Dawkins raccroche son téléphone, il est heureux, il vient de finir la dernière vérification d'alibis, il n'a pas vraiment avancé, il a constaté que le docteur Alan Parrish a néanmoins un solide alibi consolidé par la jeune infirmière Cindy Miller. Ça fait un de moins sur la liste des suspects. Mais comment être vraiment sûr de quoique ce soit, quand il y a tant de suspects qui n'ont pas vraiment d'alibis. Les déclarations des suspectes sont plutôt similaires, elles étaient chez elles et toutes seules. Tu parles d’un naufrage, le lieutenant a l’impression de se noyer sous le poids de l’incertitude des faits qu’il ne peut pas vérifier. Quand on y pense c'est assez triste tous ces gens qui ont des vies bien compartimentées, mais qui sont au finale seules la plupart du temps. Enfin le lieutenant se dit que c'est pas parce qu'on a eu une relation avec un docteur très volage qu'on veut forcément tuer une autre femme qui a fait vraisemblablement la même chose que vous. Dans le doute, ces filles restent des tueuses plausibles seulement ceci reste peu probable. L'aide soignant lui au moins ne peut pas être soupçonné, il était en salle d'opération avec plusieurs témoins qui ont confirmé son alibi.
Au même moment Rodes arrive tranquillement en chantant : « Ain’t nothin’ gonna break my stride... Oh no, I got to keep on movin’ »
Dawkins : — T'as l'air en grande forme et fier de toi ! T'as trouvé quelque chose sur ton suspect numéro un, notre légiste, le docteur Joe Anders ?
Rodes : — « If you were worried 'bout where I been or who I saw... Baby don't worry, you know that you got me. »
— T'as fini de chanter Pluto !
— T'écoutes pas les paroles de mes chansons, si tu veux tout savoir, j'ai une preuve contre Anders et je peux même rajouter « It's my party and I can cry if I want to, cry if I want to, cry if I want to ».
— On arrête le juke-box et tu me racontes tout ce que t'as trouvé !
— C’est que j’ai découvert tant de choses !
— Vas à l’essentiel !
— Très bien, comme tu le sais, j’ai l’habitude de suivre mon flair infaillible de policier et après l'interrogatoire de Parrish, je me suis dit qu'un lien entre deux bons suspects ne peut pas être vraiment une coïncidence, alors j'ai décidé de creuser dans cette voie et j’ai fini par trouver quelque chose.
— Et qu’as-tu trouvé ?
— Une chose sur Anders.
— T'as été poser des questions à Anders?
— Pas si vite !
— C'est bien ça le problème avec toi.
— Tu me laisses raconter mon histoire ?
— Je sens que je vais le regretter. Mais fais-toi plaisir ! Je t’écoute.
— Tu te rappelles que j’avais déjà vérifié la liste des appels qu’Anders avait passé. Et je n’avais rien trouvé avec le docteur Jascard mais en rejetant un coup d’œil à cette liste de ses appels, j’ai découvert que Joe Anders a bien appelé le docteur Parrish.
— Le jour du meurtre ?
— Non, trois mois avant.
— Ça prouve seulement ce qu’on savait déjà, ils se connaissent. Tu n’as rien de plus concret ?
— Merci de me le demander, toujours dans la liste des appels d’Anders, j’ai retrouvé un autre numéro qu’on a obtenu récemment.
— Je suppose que c'est le numéro de Janis Martin !
— Comment t’as deviné ?
— Je dois avoir aussi un peu d’intuition Pluto. Ça aide pas mal dans notre métier.
— Tu parles d’une intuition, c’est moi qui ai tout trouvé.
— Et ces appels datent de quand ?
— Ils datent de trois mois.
— On devrait avoir une petite discussion avec Anders.
— Tu as trois trains de retard.
— Tu l’as déjà interrogé !
— En effet !
— Et que t’a-t-il dit ?
— Tu n’auras qu’à lire mon rapport, je vais l’écrire de ce pas.
— Chouette ! Je vais encore lire un chef-d'œuvre.
— Tu plaisantes mais ma mère a dit...
— Que t’as une splendide écriture, oui je sais. Un résumé, ce serait trop demander !
— En effet !
Pendant que l’inspecteur Rodes écrit son rapport, revenons un peu en arrière dans la journée.
Un peu plus tôt aujourd'hui l’inspecteur Peter Rodes est allé à la morgue où il croise Joe Anders.
Anders : — Bonjour inspecteur, c’est rare de vous voir dans le coin ! Vous avez besoin de quelque chose ?
