Comment puis-je prendre une telle décision en même pas un mois ? Dois-je suivre mes parents en Islande où ils sont mutés pour leurs recherches ou rester à Londres et me trouver loin d’eux ?
Je me tournai vers la fenêtre, plongée dans mes pensées.
J’avais toujours vécu à Londres, malgré un changement de quartier, mes 10 bougies à peine soufflées. Mes souvenirs sont encore ancrés dans ma mémoire. Surtout celui de ma tristesse à l’annonce de notre départ faite par mes parents. Ma nature solitaire faisait que je n'avais aucun ami, mais j’étais habituée à mon école, à mes professeurs. Cependant, je n’avais pas eu le choix et cela m’avait réellement marquée. Il m'avait pourtant fallu l'accepter, mon opinion n'ayant pas d'importance. Cet événement m'avait réellement marqué.
Dans mes yeux de petite fille, le nouveau logement me semblait immense. En effet, le vaste salon offrait une vue panoramique sur la ville. La cuisine était toute équipée, une salle de bain et un balcon où je n'avais pas le droit d'aller toute seule, c'était dangereux.
Le couloir donnait sur deux chambres dont la mienne qui était sublime, digne d’une princesse, celle dont j'avais rêvée toute ma vie . Ma mère y avait disposé un lit baldaquin avec un voile rose dessus et des nounours dispersés pour accompagner mes rêves.
Les murs étaient peints en différents tons de rose et violet. Des châteaux avec des poupées occupaient tout un côté de la pièce. Un tableau pour dessiner était accroché au mur, le petit détail qui révèlait la passion dévorante qui était déjà présente à cet âge-là. Malgré ma tristesse, ce lieu avait quelque peu réchauffé mon cœur, emplie de tristesse.
Un déménagement est toujours compliqué pour un enfant, un adulte ne s’en rendant pas tellement compte. De plus, on avait emménagé en janvier, ce qui signifiait que les élèves se connaissaient tous depuis des mois. Certains devaient même se connaître depuis la maternelle. À 10 ans en fin de primaire, débarquant dans une nouvelle école, une nouvelle classe, de nouveaux élèves. Avant ce jour de rentrée qui serait terriblement stressant, il fallait finir de ranger l'appartement. Ils avaient aménagé ma chambre en priorité, pour que je me sente chez moi à ma venue dans l’appartement. Cependant, tout le reste demeurait en désordre. Arrivée le dimanche soir, je m'étais allongée sur mon lit, observant avec tristesse le plafond. Ma mère parut deviner mon mal-être. Elle s’était approchée de moi et m'avait prise dans ses bras. Tout en me caressant les cheveux elle me demandait :
— Qu’est-ce qu’il ne va pas, mon petit ange ?
— J'ai pas envie d’aller à ma nouvelle école.
— ooh mon bébé. Je sais que ça va te plaire. Tu vas te faire de nouveaux amis.
— Peut-être… j'en ai jamais eu toute façon. Je t'aime maman.
— Je t’aime. Bonne nuit.
Le lundi matin, j'eus du mal à me lever. Pourtant ma mère m’avait même cuisiné des pancakes pour essayer d’atténuer ma peine. Elle m'offrir un sourire chaleureux pour me transmettre sa bonne humeur.
J’avais couru dans ses bras pour Pleurer, toutes mes émotions remontaient à la surface . Elle m’avait dit de rester forte et que ma journée se déroulerait bien et le soir, elle viendrait me chercher. Ma mère se montrait toujours très enthousiaste, contrairement à moi. J’avais affiché tout de même un sourire devant le portail de l’école, afin de ne pas l’inquiéter. Or, je n’avais qu’une envie, c’était me cacher et pleurer.
Tous les élèves s'étaient assis un à un et j'étais restée debout à attendre que la maîtresse me présente. Ils m'avaient tous dévisagé, toisée pour certains, tel un phénomène de foire. Pour éviter ces regards, ma tête était ensuite restée baissée. Je me tordais les doigts de honte.
Une fois les présentations faites, Mme Kinkle m'indiqua une table où me placer. Une petite fille brune aux yeux noisette me sourit et m'apprit qu’elle se nommait Mona. Pas du tout impressionnée par ma présence, elle commença à me raconter sa vie. C’était une vraie pipelette ! Elle évoqua les élèves, ceux qui embêtaient les filles, ceux qui mangeaient leur crotte de nez. Je l'écoutais à peine, et m'en voulais, un peu d'ailleurs. Mona fut la seule à m'avoir donné une chance.
