Chapitre 1

Notes de l’auteur : Bonjour à vous tous qui venez lire ces quelques lignes. Je vous remercie d'avoir fait un détour par mon imaginaire et je suis à l'écoute de toute critique.
Sur ce bonne lecture, en espérant attiser votre curiosité.

 - Et tout de suite … dite stop à la…

  Archie tapa d’un coup sec sur le haut du tableau de bord de sa pauvre voiture. L’onde de choc stoppa le grésillement incessant de la radio. Cette maudite machine n’en faisait qu’à sa tête depuis quelques jours. Il pesta dans sa barbe de trois jours, avant de jeter un regard agressif à la jeune femme qui se tenait sur le siège passager. Sa nouvelle coéquipière ne put s’empêcher de se moquer de son accès de colère. Il avait une relation particulière avec sa voiture qui vieillissait en même temps que lui. Son regard perçant vint foudroyer la jeune femme. Son sourire s’effaça, à la manière d’un enfant pris sur le fait après une bêtise. Elle détourna le regard et observa loin devant elle. Les bâtiments de métal et de verre qui habillaient le centre-ville venaient décorer le paysage. Ces grandes tours où la vie fourmillait, semblaient caresser les nuages. Par cette nuit pluvieuse, leur cime se perdait dans le ciel obscur. Un peu plus loin, à l’horizon, la paroi Nord du Cube se dessinait, comme par magie, grâce à lumière de la lune.

  Archie prit un cure-dent dans la poche intérieure de son blouson noir. Il l’enfila dans sa bouche et se mit à le mastiquer. Il jouait avec le bout de bois, qui effectuait des va-et-vient le long de ses lèvres abimées. Il avait pris ce tic après le visionnage d’un film, lors de l’une des rares séances de cinéma proposée en ville.

  Le silence pesait sur la passagère de la voiture, au design inspiré des vieux modèles italiens. Seul le balayage intempestif des essuie-glaces et le ronronnement chaleureux du moteur osaient briser le calme. Archie vint rompre la tranquillité de l’habitacle. Il s’éclaircit la gorge avant d’entamer la discussion.

  - Alors Gaby, pas trop stressée ? C’est ta première mission de terrain. De ce que les gars m’ont dit c’est pas du joli en plus. Tu te sens prête ?

  Sa partenaire se retourna vers lui avec lenteur. Ses yeux à la couleur noisette étaient remplis d’une certaine confiance. L’étincelle de la détective brillait dans son regard.

  - Bien sûr, j’en ai ma claque de tous ces papiers à remplir. Il est temps de voir un peu d’action. J’ai bien cru que j’allais finir enseveli sous la paperasserie.

  Archie était content de cette réponse et de l’assurance de sa nouvelle coéquipière.

  Gabrielle Lemieur, c’était son nom. Ancienne première de la classe au sein de l’académie du BRA. La femme de 27 ans au physique sportif avait rejoint Archie il y a de cela six mois. Au premier regard, Archie l’avait trouvé assez attirante, mais somme toute banale. Cette jeune femme aux cheveux bruns, qu’elle appréciait attacher en queue, avait un certain succès au sein du bureau. Elle avait d’ailleurs dû repousser les avances de plusieurs agents un peu trop entreprenants. Archie l’avait jugé à la hâte, comme il le faisait souvent avec les nouveaux. Il ne la considérait pas à sa place dans ce monde dangereux. Mais il s’était ravisé en observant le mordant de la jeune femme. Elle n’était pas du genre à se laisser faire. Elle savait se défendre.

  Archie Leach, quant à lui, était membre du BRA depuis plus de vingt ans maintenant. Vingt longues années durant lesquelles la plupart de ses coéquipiers ne restaient pas longtemps à ses côtés, faute à son attitude. C’était un loup solitaire, au regard de prédateur lors d’une enquête. Il n’avait pas son pareil pour élucider les mystères de ce monde. Ses collègues l’avaient d’ailleurs surnommé le vieux loup depuis que ses cheveux devenaient grisonnants. Ce personnage peu commode appréciait la solitude mais n’était pas dans les petits papiers des huiles.

