Clara se tenait là, figée dans l’entrée de l’appartement. Ses mains tremblaient, ses yeux s’étaient vidés de toute lumière. Le silence lui martelait les tempes, pesant comme un couvercle sur une marmite prête à exploser. Elle regardait la porte, la main toujours tendue vers la poignée, ne sachant plus si elle devait la refermer ou la laisser ouverte. Mais il était déjà trop tard. Baptiste était parti. Ses pas, une dernière fois, avaient franchi le seuil. Il n’était plus là.
Les souvenirs se bousculaient dans sa tête. Elle revoyait les jours heureux, les éclats de rire, les promesses murmurées sous la couette, les moments partagés, complices. Mais aujourd’hui, tout cela semblait si lointain. La porte s’était fermée sur elle, et elle était seule. Encore une fois. Ce n’était pas la première fois que l’amour lui échappait, mais celle-ci, elle la sentait plus profonde, plus douloureuse. Quelque chose avait changé en elle, comme si l’homme qu’elle avait aimé s’était transformé en une image floue et irréelle. Baptiste n’était plus celui qu’elle avait rencontré. Elle n’était plus celle qu’il avait aimée.
Elle se laissa glisser contre le mur. Sa poitrine brûlait comme si quelque chose l’avait lacérée de l’intérieur. Un trou noir émotionnel, affamé, l’avalait toute entière. Les larmes montaient, mais elle les retenait, ne voulait pas pleurer. Pas devant lui. Pas devant quelqu’un qui l’avait trahie. Mais il était trop tard pour retenir la douleur. Il était trop tard pour garder son fardeau. Tout ce qu’elle ressentait, tout ce qu’elle avait caché en elle, éclata d’un seul coup. Un cri, un hurlement intérieur, un mal de cœur qui ne laissait plus aucune place à la raison.
Les minutes passèrent, longues, interminables. Le silence de l’appartement lui apparut d’un coup comme une évidence, un vide implacable. Elle tourna lentement la tête vers le canapé, les meubles, les objets familiers. Tout était pareil, et pourtant tout semblait irréel. Elle n’arrivait plus à voir les choses comme elles étaient. Elle se sentait comme un spectre dans sa propre vie, errant sans but, sans direction. Chaque centimètre de l’appartement, chaque recoin, la renvoyait à cette absence, à ce vide que Baptiste avait laissé derrière lui.
Elle s’approcha du canapé, se laissa tomber dessus. Elle se sentait seule. Complètement seule. Mais au fond d’elle, elle savait qu’elle n’était jamais vraiment seule.Ce n’était pas un murmure. C’était une certitude. Tu n’es rien sans lui. Tu n’es rien sans lui. Comme un mantra gravé dans les murs, dans les meubles, dans sa peau.
Les mots se succédaient dans sa tête, encore et encore. Baptiste était parti. Mais elle ? Qu’était-elle devenue ? Cette version d’elle-même, ce qu’il avait aimé, n’existait plus. Elle ne savait même pas qui elle était sans lui. Et cette idée la terrifiait.
Elle prit son téléphone. Un message. Elle ouvrit la conversation, lut les mots de Baptiste une dernière fois.
En lisant, Clara sentit son estomac se nouer, comme si chaque mot lui avait perforé un organe. Il ne restait plus rien à sauver. Même les silences étaient devenus cruels.
"Clara, arrête de m’envoyer des messages, je ne suis pas la personne qu’il te faut, ce n’est pas de ta faute c’est moi… il faut que tu m'oublies."
Ces mots, froids, distants, déchirèrent encore un peu plus son cœur. Pourquoi ? Pourquoi ce n’était pas comme dans les films, où tout finissait par s’arranger ? Pourquoi ne pouvait-elle pas avoir ce qu’elle voulait, elle aussi ?
Clara passa plusieurs jours à errer dans un brouillard de solitude, chaque journée s'étirant comme un interminable écho de l'autre. Elle se réveillait le matin sans aucune motivation, les mêmes pensées noires tournant en boucle dans sa tête. Pourquoi lui, pourquoi maintenant ? Le silence de l’appartement résonnait de manière presque insupportable. Elle n’avait plus goût à rien, plus envie de rien. Elle s’était plongée dans des livres, des histoires lointaines et fictives, espérant échapper, ne serait-ce qu’un instant, à la douleur qui la dévorait. Les pages défilaient sans qu’elle les lise vraiment. Les mots n’avaient plus de sens. Elle se contentait de les tourner, de les faire défiler sous ses yeux sans qu’ils n’atteignent son esprit. Chaque livre semblait plus lourd que le précédent, comme si même la fiction refusait de la réconforter.
