Chapitre 10 :
Un domestique les salua devant la porte d’entrée. A l’intérieur, il devait y avoir une quarantaine de personnes, toutes masquées, toutes très élégantes. Les hommes, à l’image d’Armand étaient tous vêtus d’un costume trois pièces, et les femmes étaient corsetées à outrance, suivant la mode actuelle. Beaucoup de regards s’étaient dirigés vers eux à leur arrivée, ce qui mit Gabrielle assez mal à l’aise. Voilà qu’elle entrait non pas avec son fiancé, mais avec Armand. L’idée, dans le fond, lui plaisait beaucoup, et pour plusieurs raisons.
Dans un coin de la salle, décorée de fleurs blanches, plusieurs musiciens jouaient discrètement, donnant une ambiance agréable à la soirée.
Mais Armand rejoignit Pierre près du bar et lui redonna la main de Gabrielle, les salua avant d’aller se mêler à la foule. Gabrielle eut à peine le temps de regarder autour d’elle que Pierre lui attrapa le bras fermement pour lui parler à l’oreille.
« Tu cherches vraiment à ce que j’ai l’air d’un idiot, non? Je rentre ici seul pour que tu boives une citronnade et je te vois arriver au bras d’Armand? Que vont penser les gens de moi?
Gabrielle serra les dents.
— Ce n’était pas prémédité, et tu ne connais personne, en quoi est-ce un souci? Nous ne sommes pas à Paris que je sache.
Pierre la lâcha avant de prendre une gorgée de vin.
— J’espère que tu as raison.
— Moi aussi. Ce n’est ni dans mon intérêt ni dans mes intentions de te causer du tort.
Dire cela lui coûtait énormément, mais elle savait que de ses mots dépendait l’humeur globale de Pierre et sa façon de la traiter. Elle l’entendit soupirer avant de se détendre.
— J’ai trouvé quelque chose de très intéressant tout à l’heure à propos d’Armand.
Gabrielle se tourna vers Pierre, étonnée que celui-ci se confia à elle.
— A quel sujet?
— Je cherchais des documents concernant notre affaire sur Paris, je savais qu’Armand avait des papiers du dossier dans cette maison. Je suis allé dans son bureau, qui est toujours ouvert et j’ai cherché. Mais je suis tombé sur une lettre qui m’a étonné.
— Que disait-elle?
La curiosité de Gabrielle avait été piquée.
— C’était une copie de l’ordre de mutation du Docteur Courtois, accompagné d’une lettre manuscrite venant de sa part. C’est lui-même qui a fait demander sa mutation, et dans cette lettre, il appuie sa demande en payant grassement l'hôpital accueillant le docteur.
Gabrielle en fut bouche bée.
— Armand? Mais pourquoi aurait-il fait muter le docteur Courtois?
— C’est bien ce que je me demande. Je n’ai aucune explication à ce geste. Je ne sais pas encore comment aborder le sujet avec lui, ou même savoir si je vais le faire.
— Je ne crois pas que cela soit une bonne idée. Si tu n’étais pas au courant, c’est qu’il ne voulait pas que ça se sache; Il saura que tu as fouillé dans ses affaires, souffla Gabrielle, restant aussi discrète que possible.
— Mais pas à la recherche de ce genre d’information, c’était en toute bonne foi que je l’ai fait. Expliqua Pierre, jouant avec son verre.
— Certes, mais …
Alors que Gabrielle s'apprêtait à parler, Armand revenait vers eux, accompagné d’Elisabeth. A nouveau, la beauté de cette femme laissa à Gabrielle l’impression d’être une vieille petite chaussette. Ses yeux bleus-violets la scrutaient encore plus intensément avec le loup posé sur son visage.
— Gabrielle, enchantée de te revoir. Pierre, bonsoir.
Elle les salua très poliment, s’inclinant légèrement. Elisabeth portait une robe en satin vert émeraude qui dénudait ses épaules, ses bras, son décolleté et une partie de ses jambes. Malgré cette tenue très ostensible, personne ne semblait la regarder particulièrement.
— Je suis désolé, je dois m’occuper de certaines de choses. Je reviendrai vers vous plus tard.
De là, Armand s’éclipsa. De même que Pierre qui s’en alla rejoindre un groupe de personnes qui semblaient passionnées par la musique qui était jouée.
— Comment se passe votre séjour? Demanda Elisabeth.
