Il lui sembla lutter des jours durant contre la lourdeur de ses paupières. Quand enfin il parvint à ouvrir les yeux, une brume de souffrance et de confusion l’assaillit violemment… suivie d’une vague de nausée ! Il se pencha brusquement sur le côté et vomit. Le changement brutal de position lui flanqua un mal de crâne magistral ainsi que le tournis et il regretta presque de ne pas s’être dégueulé dessus.
Sa main tremblante s’attarda sur sa tempe droite, là d’où irradiait une douleur humide. Il avait le crâne ouvert… Son estomac protesta à cette idée, mais cette fois, rien ne sortit. Il était plus desséché qu’une vieille figue.
Quand ses yeux firent enfin une mise au point relativement stable sur ses doigts, il découvrit qu’ils étaient couverts de sang et de crasse… et d’encore un peu de sang séché au milieu d’un peu plus de crasse.
Il balada son regard tout autour de lui, lentement, et en vint à la conclusion qu’il ne savait pas du tout où il se trouvait. Il laissa sa tête rebondir sur le mur auquel il était adossé et jura alors qu’une nouvelle vague de bile lui brulait le fond de la gorge.
La nuit engloutissait tous les détails qui l’entouraient mais la ruelle semblait totalement déserte. Sa main droite agrippait le pavé humide de brouillard nocturne, ou de fluides corporels. Honnêtement, à ce stade, il n’en savait fichtre rien. Quant à sa main gauche, elle refusait de lui obéir. Il lui intima l’ordre de venir de son champ de vision. Elle s’obstina à le contrarier. Il baissa les yeux en grognant vers l’appendice incriminé pour se rendre compte qu’il serrait un bout de papier dans un spasme crispé. Ce qui n’augurait probablement rien de bon.
Il força l’ouverture de ses doigts avec son autre main et délivra enfin ce qui semblait être un message, de sa propre écriture. Ses yeux couraient sur les mots sans vraiment les voir et encore moins les lire.
En mettant bout à bout les quelques informations inquiétantes sur l’état de son corps et son environnement souillé, il arriva à la conclusion que quelque chose clochait avec son cerveau. Au fond de lui s’ancrait lentement la sensation qu’il avait fait quelque chose de vraiment stupide. Quelle superbe journée !
Il força son regard à accrocher les mots courant sur le papier :
Tu t’appelles Wesley Blackburn, tu es Undertaker et tu n’as pas de pilier. Fais en sorte que les choses restent comme ça.
Ton meilleur ami est Gilbert Chadwick, tu peux lui faire confiance, mais ne lui parle pas de cette note.
Si tu te souviens de la raison pour laquelle tu t’es fracassé la tête contre le mur, alors recommence. Recommence jusqu’à oublier pourquoi tu dois le faire.
Bon… au moins, il avait accompli cette tâche avec brio. Il n’avait aucune idée de ce qu’il foutait là et pourquoi il s’était cogné la tête jusqu’au blackout.
Sur sa gauche, il vit poindre l’aube au travers du voile de larmes qui embuait ses yeux. Splendide, voilà qu’il chialait maintenant. Il se frotta mollement le visage du revers de sa main crasseuse, espérant ne pas causer une infection… mais au point où il en était…
— Wes ! hurla une voix au loin. Wes, bon sang, t’es où?
Wes regarda une dernière fois le mot dans sa main crispée avant de le déchirer en petits morceaux et de les avaler tout sec. Il déglutit péniblement, luttant contre un haut-le-cœur puissant. Oui, c’était bel et bien une superbe journée !
*******
Huit ans plus tard
Les portes battantes du le Blind Vulture[1] grincèrent en vomissant une petite troupe de touristes, tous bien trop coquets pour l’endroit, agglutinés comme des mouches sur des excréments. Les excréments en question – un grand dadais aux cheveux longs et gras, et un petit borgne qui portait sa chemise du dimanche pour l’occasion – s’arrêtèrent tout d’un coup, entrainant leur groupe dans une halte forcée et abrupte.
— Bienvenue à Dead End ! Peu importe ce qu’on en dit, Dead End, c’est le trou du cul de l’univers, déclara le grand dadais.
Il n’avait même pas ôté son chapeau. Une chose défraichie, de couleur indéfinissable, couverte de poussière de désert. Après un temps d’arrêt supposé créer une forme d’intensité dramatique, il reprit.
— C’est sec, c’est laid, c’est peuplé de consanguins dont les deux seuls neurones se font la chasse et essaient de se bouffer entre eux. Il y a les joueurs, les ivrognes et les putains… pas une once de moralité dans cette ville… et ne me lancez pas sur les rémanents…
— J’ai pas l’impression que ce soit exactement le genre d’histoires que l’on raconte pour divertir les touristes… maugréa son acolyte.
