et son téléphone posé devant elle. Elle attendait. A huit heures pile, elle saisit son téléphone et appela sa tante. Au bout de six sonneries, elle failli laisser tomber et retourner regarder le temps passer dans son lit, sa détermination déjà vacillante. Elle avait déjà éloigné le combiné de son oreille quand on décrocha. De l'autre côté de la ligne, sa tante, surprise mais aimable, comme toujours.

— Erica ? Tout va bien ?

— Salut. Désolée de te déranger si tôt.

— Tu ne me dérange jamais Eri, tu le sais. Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?

— Je voudrais aller au Castello di Sabbia quelques temps. Je peux passer récupérer les clefs si ça ne te gène pas ?

— Tu es sûre ? Je ne suis pas certaine que le chauffage marche encore. Mais si tu y tiens, bien sûr, tu passes quand tu veux.

— Dans une heure ?

— D’accord, à dans une heure alors, conclu sa tante après une hésitation.

Sa tante habitait en périphérie, Erica avait un peu de route à faire. Elle se leva et balaya des yeux son appartement. Rien ne la retenait ici. Elle pouvait partir, là, tout de suite, et laisser cet environnement livré à lui-même, sale, en désordre, sa nourriture pourrissant lentement au fil de son absence.

Elle fixait une demi-baguette de pain dépassant de dessous sa table basse, qu’elle avait grignoté l’avant-veille et laissé rassir depuis. Une tâche verte avait déjà commencé à se développer sur le dessous et remontait petit à petit. Elle pouvait la laisser là jusqu’à ce que ça devienne une moisissure géante. Est-ce qu’il y aurait des champignons ? Est-ce qu’à force, si la chose gagnait suffisamment de terrain sur les divers détritus qui jonchaient le sol, les voisins pourraient s’en plaindre ? L’idée la séduit un instant, mais elle finit par choisir de faire les choses un minimum dans les règles.

Elle sortit sa poubelle, y jeta le pain et quelques restes plus ou moins identifiables qui traînaient dans sa cuisine et sur le sol de son salon avant de la fermer. Son frigo était quasiment vide de toutes façons, ce n’étaient pas ses condiments qui allaient se gâter comme ça. Dernièrement, quand elle voulait se nourrir, elle commandait une pizza qui lui durait une journée ou deux. Elle ne prenait même pas la peine de changer de pizzeria pour brouiller les pistes, si bien que certains livreurs commençaient à la regarder bizarrement.

Après avoir jeté la poubelle dans le hall de son immeuble, elle prit son sac à l’épaule, coupa l’électricité, et verrouilla son appartement. Il était encore tôt et des gouttes de rosée scintillaient sur la haie longeant son parking. Au dehors de sa résidence, elle entendait le bruit de la circulation, tous ces conducteurs accélérant, freinant, klaxonnant, pestant, pressés de se ruer à leur travail pour se gaver de café, harceler leurs subalternes et essuyer les foudres de leurs supérieurs. Assise dans sa voiture, Erica respira un grand coup avant d’affronter cette marée de voitures.

Environ une heure de conduite et une escale station-service plus tard, elle arrivait devant le pavillon coquet de sa tante. Elle n’était pas venue lui rendre visite depuis des années mais n’avait eu aucun mal à trouver son chemin. Tout en laissant son sac sur le siège passager, elle alla sonner au portail. Le joyeux carillon qui jouait une musique différente à chaque pression résonnait à l’intérieur. Erica entendait la mélodie étouffée depuis la rue silencieuse. Sa tante, la petite cinquantaine, une femme rondelette, avenante et dynamique, ouvrit rapidement la porte et la rejoint au portail.

Elle n’avait que peu changé. Son visage couvert de fines rides, surtout visibles aux commissures des yeux, était toujours entouré de ses épais cheveux bouclés, bien qu’ils ne soient plus aussi bruns qu’avant. Elle insista pour l’inviter à prendre un thé à l’intérieur en plantant ses yeux sombres et francs dans ceux, similaires, d’Erica ; si bien qu’elle finit par céder et la suivre à contre cœur. Dans la petite véranda était déjà disposées deux tasses en porcelaine et une théière fumante, accompagnées de biscuits. Cela avait toujours été des petits sablés ici, d’aussi loin qu’Erica puisse se souvenir. A côté de la théière, le trousseau de clefs.

