I
Janvier : J - 3 mois
Je ne suis pas encore engagée dans la jolie allée fleurie du Domaine, qu’une envie irrésistible de faire demi-tour me saisit.
A l’arrêt, devant l’immense portail en fer forgé, je reprends péniblement une respiration normale. Lorsque la voix féminine du GPS avait claironné « vous êtes arrivée à destination », j’ai senti se déclencher une de ces crises d’angoisses qui se sont invitées dans mon quotidien depuis plusieurs semaines, et qui sont la raison essentielle de ma venue dans le Béarn.
En d’autres circonstances, peut-être aurais-je apprécié la splendide image qui se dévoile devant mes yeux. La villa de maître, plantée au milieu de ses jardins, est sans aucun doute d’inspiration anglaise. Sa façade blanche immaculée est habillée de grandes fenêtres à petits carreaux sur deux étages et de portes vitrées battantes au rez-de-chaussée. L’allée du portail à l’entrée principale est formée de petits cailloux, blancs également, rajoutant à la netteté et au charme de la propriété.
Il est tant de prendre mon courage à deux mains et d’enclencher la première vitesse pour arriver à l’austère porte d’entrée en bois noir.
Moins vite, je ne peux pas rouler ! Cette allure d’escargot me convient et je distingue chaque mot, inscrit sur le muret : Domaine des Amazones, Quartier Trespoey, Pau. Cette situation cocasse me rappelle la scène du film Bienvenue chez les Ch’tis dans laquelle le personnage de Kad Mérad retarde son arrivée dans le nord en roulant à cinquante kilomètre-heure sur l’autoroute. S’ils font un remake, je suis prête pour passer le casting.
Ma Clio verrouillée, une femme se présente à moi.
- Noëlie, c’est bien cela ?
- Oui, lui réponds-je.
- Bienvenue chez les Amazones. Je suis Marianne, la propriétaire.
- Bonjour. Nous nous sommes parlées au téléphone.
Marianne, ou plutôt Manie préfère-t-elle, est une dame d’un âge avancé. Ma première impression sur mon hôtesse se confirme, elle se montre gentille et accueillante.
Manie entreprend de me faire visiter l’ensemble du domaine, et nous débutons par l’extérieur. Dans la cour avant, est aménagé le parking. De l’autre côté, l’espace gazonné, impeccablement entretenu par Martine (précise-t-elle), comprend un potager clos dans le fond et une grande terrasse accolée à la véranda de la maison. L’accessibilité est pensée intelligemment puisque des chemins plats sont présents tout autour de la villa. Manie détaille qu’ils ont été étendus pour les besoins de Jeanne qui amortirait à elle seule leur usage.
Qu’est-ce qui m’a pris d’accepter de me perdre par ici ?
- La terrasse est exposée plein sud, continue l’hôtesse. L’été s’est insupportable, mais au printemps, on y est bien, tu verras.
La terrasse plein sud. C’est l’argument pour me donner l’envie de rester ?
- Tu vas t’apercevoir rapidement que la vie est paisible dans le Béarn. Ton séjour va-être reposant.
Paisible. Reposant. Pour l’instant, j’ai juste envie de prendre mes jambes à mon cou, repartir à Bordeaux, me cacher sous la couette au fond de mon lit froid, les volets fermés et en priant pour voir le moins de monde possible. Si cette perspective n’est pas des plus appétissantes, elle n’a pas la désagréable impression d’ébranler ma zone de confort.
C’est pourtant de mon initiative que je suis ici. Entre un séjour de rupture ou un traitement médicamenteux, j’ai choisi la première option avant d’envisager la seconde.
- Je te montre l’intérieur ? s’enthousiasme Manie.
J’ai largement exagéré en qualifiant la porte d’entrée d’austère. Mon humeur exécrable m’empêche d’apprécier la beauté des lieux. Pourtant, celle du perron est exceptionnelle. Je m’incline devant tant de talent. Les sculptures taillées dans l’ébène sont d’une finesse à ravir les yeux. Chapeau l’artiste !
- C’est un de mes amants qui a fabriqué l’ensemble dans les années 90, murmure Manie sur un faux ton de confidence saupoudré d’une pincée d’orgueil feint.
Pour la première fois depuis que j’ai dépassé l’imposant portail en fer forgé, je souris avec sincérité. Mon anxiété se relâche d’un cran.