— Ils sont là pour l’authenticité. Pas pour écouter des contes de fée.
— C’est vrai qu’il y a plein de rémanents ici, monsieur ? demanda un garçonnet joufflu, brillant comme un sou neuf. Il jurait comme un coup de poing dans l’œil au milieu du saloon poussiéreux au parquet fatigué et collant.
— Plus que n’importe où ailleurs, mon gars. Y pas assez de cristaux par ici. Vous nous les avez tous piqués, vous autres les bourges de la capitale.
— Logan… grogna le borgne.
— Alors les échos ne restent pas des échos ici. Ils deviennent des rémanents. On peut pas laisser traîner les cadavres trop longtemps. Sinon, hop, ils se mettent à crapahuter partout comme des la vermine et ils te bouffent dès que l’occasion se présente. C’est ce qui arrive le plus souvent dans les villes de la Bordure. Toi, la tige à lunettes ! lança Logan vers un garçon longiligne sur le nez duquel reposait une paire de culs de bouteille donnant l’impression qu’il avait des yeux minuscules. Rappelle-nous un peu ce que sont les villes de la Bordure.
— Pourquoi tu lui demandes ça ? lui souffla son acolyte. C’est ridicule. Tout le monde sait ça.
— C’est une technique participante, répondit Logan fièrement.
— Participative, le corrigea le garçon en remontant sur son nez ses lunettes que la gravité entrainait vers le bas. La Bordure est la ligne fictive qui sépare le monde civilisé des terres désertiques où pullulent les échos et les rémanents. C’est une barrière de cristaux anima qui les tient à distance. Au-delà, il n’y a rien, juste des peuplades de sauvages.
— Correct ! répondit Logan. À Dead End, la tribu la plus proche de nous, ce sont les Crows. Parfois, ils viennent en ville…
— Dead End est la ville la plus proche de la Bordure, l’interrompit le garçon comme s’il récitait son manuel d’Histoire. Les villes de la Bordure comptent Dead End, Plainedge, Graygate, Tombcreak et Rattleridge. Dead End est la plus proche du Puits de Âmes et pourtant la plus peuplée…
— Ok, merci, c’est bon avec le cours d’Histoire, je pense qu’on peut continuer la visite maintenant.
— Il paraît que vous avez le meilleur Undertaker au monde ! lança une fillette surexcitée, les yeux écarquillés. Elle dansait d’un pied sur l’autre dans sa robe d’un rose poudré tout simplement écœurant.
— Je saurais pas dire, répondit Logan en se grattant le menton. J’ai jamais quitté cet endroit donc je peux pas comparer. Y a que des Undertakers itinérants qui passent par ici, comme ceux qui vous accompagnent. Et on sait bien que c’est le fond du panier. Enfin peut-être pas les vôtres. Faut dire que vous payez cher et vilain pour faire le tour de West Creek… Mais si t’étais la meilleure dans quelque chose, t’aurais vraiment envie de moisir ici ? Non ! Ce que je dis, c’est que ce connard de Wes est vachement fort pour se la jouer.
— Moi je le trouve sympa…
— Ta gueule, Cody ! C’est pas toi qu’es payé pour raconter les histoires.
— Mec… il est juste là… je pense que tu devrais la fermer…
— Il est quelle heure ? Il est sûrement déjà complément bourré à la lyrre. Ça risque rien…
Wesley Blackburn, que tout le monde appelait Wes, ne leva pas le nez de son paquet de cartes qu’il mélangeait consciencieusement. Probablement plus que cela même puisqu’il s’était attelé à cette tâche au moins dix minutes plus tôt. Parfois, son cerveau endommagé générait ce genre de comportement étrange et répétitif, voire maniaque en certaines occasions. Embêtant, certes, mais pas de quoi fouetter un chat.
S’il devait être tout à fait honnête, il en était tout de même déjà à son troisième verre de lyrre alors que la vielle pendule du saloon venait à peine de sonner 11h dans un gémissement plaintif. Logan n’avait pas tout à fait tort. Wes aimait particulièrement avoir un peu d’alcool à portée de main, à toute heure du jour et de la nuit.