— Très bien, le temps est assez difficile à supporter, mais nous sommes très bien installés. Répondit Gabrielle, tentant de se tenir aussi droite qu’elle pouvait.
— Armand est un très bon hôte, certes un peu occupé, mais il a toujours des attentions particulières pour ses invités. Il ne laisse rien au hasard.
Elisabeth effleura la broche de Gabrielle, qui se sentit à nouveau gênée… Non, en effet, ce n’était pas une attention spéciale. Armand était juste comme ça. Quelle déception.
— Et que fait Armand qui l’occupe tant que cela?
— Les affaires.
Gabrielle sourit un peu, bien consciente que son interlocutrice éludait la question.
— Des choses bien trop compliquées pour moi n’est-ce pas? Demanda-t-elle avec un peu d’insolence.
Cette fois, ce fut Elisabeth qui se mit à sourire.
— Ne croyez pas cela, mademoiselle. Nous sommes au moins aussi brillantes que les hommes, ce monde n’est juste pas encore fait pour nous. Mais sans femmes, les hommes ne sont que des enfants qui jouent à la guerre. Vous êtes sûrement une femme brillante pour avoir l’admiration d’Armand et de Pierre.
— L’admiration? Gabrielle rit un peu, de bonne foi. Je ne suis qu’un nom bon à marier, et la “femme de”.
— Gabrielle, mon enfant: vous êtes bien plus importante que vous ne le pensez. Vous avez toujours été mal entourée et vous ne savez pas de quoi vous êtes capable. Vous êtes certes très belle, mais ce n’est rien face au reste.
— C’est très flatteur, mais comment pouvez-vous prétendre me connaître alors que c’est la première fois que nous échangeons plus de deux phrases.
— Armand parle de vous.
Gabrielle ne put se retenir de rire, à la fois de surprise et de gêne.
— Depuis quand connaissez-vous Armand?
— Longtemps, sourit Elisabeth. Pour en revenir à ce que je disais. Il faut que vous vous affirmiez plus encore. Vous êtes quelqu’un de bien et personne ne peut vous forcer à vous sacrifier constamment pour les autres.
Cette fois, Gabrielle ne savait plus quoi répondre. La douleur dans son ventre se réveillait encore une fois et l’angoisse remontait en flèche à la pensée de son mariage à venir.
— Je vous souhaite une bonne soirée, Gabrielle. J’ai d’autres invités à aller voir.
— Bonne soirée Elisabeth. Et merci… Bredouilla t-elle, toujours mal à l’aise.
— Il n’y a pas de quoi.»
Sur ce, Elisabeth s’en alla rejoindre deux autres personnes qui semblèrent ravie de la voir arriver enfin. Gabrielle, elle, se retrouva seule. Et tout ce qui venait de se passer était suffisamment perturbant pour la laisser silencieuse et sans la moindre envie d’aller se mêler à la foule. Voilà, elle se retrouvait toute seule près du bar, pendant que tout le monde prenait du bon temps, discutait, dansait, buvait… Et, elle, était là debout, seule avec toutes ces pensées intrusives. Tellement de choses qu’elle n’était en mesure de gérer, tellement de mots, d’informations, de déception et d’espoirs mêlés. Mais qu’en faire?
Longuement, Gabrielle regarda les invités danser. Les couples discutaient, les musiciens jouaient des airs enlevés, c’était un spectacle très agréable. La chaleur écrasante ne semblait pas gêner beaucoup de monde, de temps à autre, une femme prenait le temps de reprendre son souffle sur le bord de la pièce, agitant avec ferveur son éventail, certains hommes tombaient la veste, puis s’épongeaient le front. Gabrielle, elle, commençait à étouffer.
Elle repensait à ce que Pierre lui avait dit juste avant l’arrivée d’Elisabeth, cette lettre qu’il avait trouvé. Deux choses la marquaient: le fait que Pierre lui en parle et qu’Armand laissa ce genre d'information si facile d’accès. S’il avait voulu garder cela secret, les documents auraient dû être en sécurité, pas à vue sur son bureau, ouvert qui plus est. Armand ne semblait pas être de ces personnes qui faisaient les choses par hasard.