Rodes : — Un bon café serait grandement apprécié mais c'est pas ici que je viendrai le chercher. Pour tout vous dire j’enquête sur le meurtre de Janis Martin.
— Je croyais que c’était le lieutenant Dawkins qui était en charge de cette affaire, je lui ai envoyé le dossier complet. Vous avez besoin d'un complément d'information ?
— Nous travaillons en étroite collaboration avec le lieutenant et si je suis venu ici c’est bien pour obtenir un complément d'information mais pas sur Janis Martin en fait. Je cherche plutôt des informations sur vous docteur.
— Sur moi !
— Oui sur vous ! Arrêtez de jouer l’innocent !
— Qu’entendez-vous par là ? Je n’ai rien à voir avec ce meurtre.
— Pourtant vous connaissiez le docteur Alan Parrish et vous connaissiez aussi Janis Martin !
— Alors, il vous a tout raconté !
— Oui, il m’a tout raconté.
— Vous venez m’arrêter ?
— D’abord j’aimerais que vous me confirmiez ce qu’il m'a dit.
— Ah quoi bon mentir maintenant, je vais tout vous raconter. Il y a de cela à peu près trois mois, cette andouille de Parrish a encore tué une de ses patientes. L’erreur médicale était évidente, sachant que j’étais chargé de l’autopsie il m’a appelé me demandant de conclure à une mort qui n’aurait aucun lien avec son intervention, mais j’ai refusé. Je n’avais aucune raison de faire ça pour lui. Mais il a su trouver une bonne raison pour que je lui sauve sa carrière. Le lendemain de son coup de fil, j’ai fait la connaissance de Janis Martin, elle a sonné à ma porte, elle était apeurée, elle m’a supplié de ne pas rendre un rapport qui pourrait l'incriminer. Ce salop de Parrish l’avait convaincu que sa carrière à elle, serait finie, je lui ai dit qu'elle ne risquait rien, la faute incomberait au docteur Parrish. D’ailleurs ce n’était pas sa première erreur en tant que médecin. C’est là qu’elle s’est jetée dans mes bras, elle m’a lancé un regard envoûtant et dix secondes plus tard on s’embrassait langoureusement. C’était le genre de fille à qui on ne dit pas non.
— Vous auriez dû dire non.
— Mais ça ne va pas bien dans votre tête, pour passer une nuit avec elle, j’aurais fait tout ce qu'elle voulait. Vous m’avez bien regardé et vous l’avez vu.
— Oui et alors ?
— En nous comparant, il n’y a pas quelque chose qui vous saute aux yeux !
— Vous ne jouez carrément pas dans la même ligue.
— A ce niveau je dirais plus que j’étais un crapaud et elle, c’était une vraie princesse de conte de fée.
— Vous allez pas un peu loin avec vos histoires de princesse et de crapaud, dans ce genre de situation je dirais plutôt que c'était une « cosmic girl from another galaxy ».
— Ça vous amuse ?
— Un peu. D’accord elle était bien foutue, mais vous n'êtes pas repoussant non plus.
— Merci.
— En fin, vous êtes quand même très loin d'être un apollon.
— J’aime pas votre façon de m’interroger, on dirait que vous vous amusez à mes dépends, ceci n’a rien d’un jeu pour moi.
— Je vous comprends parfaitement !
— Vous comprenez alors pourquoi, j’ai rendu un rapport d’autopsie bidon.
— Pas vraiment, vous avez eu ce que vous vouliez avec Janis et elle ne risquait rien.
— Elle a quand même insisté pour que je falsifie le rapport d’autopsie. Je suppose qu'elle était toujours sous le charme de Parrish et qu'il l’a manipulé pour la faire agir ainsi. Et moi, je voulais lui faire plaisir alors j'ai fait ce qu’elle voulait et elle en a fait de même pour moi.
— Et le rapport d’autopsie sur Janis, il est aussi bidon ?
— Non, elle est bien morte étranglée lundi entre sept et neuf.
— Votre relation avec Janis Martin a-t-elle durée ?
— Pas plus d’une semaine, une fois qu’elle a eu ce qu'elle voulait, elle m’a laissé tomber comme une vieille chaussette.
— Vous lui en vouliez ?
— Oh que non ! Une semaine avec elle, mais c'était le paradis. Si on croit qu’au paradis on s’envoie en l’air avec un canon.
— Et où étiez-vous à l’heure précise où est morte Janis ?
— Avec un autre cadavre.
— Vous n’avez pas un meilleur témoin ? Un qui puisse confirmer vos dires.
— Mes assistants.
— Comme c’est commode !