Finalement, au prix d’un effort surhumain qui n’en valait probablement pas la peine, il leva la tête et son regard accrocha son reflet distordu dans le vieux miroir piqué qui courait derrière le rayonnage d’alcool. Un jeune homme l’observait d’un air las. Des cheveux blonds miel, des yeux qui hésitaient entre le bleu et le vert, une peau bronzée par le soleil accablant du désert. Et une cicatrice qui lui grignotait une partie du sourcil droit. Il s’arracha à sa contemplation et sortit une paire de lunettes de soleil aux verres ronds de la poche de son gilet. Aujourd’hui, Wes se sentait plutôt stable ; l’appel des échos ? Un vague murmure effleurant son esprit. Rien qu’il ne puisse contenir. Cependant, il valait mieux être prudent avec autant de touristes dans le coin. Wes reporta son attention sur les cartes qu’il tenait entre les mains.
— Pourquoi tu les laisses te manquer de respect ? lui demanda l’homme assis à sa droite, perché sur son tabouret. Vêtu de noir de la tête aux pieds, une barbe sombre impeccablement entretenue lui mangeait les joues et faisait ressortir ses yeux gris. Un bel homme avec de la prestance, du genre qui marquait les esprits… Wes ne se souvenait plus de son nom.
— Il est pas bien méchant. Il est juste très con. Et il t’a manqué de respect aussi.
— Il a juste dit que les Undertakers itinérants étaient le fond du panier. C’est pas comme si c’était totalement faux. Les deux autres avec qui je fais équipe pour ce voyage sont de fameux branquignoles.
Wes sentit le regard de son vis-à-vis s’attarder sur lui ce qui le mit mal à l’aise.
— Tu sais, c’est vrai ce que vient de dire cette petite touriste. Les élèves de la Citadelle embrassent les pierres sur lesquelles tu as marché pendant tes études. Tu étais l’un des plus brillants. J’avais foutrement envie de faire ta connaissance, de voir cette légende de mes propres yeux… J’avoue que ma déception à un goût amer.
— Un goût de lyrre, ricana Wes en levant son verre et en le vidant d’un trait. Il fit signe à Oliver, le barman, de lui en servir un quatrième.
Celui-ci fronça les buissons ardents qui lui servaient de sourcils et sa ride du lion se plissa de désapprobation en quatre ravines parallèles. Ses yeux gris fixèrent ceux de Wes dans un duel silencieux. Le jeune homme espérait bien que leurs joutes habituelles ne deviendraient jamais physiques. Oliver avait la carrure d’un bœuf sous stéroïde. Haut de près de deux mètres, des bras et des jambes comme des troncs d’arbres, il dissimulait pourtant un caractère doux et généreux.
— Tessa m’a demandé de surveiller ta consommation, Wes. Je pense que tu as assez bu pour la matinée.
L’Undertaker itinérant vida son verre dans celui de Wes, en dardant une œillade goguenarde sur Oliver.
Un raclement de gorge faussement discret à la gauche de Wes et l’Undertaker itinérant se tendit comme une corde à linge.
— Tu as quelque chose à dire ? lâcha-t-il sur un ton agressif.
Disparue la classe personnifiée. Chassez le naturel… Wes ne savait plus très bien d’où il tenait ses bonnes manières, mais il savait que personne ne devrait s’adresser à une dame de la sorte.
— Moins je vous parle, mieux je me porte, répondit la dame en question, le visage dissimulé derrière un livre qu’elle tenait bien haut, comme pour se dérober à la vue de son compagnon de voyage.
— Eh bien, continue comme ça…foutue pilier… au fait, toi, on raconte que tu n’as pas de pilier. Ça fait jaser à la Citadelle. C’est vrai ?
— Oui. Je suis toujours libre comme l’air.
— Tu as besoin d’un pilier pour t’ancrer au monde des vivants, espèce de crétin, sinon tu sais où tu vas finir à la prison de Dry Point.
— Je me contrôle très bien, répondit Wes en remontant ses lunettes sur l’arête de son nez. Et quand je vois cette relation si épanouissante que vous entretenez tous les deux, je me dis que la solitude ne manque pas de charme.
L’Undertaker itinérant – dont il ne se souvenait toujours pas du nom – n’insista pas. Une bonne chose car Wes avait une sainte horreur des gens qui posaient des tonnes de questions. Au lieu de ça, il descendit de son perchoir, lissa ses vêtements à grands renforts de tapes sur ses cuisses, ses bras et son torse. Wes le regarda faire d’un œil morne tout en portant son verre de lyrre à ses lèvres.
— Bon allez, c’est pas tout ça, mais j’ai besoin de me vider les couilles.
Un geyser de lyrre explosa hors des narines de Wes. Il toussa violemment. Oliver lui tapa dans le dos pour le soulager, mais Wes eut l’impression que le barman allait lui faire sortir la colonne vertébrale par la poitrine.