  Après un écart de conduite, Gabrielle Lemieur avait dû faire sa pénitence en effectuant la paperasserie du Bureau. Ses supérieurs l’avaient de plus rattachée à l’inspecteur mal léché qu’était Archie Leach. C’était une sorte de punition, pour l’un comme pour l’autre. L’homme de 45 ans n’était d’ailleurs pas très enjoué à l’idée de devoir travailler avec elle. Il avait bataillé pour se sortir de ce rôle de nounou. Mais Il avait dû faire avec et obéir à ses supérieurs.

  Le début de leur relation n’avait rien de la parfaite osmose. Archie tentait de se débarrasser d’elle à tout moment. Il prétendait avoir mieux à faire que de s’occuper d’une débutante. Elle n’était pour lui qu’une nuisance qui se glissait entre ses pattes. Pendant longtemps, la jeune femme était chargée de s’occuper des rapports du vieux loup. Mais petit à petit, l’apprentie détective avait appris à dompter la bête. Ses bases en psychologie lui avaient appris à cerner l’agent Leach. Il fallait être franc avec lui, tout en évitant de lui poser des questions simplistes à ses yeux. C’était un homme cartésien qui vivait pour son travail et sa famille. Le reste n’était que distraction dont il préférait se débarrasser. Mieux valait lui lancer des piques si vous comptiez obtenir une réponse de sa part. Il réagissait à la provocation, chose que Gabrielle savait faire.

  Néanmoins Gabrielle, ou Gaby, comme il aimait l’appeler, avait su susciter son intérêt. Il avait d’ailleurs accepté pour la première fois de l’emmener sur le terrain. Direction la périphérie du centre-ville, en bordure des bidonvilles, dans le bloc Lincoln.

  La voiture fonçait sur les routes trempées en direction du lieu de l’enquête.

  - Dit Gaby…

  La jeune femme observait les lumières de la ville qui s’éloignaient dans le rétroviseur côté passager. Perdue dans ses pensées, Archie lui tapota la jambe.

  - Hey je te parle la bleue !

  - Hein quoi ? Qu’est-ce que tu veux le vieux ?

  Archie fixait loin devant lui, il ne réagissait pas au pique que venait de lui lancer sa passagère. Gabrielle s’en étonna et se redressa sur son siège. Le détective était sérieux, l’heure n’était pas à la rigolade. Le cuir du siège couina sous les mouvements de la jeune femme.

  - Je te l’ai jamais demandé, mais, c’est quoi ton histoire ?

  - Mon histoire ? Répéta perplexe la jeune inspectrice

  - Oui, tu sais, tous les types qui rejoignent le bureau ont une histoire derrière eux, qui les amène à ce métier. On n’intègre pas le BRA par hasard.

  Les lampadaires au bord de la route, défilaient dans la vision périphérique de Gabrielle et venaient mourir dans son angle mort. Elle réfléchit un instant. Archie devait avoir raison, il n’y avait pas de hasard dans ce métier. Le BRA était l’acronyme du Bureau de Recherche des Anomalies. Dans ce monde, il était le dernier rempart de l’humanité, le seul qui avait décidé de se battre contre cette force inconnue. Gabrielle hésita un instant, elle avait pris la décision d’être la plus transparente possible envers son coéquipier. Il était temps de lui faire part de son histoire comme il disait. Elle prit une grande inspiration et décida de délier sa langue.

  - T’as raison, y a pas de hasard. Je suis à la recherche de la vérité sur la mort de mes parents. Quand j’avais treize ans, je les ai retrouvés morts. J’ai d’ailleurs encore ces images qui me hantent la nuit, où je revois mes parents complétement déchiquetés sur le tapis blanc du salon. Ils sont morts dans une anomalie, comme beaucoup ici…

  Elle s’arrêta un instant. Le bruit des gouttes d’eau qui venait s’écraser sur le pare-brise, accompagnait le silence ambiant. Quand elle eut le courage de se replonger dans ses souvenirs enfouis, elle reprit son histoire.