Un matin, en se levant, elle se rendit compte qu'elle n’avait plus que cette option. Elle ne pouvait pas continuer à vivre ainsi. C'était trop lourd, trop douloureux. Elle devait faire quelque chose, n’importe quoi, pour sortir de ce gouffre. La pensée d’un thérapeute la hantait depuis quelques jours déjà. Elle savait qu’elle n’arriverait pas à s'en sortir sans aide, mais l’idée de parler de sa souffrance à un inconnu la terrifiait. Toutefois, elle n’avait plus le choix. Elle ne pouvait plus se cacher derrière des livres.
Elle attrapa son téléphone. Les doigts hésitants, elle chercha un numéro. Quelques secondes plus tard, elle composait le numéro d'un psychologue. L'appel résonna une fois, puis deux, et finalement, une voix calme et professionnelle répondit de l’autre côté du fil.
— Bonjour, ici le cabinet de M. Lefevre. Comment puis-je vous aider ?
Clara prit une inspiration. Elle avait prévu d’être brève, mais sa voix se brisa au moment où elle tenta de répondre.
— Je… je voudrais prendre rendez-vous. Pour parler. Je ne me sens pas bien…
Il y eut une pause, puis la voix au bout du fil reprit avec une tonalité apaisante.
— Bien sûr, je suis disponible dans une heure. Est-ce que cela vous conviendrait ?
Clara hocha la tête avant de se rendre compte qu’il ne pouvait pas la voir.
— Oui… dit-elle enfin, plus faiblement. Oui, une heure ça me va.
Elle raccrocha, les mains moites. Une heure. Juste une heure avant de pouvoir poser son fardeau sur les épaules d'un inconnu. Peut-être qu’il pourrait lui offrir une bouée de sauvetage. Peut-être que, cette fois, il allait l’aider à sortir de ce labyrinthe mental. Mais en attendant, il restait encore ce sentiment. Ce vide, cette oppression qui lui dévorait le cœur.
Elle se leva, se rendit dans la salle de bain et se regarda dans le miroir. Ses yeux étaient fatigués, ses cernes proéminentes, son visage marqué par des jours de souffrance. Elle se haïssait en voyant cette image. Elle aurait voulu briser le miroir pour ne plus avoir à affronter cette étrangère qui portait son nom. Cette version d’elle-même brisée et sans vie. Tu dois y aller, se dit-elle, tu n’as pas d’autre choix.
Clara enfila un jean et une chemise sans vraiment réfléchir, son corps se mouvant mécaniquement, comme une marionnette. Elle attrapa son sac, les mains tremblantes, et sortit de l’appartement, sans regarder une dernière fois l’endroit qui avait été le théâtre de tant de souvenirs heureux… et maintenant, de tellement de douleur.
Le cabinet de M. Lefevre était à quelques rues de chez elle. Elle s’y rendit à pied, le vent frais lui frappant le visage. Elle avait l’impression de marcher dans un rêve, un rêve où tout semblait déconnecté, où même la ville autour d’elle semblait irréelle. Les gens allaient et venaient, mais elle, elle était comme suspendue dans le temps, ne faisant qu’effleurer ce qui l’entourait. Chaque pas la rapprochait de l’inconnu, de cette rencontre qui, elle l’espérait, serait le début de la fin de sa souffrance.
Elle arriva enfin devant la porte du cabinet. Le nom du psy était inscrit en lettres argentées sur la vitre : M. Lefevre, psychologue clinicien. Elle inspira profondément, tenta de maîtriser son souffle, et entra.
L’intérieur du cabinet était sobre, calme. Des étagères remplies de livres aux couvertures neutres, une chaise en cuir noir et un fauteuil confortable face à lui. Il y avait une odeur de bois, quelque chose de doux, de rassurant, presque chaleureux, mais Clara n’arrivait pas à se détendre. Son cœur battait plus fort à chaque seconde. Elle se sentit soudainement petite, vulnérable, comme si chaque morceau de son être était exposé et à la merci de ce médecin qui la regarderait, l’analyserait, peut-être même la jugerait.
M. Lefevre se leva, lui adressa un sourire professionnel.
— Bonjour, Clara. Installez-vous, je vous en prie. Vous êtes ici pour parler, n’ayez crainte. Rien ne vous oblige à tout dire d’un coup. Prenez votre temps.
Clara hocha la tête, s’assit lentement. Elle ne savait pas par où commencer. Elle avait une multitude de choses à dire, des pensées qui tournaient en boucle, mais aucun mot n’arrivait à franchir ses lèvres. Elle se contenta de le regarder, se demandant ce qu’il penserait d’elle.
— Pourquoi êtes-vous venue me voir, Clara ? demanda-t-il doucement, en s’asseyant également.
Elle baissa les yeux, fixant ses mains posées sur ses genoux. Ses doigts se tordaient, nerveux. Puis, sans vraiment y réfléchir, elle répondit, les mots s’échappant dans un souffle étouffé :
— Je… je viens pour... pour... je ne me sens plus moi-même. Je ne sais plus comment avancer. Je… je me sens vide. Comme si je n’étais plus que l’ombre de moi-même. ...et parfois, j’ai même peur que ce vide soit la seule chose qui me reste.