— Quoi ? Tu vis dans ce bouge et tu joues les prudes ? Ne me dis pas que tu ne te fais jamais astiquer le manche par une gonzesse pour un petit billet ? Ou tu préfères les mecs ?
— C’est pas mon genre de partager ce genre de détails…
— Comme tu veux... répondit l’Undertaker itinérant en haussant les épaules.
— Mais si je peux te donner un conseil, fais un tour au White Rose[2]. Au moins, Abigale Gardiner ne vole pas l’argent de ses employés.
— J’ai pris une chambre au Dead Crow[3] parce qu’il offre tous les services : un lit, un bain, de la bouffe et des fesses. Pas envie de traverser la ville.
Wes se crispa à la mention du saloon. Il avait l’endroit en horreur. Ne serait-ce que pour son nom qui se voulait une attaque plus que claire envers la tribu des Crows qui visait au-delà de la Bordure.
— C’est juste en face du Dead Crow…, tenta-t-il
Mais l’autre ne l’écoutait déjà plus. Il s’éloigna d’un pas lent et quitta le Blind Vulture sans s’inquiéter de son pilier.
Wes se renfrogna. Il n’aimait pas spécialement ses congénères, mais les Undertakers itinérants remportaient facilement le prix de déchets de l’humanité.
Il sentit un regard lourd sur lui et tourna la tête vers le pilier... Comment avait-il dit qu’elle s’appelait déjà ? Ah oui, il ne l’avait pas dit, ce gros con prétentieux.
Les yeux noisette de la jeune femme accrochèrent la cicatrice qui barrait son arcade sourcilière. Ils la suivirent jusqu’à la naissance de ses cheveux et lèchent sa tempe, là où la blessure à présent guérie étendait ses longs doigts scarrifiés dans tous les sens. Satisfaite de son exploration visuelle, elle referma son livre d’un coup sec. Elle se leva et repoussa sa longue natte rousse d’un geste vif, l’envoyant reprendre sa place dans son dos.
— Vous perdez votre temps avec lui. Même si l’emballage est plutôt agréable, le cadeau à l’intérieur est bon à jeter. Flint est l’homme le plus répugnant que j’ai jamais eu la malchance de croiser.
Flint ! Wes allait tenter de s’en souvenir cette fois. Fichue mémoire défaillante…
Ses yeux tombèrent de nouveau sur les cartes qu’il faisait jouer entre ses doigts habiles. Le regard de la jeune femme pesait toujours sur lui, comme si elle attendait quelque chose de lui. Wes n’avait franchement pas envie de prendre part dans une querelle entre un Undertaker et son pilier. Sa bouche, cette vile traitresse, en décida autrement.
— J’imagine que quand on passe la plupart de son temps avec une personne, on ne peut pas éviter les mésententes.
Parfois, celui qu’il avait été autrefois réapparaissait brièvement ; un vague souvenir de cet être dont il ne se rappelait presque rien. Puis il disparaissait tout aussi vite dans un brouillard de confusion, de douleur au crâne, de vomi et de sang… tellement de sang. Il s’ébroua.
La jeune femme l’observait silencieusement. Wes sentit le côté droit de son visage s’endormir. Cela arrivait assez régulièrement, hélas. Surtout quand la fatigue – et l’alcool – s’enroulaient autour de son esprit.
— Vous êtes différent. Vous n’êtes pas comme les autres Undertakers.
— Ah... je n’ai pas de pilier. Cela fait de moi quelqu’un d’unique, même.
— Vous n’avez asservi aucun d’entre nous.
— Pas par choix. Aucun de vous ne veut rester ici. Non. En réalité, aucun de vous ne veut rester avec moi. Ça me fait mal de l’admettre, mais je ne pense pas que ce soit lié au lieu.
— Mon nom est Marigold, dit la jeune femme. Vu qu’il n’a pas pris la peine de le mentionner, je préfère me présenter. Je vais aller me reposer un peu avant le dîner. Le voyage a été particulièrement chaotique.
Wes opina du chef et la regarda s’éloigner en songeant que c’était un étrange petit bout de femme.
— C’est absolument sensationnel ! tonna une voix derrière lui.
Sa propriétaire claqua un bocal sur le comptoir qui trembla si fort que le verre de Wes se renversa, répandant son contenu irisé sur le bois qui l’absorba à la manière d’un alcoolique en manque. Wes grogna.
— Oh, désolée, maugréa la nouvelle venue. De toute façon, vous buvez beaucoup trop.
— Margareth, soupira Wes en guise de bonjour.
— Undertaker, répondit celle-ci.