  - Ce jour-là, j’ai dû prendre une décision. Rester là, à me morfondre, faire mon deuil et subir la situation comme la plupart des habitants de cet endroit. Ou me relever et découvrir la raison de leur mort. Depuis ce jour, j’ai tout mis en œuvre pour devenir une inspectrice du BRA. Je me suis fait la promesse de découvrir la vérité.

  - C’est pour ça que tu as fini première de ta promotion. Ta motivation n’est pas là que pour faire bonne figure. C’est une bonne chose. J’ai lu ton dossier tu sais…

  - Ça ne m’étonne pas de toi. Répondit la jeune femme avec un grand sourire. Tu veux juste tester mon honnêteté avec toi non ?

  Archie ignora la question qui sonnait plus comme une affirmation.

  - Concernant ta mise à pied, l’homme que tu as tué… Si c’était à refaire tu changerais les choses ?

  Gabrielle se sentait prise au dépourvu. Les questions de son partenaire se voulaient tranchantes. Il n’y allait pas par quatre chemins. C’était un trait de son caractère que la jeune femme appréciait. Il n’avait pas le temps de se perdre par des détours inutiles.

  Le regard de Gabrielle se vida l’espace d’un instant. Elle se replongea dans ses souvenirs, elle revoyait ses mains ensanglantées tenir la lame mortelle. Le sang maculait ses habits et le sol aux alentours.

  - Pas le moins du monde.

  La réponse sembla plaire au vieux loup.

  Le reste du trajet se fit sans qu’un autre mot ne soit échangé entre les deux partenaires.

  Au loin, des gyrophares animaient de leur lumière bleutée, les va-et-vient de plusieurs personnes. Il était de commune mesure que la police sécurise le périmètre autour d’une anomalie avant l’arrivée du BRA. Quelques agents jouaient le rôle des fourmis ouvrières pour les premiers rôles de l’enquête.

  - On est arrivé, j’espère pour toi que t’as pas trop mangé ce midi.

  Archie gara sa précieuse voiture dans une allée et coupa le moteur. Les deux inspecteurs sortirent du véhicule et se dirigèrent vers ce qui ressemblait à un entrepôt. Les lieux étaient à la frontière entre les bidonvilles et le centre-ville. Derrière eux, les lumières de la ville faisaient office de lucioles dans la nuit. Le périmètre avait tout l’air d’une zone de stockage des bidonvilles. Quelques pseudos bâtiments, à l’ossature faite de pièces métalliques récupérées, bordaient les divers entrepôts. Les squelettes de poutres en métal à moitié rouillées, reliaient certains bâtiments entre eux. Archie sonda la zone de son œil affuté. Il fut surpris par l’architecture qui, avec la pénombre, faisait penser à un squelette de que l’on appelait « dinosaures » dans l’ancien temps. Il fronça les sourcils en se remémorant ses moments de jeunesse où il étudiait le codex, puis se retourna vers sa partenaire.

  La pluie avait redoublé d’intensité. Quelques ruisseaux d’un soir venaient s’engouffrer dans les bouches d’égout qui semblaient assoiffées.

  - Désolé Gaby, j’ai pas de parapluie sur moi, on va finir trempé. Dit Archi de manière défaitiste.

  La jeune femme sentit qu’il était temps de renouer ses liens avec l’agent Leach. Elle n’avait pas apprécié le long silence du trajet. Elle avait l’idée parfaite pour faire réagir le vieux loup.

  - Allons nous abriter rapidement alors, prêt à courir ? On fait la course ?

