Chapitre 1 : l'incendie

Par Drak

Rapport de mission de récupération :

La cible a été intercepté après son jugement. Comme nous l’avions supposé, il s’agissait d’un Porteur de l’A-Ph, d’où son manque de crainte vis-à-vis de sa condamnation. 

A-Ph récupéré.

Archives de l’Apsû, branche Anglaise, 1677

 

 

« Mademoiselle Diane ! Je vous dérange ? Est-ce que mon cours n’est pas suffisamment intéressant pour vous ? »

Je sursaute violemment, séparant mes yeux de la fenêtre de la classe par laquelle j’observais rêveusement la cour !

Je me fais toute petite sous le regard sévère de monsieur Sopori, mon professeur de mathématique.

« Puisque vous êtes de retour parmi nous, peut-être pourriez-vous venir au tableau résoudre cette équation ? »

Je déteste ce prof…

 

Quand je sors enfin de la classe, je soupire d’aise. Vendredi soir, il était temps !

Durant la semaine, je suis à l’internat de mon lycée, mais pour les week-ends, je peux rentrer chez moi.

Je passe par le garage à vélo de l’établissement, décrochant mon vieux BMX vert gazon (il faut vraiment que je songe à demander à mon père une bombe de peinture), que je pousse jusqu’à la sortit.

Une fois dans la rue, j’enfourche mon vélo et commence à pédaler tranquillement. Je ne suis pas pressé et j’aime bien prendre mon temps sur le chemin vers la petite résidence que je partage avec mon père.

Je me demande ce que papa nous a cuisiné… Il fait souvent un plat spécial les vendredis soir, pour inaugurer le début du week-end. La semaine dernière, c’était de la pizza aux chorizos, fait maison !

Je me dresse la liste des fois précédentes pour tenter de deviner le plat du jour, quand j’entends des bruits de bagarre sur ma droite, en provenance d’une ruelle.

Par curiosité, un peu morbide, je descends de me selle et m’approche à pas feutrés pour jeter un œil.

Par sécurité, j’ai mon portable à la main, prêt à appeler la police si besoin.

Il a quatre personnes dans la ruelle, deux ont l’âge d’être des lycéens comme moi, et les deux autres semblent être des voyous, au vu de leurs allures de petites frappes…

Mais chose étonnante, ce ne sont pas les lycéens que je découvre assis par terre, le nez en sang : mais bien les voyous eux-mêmes !

« Sacha, calme-toi, ils ont eu leur compte, s’il te plaît… » Est entrain de dire le premier lycéen à son camarade, qui souffle comme un taureau en fusillant du regard ses deux victimes.

« Pas avant d’entendre leurs excuses ! »

Le duo poussent aussitôt des grognements piteux qui pourrait vaguement s’apparenter à de craintifs : “désolés”.

« Ouais, on va dire que ça suffit… Mais que je ne vous y reprenne plus ! »

« Ils ne pouvaient pas savoir, aussi… » Argue son ami.

Le dénommé Sacha, lui décoche un coup d’œil incendiaire, mais l’autre continu : « Avoue que le timing n’était pas des meilleurs… »

« Ils avaient qu’à réfléchir un peu plus avant de me dire que je suis “mignonne” ! Et puis un harceleur, c’est un harceleur ! Ils ne l’avaient pas volé. Aller on se casse, ça pue le crétin ici. »

Je bats rapidement en retraite, saute sur mon vélo et pédale à fond ! Aucune envie de me retrouver face à ce type ! Je ne suis pas folle à ce point !

 

Arrivé à destination, j’insère mes clés dans la serrure, je pousse le battant de la porte et cris : 

« Je suis rentré ! »

J’entends immédiatement du bruit en provenance du bureau paternel, qui ne tarde pas à s’ouvrir à la volée sur la face anguleuse de mon père.

« Ma puce, comment vas-tu ? Tout s’est bien passé au lycée ? Tu t’es enfin fait des amis ? »

« Oui, oui, non. Tu as cuisiné quoi ? »

« J’ai préparé du couscous ! Il devrait bientôt être cuit… Mais d’abord, tu peux venir ? J’ai quelque chose à te montrer ! »

Sans attendre ma réponse, il retourne aussi sec dans le capharnaüm qui lui fait office de bureau.

Mon père est géologue. Son métier consiste à, je le cite : « étudier la composition et la structure du globe terrestre, ainsi que de décrire les transformations passées et présentes qu’il a subies dans son histoire ».