Les politesses de base échangées, la jeune femme lui flanqua son bocal sous le nez, un air existé faisait étinceler ses yeux verts.
— Regardez ! Mais regardez donc ! chantonna Margareth au bord de la crise d’apoplexie.
Wes posa un regard placide sur le bocal qui contenait une petite plante dont l’inflorescence s'étirait en une grappe de petites fleurs blanches. Il cligna des paupières trois fois avant de se tourner vers Margareth, attendant le discours enflammé qui allait certainement suivre.
— J’ai trouvé cette petite merveille lors de mon expédition matinale au-delà de la Bordure, dit-elle, toute frétillante.
— J’aurais dû m’en douter. Dans cet endroit où vous ne devez pas mettre les pieds. Je rectifie : cet endroit où personne ne doit mettre les pieds.
— Vous. Ne. Comprenez. Pas, articula-t-elle le visage rouge.
— Manifestement.
— Cette plante est une animatis. Elle appartient à la flore typique qui se développe près du Puits des Âmes. Ne vous emballez pas, le coupa Margareth alors que Wes allait ouvrir la bouche pour copieusement lui beugler dessus pour s’être aventurée près du Puits. J’ai trouvé ce spécimen plus loin dans le désert, à côté du Dead Fish Canyon.
Devant le regard vide de Wes, elle souffla bruyamment par le nez, irritée.
— Cette plante n’avait rien à faire là !
— Essaimer. C’est ce que font les plantes. Elles produisent des graines qui sont disséminées à gauche à droite pour donner de nouvelles plantes. Vous êtes botaniste, Margareth, je ne pensais avoir à vous apprendre ce genre de chose.
— Vous êtes plus dense qu’une argile sèche ! s’énerva la botaniste en levant les bras en l’air.
— Vous êtes bien sûre que c’est une… comment déjà ?
— Animatis.
— C’est ça, animatis. Elle ressemble furieusement à une de ces plantes de que les Crows utilisent pour leur communion avec le Grand Corbeau.
— Ne vous faites pas plus bête que vous ne l’êtes, par le Grand Vautour !
Margareth fourra rageusement son bocal dans sa basasse.
— Et faites-moi donc le plaisir de demander à votre stupide volatile de cesser de me suivre partout. C’est insupportable !
Le nez en l’air, Margareth tourna les talons et quitta, elle aussi, le saloon à grandes enjambées.
— Toujours aussi doué avec les femmes, à ce que je vois, ricana Oliver en briquant un verre avec un torchon d’une propreté douteuse.
Wes lui répondit avec un doigt d’honneur avant de sauter de son tabouret et sortir à son tour du Blind Vulture.
À l’extérieur, le soleil l’accueillit en lui brûlant instantanément la rétine. Wes plissa les yeux et se maudit d’avoir trop bu. Il n’avait pas encore fait trois pas que déjà il était en nage. Il posa sur sa tête son chapeau au cuir craquelé et défit les deux premiers boutons de sa chemise bleue. Il observa la petite troupe de touristes trottiner dernière Logan et Cody, papillonnant d’un saloon à l’autre, d’une boutique à l’autre, entrainant dans leur sillage des nuages de poussière rougeâtre. Bientôt, ils auraient quartier libre et dépenseraient leurs dollars sans compter pour avoir la chance de ramener autant de produits illicites que leurs males peuvent en contenir.
Un croassement déchira le silence abruti de chaleur qui régnait en ville et un corbeau vint se poser sur l’épaule de Wes. Ce dernier l’observa un moment avant de poursuivre son chemin, choisissant de longer les maisons de bois et profiter de l’ombre projetée de leur porche.
— Jameson, il parait que tu es déjà allé écumer la Bordure tôt ce matin.
— Arrête de m’appeler Jameson, geignit le volatile. C’est pas un nom de corbeau. Je t’ai déjà dit de m’appeler Jamie.
— Jamie n’est pas un nom de corbeau non plus. D’ailleurs les piafs n’ont pas de nom. C’est de l’anthropomorphisme. Les humains sont rassurés si les choses leur ressemblent.
— Mesdames, messieurs, le moment éducation avec Wesley Blackburn.
— Ta bonne humeur illumine cette journée, Jameson. Margareth me disait pourtant à quel point elle se sentait rassurée de te savoir à ses côtés à chacune de ses sorties illégales du côté du Puits.
— C’est vrai, elle t’a parlé de moi ? Elle est folle de moi, cette fille, je le savais.
Wes s’abstint de commenter. En toute vraisemblance, les oiseaux avaient quelques problèmes avec le sarcasme. Il choisit donc d’approfondir le sujet « Margareth ».