Et voilà que Pierre faisait presque comme si de rien était et parlait avec elle tranquillement, échangeait à propos d’affaires sérieuses. Après l’avoir presque agressée la veille, voilà qu’il se comportait de nouveau de manière tout à fait agréable. Gabrielle comprenait comment les autres femmes pouvaient supporter leur époux après un mariage arrangé. Les hommes se comportaient parfois comme des animaux et d’autres comme l’avait dit Elisabeth, comme un enfant qui jouait à la guerre. Il jouait à la politique, à faire des affaires, à se montrer en société et faire comme s’il était le président, qu’importe.
Gabrielle commençait à s’ennuyer, elle marchait tranquillement le long de la pièce, attrapant au passage des petits fours que les domestiques distribuaient en quantité, attrapant un verre de champagne. Personne ne venait lui parler, beaucoup des invités semblaient faire comme si elle n’était pas là, on ne la regardait pas, on ne lui parlait pas. C’était extrêmement vexant, et malgré tout, se remettant en question, elle se disait que peut-être elle n’avait l’air avenante, que c’était à elle de faire le premier pas pour aller vers les autres. Mais personne ne lui donnait l’impression de pouvoir laisser approcher. Elle tenta bien une fois, mais au moment où elle se rapprocha d’un groupe de femmes, celles-ci décidèrent soudainement de s’en aller respirer un peu à l’extérieur.
Gabrielle soupira, cette soirée était longue, interminable. Pierre parlait activement avec d’autres hommes, fumant cigare sur cigare, et descendant les verres de whisky comme si cela avait été de l’eau. Lui paraissait bien s’amuser. Elle chercha alors Armand des yeux, lui au moins aurait peut-être une minute à lui accorder ou quelqu’un à lui présenter. Et au moment où son regard se posa enfin sur lui, le nœud dans son estomac se resserra au point qu’elle se sentit sans le souffle. Une demoiselle blonde, vêtue d’une robe bleue lui faisait ostensiblement du rentre dedans. Toute collée à lui, elle parlait à son oreille, une main posée sur son torse. Gabriella posa son verre de champagne, sentant l’effet de l’alcool se multiplier avec la chaleur et la colère. Une fascination morbide la poussait à les fixer, à ne pas réussir à décrocher son regard du couple flirtant, comme si son esprit la poussait à s’infliger cela. Nerveusement, elle était en train de se manger l’intérieur de la joue et d’arracher toutes les petites peaux autour de ses ongles. Histoire de rajouter un peu de plaisir à sa vie sûrement. Un nouveau coup à l’estomac, cette fois ce fut Armand qui se mit à la toucher, à passer son bras autour de sa taille. Gabrielle détourna les yeux, s’en était trop pour elle. Il lui était déjà difficile de vivre en ayant des sentiments pour Armand, vivre en étant près de lui à chaque minute sans pouvoir lui avouer, sans pouvoir s’en débarrasser, mais là, le voir batifoler avec une autre femme, c’était beaucoup trop pour elle.
Décidée, elle prit le chemin de la sortie pour retourner dans ses appartements, sauf qu’Armand et sa prétendante firent de même. Gabrielle se retourna sur elle—même pour tenter de feindre de les avoir vues. Elle était là, paralysée et l’air d’une idiote, au milieu de la piste de danse. Doucement, elle essaya de s'extirper de l’endroit pour laisser le temps à Armand de la précéder suffisamment.
Elle pu enfin rejoindre le couloir et monter l’escalier. La musique et le brouhaha se tamisaient petit à petit, laissant place au calme habituel du Manoir. Mais à peine eut-elle mit le pied sur la marche du 2ème étage qu’un bruit de porte qui se ferme se fit entendre non loin. Puis un bruit sourd, et un gémissement, très ostentatoire. Animée par une force inconnue, Gabrielle se rapprocha des bruits qui se faisaient de plus en plus présents. Voilà qu’elle était devant la porte et que le son de la voix d’Armand se faisait entendre d’une façon qui lui était inconnue; et cela lui plaisait partiellement. Une vague de désir monta en elle, et c’est ce qui la fit continuer, qui lui donna envie de se pencher pour regarder par la serrure. Une chaleur immense monta en elle. Armand était en train de faire l’amour avec cette femme, allongée sur le bureau, il était au dessus d’elle, ses jupons relevés, la tête renversée en arrière dans le vide. Elle avait envie, elle aurait voulu être cette femme pour recevoir les attentions de celui qu’elle désirait plus ardemment encore qu’elle n’aurait pensée. Elle qui ne connaissait rien à l’amour, voilà qu’elle était là en train d’espionner son hôte et ami en train de faire l’amour. Le plaisir de la demoiselle semblait si intense qu’elle ne parvenait pas à retenir ses gémissements malgré ses deux mains sur sa bouche. Armand releva un peu la tête, les yeux fermés, et les lèvres entrouvertes, bordées de quelque chose de sombre. Il les referma avant de replonger vers le cou et la poitrine de son amante.
