La nuit enveloppait Kasugai d'un calme presque mystique. Le vent jouait doucement avec les feuillages des arbres et les hululements des hiboux. Pourtant, pour Eri, ce calme n'était qu'un trompe-œil. Quelque chose de profond et d'inexplicable se préparait, et il en était le centre.
Depuis des semaines, ses nuits étaient hantées par des rêves d’une intensité saisissante. Il se voyait, vêtu d’une armure d’un éclat divin, brandissant une épée à double tranchant, tandis qu’une voix, douce mais imposante, lui murmurait « Il est bientôt l'heure, Fils de lumière ! » des mots dont il ne comprenait pas encore le sens. Ce soir-là, cependant, le rêve prit une tournure différente.
Sous un ciel constellé d’étoiles éclatantes, une armée d’anges descendit du firmament. Leurs visages baignés de lumière dégageaient une sérénité impressionnante. Une voix résonna dans son esprit, plus forte cette fois :
— Ceux qui sont avec toi sont plus nombreux que ceux qui sont contre toi.
Une main descendit des cieux, effleurant son front. Une chaleur intense s’y diffusa, marquant un sceau invisible mais indélébile.
— Il est maintenant l’heure.
Eri se réveilla en sursaut, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Il toucha son front, encore brûlant de cette chaleur surnaturelle, et inspecta ses mains, où un symbole brillant avait momentanément scintillé avant de disparaître. Ce contact avait changé quelque chose en lui. Il le savait.
Le lendemain, alors qu’il se rendait à l’école, son environnement habituel semblait différent. Les ombres des passants s’étiraient et se déformaient, révélant des silhouettes sinistres aux yeux rougeoyants. Leurs murmures incompréhensibles effleuraient ses oreilles, comme un langage oublié destiné à lui seul.
L’école, habituellement un sanctuaire d’ennui et de routine, était devenue un théâtre d’agitation intérieure. Les rires et les bavardages de ses camarades paraissaient lointains, irréels. Les ombres dans la classe s’animaient, prenant des formes plus nettes et plus menaçantes.
Alors qu’Eri se noyait dans ces visions, une main se posa doucement sur son épaule, le tirant brusquement de ses pensées. Il se retourna et vit Saeka, sa voisine et amie d’enfance.
— Eri, ça va ? Tu es tellement silencieux aujourd’hui.
Elle, Assise près de lui, l'observait discrètement depuis un moment. Ce silence inhabituel ne lui échappait pas. Elle se penchat légèrement vers lui et murmura:
— Il te manque toujours, pas vrai ?
Il voulut répondre, mais les mots restèrent bloqués dans sa gorge. Comment pouvait-il partager ce qu’il voyait sans paraître fou et lui dire que ce n'est pas ce qu'elle pensait ? Il hocha simplement la tête, essayant de sourire pour dissiper l’inquiétude de Saeka.
La journée passa lentement, chaque minute semblant une éternité. Le soir venu, alors qu’il était allongé sur son lit, fixant le plafond, une lumière éclatante emplit soudain sa chambre. Une forme apparut, flottant légèrement au-dessus du sol.
Eri se redressa, la peur et la fascination mêlées dans ses yeux. L’être qui se tenait devant lui dégageait une présence à la fois apaisante et imposante. Ses ailes, immaculées, semblaient vibrer d’une lumière céleste.
— Ne crains rien, Eri, dit la figure d’une voix harmonieuse. Je suis Gaburieru, envoyé pour te guider.
Eri resta sans voix. La scène devant lui dépassait tout ce qu’il avait pu imaginer.
— Pourquoi moi ? balbutia-t-il finalement.
Gaburieru sourit, un mélange de compassion et de résolution dans son regard.
— Parce que tu as été choisi. Tu es le gardien de la lumière, celui qui voit au-delà des ombres. Ton chemin sera parsemé d’épreuves, mais n’oublie jamais ceci : tu n’es pas seul.
Eri sentit une vague d’émotions l’envahir. Les mots de Gaburieru résonnaient en lui avec une vérité qu’il ne pouvait nier.
— Et ces ombres que je vois… qu’est-ce que c’est ?
— Des fragments des ténèbres, répondit Gaburieru. Elles cherchent à détruire ce qui est bon, à corrompre ce qui est pur. Mais toi, tu as le pouvoir de les repousser, de libérer ceux qu’elles tourmentent.
Eri baissa les yeux, les mains serrées en poings. La peur était là, mais une étincelle de détermination naissait en lui.
— Que dois-je faire ?
Gaburieru posa une main lumineuse sur son épaule.
— Suis-moi, et apprends. Ton épée, celle de tes rêves, symbolise ta force intérieure. Elle deviendra réelle lorsque tu auras pleinement accepté ton rôle.
Eri releva la tête, les yeux brillants d’une résolution nouvelle. Ce soir-là, sa vie avait pris un tournant. Il était prêt à affronter l’inconnu, accompagné de Gaburieru, son guide céleste.
Eri sentit une chaleur réconfortante se diffuser dans son être, une présence lumineuse apaisant la peur qui menaçait de l’envahir. Gaburieru, son guide céleste, avait planté une graine d’espoir et de courage dans son cœur. Pourtant, il ne pouvait ignorer la lourdeur de l’inconnu qui pesait encore sur ses épaules.
Ainsi commença le voyage d’Eri, un chemin où la lumière et les ténèbres s’affronteraient, et où son propre cœur serait le champ de bataille.
Alors qu’il fermait les yeux, s’abandonnant à un sommeil hésitant, un murmure sinistre résonna quelque part dans l’obscurité du monde, au-delà de tout ce qu’il pouvait percevoir :
— Il vient de se réveiller. Il est temps d’agir.