— Qu’est-ce qu’elle fichait encore au-delà de la Bordure ? Elle devrait savoir…
— Wes !
L’Undertaker s’interrompit. Une jeune femme traversait la rue, faisant voler autour d’elle des volutes de poussière. Son insigne de shérif épinglé sur son long manteau de cuir brun foncé chatoyait sous les rayons du soleil accablant de Dead End. Ses cheveux noirs frisottaient et se tortillaient en ondes maitrisées, retenues sans son dos par un lien de tissus qui laissait s’échapper çà et là quelques mèches rebelles. Un voile de sueur recouvrait sa peau cuivrée.
Elle s’arrêta sous le porche et reprit son souffle avant de parler.
— Je rêve où tu causais à ton corbeau ?
— Les oiseaux ont aussi besoin d’affection, Tessa.
Jameson croassa innocemment et s’envola à tire d’ailes. Wes observa Teresa Humphries plisser les yeux et le jauger. La perspicacité de Tessa, shérif des villes de la Bordure, devenait de plus en plus inquiétante. Elle dardait sur Wes des regards appuyés, comme si elle voyait clair dans son jeu. Et Wes ne pouvait se le permettre.
La jeune femme sembla se souvenir des raisons de sa présence et dit :
— Il faut que tu viennes avec moi ! Il y a eu un meurtre à la ferme des Colby. J’ai besoin de ton expertise.
[1] Vautour aveugle
[2] Rose blanche
[3] Corbeau Mort
Je suis arrivé sur ton histoire avec la recommandation d'Itchane qui m'a dit qu'elle valait le détour. Alors je ne vais pas te mentir, quand j'ai cliqué sur le titre et que j'ai vu "horreur" à côté de "romance" et que ça parlait western dans la description, j'étais à deux doigts de fuir en courant.
Heureusement que parfois, je me fais violence et je m'aventure dans des histoires dont la façade ne m'enthousiasme pas, parce que ça aurait été dommage de rater ça !
Non mais c'est quoi ce héros à moitié cinglé qui parle à son corbeau, se fracasse la tête contre le mur et se plaint ensuite de ses trous de mémoire ?
Wes est déroutant, sinistre à souhait, il a un côté dérangeant et bad guy qui ne donne pas vraiment envie de s'attacher à lui. Et pourtant, étrangement, il se passe un truc. Je ne peux pas m'empêcher de me dire après la lecture de ce premier chapitre "Waaah, mais c'est lui le héros ? Trop bien !"
Et ce "trop bien", il marcherait aussi pour l'ambiance, d'ailleurs.
Ça se sent, ça se voit que tu as été biberonnée par les films de western. Tu nous vends ici l'image d'une ville du bout-du-monde peuplée d'étranges oiseaux de passage (et ses touristes, bon sang ! cette "visite touristique" à elle seule justifierait qu'on lise ce chapitre xD) et de résidents marginaux et hauts en couleur. Que ce soit Oliver le barman, Finch l'Undertaker ou Margareth la botaniste fascinée par le puit des âmes, tous ces personnages sont bien posés et intéressants à leur manière. On est totalement embarqués par l'ambiance de ce saloon un peu glauque ou les conversations s'entremêlent et ou, comme Wes, on a l'impression que notre attention papillonne d'un sujet à l'autre. C'est vivant, immersif, ça fonctionne vraiment bien pour planter le décor, et ça a le mérite de coller avec la pensée altérée du héros.
Pour finir, tu distilles juste assez d'informations sur l'ambiance fantastique de ton univers pour nous donner envie d'en apprendre davantage, ces histoires d'anima, de cristaux, de puit des âmes, de rémanents... Il y a du mystère dans cette petite ville, et on a envie de découvrir les secrets qu'elle renferme.
Bref, je te remercie de me souhaiter la bienvenue à Dead-End, mais en ce qui me concerne je n'y vois pas un cul-de-sac, plutôt le début d'un chemin plein de promesses.
Hâte de voir où il va nous conduire.
Au plaisir,
Ori'
Eh bien, wow, excellente découverte que ce roman <3 Merci aux Histoires d'Or de m'amener vers des histoires qui m'avaient échappé. Voici donc l'occasion de rattraper ça, et je dois dire que j'aime beaucoup le style.
C'est dark, brut de décoffrage, et en même temps il y a une certaine poésie - avec quelques images fortes... quoique peu ragoutantes par moments haha, comme les portes qui "vomissent" les gens. Coup de coeur aussi pour les dialogues, qui fonctionnent très bien.
