Fwoooosh
Le vent cinglant d’hiver balaye un désert de roche et de poussière s’étendant à perte de vue dans un coin reculé du monde. Là-bas, ni la flore, ni la faune ne daigne y exister. Ou du moins, ceux qui ont essayé n’ont manifestement pas eu beaucoup de succès. Dans ces terres mortes où le souffle glacial du vent vient caresser les paroies rocheuses dans le seul but de leur soutirer quelques maigres gravats, une ombre plane sans peine. Un palpitant nuage noirâtre survolait à quelques centimètres à peine le sol rocailleux. Imitant les battements d’un cœur, le miasme sinistre se déplaçait avec une lenteur infinie. Il ne semblait ni porté par le vent, ni par quoique ce soit d’autre que le hasard. Et bien que sa forme ne soit pas particulièrement définie, son caractère sinistre, lui, l’était. Peut-être était-ce à cause de cela que rien ne survivait dans cette contrée ?
Vrooooom
Un seul son osait briser le tumulte incessant de la brise hivernale. Un vrombissement menaçant suivait le miasme comme son ombre. À l’instar des trompettes annonçant avec triomphe l’arrivée de leur roi, un vrombissement annonçait avec toute la mauvaise augure qu’il était possible de rassembler un événement prochain.
Hélas, rien ne se passait. Ou était-ce vraiment le cas ? Se déplaçant et s’amassant, le nuage de malheur vrombissait d’autant plus qu’il s’épaississait. Et seuls les plus attentifs auront remarqué que cette masse d’ordinaire si aléatoire n’avait avancé que dans une seule direction, ô combien lentement, depuis quelque temps désormais. Encore aurait-il fallu que quelqu’un soit présent pour y être attentif.
Dans son paisible voyage, le décor qui entourait le miasme commençait à changer. Ça et là, quelques pousses de verdure s’extirpaient des fissures dans le sol rocheux. Ces quelques pousses laissèrent rapidement leur place à un sol un tant soit peu plus clément abritant quelques êtres vivants camouflés dans la terre durcie par l’hiver et les herbes. Imperturbable, le miasme poursuivait son chemin à son rythme.
Les steppes cédèrent le terrain aux plaines, qui elles-même laissèrent place à une forêt éparse. S'engouffrant entre les arbres tel un serpent, sinuant son chemin, le miasme déboucha sur une énième clairière. Le miasme fit halte.
Ghiiigiihkihh ! Giiiii !!
Dans cette clairière se dressait quelques huttes composées de peaux d’animaux et de bouts de bois irréguliers. Les bâtisses ne dépassaient pas le mètre cinquante et quelques paires d’yeux tremblotants s’inquiétaient de la situation au travers du trou grotesque qui leur servait d’entrée. Les êtres qui portaient ces yeux révoltants étaient chétifs, leurs jambes étaient courtes alors que leurs bras faisaient pratiquement leur taille. Des oreilles pointues et de petits crocs espiègles arboraient leur visage alors que leur petit ventre rebondi ondulait presque au rythme du tremblement incessant de leurs jambes verdâtres.
- G...Giiik !
- Ghiiik !!
- Gigaaa
Les échanges fébriles à voix tue du petit village durèrent un temps sans que rien de plus ne se meuve. Mais cette situation n’était probablement pas acceptable puisqu’après quelques minutes de délibération, et probablement quelques années de courage, l’un des petits être grossiers s’extirpa pas à pas de son terrier. Le regard fixé sur le miasme palpitant à l'orée de sa clairière, chacun de ses pas semblaient être la plus grande de ses épreuves alors que la distance qui séparait les deux entités se réduisait peu à peu. Le visage déjà hideux tordu par quelques émotions indescriptibles, de grosses gouttes de sueur -ou quelconque autre fluide que ce soit- suintaient le long de son corps peu vêtu. Lorsqu’il arriva à une vingtaine de pas du nuage noirâtre, il semblait en être trop pour ce petit être tandis qu’il se jetait sur ses genoux, écrasant avec une vigueur nouvelle son front contre le sol.
- Gii giigak giik !
Sans oser relever le regard, le représentant de sa race semblait avoir porté toute son attention sur la réaction du nuage de mauvaise augure. C’est probablement pourquoi le grandissement soudain du vrombissement et du rythme des palpitations du miasme le fit tressaillir, le poussant également à répéter sa plaidoirie.
- G…! Gii grâce giik !
Intrigue et fascination se disputaient la place d’émotion qui emplissait le miasme.
Emotion ?
Pour la première fois, le miasme se questionna. Sans plus y prêter attention, les palpitations et le vrombissement prirent fin. Et comme le calme annonce la tempête, elles reprirent de plus belle dans un grondement assourdissant. Le nuage noirâtre se condensa en une sphère de la taille d’une bassine. Changeant, mouvant, la surface de la sphère se formait et se déformait. Dans tout ce vacarme il était impossible de savoir si le petit être avait gémi, mais il était certain qu’il était resté là, figé, si bien qu’il n’osait même plus respirer.
Quelques secondes s’écoulèrent comme des heures. Le vacarme prit fin. Le silence s’installa. Seul le son des branches secouées avec indifférence par le vent froid se faisait entendre. L'instinct de survie du petit gobelin surmonta la peur qui le tenaillait alors que l’air glacial emplissait enfin ses poumons vides depuis trop longtemps.
Un certain temps s’écoula. Et lorsque le gobelin eut finalement le courage de relever les yeux, son cœur se figea pendant une fraction de seconde. Face à lui se dressait un être qui lui ressemblait globalement, sinon qu’il était bien plus grand, trônant à au moins un mètre soixante-dix. Mais là n’était pas la seule différence. Au lieu de la couleur verdâtre sale qui les caractérise, c’est une peau blanche et immaculée que présentait l’entité qui lui avait arraché au moins la moitié de ce qui lui restait à vivre. Et si le petit être vert observait avec plus de minutie, il constaterait avec une pointe d’effroi que les yeux d’un noir profond ornés de pupilles rouges flamboyantes étaient rivés sur lui.
***
Un début bien mystérieux pour le moment ^^ Je trouve qu'il y a de jolis descriptions, pour le moment il y a beaucoup d'interrogations en suspend, sur ce qu'est la masse, ce qu'elle vient faire là et comment elle va évoluer à l'avenir ^^
Juste une petite remarque, tout est au passé sauf les toutes premières phrases, c'est une erreur ?
Bon courage pour la suite !
Effectivement, il s'agit d'une erreur, merci de me la faire remarquer !
J'espère que tes questions trouveront des réponses dans les chapitres suivants !