À l’heure du repas, elle me proposa de m’asseoir avec elle et j’avais accepté, ne voulant pas m’attabler toute seule. Je lui avais expliqué dans quel quartier j’étais née, qu’on avait déménagé pour le travail de mes parents. Elle comprenait ma tristesse, elle me promit que tout se passerait bien, qu'elle était là pour moi. Elle m'avait dit que si je le souhaitais, l’on pouvait devenir amies. En rentrant ce soir-là, ma mère m'avait demandé comment c’était passée cette première journée. Je lui avais répondu simplement que j’avais une copine, ce qui avait suffi pour lui susciter un cri euphorique. Après cela, elle s'est lancée dans un discours, en disant que notre vie allait être géniale ici. Comme d’habitude, je la laissais divaguer et étais partis dans ma chambre. Dans ces moments là, mon père l'a regardait souvent désespéré, découragé dans ces moments-là. Il trouvait qu’elle exagérait parfois et il n'avait pas tort. Tous les soirs, j’attendais ma mère avec Me Kinkle, car elle arrivait toujours en retard pour venir me chercher. Son travail l’accaparait beaucoup. Au bout d’une semaine, la maman de Mona, Kelly, avait proposé de me récupérer à la sortie de classe, afin que ma mère n'ait plus à courrir partout. Cela lui évitait aussi les regards accusateurs de la maîtresse. L’école finissant à seize heures, c’était compliqué de partir du travail à cette heure-ci et mon père finissait encore plus tard qu'elle à son poste.
Elle avait accepté avec reconnaissance, moi je n’avais pas tellement eu le choix, mais cela ne m'avait pas dérangé, je m'étais habitué à Mona.
Elle me demanda à quoi j’aimais jouer, je lui dis que j’adorais les poupées, mais je préférais gribouiller sur mon tableau. Elle me tendit des feutres et des feuilles blanches pour que je dessine. On passait toutes nos fins d’après-midi ensemble, elle, concentrée sur ses puzzles pendant que moi, je dessinais.
Au fur et à mesure que les semaines avançaient, on se rapprochait. De plus en plus. Pour la première fois j'avais une amie. On se racontait nos secrets, on inventait pas mal d'âneries ensemble.
Un soir, la mère de Mona demanda à la si elle pouvait nous inviter à manger chez elle, afin qu’ils fassent connaissance. Ma mère semblait très stressée, heureuse en même temps. On arriva devant la maison de Mona, mes parents saluèrent Kelly. La mère de Mona leur fit visiter la maison tandis qu'à peine avions-nous salué qu'on avait couru dans la chambre pour jouer. On entendit les parents rire et pensions, que s’ils devenaient amis, on resterait toujours ensemble. On nous appela pour nous mettre à table. Ma mère avoua à celle de Mona qu’elle était rassurée de voir que j’avais enfin une copine. Mon père, lui, se contenta d’écouter. Mona ayant perdu son papa bébé, il se sentit un peu à l’écart. Une fois le repas finit, Mona et moi, ne voulant pas se séparer, sa mère proposa de me garder pour la nuit et mes parents acceptèrent.
Ce soir-là, on discuta, ce qui nous sembla des heures. Je me souviens que même si j’étais très contente de dormir chez ma copine, le sommeil fut difficile à venir. D'abord à cause de l'excitation de dormir avec mon amie, mais aussi, l'appréhension de dormir autre part que chez moi. C’était ma première nuit sans le baiser de mes parents, sans l’histoire du soir qu'ils me lisaient chacun leur tour et leur câlin.
Quelques semaines plus tard eut lieu notre première dispute. Mona proposa à Carla, une fille de notre classe, d’aller au parc avec elle pour jouer. Je me rappelle que cela m'avait beaucoup vexé. En rentrant à la maison, je n'avais pas parlé, alors que d’habitude je racontais toujours ma journée à ma mère. En me dorlotant le soir, elle me demanda ce qui me tracassait.
— Qu’est-ce qu’il se passe ma petite fleur ?
— Rien.
Je grognai avant de tourner le dos. Je ne lui en voulait pas, mais elle ne pouvait pas comprendre de toute façon. Je ne supportait pas la trahison de Mona.
— Jill…
— Mona est méchante, c’est plus ma copine.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle a dit à une autre fille de venir jouer avec elle.
— Elle a le droit d’avoir plusieurs copines et toi aussi, ma chérie.
— Mais pourquoi ? C’est assez une.
Ma mère avait ri et m’avait expliqué que dans la vie on pouvait avoir plusieurs amis. J’étais la meilleure amie de Mona et elle la mienne, mais on pouvait en avoir d’autres. Elle arrivait toujours à calmer mes peines, même si au fond de moi, ce soir-là, la tristesse avait subsisté. Elle m'avait conseillé de parler à Mona du fait que cela m’avait chagriné.
Le lendemain, j'avais très peur, je devais parler à mon amie, mais avais peur qu'elle ne me parle plus. Je me confiai donc à mon amie, qui me répondit que j’étais sa super copine, mais qu’elle aimait bien aussi jouer avec les autres et que j’étais la bienvenue si je le voulais. Il ne restait plus que trois mois avant les grandes vacances d’après ce que maman m’avait dit. On avait déjà préparé nos projets pour l’été. Aller se balader avec nos mères, dormir l’une chez l’autre…. C’était pour nous inconcevable de penser qu’on ne se verrait pas pendant cette période. Ma mère avait organisé plusieurs activités, parc d’attraction, promenade en bateau, équitation,…
L'année s'était écoulée et la primaire avec. Cela faisait un an que l’on était les meilleures amies du monde, cela nous paraissait une éternité. On avait tellement espéré rester ensemble au collège. À ce moment là, on passait nos soirées à parler des nouvelles chansons qui sortaient, des stars du moment et Mona des garçons encore et encore.