Gabrielle se releva, elle était à présent partagée entre jalousie, envie, colère, et dégoût d’elle-même. La douleur dans le creux de son ventre était à présent bien différente, mais lui donnait la nausée quand elle se mêlait à tout le reste. Finalement, c’était d’air dont elle avait besoin.
Rapidement, elle descendit au jardin, passant par l’entrée secondaire pour ne croiser personne. Dehors l’air était jaune, l’ambiance très étrange d’un orage qui s’annonçait. Le vent s’était levé, rendant l’air bien plus respirable. Au loin, le tonnerre grondait. Gabrielle s’enfonça dans le jardin, marchant vers les écuries. Il lui fallait passer par le jardin à l’anglaise, puis le long de la falaise. Tout en marchant, elle prenait le temps de regarder la mer commencer à s’agiter. L’espoir de voir un énorme orage s’abattre en bord de mer lui plaisait beaucoup, elle rêvait de voir les vagues déferler sur les falaises, dans des éclats d’écumes et de bruits.
Les premières gouttes commençaient à lui tomber dessus, de grosses gouttes d’eau presque chaude. Quel soulagement, quel bonheur de sentir enfin l'atmosphère s'alléger. Cela jouait aussi sur son état, elle tenta de se concentrer sur ce spectacle que lui offrait la nature, et au moins l’envie qui lui écrasait les reins pouvait s’évaporer pour ne laisser place plus qu’à l’amertume et la honte. Merveilleux.
Gabrielle s’installa près de l’écurie, sous un magnifique saule pleureur. Ici, elle ne pouvait plus sentir la pluie, ou presque plus, et elle profitait de la lumière de la grange éclairée où les palefreniers prenaient soin des montures des invités. Epuisée, elle retira ses gants, puis son loup. Toute cette mascarade avait bien assez durée. Puis sans trop savoir pourquoi, elle défit également sa broche puis se rapprochant de la falaise, elle jeta le tout à la mer. Il fallait qu'elle arrête, il fallait qu’elle arrive à se détacher d’Armand parce qu'elle allait souffrir. C’était voué à mal se terminer, Gabrielle pouvait le sentir, elle se ne se connaissait que trop bien. Peut-être était-ce la première fois qu'elle tombait amoureuse, mais elle n’était pas ignorante sur le fait qu’elle était en train de s’enfoncer dans une situation trop compliquée pour elle. Pierre était un goujat, un homme parfois détestable, mais elle devrait plutôt mettre à contribution son énergie pour apprendre à le supporter et s’aimer elle-même. Gabrielle n’aimait pas l'autoflagellation et dans les romans d’amour elle avait toujours eu horreur de ces femmes qui se mourraient pour un homme… Bien qu’aujourd’hui, elle pouvait toucher du doigt leur détresse et ce qui avait pu leur passer par la tête à ce moment.
Gabrielle retourna sous son arbre pour s’asseoir par terre, la pluie s’intensifiant à chaque minute. L’orage faisait rage et les éclairs zébraient le ciel de lumière. Elle regardait la pluie tomber, profitant de l’air qui se rafraichissait peu à peu. Ce moment lui vidait l’esprit et lui faisait du bien. C’était de ça dont elle avait besoin.
Il se passa un long moment, Gabrielle resta là, assise par terre dans l’herbe à regarder la pluie tomber, à pencher la tête pour apercevoir les éclairs. Puis elle se leva pour aller au bord de la falaise à nouveau. La mer s’était déchaînée, les vagues venaient se briser contre la côte d'albâtre, quelle vision exaltante! Elle avait les cheveux trempés, les vêtements collant à sa peau, et sûrement le maquillage qui coulait un peu de ses yeux, mais ce moment était parfait.
« Gabrielle?
L’appelée sursauta en se tournant vers la voix qui la cherchait.
Armand. Évidemment.