Le hall d’entrée est à la hauteur de l’extérieur de la villa. Il m’évoque la demeure de Scarlett et Brett dans Autant en emporte le vent. J’ai dû exprimer ma pensée à haute voix parce que mon hôtesse commente :
- Excellent film. L’héroïne était un modèle pour ma sœur étant enfant. Et comme mon modèle était ma sœur... C’est une belle histoire, si bien même la fin ouverte, est désolante pour Scarlett. La croix d’une femme de son temps qui lutte pour son désir d’indépendance…
Je ne réponds pas, préférant éviter un impair à même pas une heure de présence sur les lieux. N’oublions pas que je suis au Domaines des Amazones, après tout ! J’ai accepté d’être hébergée en tout état de cause.
Je m’avance, admirant le parquet brut au sol, certainement d’origine. Malgré quelques éraflures, il est en très bon état. Face à moi se dresse, donc, le double escalier qui s’élève sur chaque côté du mur. A son centre, un lustre en verre complète à la perfection l’univers baroque de la décoration. Seul bémol qui m’amuse par son décalage, suspendu sur l’une des rampes, est disposé un monte-escalier stannah.
- Certaines d’entre nous n’ont plus ton âge, me glisse la propriétaire.
Nous poursuivons la visite. Manie m’explique l’organisation et la fonction de chaque étage. Le rez-de-chaussée est dévolu aux espaces de vie communs. Sur une partie, il contient la cuisine, qui fait minimum dix fois la taille de la mienne, un petit salon (enfin, « petit »…) et la salle à manger dont la table doit contenir une cinquantaine de couverts (peut-être que j’exagère un peu). Cette dernière donne directement sur la véranda, puis la terrasse.
A l’opposé des parties communes, Manie m’entraine dans la « salle de réception ». Spacieuse, elle fait à elle seule au moins le tiers du rez-de-chaussée. Utilisée essentiellement par l’association des Amazones, elle est régulièrement louée pour diverses occasions festives ou professionnelles.
- C’est l’une de nos sources de revenus, m’explique Manie.
Et pour finir, deux chambres, la sienne et celle de sa sœur.
- Nous sommes six colocataires. Les quatre autres sont installées dans des espaces privés au premier étage.
- Les colocataires ?
- C’est le qualificatif que l’on utilise. Nous avons ouvert avec Viviane, le Domaine des Amazones en parallèle à notre association du même nom, pour offrir un lieu de vie solidaire à des femmes à l’âge minimum de la retraite, seules et à faibles revenus. Nous fonctionnons en communauté et en autogestion. Les colocataires sont les principales garantes du bon fonctionnement du Domaine.
- En communauté ? m’exclamé-je perplexe. Mais, je n’ai pas compris que…
- Toi, Noëlie, me coupe-t-elle conscience de mon malaise, tu fais partie des locataires.
Manie me présente rapidement le premier étape juste avant de me conduire au second. J’écoute la suite de ses explications tout en admirant les petites merveilles de meubles et d’objets en tout genre que je prends plaisir à découvrir à chacun de nos déplacements.
- Deux appartements avec deux chambres chacun sont aménagés au dernier étage. C’est dans l’un deux que tu séjourneras, commente-elle. Tout comme la Salle de Réception, ils nous permettent de nous assurer les sources de financements indispensables à l’entretien de la villa.
- Les locataires sont également des femmes ?
- Exclusivement des femmes, sourit-elle. Toujours ! En revanche, les profils sont différents. Les locataires sont en activité professionnelle ou en recherche d’emploi. Et de temps en temps, on accepte des jeune-femmes en court séjour, ce qui est ton cas ; dans la mesure où il est motivé par un besoin d’épauler une de nos sœurs…. Enfin, se reprend Manie en riant, je parle comme la présidente de l’association des Amazones. Pour rendre service à une femme dans le principe de solidarité que nous défendons.
En effet, c’est dans cette case que je rentre : lo-ca-tai-re.
( attention aux petites coquilles en fin de châpitre )
16 eme ligne en partant de la fin " etaGe" au lieu d etaPe
11 eme ligne en partant de la fin "d'eux" au lieux deux
5eme ligne du debut à angoisse je ne mettrais pas de S
14 eme ligne du debut il est "temps" et non tant
Voilà Aude, comme tu dis, on a beau lire et relire... elles se cachent bien les coquines coquilles!