Sa tante avait essayé de glaner des informations. Elle lui avait demandé comment elle allait, ce qu’elle avait prévu, si elle allait rejoindre quelqu’un, si elle avait prévenu des amis de ses projets, si elle avait appelé son père. Erica avait lancé quelques réponses évasives, bu son thé, pris les clefs de la maison de famille dans sa poche et s’était levée pour partir. Voyant qu’elle ne réussirait pas à en tirer quelque chose, sa tante soupira et lui donna quelques conseils pour sa retraite. Prendre une première autoroute. Puis une autre. Prendre telle sortie, puis suivre une nationale pendant presque deux heures. Sortir dès que La Roche-Raynaud est indiquée, y faire quelques courses. Une fois la bourgade traversée, prendre le troisième chemin à gauche pour rejoindre la maison, celui avec une pierre qui à la forme d’un molaire au croisement. Attention, il faudrait peut-être enlever des branches tombées sur le sentier pour passer, il y a souvent des chutes avec le vent. Elle avait maintenu les contrats d’eau et d’électricité malgré le fait que la maison était inhabitée, mais la chaudière était capricieuse, attention. Si elle ne marche pas, utiliser la cheminée. Oui il fait encore bon, mais les nuits sont fraîches. Ce qu’il y a à l’intérieur de la maison n’a plus de valeur pour personne, qu’elle se sente libre de bouger, aménager, jeter, prendre, amener ce qu’elle veut. Erica écouta les recommandations avec autant de concentration que possible, remercia sa tante et reprit la route.

A présent, le jour commençait à peine à décliner devant elle. Elle avait roulé une bonne partie de la journée et commençait à ressentir la fatigue et la faim. La route était monotone, elle croisait de moins en moins de voitures tandis que la végétation alentour se densifiait. La forêt qui n’était constituée que de chênes encore peu de temps auparavant se remplissait progressivement de pins maritimes. Les fenêtres ouvertes charriaient des effluves salées caractéristiques de la côte Atlantique, riches d’iode et d’algues échouées. Elle regrettait vaguement d’être partie sur un coup de tête sans trop de préparation, mais elle avait fait le plus gros du chemin maintenant. Elle essayait de se rassurer en se répétant qu'elle ne perdait rien à prendre un peu l’air. Sa situation ne pouvait pas facilement s'empirer de toutes façons.

Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas vu arriver l’entrée du village et freina un peu précipitamment lorsqu’elle passa le panneau rouillé de La Roche-Raynaud. Elle n’était pas venue depuis qu’elle était gamine et ne se souvenait plus trop de la bourgade, aussi elle roula doucement en observant autour d'elle. Elle dépassa la masure fleurie qui faisait office de mairie, puis la petite église carrée et se gara à la place de la fontaine. Il n’y avait même pas réellement de places de parking délimitées, seulement un espace bétonné en face des commerces. Juste devant elle se tenait l’épicerie locale, où l'on trouvait généralement tout ce dont on peut avoir besoin dans ce genre d’endroit ; nourriture et boissons bien sûr, mais également poisson très frais, matériel de pêche divers et varié et produits de pharmacie basiques.

Elle coinça son portefeuille dans sa poche arrière de jean, verrouilla sa voiture après une hésitation et poussa la porte du magasin, désert. L’épicier, derrière son comptoir, la suivait du regard sans s’en cacher. L’homme avait une barbe soigneusement taillée d’un blanc éclatant et des cheveux bien fournis tout aussi blancs, tirés en queue de cheval. Son visage buriné et ridé, marqué par les années et la météo marine, semblait afficher en permanence un semi-sourire avenant bien qu’un peu moqueur. Il tenait une vieille pipe à main, éteinte mais odorante, et portait un polo blanc rayé de bleu. Il ne se leva pas à l’arrivée d’Erica, mais lui souhaita la bienvenue d’une voix forte. Elle savait qu’il allait engager la conversation. C’est bien ce qu’il se passe dans une épicerie de village où tout le monde se connaît, n’est-ce pas ?

Afin de retarder l’échéance, elle s’empara d’un panier et s'engouffra au fond du petit magasin, en ramassant nombre de produits un peu au hasard presque sans s’arrêter de marcher. Arrivée devant le comptoir, elle y déposa une dizaine de boîtes de conserves, quelques paquets de biscuits, une baguette, un sac de pommes et une boîte d'allumettes. En les posant, elle se demanda pourquoi elle les avait prises, mais tant pis, plus vite elle serait partie d'ici mieux ce serait. Elle ajouta deux sacs en papier pour rapporter tout cela dans son coffre.