Et pour le fond, ce personnage m'intrigue beaucoup - et je l'apprécie déjà. Ce Wes blessé, avec un mot qui se présente à lui-même, puis ivre... Un croisement ambiance western et ambiance noire. <3 Le corbeau quant à lui amène sa dose de fantastique / gothique, très curieuse de ce qui va se passer avec ce petit élément.
Et super point aussi pour la shériffe ! :D
J'enchaîne !
Ce premier chapitre promet déjà une petite pépite de roman... Etant cinéphile, sans forcément être fan de western même si j'en regardais beaucoup quand j'étais petite (mon grand-mère et mon oncle m'y ont initiée), je reconnais les codes tout en me disant que tu ne cherches pas à nous en mettre plein la vue. J'adore que la shériff soit une femme. Et aussi, qu'on ait l'introduction d'éléments fantastiques dans tout ce bazar ! Bref, je suis très emballée par la revisite du genre.
Ah, et contrairement aux autres plumes, j'ai pas eu de soucis avec les dialogues... Je savais qu'on tournait autour de Wes, que les autres personnages étaient plus ou moins secondaires, et je me suis laissée portée en attendant de comprendre lesquels, dans cette panoplie, deviendraient des secondaires importants ou resteraient des figures de passage.
Je poursuis !
Tout d’abord, un immense merci pour ton enthousiasme ! Quand j’ai commencé cette histoire, je me disais que personne n’allait adhérer à cet étrange concept de western fantastique lol je sais qu’il en existe mais je n’en ai jamais lu lol
Je ne suis pas vraiment une fan absolue de western mais c’est vrai que j’aime tout de même l’univers. J’avoue que je dois ça a certains films et BD en particuliers du genre True Grid (immense coup de coeur), la BD undertaker, la série Tombstone et le jeu red dead redemption ^^ mais il y a quelques trucs préhistoriques que j’aime aussi comme les sept mercenaires et un homme nommé cheval ^^
Comme je le disais je ne sais plus trop où, on est ici sur une Alpha lecture donc il y a pas mal d’ajustements à faire. Notamment Elka m’a fait quelques commentaires vraiment très judicieux et je dois approfondir ma conception de l’univers.
Un de mes défauts/qualités (?) c’est d’avoir une immense galerie de persos ^^ ils ne sont pas toujours tous très utiles donc peut être que je devrai élaguer par la suite !
Pour briser les codes hetero normatifs et misogynes du western, je tente de prendre le contre pied et justement introduite bcp de femmes de pouvoir et tenter de créer un univers où l’orientation sexuelle n’a absolument aucune importance. On verra si ça marche lol
Encore merci pour ton commentaire !
Célinours
Pour ma petite réserve, j'étais parfois un peu perdu pendant les dialogues. Je n'ai pas encore identifié tous les personnages mais ça viendra.
Belle chute et chapitre d'introduction intéressant ! J'aime bien le personnage de Wes.
Le début où il est blessé est super intéressant pour introduire le personnage. Je trouve qu'il est très bien écrit, on arrive à imaginer ses sensations, sa douleur.
C'est aussi sympa d'écrire du western, c'est pas un genre hyper représenté dernièrement.
Je poursuis ma lecture !
J'ai trouvé ce début d'histoire très intéressant !
Une atmosphère mystérieuse plane dans l'air. Dans ce premier chapitre, je trouve que tu fais bien transparaître le calme de la ville ( Le calme avant la tempête !) et ce côté western.
Il s'est passé beaucoup de temps entre le moment où Wes s'est réveillé dans la rue et celui où on le découvre, le jour de la visite touristique de dead end. Je me demande ce qu'il s'est passé pendant ce temps et je me demande si on le saura.
Malgré me cours d'histoire du gamin à lunettes, je n'ai pas trop compris ce qu'étaient les échos et les rémanents... Comptes-tu laisser le lecteur comprendre ce que c'est au fil de l'histoire ?
Je suis contente que l'univers te plaise. Je ne savais pas trop si les lecteurices kifferait ce genre. Donc ça me fait plaisir de voir qu'il attire tout de même quelques personnes :)
Il y aura çà et là des éléments expliquant ce qui s'est passé pendant ces huit années, en tout cas les moments les plus importants.
Il y a plus d'informations sur les échos dans le chapitre 2 et les rémanents arriveront par les suite. Donc oui, ça sera expliqué :)
Encore merci !
Je disais que j’ai été très emballée par ce premier chapitre ! Je ne connais presque rien au western, mais j’aime énormément cette ambiance soleil, poussière, désert. Tu as eu une super idée en plantant ton univers dans une visite touristique. En plus d’ajouter du détail à l’ensemble (des riches visitent donc ces bourgades dangereuses accompagnés d’Undertakers), tu as eu la possibilité de poser des bases solides à ce monde. Une bordures, des échos, des rémanents.