Elle fut partagée entre la colère et la douleur qui tordait son ventre. Il était lui aussi trempé, avait fait tomber la veste et le veston, ainsi que le loup. Fait rare, Armand n’avait pas ses habituels gants.
— Je te cherche depuis presque une heure, Pierre ne t'a pas vu partir.
— Je ne supportais plus la chaleur, mentit-elle sur le champ.
— Cela doit aller mieux alors, sourit-il.
— Oui, en effet.
Elle rit un peu et eut envie de se frapper. Il était là, il l’avait cherché et maintenant Armand était devant elle, avec ses yeux verts magnifique et sa peau marmoréenne. Elle se fit la remarque qu’il avait bien meilleure mine qu’avant le début du bal.
— Tu as perdu ta broche? Demanda Armand, touchant l’ourlet de son décolleté.
—Euh, je ... oui, bredouilla-t-elle, ne pensant pas qu’il le remarquerait, ou tout du moins, pas si vite.
— Tu ne veux pas qu’on s’abrite?
Alors qu’elle répondait par l’affirmative, Armand l’attrapa par la main pour l’emmener vers le saule pleureur.
Face à elle, il sourit à nouveau et repoussa ses cheveux trempés en arrière. Gabrielle se sentit douloureuse de la tête aux pieds. Non, elle n’était rien du tout face à lui. Inconsciemment, elle fit de même, ses cheveux lui dégoulinant sur le visage.
— Pourquoi est-ce que tu me cherchais? demanda Gabrielle, essuyant le dessous de ses yeux, ayant peur de voir son mascara couler.
— J’ai vu que tu t’ennuyais tout à l’heure, je voulais essayer de remédier à cela, et quand j’ai vu que tu n’étais plus là, je me suis inquiété.
— Pourquoi ? Tu semblais occupé et en très bonne compagnie ... Insinua-t-elle.
Armand se pinça les lèvres en détournant le regard.
— Je suis désolée, je ne voulais pas me montrer curieuse, mais cette femme était un peu trop entreprenante pour que cela n’attire pas mon attention.
— C'est vrai... Mais, c'est à moi de...
— De t'excuser ? Armand, je t'en prie, je...
Gabrielle commençait à avoir l'impression de s'enliser dans un bourbier. Pourquoi est-ce qu'il avait fallut qu'elle dise cela ?
— Pardon, je suis maladroite, je n'ai rien à redire sur le comportement des autres, ni du tien. Je n'ai pas à te reprocher quoique ce soit... bafouilla-t-elle.
Mais Armand ne semblait en rien perturbé par ce qu'elle lui avait, et il souriait même.
— Quoi ? Se surprit-elle à demander, d'une voix un peu trop aiguë.
— Il nous arrive à tous d'être submergé par nos émotions, je comprends. Comme... Armand s'était rapproché lentement d'elle. La gêne, que tu éprouves, ou cette femme qui avait effectivement très envie...
La sensation de ses vêtements humides sur elle ne parvenait plus à contenir la chaleur qui échauffait ses joues et Gabrielle ne bougea plus d'un iota.
— Je ne suis pas gênée... souffla-t-elle.
Cette fois, il était il était si proche qu'elle pouvait sentir son souffle sur son cou. Qu'est-ce qu'il était en train de se passer ?
— Bien sûr que si... Tes joues te trahissent...
Gabrielle senti son cœur prêt à exploser dans sa poitrine. Elle n'arrivait même plus à le regarder
— Et puis, tu ne sais pas très bien quoi faire de ce que tu ressens... là...
D'un geste délicat, Armand venait de poser sa main sur son ventre... Cette fois, Gabrielle ne pu contenir un soupir tremblant sous le coup de tonnerre en elle. A ce simple geste, elle sentit un spasme enserrer son intimité et une chaleur humide se créer.
— Armand... chuinta-t-elle, d'une voix presque inaudible.
La main glissa sur sa hanche puis son dos, venant la rapprocher de lui. Gabrielle en avait les genoux qui tremblaient.
— Je sais à quel point tu as envie... Je te sens... souffla-t-il a son oreille.
Paralysée par la peur, la surprise et le désir, Gabrielle ne put que fermer les yeux, brûlante.
— Je sais aussi que tu n'as aucune idée de comment soulager ce poids dans ton ventre... cette douleur, là...