Elle leva les yeux vers l’épicier, et, sans surprise, il la fixait encore, sans bouger. Il n’avait pas l’air pressé d’encaisser les courses disposées devant lui.

— Beau temps, pas vrai ? commença-t-il de sa voix puissante.

Elle sortit sa carte bancaire.

— Pas beaucoup de touristes par ici, continua-t-il. Une belle ville pourtant. Pas beaucoup de plages, mais des promenades à couper le souffle.

Elle haussa les épaules, fatiguée. Il l’observait toujours, mais commençait à scanner mécaniquement les conserves. Sa pipe mise de côté, il attrapa la boîte de lentilles de sa main droite, la douchette de sa main gauche qui semblait beaucoup trop grande pour l’appareil, la fit glisser sur la boîte et fit rouler celle-ci vers le bout du comptoir. Puis les petits-pois carottes, un bip, le frottement du métal sur le bois usé, un bruit de choc timide lorsque lesdits petits pois entra en contact avec les lentilles. Erica suivait les boîtes du regard. Puis les raviolis, bip, poc. Puis le chili, les haricots verts, le thon, les champignons, la seconde boîte de raviolis, les pommes de terre subirent le même sort. La boîte de maïs cependant, resta suspendue dans sa main droite, à quelques centimètres de la douchette.

— Dis gamine, t’es la petite-fille d’Alberto pas vrai ? lui demanda-t-il, curieux, en se penchant vers elle. Vous avez les mêmes yeux d’italiens.

Piquée au vif, Erica lança un regard noir au vendeur. Elle n’aimait pas qu’on lui rappelle et qu’on l’associe à ses origines méditerranéennes. Néanmoins, ses épais cheveux noirs, sa peau mate et ses yeux presque noirs ne lui laissaient généralement pas le choix. Ses interlocuteurs étaient en général curieux, parfois insultants. Dans tous les cas, elle n'avait pas envie d'en parler. Et pour qui il se prenait à l’appeler gamine ?

— Minute, minute, se défendit l’épicier. On l’aimait bien ici, l'Alberto et toute ta famille. J’ai raison du coup hein ? J’avais déjà dû te voir ici alors, mais ça fait longtemps qu’il n’y a plus personne chez vous. C’était des gens bien ta famille, ils ont jamais posé de problème, et pourtant des étrangers ici c’était pas monnaie courante à l’époque. Tout le monde était méfiant. Mais vous avez beaucoup apporté. Par contre on arrivait jamais à se souvenir de votre nom de famille, fit-il en reprenant son geste pour scanner les courses. Alors comme ça la maison est toujours debout ?

Souhaitant mettre fin au monologue au plus vite, elle hocha sèchement la tête.

— Je pensais pas. On s’était pas posé la question. Si t’as des soucis passe au village, les gens te fileront un coup de main. Au pub, y aura toujours quelqu’un.

— Je m’en souviendrai, répondit enfin Erica en commençant à ranger les provisions dans ses sacs en papiers.

Les autres articles passés rapidement, elle régla sa course. Elle eu un gros doute, mais la boutique était bien muni d’un lecteur de carte bancaire, ce n’était pas si perdu que ça comme bourg. Après un bref salut de la tête, elle quitta le magasin sans attendre de réponse et retourna rapidement à sa voiture.

Direction la maison des Giavarini.

A la sortie du village, elle guetta bien les routes sur sa gauche pour ne pas louper le rocher repère décrit par sa tante. Elle le trouva sans difficulté, mais la route en question n’était guère plus qu’un sentier de terre assez large pour faire passer une voiture. Elle s’y engagea prudemment, anticipant d’éventuels obstacles, mais la route était dégagée jusqu’à la bâtisse qu'elle atteignit au bout d'une vingtaine de minutes de conduite lente.

Parce qu'elle était cachée par les arbres, la maison n’était visible qu’au dernier moment depuis le chemin. Assez grande avec son haut toit d’ardoise, elle fut à une époque une coquette maison bourgeoise avant de se fâner pour devenir la vieille maison de famille inhabitée qu’elle était à présent.

La large double-porte d’entrée, autrefois peinte d’un bleu éclatant, était à moitié recouverte de lichen qui semblait lui grignoter les pieds et monter lentement mais sûrement toujours plus haut. Il y avait encore des parcelles vaguement bleu terne, mais presque tout était écaillé. Les volets de bois étaient tous fermés, au rez-de-chaussé comme à l’étage, sauf pour le salon où l’un d’eux pendant misérablement.