La conversation avec l’Undertaker itinérant m’a un peu perdu je dois l’avouer. Trop dynamique pour trop de personnages, je dirais. J’aurais eu besoin de me poser un petit peu ici, pour intégrer tous ces gens, cette idée de piliers et d’académie.
Ce corbeau est très très intrigant. Soit Wes peut réellement converser avec lui, soit c’est un symptôme supplémentaire de son fracassage de crâne. Ne pas savoir est très cool. On se dit que tout est possible !
Félicitation pour cette nouvelle histoire ♥
Oui je sais, la quantité de personnages est peut-être bien un chouya trop élevée ^^° J'avoue que j'ai battu mon propre record.
Après, ils ont tous un rôle actif dans l'histoire, mais je pense bien que le problème est de les avoir quasi tus introduits dans le premier chapitre. Et il y en a encore d'autres dans le second ^^ Mais après ça, il ne devrait plus y en avoir de nouveaux dans la première partie.
Ce que je compte faire, c'est boucler la première partie et si je vois que c'est vraiment trop lourd, je distillerai leur introduction sur plusieurs chapitres en remaniant le récit.
Aussi, j'avais eu l'idée, comme pour la Fiancée de papier, d'introduire de brefs interchapitres avec des informations sur l'univers en provenance d'une encyclopédie. J'aime bien ce principe, mais je ne sais pas si ça séduit. J'ai peur que ça casse le rythme.
Encore merci pour ta lecture :)
Et bien, déjà tellement d'éléments, de personnages, d'informations dans ce premier chapitre, et tout s'enchaîne très bien !
L'ambiance est vraiment particulière, l'arrivée de 'touristes' dans ce lieu qui semble pourtant si dangereux, les notions fantastiques amenées l'air de rien, échos et rémanents, les fameux cristaux encore forts mystérieux... sans parler de ce corbeau parlant (!), ce premier chapitre envoie du lourd ! : D
La galerie de personnage est déjà très riche, et c'est agréable cette répartition équilibrée entre hommes et femmes pour un western, ce n'est pas habituel et c'est plus que bienvenue ^^
Je suis aussi très intriguée par ces piliers, je me demande exactement quel est leur rôle et pourquoi ils sont "asservis" ? Cela donne très envie d'en savoir plus.
En petites coquilles/remarques j'ai notées :
• "du le Blind Vulture"
• "Puits de Âmes"
• Par ailleurs au début, j'ai d'abord cru que la scène se passait en extérieur, du fait des portent battantes qui "vomissent" une troupe de touristes (pour moi vomir c'est plus "faire sortir" ^^") et qu'ensuite on leur dit "bienvenue à Dead End" cela m'a fait croire qu'ils étaient au contraire sortis du saloon pour se retrouver dans la rue, alors j'ai eu un peu de mal à raccrocher les wagons de l'histoire ensuite le temps de comprendre que l'on était dans le saloon et pas devant.
• Et je me suis demandée aussi comment le barman pouvait taper Wes dans le dos alors qu'ils ne sont pas du même côté du bar, mais c'est un mini détail ^^"
Bravo pour ce premier chapitre qui lance super bien l'histoire ! ♥
Merci d'avoir pris le temps de lire ce premier chapitre (des coeurs sur toi <3 )
Je suis contente que ça t'ait plu :) Je n'étais pas sûre que mon délire de wild west fantastique allait intéresser qui que ce soit lol
Merci pour les coquilles (misère, j'en ai vues d'autres en plus T_T).
Alors pour la galerie de persos, peut-être que j'aurai des soucis pour les gérer par la suite, et si ça devient trop compliqué, il faudra que je sabre dedans ^^ En fait, j'ai dû mal à n'avoir qu'un nombre de persos limités et j'ai aussi du mal à avoir des peros anonymes (ex: j'aurais pu simplement faire référence à un barman, mais non, il a fallu que je lui donne une personnalité et une histoire... ^^°) C'est un de mes problèmes en écriture, je m'éparpille. Du coup, si ça devient too much, il ne faut pas hésiter à me le dire.
Je suis contente pour la parité :) J'ai souvent vue la critique que les histoires (romance) MM dénigraient les personnages féminins, leur donnaient des rôles insignifiants. Donc j'ai bossé un peu ma galerie pour essayer de fournir des persos féminins convaincants.
Encore merci pour ta lecture :)
Mille pardons, Itchane <3 <3 <3