Depuis déjà quelques heures, la nuit a enveloppé la ville de son voile sombre, mais protecteur. Tout doucement, les lumières se sont allumées, une à une, dans les foyers où une nouvelle anecdote de la vie est en train de se jouer. Toutes sont différentes, certaines sont banales, d’autres un peu moins mais toutes ont leurs importances… Assise sur son lit, la jeune fille regarde la télévision sans vraiment la voir. Au lieu d’écouter les histoires racontées à l’intérieur de cette petite boîte, elle se met à rêver d’autres choses, d’autres lieux. Elle voudrait pouvoir sortir au bras d’un garçon ou d’une amie histoire d’oublier un peu le quotidien dans lequel elle vit. Le monde de la nuit lui a toujours paru magique, mais pas pour ces boîtes, ni même ces bars. Non, dans cet univers, elle préfère aller s’asseoir sur un banc pour contempler le ciel quelques secondes, quelques minutes et pourquoi pas des heures jusqu’à voir le soleil se lever. Un léger soupir s’échappe de ses lèvres en pensant à ce petit souhait absurde. Face à au blues qui l’envahit, elle décide de se lever pour quitter son pyjama tout détendu afin d’aller porter une vieille chemise. Elle s’amuse alors à relever ses cheveux, à se regarder dans la glace et elle se trouve belle. Seule, certes, mais belle. Ailleurs, un homme est caché dans sa cave en train de noyer son chagrin dans l’alcool. Il accumule les bouteilles vides sans se soucier d’être un jour découvert. Il lui avait promis d’arrêter, de ne plus jamais sombrer dans cet univers, mais il n’en a pas eu la force. La culpabilité le fait boire davantage tandis qu’il l’accuse d’être responsable de ces malheurs. Si elle n’avait été qu’à lui, ils auraient pu vivre heureux jusqu’à la fin de leurs jours, mais il y a ses filles à elle et leur enfant. Face à cette pensée, il ferme de nouveau les yeux ingurgitant une nouvelle gorgée de ce liquide qui lui calme ses maux. Sa vie est sur le point de changer, mais il ne le sait pas encore. Il pense avoir un contrôle dessus mais le dérapage ne va pas tarder. D’abord, il devra faire face à des errances nocturnes, à une sortie de route, puis à plusieurs tentatives de suicide avant de commettre un acte irréparable. Pas maintenant, pas encore. Pour le moment, il savoure l'instant présent sans se soucier des conséquences d’un geste devenu anodin, rassurant, habituel, mais il a oublié que parfois, on ne peut pas toujours vivre au présent. Un banc en pleine nuit, un homme est assis fixant le sol tout en cherchant à évacuer toute cette colère qui s’est emparée de lui. Les dernières heures lui reviennent en mémoire, une simple dispute, une porte qui claque…et ce banc. Il n’aurait pas dû réagir de la sorte, il en est conscient mais il n’a pas pu résisté. Il voudrait revenir sur ses pas mais il n’est encore pas prêt à agir ainsi. Il est toujours en colère contre elle, ou peut-être contre lui et ses réactions démesurées. Si une gomme magique était entre ses mains, il effacerait tout pour tenir les promesses qu’il lui a faites. En attendant, il essaie de trouver une solution au dilemme et autres questions qui semblent s’être données rendez vous dans sa tête. Inconsciemment, il se complique la vie, peut-être par orgueil, peut-être pas. Dans tous les cas, l’incertitude pèse lourdement sur ses épaules qu’il pensait plus solides. Au fond, il nie une évidence simple, mais le sait-il ? Sûrement pas…ou alors il a perdu cette petite clé magique permettant de laisser libre cours à celui qui l’est vraiment. Au même instant, dans un autre lieu, une jeune femme se tient debout derrière la rambarde d’un vieux pont caché au fin fond d’une forêt. Ses yeux sont plongés dans la contemplation presque sereine de cet endroit où la mort viendra lui tendre les bras. Son âme s’envolera loin de ces soucis qu’elle n’a plus la force de surmonter. Son corps tombera dans cette eau agitée pour se faire transpercer par les rochers. Sa tête s’éclatera sans doute sur l’un d’eux, ultime douleur avant de voir la paix s’emparer enfin de son être. Alors elle ferme les yeux prête à prendre son envol. Ses mains lâchent de manière soudaine la rambarde, son corps commence à basculer vers l’avant. Quand soudain deux bras enserrent son buste l’empêchant de partir loin des siens. Des larmes se mettent à couler en entendant sa voix douce et rassurante se faire lentement un chemin vers son cœur. Elle voudrait réussir à lui parler, lui faire des promesses mais elle n’est pas encore prête. Un lac perdu entre des montagnes, une nuit claire mais surtout des jeunes filles en train de jouer dans l’eau. Un petit moment d’insouciance où la vie n’a pas sa place, un instant où seul présent peut compter. D’abord, un repas au restaurant suivi de ce petit gouter pour partager le gâteau préparé par l’une d’elle avant de voir les choses prendre une autre tournure. L’une d’elle décide d’aller se baigner suivie bientôt d’une autre tandis que les autres hésitent. Au bout de quelques minutes, la première enlève sa robe rouge histoire de pouvoir nager sans difficulté. Elle s’amuse comme une gamine de 10 ans sans penser à demain, ni même à l’instant d’après, celui où il faudra partager son gâteau tout en claquant des dents à cause d’une robe trempée…et de l’oubli de serviette. Attraper la mort pour avoir pu être vraiment heureuse pendant quelques minutes ne lui fait pas peur. Les conséquences, elle leur a dit merde pour une fois. Elle vit juste le moment présent, oubliant ce passé et ce futur qui pèse lourdement sur ses frêles épaules. Des instants courts, brefs, parfois drôles, parfois tristes, mais tous pleins de vie. Chacun deviendra un souvenir de sa vie peut-être vibrant, peut-être pas. Certains seront peut-être oubliés, refoulés par notre inconscient mais jamais ils ne s’effaceront. D’autres viendront au contraire nous hanter, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire, mais peu importe. Ils sont et resteront une partie de nous-même...