  Gabrielle savait que l’agent Leach avait un sens de la compétition aiguisé. Son sang se mit à bouillir lorsque cette idée de défi traversa son esprit. Ses yeux se transformèrent en ceux des plus féroces prédateurs.

  - Aha c’est encore dix ans trop tôt pour que tu me battes la bleue.

  Archie se mit à détaller vers les agents sans que la jeune femme n’eût le temps de faire le décompte du départ. Elle souffla de dépit. Le vieux loup était un filou. Elle tenta de le rattraper, ses foulées étaient longues et élégantes mais l’homme avait pris trop d’avance. Elle le rattrapa au niveau du périmètre de sécurité, où des policiers montaient la garde.

  - On dirait que j’ai gagné petite. C’est toi qui payes à manger tout à l’heure.

  Gabrielle gonfla ses joues, vexée par la situation.

  - T’es juste parti en avance, t’as triché !

  - Aha il fallait déterminer les règles avant. Bon je fais le point avec les officiers. Toi va t’occuper du cadavre je te rejoins.

  La jeune inspectrice opina de la tête. Elle était consciente qu’il l’envoyait au front en première pour la tester. Il devait vouloir savoir si elle avait les tripes pour ce métier, ou peut-être était-ce un bizutage de sa part.

  Ils durent montrer leur insigne de membre du BRA pour passer les rubans de sécurité jaunes. Cet insigne montrant une encyclopédie ailée, était un laissez-passer pour les scènes de crime.

  Un homme, la quarantaine, en tenue de policier s’approcha d’Archie. Il se protégeait de la pluie en dessous d’un poncho bleu à la texture plastifiée.

  - Ah inspecteur Leach vous voilà.

  - Salut Brinton, alors qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur ?

  Le policier s’essuya le visage d’un revers de manche.

  - Une anomalie de base, fusion des matériaux. Le pauvre mec a dû mourir sur le coup. Enfin je l’espère pour lui.  

  Gabrielle laissa les deux hommes et s’infiltra dans ce qui ressemblait à un entrepôt vu de dehors. L’intérieur était plongé dans la pénombre, plusieurs agents effectuaient des allers-retours le long d’un passage balisé. Les entrailles du bâtiment faisaient plus penser à une sorte de laboratoire clandestin. Un peu plus loin, une femme en tenue noire était en train de prendre des photos. Les flashs incessants du mitraillage de son appareil, illuminaient la pièce à intervalles réguliers. A ses pieds une flaque de sang rougeâtre venait colorier le sol à la couleur ivoire. Les murs en étaient également maculés. Gabrielle s’approcha de la scène et vit le cadavre. Elle ne put empêcher un haut-le-cœur de se former dans son corps.

  Devant elle, le corps de ce qui devait être un être humain, avait fusionné avec le métal d’un pilier porteur. Plusieurs organes étaient écrasés au sol, seul le bas du corps restait intact. Tout le haut, à partir de la base du tronc ne faisait plus qu’un avec le métal. Un visage semblait même sortir de la colonne, à la recherche d’une aide qui n’arrivera jamais.

  Voilà donc les dégâts provoqués par une anomalie.

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Sklaërenn
Posté le 15/04/2021
Coucou, ton résumé m'a donné envie. Le personnage de Gabrielle est sympa, mais j'ai une petite préférence pour Archie. Il a ce je ne sais quoi qui accroche et pour le coup, c'est son histoire que j'ai envie de connaître ;)

Je comprends aussi pourquoi elle a mis toutes les chances de son côté. Je lui souhaite de découvrir la vérité et en même, cette vérité pourrait être encore plus effrayante que le reste.

Je me demande ce que sont ces anomalies exactement et si ça touche des gens spécifique ou si c'est du pur hasard.

Je me demande aussi ce qui l'a amener à tuer par le passé. Et pourquoi Archie ne lui en tiens pas rigueur. Du coup ça me fait poser question sur le fonctionnement de ton monde.

Bref, tu l'aura compris, j'ai envie de lire la suite ;)
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