Aussi, son bureau fourmille de tables de travailles et d’étagères où s’amoncelles cartons, instruments et appareilles d’études, piles de livres, notes volantes ou non, et échantillons rocheux soigneusement étiquetés… Mais où il est le seul à réellement pouvoir se repérer.

D’un pas rendu adroit par l’habitude, je m’avance, prenant soin de ne rien écraser, jusqu’à la table devant laquelle mon père m’attend.

Dessus repose une grosse géode ouverte, qui dévoile un scintillant intérieur vert feuille tacheté de blanc !

« Magnifique n’est-ce pas ? »

Je hoche la tête. 

Je ne m’intéresse pas au domaine scientifique de la géologie et mon père n’a jamais cherché à m’y instruire. Mais j’ai, en revanche, toujours eu une fascination pour les beautés minérales que la nature peut créer.

Aussi, quand il reçoit l’une de ces merveilles rocheuses, mon père ne manque jamais une occasion de me la faire admirer.

Mais l’instant est brutalement brisé par une alarme dans la cuisine. 

« Ah ! C’est cuit ! » S’écrit mon père.

Aussitôt, il se précipite hors du bureau.

Je jette un ultime regard à la géode, puis rejoins la cuisine à mon tour.

 

*

Je me tiens au beau milieu d’une prairie, le soleil cogne au-dessus de moi, je sens ma peau qui chauffe petit à petit.

« Il approche… »

La voix qui vient de parler n’est qu’un murmure, que je n’entends qu’à peine.

À qui appartient-elle ? 

« Il arrive… »

Une nuée de papillons de nuit traverse à toute vitesse dans mon champ de vision, m’occultant le regard un moment !

Quand le dernier est passé, je peux découvrir que la prairie est à présent le théâtre d’un étrange duel : un aigle carmin tente de lacérer de ses serres une épée, qui mouline d'elle-même dans le vide pour repousser son agresseur !

À chaque tentative du rapace, le soleil paraît redoubler de chaleur. Tandis qu’à chaque coup de l’arme, le sol tremble.

« Il est là ! »

Le soleil crache à présent des gerbes de flammes, alors que les secousses se changent en un véritable tremblement de terre !

Et… Je me réveil.

Mon père est penché au-dessus de moi, le front barré d’une ride soucieuse, une main sur mon épaule qu’il secoue doucement.

« Ma puce ? »

« Papa… ? Que se passe-t-il ? Quelle heure est-il ? »

« Tard… Il fait encore nuit. Diane, écoute-moi, s’il te plaît… »

Une alarme s’allume dans mon cerveau.

Mon père est beaucoup trop sérieux pour qu’il ne soit pas en train de se passer quelque chose de grave.

« J’ai un vieil ami qui vient d’arriver… Je suis obligé de lui parler, mais je voudrais que tu restes debout jusqu’à ce qu’il s’en aille. Tu ne comprends pas, ce n’est pas important. J’ai juste besoin que tu m’obéisses… D’accord ? »

Je hoche mécaniquement la tête. Il se passe vraiment quelque chose de pas net du tout.

Mon père ne donne jamais d’ordres. Il fait toujours des demandes, qu’il argumente souvent bien, mais pas d’ordres.

« Habille-toi… Tu te souviens où habite Hector ? »

Quoi ? Pourquoi me parle-t-il de mon insupportable oncle, à présent ?

« Oui… mais pourquoi ? »

Ses doigts triturent la chevalière qu’il porte en permanence au majeur, signe chez lui qu’il est nerveux.

« Je sais que tu ne l’aimes pas, mais… Il peut t’aider, si tu as besoin… un jour… »

« Papa, tu me fais peur là… »

Il s’approche de moi et me dépose un baiser paternaliste sur le front, comme lorsque je faisais des cauchemars quand j’étais petite.

« Tout va bien se passer, mon ami ne va pas s’attarder… »

Est-ce à moi qu’il parle ou tente-t-il de se rassurer lui-même ? Il triture de plus en plus sa chevalière…

Une voix l’appelle, depuis le salon.

Mon père quitte aussitôt ma chambre, alors que je m’habille, mais avant d’ouvrir la porte vers le reste de la maison, il m’adresse une dernière phrase qui finit de m’effrayer :

« Si mon ami n’est pas parti dans cinq minutes… Va chez ton oncle. Sors par la fenêtre s’il le faut, mais va chez ton oncle ! »

Il ouvre la porte qu’il referme prestement derrière lui.

