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- C’est impossible, Madame Grandin ! La préviens-je. L’hypnose, ce n’est pas fait pour moi. Il a réussi à me faire paniquer sur son divan !
- Comme je vous l’ai dit, me rassure-t-elle, vous ne pouvez pas adhérer à tous les ateliers. On retire l’hypnose du programme.
- Et la luminothérapie, aussi. Je prends des bains de soleil sur la terrasse, ça a le même effet, et c’est moins cher.
- D’accord, sourit-elle. Il reste donc le yoga du rire…
- J’adore ! On continue.
- Très bien. Le sport ? La sophrologie ? L’acuponcture ?
- J’apprécie également la sophrologie et le coaching sportif. Par contre, j’ai annulé l’acuponcture. Déjà que je m’évanouis à chaque vaccin…
***
Yassim est un bonhomme imposant d’une quarantaine d’années. Kinésithérapeute dans une clinique, il a également ouvert en parallèle un cabinet de sophrologie.
- Comment vas-tu aujourd’hui, Noëlie ?
- Moyen. J’ai eu des angoisses chez un hypnotiseur. Je ne suis pas parvenue à faire correctement les exercices de respiration.
- Tu les maitriseras avec l’expérience.
Ce matin, le ciel est ensoleillé et la température clémente. Yassim m’invite à m’asseoir en tailleur sur un tapis. La séance du jour consiste à me concentrer sur le chant des oiseaux tout en suivant le rythme de respiration qu’il m’impose.
Je suis apaisée et dans une bulle de bien-être lorsque je rejoins Sarah dans la salle d’attente. Elle est sur son téléphone et m’attend, nous sommes chargées « de courses » pour le Domaine. J’ai finalement décidé de participer à la colocation durant mon séjour. La compagnie des filles m’est agréable et plus confortable que de tourner en rond dans l’appartement.
Un tour à la pharmacie et nous avons terminé les achats de la semaine.
- Vu ton sourire bébête, me dit-elle, t’as pas fait de crise pendant la séance ?
- Disons que j’apprécie davantage la sophrologie que l’hypnose.
Munie d’une liste, Sarah s’affère dans les rayons, tendit que je porte le panier qu’elle remplit consciencieusement. La jeune-fille n’est pas dépaysée par le lieu, elle sait où elle va et ce qu’elle prend. Presque tous les articles sont pour Viviane : des crèmes protectrices peaux sensibles, du gel intime au PH neutre, des bas de contention, des alaises jetables. Dans le rayon des protections hygiéniques, Sarah hésite.
- Cette marque est plus chère que l’autre, mais Viviane est à l’aise avec les premières, réfléchit-elle à haute voix.
- Manie t’a donné des consignes particulières ?
- Non, mais quand c’est elle qui fait les courses, elle ramène les protections intermédiaires.
- Si elle ne t’a vraiment rien indiqué et que tu penses que Viviane choisirait celles-ci, prends-les. Au pire des cas, on les échangera.
- T’as raison. Après tout, c’est Vivi qui paie !
C’est épuisant de faire des courses pour une grande colocation. Jean-Luc, le compagnon de Juliette, nous aide à décharger le coffre de ma voiture. Il est en vacances à la villa depuis deux jours et il est aussi gentil que serviable.
Martine est également ravie de sa présence. Passionnés tous deux de jardinage, je l’ai surprise lui confier, pendant qu’ils fumaient leur cigarette, que la présence masculine lui manquait : « je te promets qu’il y a des moments, je n’en peux plus ! Alors, je me réfugie dans le jardin. Surtout quand il y a l’autre Madame je-sais-tout-je-fais-tout d’avocate… ». Si Hélène l’avait entendu, un drame se serait produit ! Personnellement, je préfère m’en amuser.
Manie a validé les protections choisies par Sarah. J’entame le rangement des courses avec Marianne pendant que la jeune-fille aide Viviane à prendre son goûter. Une fois nos tâches accomplies, nous sommes de nouveau, seules.
- Tu aimes t’occuper de Viviane, n’est-ce pas ?
- Oui, me répond-t-elle. Pourtant, c’était pas gagné !
- Qu’est-ce qui t’as fait changer ?
A la majorité de Sarah, le foyer n’était plus en mesure de l’accueillir. Un de ses éducateurs était adhérent de l’association Les Amazones. Les habitantes ont accepté de l’héberger temporairement.
- Elles ont toutes activées leurs réseaux pour m’obtenir du boulot. J’avais l’embarras du choix, mais j’étais stupide. Une ado attardée ! J’ai été grave horrible avec les vieilles. Et je te parle pas de Christelle et Hélène...
Un jour, Sarah eut la mauvaise idée de fréquenter une jeune-fille, rencontrée sur internet. Cette dernière s’est amusée à dérober les affaires de la communauté. Sarah a laissé faire pour conserver cette amitié toxique. Conséquence : le renvoi du Domaine.
- Le choc ! J’ai enfin réalisé ma chance. J’ai été récupérée ce que l’autre conne avait volé. Puis, j’ai supplié les mamies de me garder. Moi qui ne foutais rien, j’étais logée, nourrie, blanchie et …un peu aimée. Je ne voulais pas perdre ça.
Hélène et Christelle ont été sévères avec Sarah, mais elles ont voté pour son maintien sous strictes conditions. Au moindre écart, c’est le renvoi définitif. En contrepartie de son accueil gracieux, elle doit s’engager bénévolement dans l’association.
- Manie a 77 ans et il lui est difficile de s’occuper de Vivi. Donc, je prends le relais dès qu’elle a besoin. J’aide dans sa toilette, ses changes, ses habillages, la prise des repas…Joëlle m’a appris les gestes pour ne pas me casser le dos. Au début, je détestais. Déjà que je prenais les autres mamies pour des neuneues quand elles disaient « Viviane pense ceci, Viviane n’est pas d’accord, Viviane est contente.. ». La blague ! A part bouger la tête, je voyais pas ce qu’elle faisait d’autre. En fait, c’était moi la neuneue…
Okay ! Donc moi je suis une grosse andouille parce que ça me dépasse toujours…
Il y a pas mal de questions qui me taraudent... J ai envie d en savoir plus ...
Je trouve ton texte toujours très bien écrit, l intrigue prenante, rien à redire pour moi!