Chapitre 1 - L’ombre dans la lumière

Notes de l’auteur : Le protagoniste, un jeune homme nommé Émo, est né avec une différence physique qu'il considère comme une difformité. Son père a honte de lui et le cache du monde, lui répétant qu'il est un monstre inutile.

Malgré la violence et les humiliations infligées par son père, Émo reste soumis et aimant.

N’hésitez pas à me faire vos retours.

Émo 

Je suis né avec une différence, et pas n'importe laquelle. Mon père en a honte, une honte si profonde qu'il m'oblige à me cacher des autres en permanence. Il me répète inlassablement que je ne vaux rien, que je ne suis qu'un monstre inutile à ce monde.

Ma mère nous a abandonnés lorsque j'étais encore un nourrisson. Selon mon père, elle n'aurait pas supporté ma "laideur", raison qui justifierait sa fuite loin d'ici. Je peux la comprendre. Après tout, comment assumer ma condition ? J'espère qu'elle a pu se reconstruire et trouver le bonheur ailleurs.

Je n'arrive pas à lui en vouloir. Seul mon père reste à mes côtés. Son comportement est exécrable, mais c'est ainsi qu'il exprime son amour, à sa manière déformée. Il m'écarte de la société pour protéger mon secret, cette part de moi "démoniaque" que le monde refuserait d'accepter, toujours selon lui.

J'essaie autant que possible de lui être utile pour toutes les tâches ménagères. Je m'occupe entièrement de la maison pendant qu'il travaille à l'extérieur.

Malgré son manque d'enthousiasme, le royaume l'a contraint à m'inscrire dans l'école que je fréquente aujourd'hui. J'ai la chance d'y suivre une scolarité, même si ce n'est pas son choix.

Vivre parmi les bannis est une punition que mon père me reproche également. Comme si j'étais la cause de sa déchéance suite au départ de ma mère. Pour éviter d'attirer son attention, je me montre discret et silencieux.

Face à sa violence, je me répète "que c'est pour le mieux" pour apaiser ma colère. Après tout, je ne suis qu'un monstre, comme mon père me le rabâche sans cesse. Je n'aurais jamais dû naître, j'ai gâché la vie de mes parents, et surtout la sienne.

Mon avenir est sombre. Je ne pourrai jamais me marier, ni fonder une famille comme tous les villageois. Je suis condamné d'avance, un véritable fléau.

D'un côté, je ne me vois pas épouser une femme car je suis attiré par les hommes. En particulier par Lucas, un garçon de mon école. Depuis que je l'ai rencontré, il illumine mon cœur et je ne vis que pour le voir chaque jour.

Il est hors de question que mon père découvre mon attirance pour lui. Il me ferait disparaître et m'interdirait l'école, j'en suis certain. Il m'enfermerait dans la cave pour me torturer, comme il l'a déjà fait. Je ne veux revivre cette époque sous aucun prétexte. Rien que d'y penser, mon corps tremble de terreur.

Perdu dans mes pensées, je suis bousculé violemment par mes camarades, indifférents à ma présence. Je vacille, prêt à tomber, mais une main ferme me retient. Je lève les yeux et mon cœur s'emballe : Lucas, mon sauveur inattendu.

Son regard me transperce, je détourne le mien, les joues en feu. Ce n'est pas sa présence qui me trouble, mais l'attention qu'il me porte, moi, l'invisible.

- "Ça va ?" demande-t-il avec douceur. Un hochement de tête est ma seule réponse. Il tend la main vers mon épaule, mais je me rétracte instinctivement. Mon secret ne doit jamais être dévoilé.

- "Merci... désolé," je murmure, la voix tremblante. Je ramasse mon sac tombé lors de la bousculade et m'enfuis précipitamment, terrifié à l'idée que quelqu'un découvre ma difformité.

Lucas, lumière incandescente, incarne la perfection, tandis que moi je suis l'incarnation des ténèbres et de la laideur. Il rayonne, aimé de tous, tandis que je suis l'ombre, le reclus.

Cette dualité me consume, me fascine et me torture. Je rêve de voler sa lumière, de monopoliser son attention, de le voir briller uniquement pour moi.

Mais je suis un monstre d'égoïsme. Je convoite ce qu'il offre aux autres, tout en sachant que c'est impossible. Ses préférences sont évidentes : les filles qui l'entourent en permanence en sont la preuve.

Comment supporte-t-il leurs avances incessantes ? Leur superficialité me révulse, et accentue encore ma haine de moi-même.

La monstruosité que je porte sur le dos, ces excroissances que je cache depuis ma naissance, est mon secret le plus intime. Personne ne doit jamais les voir.

Mon père, dès mon premier souffle, s'est acharné à les raboter, me faisant subir un supplice inimaginable. Une fois par an, il me torture en arrachant mes plumes, une à une, comme si je me déchirais l'âme à chaque fois.

Je pleure en silence, étouffant ma douleur, terrifié à l'idée qu'il les brûle, comme lors de mon onzième anniversaire. Cette agonie, suivie d'une semaine de coma, a marqué à jamais mon corps et mon esprit.

Pour mon père, ces ailes sont une marque démoniaque, la cause du départ de la femme qu'il aimait plus que tout, bien plus que moi. Je me rapproche de la maison, où il m'attend, impatient de me faire subir son supplice.

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Le Diable
Posté le 26/08/2024
Mon côté voyeur revendiqué s'est tout de suite demandé quelle pouvait bien être cette horrible difformité: une bosse à la Quasimodo? Des cornes? Des écailles de lézard? Une queue de rat? Le dernier paragraphe dépasse mes plus démoniaques suppositions: des ailes de plumes! Horreur, un ange! J'ai hâte de savoir si le père parviendra à les ratiboiser ou si elles s'obstineront à pousser envers et contre tout.
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