Erica avait garé sa voiture juste en face de la porte d’entrée. Il y avait un espace dégagé devant la maison, où pourraient facilement se garer quatre ou cinq voitures, dans l’hypothèse où des visiteurs viendraient jamais jusqu’ici. Elle sortit le trousseau de clefs qui était toujours dans sa poche depuis le matin. A un petit porte-clefs cuivré en forme d’ancre étaient accrochées deux grosses clefs anciennes, de la longueur de la paume de la main d’Erica, et une petite plus récente. Sa tante lui avait dit qu’une servait à la porte d’entrée, une pour le garage, si jamais elle en avait besoin, et l’autre sans doute pour une boîte aux lettres. Elle n'en voyait pourtant pas devant la maison. Peut-être était elle à l'entrée du chemin ?

Debout devant la porte d’entrée, elle resta un moment à fixer les clefs posées sur sa main. L’air commençait à se rafraîchir, des oiseaux chantaient, le vent faisait siffler les arbres alentour, grincer la maison et danser les cheveux d’Erica devant ses yeux. Finalement, elle inséra une des deux grosses clefs dans le portant droit de la porte d’entrée. Une fois n’est pas coutume, c’était la bonne du premier coup. Elle fit un premier tour de clef facilement, mais dû forcer pour le second, tirant et poussant la porte alternativement pour entendre le cliquetis recherché.

Une effluve de moisissures et de renfermé attaqua les narines d’Erica tandis que le portant pivotait sur ses gonds pour laisser la lumière éclairer l'entrée. Le carrelage en damier noir et blanc dont se souvenait Erica était maintenant plutôt noir et gris. Elle pouvait distinguer vers la gauche les premières volées de marches du large escalier menant à l’étage, et vers la droite elle reconnaissait le rideau de perles menant vers la pièce à vivre. Avant d'avancer plus profondément dans la maison, elle débloqua le portant de gauche de la porte d'entrée et le laissa s’ouvrir avec un grincement misérable. Il allait falloir aérer, autant commencer tout de suite.

Après un regard vers sa voiture toujours ouverte, la jeune femme s’engagea dans la maison pour ouvrir le plus de fenêtres possible. Elle franchit le rideau poussiéreux, ouvrit tant bien que mal les trois fenêtres et leurs volets en contournant l’ancienne table à manger, puis l'imposante cheminée centrale en pierres pour accéder à la porte-fenêtre menant à la véranda, dont elle fit également coulisser les nombreuses larges portes pour ouvrir vers ce qu’il restait du jardin. Elle revint dans le salon et entra dans la petite cuisine qui n’était pas séparée par une porte mais par une simple ouverture, et ouvrit la fenêtre au dessus de l’évier, qui donnait sur la véranda. Elle éternua plusieurs fois en revenant sur ses pas ; chaque mouvement soulevait une quantité impressionnante de poussière.

Elle se demanda vaguement ce qu’elle ferait si elle était asthmatique. Aurait-elle été obligée de laisser tomber, de reprendre la voiture, refaire huit heures de route et rentrer dans son appartement ? Ou bien aller dormir dans un hôtel et mandater une entreprise de nettoyage pour laisser quelqu’un d’autre rendre la maison habitable ? De toutes façons, elle n’était pas asthmatique, aucune raison d'y penser.

Elle avait toujours eu une santé de fer, n’avait jamais eu à se rendre chez le médecin pour autre chose que des foulures et une entorse. Mettre de la glace, faire les exercices listés par le kiné. Pas de médicaments, d’analyses, de stress si elle n’avait pas son traitement sur elle, rien de tout ça. Jusqu’au début de l’année du moins.

Elle monta l’escalier de l’entrée à tâtons. La lumière ne marchait pas encore, elle aurait dû réactiver l’électricité avant de se rendre à l’étage. Mais maintenant qu’elle y était, elle continua. D’après ses souvenirs, le large vestibule donnait vers une salle de bain en face, et sur deux chambres à droite.

Après avoir poussé la porte de la salle de bain, elle distinguait la double vasque surmontée d’un grand miroir terni et la baignoire ancienne de l’autre côté. Il y avait bien une fenêtre en hauteur, sans volets, mais tellement sale qu’elle ne laissait filtrer quasiment aucune lumière. Dans les chambres, qui possédaient encore chacune leur lit double et leur matelas, elle put ouvrir les fenêtres entièrement après un peu de lutte contre les vieux volets. D'une des chambres, celle dont le lit avait encore des draps, elle put voir sa voiture. De l'autre, le jardin abandonné et les arbres à perte de vue.