Joignant le geste à la parole, Armand la caressa au travers la soie de sa robe. Elle gémit tellement qu'elle ne pu se retenir de plaquer une main sur sa bouche. C'était sans compter sur Armand qui l'en empêcha et la poussa doucement contre le tronc de l'arbre derrière eux.
— Laisse-moi t'offrir ça... Laisse-moi te voir jouir pour la première fois. Et tu oublieras tout ce qui vient de se passer ... »
Elle ne put rien dire de plus car Armand la serra contre son corps avec une chaleur et une douceur qui lui étaient inconnues. Le cœur au bord des lèvres, Gabrielle se sentit transportée par la félicitée. L’odeur d’Armand lui montait à la tête, son parfum d’ambre et de myrrhe voilà qu’elle pouvait le sentir sur lui, à son cou...
Et alors qu’il descendait une bretelle de sa robe, Armand embrassa son épaule, la naissance de sa nuque. Immédiatement, elle s’embrasa, sentant le désir des heures précédentes remonter plus puissamment encore. De son autre main, il remonta sa robe, doucement, centimètre par centimètre, jusqu’à la glisser dessous pour atteindre son entrejambe.
« Armand, oui … »
Avec des gestes mesurés, précis, Armand savait quoi faire, et chaque geste la laissait tremblante, sans la moindre capacité de penser. Les doigts d'Armand glissèrent contre son sexe, elle avait l'impression d'être trempée et cela sembla plaire à son amant qui exhala juste sous son oreille.. Le sang lui était monté au visage, et Gabrielle avait l’impression de bouillir, de se liquéfier sous les doigts et les baisers intenses d’Armand. Mais elle ne pouvait pas bouger, happée par la peur et la surprise de l’événement. Armand la caressait, lui faisait découvrir des sensations inédites de plaisir, d'une envie quasi douloureuse. Et quand il se concentra en un point bien précis, elle sentit à nouveau les contractions en elle se faire plus fortes. C'est là qu'il resta, traçant des cercles avec douceur. Gabrielle se cambra, ne cessant de gémir, de soupirer... Elle ne savait plus quoi faire de son corps, de ses bras, de sa tête. Elle avait simplement refermé ses bras autour des épaules d'Armand, se tenant à lui et enfouissant son nez dans ses cheveux humides. Il était là, rien qu'à elle.
« Laisse toi aller... Tu es si sensible... Je te caresse à peine et tu es trempée...
— Oh tais-toi, bouillonna-t-elle transpercée par la honte.
— C'est moi qui donne les ordres...Tu es à moi...
— Seigneur... gémit Gabrielle, rejetant sa tête en arrière.
— Non, Maître... gronda Armand en refermant sa main sur son intimité, arrêtant de caresser.
Gabrielle trembla, terrassée par ce qu'il disait et rongée par la frustration qu'il s'arrête.
— Dis-le... « maître », si tu veux que je continue.
— Oui... ouiii Maître... »
Armand ne put contenir un gémissement lui aussi, et enfoui de nouveau ses doigts contre son sexe la faisant quasi sangloter de soulagement. Le plaisir se mit alors à remonter en flèche alors qu'Armand appuyait un peu plus ses mouvements. Une sensation impérieuse pulsait en elle, l’effrayant. La douleur dans son ventre se fit plus pointue, plus violente, comme si elle allait se faire dessus... Mais une douleur exquise la surprit, détournant son attention. Armand venait de planter ses dents dans son cou, elle pouvait très nettement sentir ses canines s'enfoncer dans sa peau. Et ce fut comme si une digue se rompit en elle, dans des halètements erratiques, la douleur dans son ventre se fit libératrice, puissante, innommable. Quelque chose de chaud et mouillé coula le long de ses jambes. Armand la bâillonna, étouffant ses cris et gémissait tout contre elle, ses dents toujours plantée dans son cou. Il la serrait contre l'arbre, la retenant complètement de tomber.
Cela dura de longues secondes, ils restèrent ainsi, l'un contre l'autre, appuyé contre le saule pleureur, le souffle court. Gabrielle avait l'impression de ne plus rien peser, de ne plus rien être... aucune douleur, rien.