— Mais c’est vrai ! On bosse tous dans le même bâtiment, ils m’ont forcément vus ce jour-là.
— Je vais les interroger, alors si vous voulez changer de version, c'est maintenant ou jamais !
— Je n’ai rien de plus à déclarer.
— Je crois que j’ai obtenu tout ce dont j’avais besoin de vous.
Après avoir lu le rapport de Rodes, Dawkins vient le voir.
Dawkins : — J’y crois pas ! Le gars te balance toute son histoire comme ça !
Rodes : — C’est que j’ai du talent moi !
— Arrête de frimer Pluto ! Si ton rapport est exact, on doit informer le procureur au plus vite pour qu'il poursuive Anders et Parrish.
— Tu doutes encore de moi ! C’est vexant, je suis un professionnel, je ne mélange pas plaisir et travail.
— Si, tu le fais tout le temps.
— Peu importe, tout ce que dit ce rapport est véridique. Tu n’as plus qu'à faire remonter le dossier.
— T’as vérifié l’alibi d’Anders avec ses assistants ?
— Oui, ils l’ont tous confirmés, il avait un rendez-vous avec un cadavre.
— Ça l’enlève de la liste de nos suspects pour le meurtre de Janis.
— Pas si l’heure du crime n’est plus la même.
— Tu as raison, je vais demander à ses assistants de reprendre l’autopsie de Janis depuis le début. Je ne pense pas qu'il nous ait encore menti, mais on ne peut plus faire confiance à l’autopsie d’Anders.
— J’avais encore raison.
— Et alors tu veux une médaille ! Tu pars déjà ?
— Oui, je te laisse tout expliquer au capitaine.
— Et que vas-tu faire maintenant ?
— Je vais encore suivre mon instinct. J'ai obtenu un rendez-vous avec le laboratoire D.O.O.L.
— Ne me dit rien ! Je crois avoir deviné : Tests de paternité.
— Alors je le dis ou pas. Je vais quand même te le dire : Ce laboratoire est spécialisé dans les tests de paternité.
Walker arrive alors que Rodes vient de partir à l’instant.
Walker : — C’est quoi ces foutaises de tests de paternité ?
Dawkins : — Je vais tout vous expliquer capitaine, mais vous devriez peut-être d’abord lire le rapport de Rodes.
— Hank, je dois vraiment lire ça.
— Pour une fois, Rodes a vraiment fait une découverte.
— Et en ce qui concerne l’histoire sur les tests de paternité.
— Personne ne va faire de test de paternité, enfin je crois. Peter va probablement vérifier quelques points avec un laboratoire, mais c'est certainement une fausse piste, rien d’important capitaine.
— Je l’espère pour vous, ces laboratoires ont des kyrielles d’avocats prêts à nous inonder avec leurs fichus recours en tout genre, je vous laisse Hank, je vais lire ce fichu rapport.
— Bien monsieur.
— Au fait, avant que j’y aille. Et vous Hank, vous avancez un peu sur cette affaire ?
— Avancer c’est un bien grand mot, je n'ai pas encore trouver un coupable évident, mais j’élimine beaucoup de suspects de notre liste.
— Je préférerais que vous trouviez un bon coupable, le maire veut que cette affaire soit classée au plus vite.
— On fera de notre mieux capitaine.
— C'est tout ce que je voulais entendre.
Le capitaine Walker part pour lire le rapport de Rodes laissant le lieutenant Dawkins. Hank n’aime pas être pressurisé par son administration et c'est pour cela qu’il a appris à gagner du temps, il ne contredit jamais son supérieur, il sait qu'il ne gagnerait rien à argumenter contre. Mais il commence à se demander pourquoi ils sont si pressés de clore ce cas. Hank retourne à son bureau et recommence son investigation depuis le début au cas où il aurait laissé un fait évident lui échapper en allant trop vite. Après tout, c'est son enquête et personne ne lui dira comment la mener. Quatre heures plus tard, il en arrive à la conclusion : qu'il aurait dû voir cela bien plus tôt. Il s’en veut un petit peu mais c'est alors qu'il voit l’heure à sa montre et qu’il se décide à rentrer chez lui. Dernièrement il estime qu’il a fait bien trop d’heures, il est fatigué et un homme épuisé n’est bon à rien selon lui, autant rentrer. Il ne résoudra pas l’affaire Janis Martin aujourd’hui, ce n'est pas la fin du monde et cela attendra demain. Demain, il sera prêt et dans de bien meilleures dispositions pour résoudre son affaire à moins que Rodes ne résolve l’affaire avant lui en sortant le coupable grâce à un test de paternité. Il rigole intérieurement.