L'ignorance aussi, l'ignorance de l'instant qui va surgir après. Le présent, juste le présent. Influencé pour une grande part par le passé, mais toujours cette fuite du futur - ne pas y penser, il sera là bien assez tôt.
Une charmante nostalgie que ces instants volés.
Et tes retours sont aussi chouettes que tes écrits. :)
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J'aime l'instant présent créé sous diverses situations, selon les vies des différents personnages. Chaque fois, c'est un peu de leur incertitude qui est mise à nue dans l'intimité de leur existence. Chacun sa façon de vivre, chacun son appréhension du présent, du lendemain. <br />
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Beau texte ! J'ai apprécié la lecture !<br />
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Spilou ^_-
Bref, c'est à la fois étrange et original ! Un peu triste, sans doute, mais pas pessimiste... du moins, pas pour tous.
J'ai beaucoup aimé ^^
Tu as trouvé le mot pour définir mon texte. Je vais finir par t'embaucher comme porte-parole de mes récits. A chacun de tes commentaires, j'ai l'impression que tu capte ce que je veux faire ressentir, mes intentions et ça me fait super plaisir. :D
Tu mérites un gros câlin du coup ! <3
Très joli texte, tout en sincérité. Court, simple, sans une histoire précise, traitant de plein de sujets différents, dont certains durs, avec pourtant une superbe légèreté dans le ton, qui fait qu'on finit sa lecture avec un sourire. Surtout quand on le lit à cette heure-ci, quand la nuit est déjà bien entamée, et qu'on se dit que tout ça pourrait avoir lieu précisément cette nuit.
C'est une très belle idée d'avoir publié ce texte ici. Pour moi, il me donne envie de réécouter (pour la millième fois sans doute) La Nuit de Grand Corps Malade. Et il me donne envie aussi de tout éteindre chez moi, de regarder par la fenêtre et d'écouter la rumeur de la rue. Un texte sur les événements qui arrivent tout le temps, des passages de vie qui seront peut-être oubliés, ou pas, peu importe, c'est bon de les voir racontés ici.
Merci pour cette jolie lecture du soir ! Je reviendrai sûrement voir ce que tu as écris de plus long ;)
Je m'excuse déjà pour ma réponse tardive. Avec un déménagement à préparer, je ne suis pas super opérationnelle ^^'
Ton commentaire me fait plaisir. Ce texte est assez ancien, mais en même temps, il démontre mon petit plaisir à décrire de simples instants de l'existence. Si mes souvenirs sont bons, je l'ai écrit de nuit quand j'étais dans mon studio d'étudiante sans trop savoir si ce serait la naissance d'une longue histoire ou non. Dans tous les cas, j'aime les envies que cela te donne car c'est l'esprit dans lequel je l'ai écrit. Il faut savoir capter des petits instants, fermer les yeux, se laisser porter par eux, puis reprendre la vie où on l'a arrêté. :)
Par contre si tu plonges dans d'autres écrits, ce ne sera sans doute pas dans la même veine. J'ai plus tendance à traîner dans des univers sombres de vengeances, mais avec une histoire d'amour pour illuminer tout ça ! :)
Merci encore pour ta lecture et ton commentaire ! <3
J'avoue que le fait de relire et de poster ce texte que j'ai retrouvé récemment m'a donné envie de retenter l'aventure du style sans SF, ni fantastique. Reste à savoir si ça sera des histoires uniques ou des histoires à plusieurs chapitres. En tout cas, ton commentaire me donne une motivation supplémentaire à continuer sur ma lancée...et si jamais je me plante, je pourrais toujours revenir à ma bonne vieille SF ! :D