Elle s’arrêta là, incapable de dire davantage. La vérité, c’était qu’elle ne savait même pas si ses mots avaient un sens. Comment expliquer cette douleur qui ne cessait de la ronger ? Comment faire comprendre qu’elle n’arrivait plus à respirer sans ressentir un poids immense sur sa poitrine ?
Le psy attendit un moment avant de répondre, et lorsque ses paroles vinrent, elles étaient mesurées, presque réconfortantes.
— La rupture… elle vous a laissée dans un état de désarroi. Vous avez perdu plus qu’un amour. Vous avez perdu une partie de vous-même, votre confiance, vos repères. C’est un vide que vous ressentez.
Clara le regarda enfin, cherchant du réconfort dans son regard. Mais rien ne changea en elle. C'était comme si ses mots, si justes soient-ils, ne parvenaient pas à effacer cette douleur. Le silence qui s’installait entre eux ne faisait qu’ajouter à l’inconfort qu’elle ressentait. Elle n’arrivait pas à se détacher de cette sensation de solitude écrasante, comme si la conversation était une formalité qui ne changerait rien à son mal-être.
On peut dire qu'on est en totale empathie avec Clara. On n'a pas encore tous les détails de sa relation (et sa rupture) avec Baptiste, on ne sait pas s'il faut lui casser les genoux ou s'il est gentil au fond... Mais... J'avoue que je me suis attaché à ton héroïne. J'ai envie qu'elle s'en sorte, qu'elle retrouve le sourire. J'admire déjà la résilience qu'elle semble avoir en elle. Elle n'a pas trop tardé pour appeler de l'aide, elle a su se prendre en main.
Je rejoins Vermeille quant à ce premier contact avec Lefevre. Les silences, la gêne, la peur, ça m'a rappelé des choses à moi aussi. Et forcément, ce n'est pas ce premier entretien qui va effacer toute la douleur, toute la souffrance. J'espère tout de même que ce sera un début.
Tu dis en note de début de chapitre que tu classerais ça dans la SF et le thriller psychologique. En lisant ton résumé, je comprends pourquoi. Cependant, je pense que ce serait encore plus efficace d'intégrer des éléments de SF et de thriller psychologique dans ce premier chapitre. Sans forcément entrer dans le vif du sujet. Juste des petits détails pour ne pas que le lectorat s'imagine être dans un univers réaliste au début et paf! non pas du tout.
Je ne sais pas quel univers SF tu as imaginé mais à voir si tu peux pas rajouter des trucs, notamment dans la description du canapé dans lequel elle s'écroule, de la salle de bains, lors du coup de téléphone au psy, des vibes SF durant la séance...etc.
Pour le côté thriller psychologique, je n'ai aucune idée de comment tu pourrais disséminer ça dans ce premier chapitre sans trop en dire mais peut-être à creuser ?
Pour moi, ça se jouerait sur des mini-détails de rien du tout qui permettraient au lectorat de saisir d'entrée l'ambiance/l'univers de ton histoire.
Bien évidemment, cela n'enlève en rien le bon moment que j'ai passé à lire ce chapitre et je vais continuer la lecture !
Déjà, merci d'avoir pris le temps de décortiquer la chose :D
Le côté SF, j-y pensais mais plus dans le fond, car autour il n'y a rien de SF, je sais pas comment l'expliquer.
Le côté thriller psy, viens après du coup, enfin je pense, j'espère, qui dit thriller dit meurtre? donc à voir aussi au fil de la lecture.
Je ne me suis pas éterniser sur la rupture en elle même, le devrais-je? Tu as envie de casser des genoux? haha Non plus sérieusement, je me suis vraiment focaliser sur Clara et sa solitude. Mais vu que tu n'es pas le premier à me faire la remarque, peut être que je devrais inclure cela dans le roman.
J'espère que tu apprécieras autant ta lecture sur les prochains chapitres :) A bientôt
Pour le reste, je vois ce que tu veux dire. Au pire, je me ferai une meilleure idée des touches SF et thriller psy en avançant dans l'histoire. A ce moment-là, je pourrais t'en dire un peu plus.
Le moment où elle franchit le pas pour appeler un psy est très bien amené, sans pathos, mais avec beaucoup d’humanité. Et cette première séance, pleine de silences et de malaises, sonne très vrai. Rien n’est trop, rien n’est édulcoré : c’est crédible, sensible et fort.
Le thème de la solitude et de la perte d’identité est très bien traité, et on sent déjà poindre la question du besoin de connexion, ce qui donne encore plus envie de voir comment Jake, l’IA, va s’introduire dans sa vie.
Vraiment une belle entrée en matière !
J'espère que tu seras tout aussi enjouée pour les prochain chapitres! Merci encore d'être venue par ici.
Je me presse de lire la suite !
Et je ne m'attendais pas à recevoir un tel compliment, merci beaucoup.