De retour dans le vestibule de l’étage, elle remarqua que l’escalier continuait à monter, bien que plus étroit. Elle se rappelait bien qu’il y avait un grenier, mais accessible par une échelle dans ses souvenirs ; elle n’avait dû y aller qu’une fois ou deux. Curieuse, elle monta les marches rapidement et dû forcer un peu la porte en haut de celles-ci. Elle déboucha dans des combles encombrées, faiblement éclairées par les petites lucarnes présentes ça et là. A cause du capharnaüm, l'espace semblait tout petit par rapport au reste de la maison, ce qui donnait une première impression un peu oppressante et inquiétante.

A sa gauche étaient empilés de nombreux cartons et à sa droite un tas de meubles étaient amoncelés. En face, un petit chemin dégagé menait à une porte ouverte. Cette petite pièce, dont Erica n'avait aucun souvenir, était une petite chambre munie d’un lit simple et de quelques étagères encore couvertes de livres. Elle haussa les épaules et redescendit rapidement les deux étages. Un courant d’air agréable circulait au rez-de-chaussée entre la grande entrée et la véranda, l'air était un peu plus respirable.

Elle retourna à sa voiture, pris son sac de voyage à l’épaule, et tâcha de porter ses deux sacs de courses dans les bras. Bien que cela lui paraissait futile, elle verrouilla sa voiture et alla poser ses affaires sur la table en formica de la cuisine.

L'épuisement lui tomba dessus, brutalement.

Elle aurait voulu s’asseoir, tout de suite, avec une bouteille, et ne plus rien faire pendant des heures. Néanmoins elle se fit violence pour aller réactiver l’électricité et réouvrir l’arrivée d’eau, sans savoir où ça se passait. Il fallait qu'elle règle ça rapidement avant qu'elle n'en ait plus la force.

Elle fit plusieurs fois le tour du rez-de-chaussée et commençait à désespérer lorsqu’elle finit par tomber sur les compteurs cachés dans un placard sous l’escalier, dans lequel elle dû s’accroupir pour atteindre la valve d’eau et le boîtier électrique. Elle tourna péniblement la valve et enclencha tous les interrupteurs électriques disponibles, dans le doute. Ceci fait, elle testa la lumière dans l’entrée et le robinet de la cuisine, pour lequel elle dû ouvrir une autre arrivée d’eau sous l’évier. Ensuite, elle ferma la porte de l’entrée, prit une bouteille de cognac dans son sac, la baguette fraîche achetée au village et partit s’installer dans la véranda. Enfin.

La nuit était déjà tombée lorsqu’elle se réveilla. Lovée dans un imposant fauteuil en rotin couvert de coussins rouges poussiéreux, elle changeait de position pour se rendormir quand elle se rendit compte qu’elle n’était pas dans son appartement. Maintenant complètement réveillée, elle observait autour d’elle. Son portable déchargé était posé sur la table ronde en osier en face d’elle, à côté d’une bouteille de cognac ouverte et à moitié vide. Elle se souvint ne pas avoir eu le courage d’aller se chercher un verre. Une demi-baguette de pain croquée se trouvait également sur la table.

Elle frissonna violemment ; les portes-fenêtre de la véranda étaient encore grandes ouvertes sur les ténèbres du jardin. Le ciel était voilé et la lumière de la lune extrêmement faible. Elle ne distinguait que la cime des arbres les plus proches, secoués par le vent. Il pouvait très bien y avoir quelqu’un dans le jardin, à dix mètres d’elle, qu’elle ne le verrait même pas. L’idée l’inquiéta un peu, mais pas suffisamment pour qu’elle se décide à bouger. Elle se demandait quoi faire. Encore en débardeur, elle tremblait de plus en plus de froid. Il lui semblait avoir vu des couvertures dans une des chambres à l’étage, et peut-être aussi à côté du canapé. Ce dernier étant moins loin, elle sortit de la véranda en fermant la porte derrière elle, alluma la lumière du salon, ferma les fenêtres de la pièce et trouva effectivement plusieurs vieilles couvertures sur un coffre du salon. Elle en choisit une grise moins rugueuse que les autres, la secoua brièvement et s’installa sur la canapé après avoir éteint la lumière. Le sommeil la rattrapa immédiatement.

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