Autour d'eux le bruit des gouttes et de l'orage revenait peu à peu, les ramenant à la réalité. Armand commença à bouger, embrassant une dernière fois son cou, semblant lutter pour le faire. Doucement, il retira sa main d'entre ses jambes pour rabaisser sa robe. Gabrielle prit appui avec ses deux mains contre l’arbre pour ne pas tomber, encore tremblante et chancelante. Rouvrir les yeux sembla presque douloureux, comme si elle se réveillait d'un rêve. Mais à mesure que les secondes passaient, c'est comme si son esprit reprenait conscience, et que plusieurs choses qui jusque là ne l'avait pas choquée se mettait à remonter. Armand la regardait, les yeux sombres, presque noirs et du sang bordait ses lèvres rouges et gonflées.
« C’est une blague. Je suis sûr que c’est une blague. »
La voix qui venait de s'élever n’était ni celle de Gabrielle, ni celle d’Armand. Tous deux tournèrent la tête vers Pierre qui écartait les branches du saule pleureur. Gabrielle se crispa et la peur commençait à prendre le dessus sur tout ce qui venait de se passer.
« Oh ce n’est pas possible. Tu n’es jamais où il faut toi, soupira Armand en s’éloignant de Gabrielle.
La jeune femme sentit une déferlante de peur et de honte s’écraser sur elle. Pierre. Ici. Et alors que ses esprits lui revenaient doucement, tentant de comprendre ce qu'il s'était passé, Pierre s’avança vers Armand, furieux.
— Tu peux avoir toutes les femmes que tu veux, mais celle que tu prends c’est ma future femme! On vous entend jusqu’à l’autre bout du parc !! J’ai cru que je me trompais ! Mais non! hurla de colère Pierre, le visage écarlate, les veines du cou gonflées comme un taureau.
Armand ne dit rien, il laissa Pierre s’approcher et lui asséner un violent coup de poing en plein visage. Gabrielle lâcha un cri qu’elle étouffa dans ses mains. Mais elle était incapable de remuer. Armand saignait du nez, mais n’avait pas bougé d’un centimètre, il affichait juste un air terrifiant. Il attrapa si vite Pierre par le visage que Gabrielle ne le vit presque pas bouger.
— Fais ce que tu veux. Dit ce que tu veux. Mais rentre au Manoir. Tu as passé une excellente soirée à fumer des cigares, boire des verres et flirter avec de très belles femmes. Tu n’es pas venu ici, tu as vu Gabrielle aller se coucher car elle était lasse de cette soirée. Tu oublies de m'avoir vu ici.»
Pierre ne dit plus rien, son visage s’était comme éteint, il n'affichait plus aucune expression, plus de colère. Rien. Il n’y avait que Armand, du sang plein le visage, les yeux encore plus étrangement verts que d’habitude. Et dans sa bouche, encore cette couleur sombre, et ses canines, plus longues, plus proéminentes encore qu’à l’ordinaire. Gabrielle ne savait plus ce qu’elle devait faire, crier de peur ou se taire, bouger ou pas. Elle se rendit compte qu’elle était assise à terre, à genoux.
Armand lâcha le visage de Pierre et celui-ci, l’air absent, se retourna et repartit vers le Manoir, sans un mot. Sans rien. Alors, Armand se tourna vers Gabrielle, et cette fois, il n’y avait plus que la terreur. Armand, ne manifestait plus de colère mais, de la déception, il essuya son visage avec sa manche de chemise, et se rapprocha de Gabrielle. Elle eut un mouvement de recul, mais tomba les mains dans la boue. De force, Armand l’attrapa, et la regarda droit dans les yeux.
« Je suis désolé. Je ne pensais pas que cela se terminerait de la sorte, souffla-t-il. Tu es venue ici pour te cacher, tu as regardé l’orage, seule et tu es rentrée dormir tranquillement. Tu as passé une soirée normale, et tu ne te souviendras pas de ce qui vient de se passer... par de Pierre, pas de moi... Maintenant, endors-toi.»
C'est à peine si elle sentit les bras d'Armand se glisser sous elle pour la retenir de tomber alors que tout devint noir et vide autour d'elle...
A suivre...
Par contre, cette lettre de mutation qui traine, c'est vrai que c'est suspect. Alors soit il a une idée derrière la tête... soit il a été distrait par quelque chose et a oublié de la ranger soigneusement. Dans tous les cas, c'est intriguant !
Reste à savoir, maintenant, si Gabrielle va réellement oublier ou pas...huhuhu
Je n'étais pas prête pour autant de rebondissements. J'avais une théorie pour Armand qui se concrétise et wow ! Tu es doué.e avec les mots c'est dingue