Je reste plantée là, tétanisée et perdue. Mais qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Comment un ami, même peu apprécié, peut-il mettre quelqu’un dans un état pareil ? Mon père aurait été sur le point de mourir qu’il aurait pu parler de la même manière !

Finalement, je me dirige doucement vers la porte menant au salon, à laquelle je colle mon oreille pour tenter d’entendre la conversation de l’autre côté.

« … hors de question ! » est en train de dire mon père.

« Tu es un idiot… » lui répond une voix masculine, qui me déplaît d’instinct.

« Tu ne l’auras pas, n’insistes pas ! »

« Je ne te laisse pas le choix, Arthur. Tu me connais, tu sais… »

« Oui, je te connais… Et je te connais suffisamment pour savoir que tu es trop arrogant. »

Un étrange bruit métallique se fait d’un coup entendre… comme quelque chose qui en traverse un autre…

Le silence règne pendant un instant… puis mon père pousse un cri de pure peur.

Et une odeur de fumée et de feux se propage.

« Diane ! Si tu es encore là, fuis ! »

Mon instinct me hurle de rentrer voir ce qu’il se passe, mais le ton de mon père a été si impérieux que je ne peux me résoudre à lui désobéir.

Sans réfléchir davantage, j’ouvre la fenêtre de ma chambre et saute sur l’escalier anti-incendie qui longe la façade, que je dévale au pas de course.

Une fois en bas, je cours le plus vite possible pour m’éloigner.

Ce n’est qu’arriver plusieurs mètres plus loin que je me permets d'oser jeter un regard en arrière.

Des flammes surgissent des fenêtres et de la fumée s’élève sinistrement vers le ciel. 

Ma maison est la proie du feu.

Mes jambes se dérobent sous moi, devenues incapables de me soutenir.

C’est probablement ce qui me sauve, car tandis que je suis au sol, je ne suis plus visible par l’homme qui ne tarde pas à sortir de la maison.

Son gilet couvert de flammes, il s’extirpe du bâtiment par la porte, sans le moindre signe de précipitation, comme si de rien n’était !

Il s’arrête à quelques pas de la maison et je sens son regard qui balaie rapidement la nuit.

L’homme finit par prendre ce qui semble être un téléphone dans une de ses poches, qu’il porte à son oreille.

Il discute une bonne minute avec son interlocuteur au bout de la ligne. Depuis ma position et avec le bruit de l’incendie, je ne perçois que vaguement ses mots, décrochés les uns des autres : « …a refusé… », « …été intraitable. Il a… », « J’ai mis le feu. », « …enfermé dans son bureau. Tu… », « …Non, je ne sais pas dans laquelle… »

Puis il raccroche finalement et range son téléphone.

Ce n’est qu'alors seulement qu’il semble remarquer les flammes qui dévore toujours son gilet… qu’il se contente de tapoter distraitement, ce qui a pour résultat de les faire aussitôt diminuer jusqu’à disparaître !

Une fois éteint, l’homme s’éloigne par une des rues latérales, sans accorder un seul regard supplémentaire au brasier qui dévore ma maison.

 

Ce n’est qu’une fois que la sirène des pompiers se fait entendre, que je reprends mes esprits.

Au prix d’un effort qui me paraît considérable, je me relève et quitte les lieux.

Partir d’ici. Il faut que je parte d’ici.

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Feydra
Posté le 23/08/2022
J'aime beaucoup ce chapitre. La scène finale est très mystérieuse et nous lance dans l'histoire : on se pose plein de questions et cet "ami" a l'air ... surnaturel. 😉 C'est un premier chapitre réussi.

Il y a une chose que je ne comprends pas : pourquoi est-elle à l'internat alors qu'elle habite si près de chez son père ?

La scène qu'elle aperçoit dans la ruelle pourrait être améliorée : par exemple, au lieu de dire "racailles", tu pourrais décrire un peu plus les personnages. Par contre, j'aime beaucoup le dialogue, il est très naturel.

Il y a quelques maladresses d'expression et d'orthographe, mais tu as un style très agréable à lire.

Merci pour ce moment de lecture.
Drak
Posté le 24/08/2022
d'accord, je vais voir si je peux faire quelque chose.
N'hésite pas à me signaler touts autres "problèmes" dans les chapitres suivants
Myzel
Posté le 18/04/2022
Youhou, on aime les amis qui mettent le feu à votre maison !! C'est doit être tellement génial de voir sa cuisine flamber XD (et je rajoute encore des caractères ...)
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