Chapitre 1: Les premiers souvenirs

Par Zahra
Notes de l’auteur : « Ce récit est le reflet de mon parcours, de mes émotions et de mes expériences. Certaines scènes sont racontées telles qu’elles se sont passées, d’autres ont été légèrement romancées pour mieux transmettre ce que j’ai ressenti.

Vous allez entrer dans mon univers, parfois douloureux, parfois joyeux, parfois confus, mais toujours sincère. J’espère que vous ressentirez ce que j’ai vécu et que ce livre vous touchera autant qu’il m’a permis de me libérer. »

“Vos impressions et ressentis me tiennent à cœur, n’hésitez pas à partager ce que vous pensez.”

Je me souviens de mes premiers souvenirs comme si c’était hier… chaque sourire et chaque larme ont laissé leur marque. La vie m’a appris très tôt que le bonheur peut être fragile, mais que chaque épreuve forge un peu plus le cœur. Peut-être est-ce pour cela que dès le départ, mon chemin n’a pas ressemblé à celui des autres : je n’ai pas connu la maternelle. Mon intelligence m’a menée directement en CI, un saut qui a marqué le commencement d’une histoire singulière.

Certains diront que je devrais en être fière, pourtant sur le coup ce n’est pas vraiment ce que je ressentais. Je me rappelle ce jour-là, maman m’a réveillée en me disant : « Prépare-toi, aujourd’hui tu commences les cours. »

Je venais à peine de fêter mes cinq ans, et j’avais déjà mille questions dans la tête. Mon petit cartable rouge, presque plus grand que moi, m’attendait au pied du lit comme une promesse trop lourde à porter.

— « Maman, est-ce que je serai bien là-bas ? »
— « Vont-ils me frapper ? Vais-je pleurer ? Aurai-je des amies ? »

Je la bombardais de questions. Il faisait à peine six heures du matin, et déjà la peur me rongeait à l’idée de ne pas pouvoir m’adapter.

Ma mère me regarda, le visage fermé. Elle était furieuse.
— « Tu y vas pour travailler et avoir de bonnes notes. Tu n’as pas besoin d’amies, et adaptation ou pas, tu te débrouilleras. »

Je préférai alors me faire toute petite et n’osai plus poser de questions, de peur de la mettre encore plus en colère. Je serrai mon cartable contre moi, sans savoir que ce premier jour allait me marquer à jamais.
 

Je serrai mon cartable contre moi, sans savoir que ce premier jour allait me marquer à jamais.

Car mes parents n’avaient pas choisi de m’inscrire au début de l’année comme les autres enfants. Non, moi j’allais arriver en plein milieu du semestre, comme une pièce ajoutée dans un puzzle déjà terminé.

La voix de mon père tentait de me rassurer, mais je l’entendais à peine, comme si elle venait d’une autre planète.

 

Lorsque nous arrivâmes à l’école, le portail gigantesque me sembla un passage vers un autre monde, immense et inconnu. La cour était immense, pleine de balançoires et de jeux qui faisaient rêver n’importe quel enfant. Mon enthousiasme s’éteignit immédiatement : je n’étais pas là pour jouer, mais pour apprendre. La peur reprit le dessus.

 

Le gardien nous conduisit dans le bureau de la directrice. Les élèves étaient en classe et les cris des professeurs me parvenaient de l’autre côté de la porte. Après quelques coups frappés, la directrice nous fit entrer et nous demanda de nous asseoir.

 

Mon père prit alors la parole :

— « Bonjour Mme la Directrice, j’étais là la dernière fois car je voudrais inscrire ma fille afin qu’elle commence les cours. »

 

Elle lui répondit chaleureusement :

— « Bien évidemment, M. Sy, mais je vous avais expliqué que les cours avaient déjà commencé depuis longtemps. Nous sommes en plein milieu de l’année et bientôt débuteront les compositions du second semestre. Je crains que votre fille ne puisse pas s’adapter. »

 

— « Je vous comprends, mais ma fille est extrêmement intelligente. D’ailleurs, c’est pour cela que nous avons décidé qu’elle ne ferait pas la maternelle et irait directement en CI. Donnez-lui une chance, je suis certain qu’elle s’en sortira. »

 

Ils parlaient de moi comme si je n’étais pas là. Je me sentais comme une bête de foire, incapable de dire que mon avis comptait. Mes poings se serrèrent encore plus. Après moult discussions, la directrice accepta de me laisser une chance.

 

Elle me conduisit à ma nouvelle classe : la CI A. La porte s’ouvrit sur une jeune maîtresse souriante. La directrice lui expliqua :

— « Mme Diallo, voici une nouvelle élève. Elle a cinq ans et n’a jamais fait la maternelle. »

 

— « Elle sera perdue, nous avons déjà commencé le programme et fait la première composition… »

— « Elle sera en essai. »

 

La porte s’ouvrit complètement et je fis mon entrée. Des dizaines de regards se tournèrent vers moi. Je me sentis comme une étrangère, dérangeant leur monde parfaitement organisé.

 

Je pris place à côté d’une fille. La maîtresse me demanda mon nom :

— « Je m’appelle Khadija Sy. »

 

Je sortis mon cahier de cent pages et un stylo, mais je ne savais pas quoi faire. Comment rattraper tout ce retard ? Mes mains tremblaient, de petites gouttes de sueur perlaient sur mon front. Les regards des autres enfants me paralysaient : compassion, haine, indifférence, curiosité…

 

La maîtresse s’approcha et me dit doucement :

— « Je comprends que tu sois perdue et triste. Ce ne sera pas facile, mais je sens que tu as du potentiel. On va y arriver ensemble. »

 

Ces mots résonnèrent en moi. Pour la première fois, je me sentis comprise. À partir de cet instant, je me promis de réussir ce défi. Pendant que mes camarades sortaient en récréation, je travaillais, j’écoutais, je m’exerçais. Je ne voulais pas seulement rattraper mon retard, je voulais briller.

 

Lorsque la composition arriva, je fus prête. Les résultats tombèrent : j’avais réussi… et même plus. La petite fille effrayée et perdue que j’étais sortit première de l’école, sous les regards abasourdis de la directrice, des professeurs, de mes parents et avec le sourire fier de ma maîtresse, Mme Diallo.

 

Ce jour-là, j’ai compris que grandir plus vite que les autres n’était pas toujours une chance : parfois, c’est une solitude déguisée, mais aussi la force de se dépasser.

“Mais je ne savais pas encore que ce premier succès ne serait que le début d’un chemin semé de défis bien plus grands…”

 

 

 

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JohannT
Posté le 12/09/2025
Ahlala,

La "bienveillance" des parents envers leurs enfants fait malheureusement froid dans le dos. Bravo pour ce premier récit où l'on sent parfaitement les appréhension d'une petite fille confrontée à des attentes qui la dépassent.

Je suis heureux qu'elle ait réussi cette première étape, mais je ressens une grande empathie envers elle quand je pense à toutes les épreuves que ses parents risquent de lui imposer...
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