Chapitre 11

— Bon, qui se dévoue pour vérifier ? lance Dracoola.

Tout le monde lui lance un regard à la fois confus et effrayé. Puis il commence à sentir les regards pesants qui se sont tous dirigés vers lui et qui commencent à durer de longues minutes.

— Non ! C’est mort ! J’y vais pas ! J’ai peur de ce genre de trucs enfin !

— Mais qui n'a pas peur d’une guitare maudite ? rétorque Draca d’un air blasé.

— Toi ! Tu trouves ça complètement rock'n roll ! hurle-t-il comme si on allait l’égorger.

— Bon d’accord… J’y vais. Bande de mauviettes…

Elle soupire et se dirige vers le manoir. Immédiatement, je tente de la retenir en criant son nom mais mis à part un doigt d’honneur qui m’est adressé, elle trace son chemin.

Je me dépêche alors pour la rattraper et la rejoindre jusqu’au salon. Nous apercevons la guitare posée en évidence sur un fauteuil.

Elle inspecte brièvement les alentours tandis que les autres nous rattrapent à leur tour.

— Bah… Elle a pas l’air bien méchante cette guitare.

— Elle est quand même un peu moche, ajoute Dracoca-cola. Cette couleur jaune poussin, c’est… moche. Oui vraiment moche. C’est le mot.

— Tu n’as pas d’autres mots dans ton vocabulaire, c’est ça ? soupire Drakuler.

— C’est vraiment… moche ce que tu dis.

Drakuler lève les yeux au ciel tandis que Dracoola tente désespérément de ne pas rire à l’humiliation de son cousin. Enfin, jusqu’à ce qu’il constate son état et le prenne dans ses bras pour le rassurer.

Profitant de cette diversion, Draca s’était approchée de la guitare et l’avait pris en main.

— Repose cette guitare tout de suite ! lui ordonné-je.

— Elle a pas l'air bien méchante cette guitare, me répond-elle en haussant les épaules.

Elle s’assit sur le fauteuil et une fois la guitare installée, elle entame quelques accords et gratte les cordes. Une douce mélodie se dégage et je ne m’attendais pas à ce qu’elle joue aussi bien.

— Oh non ! Pitié ! Pas Wonderwall ! râle Drakuler.

— Oh ziva mais je connais cette musique ! lance Culadra, toujours à la ramasse sur tous les sujets.

Il se met à fredonner la musique tandis que Draca commence à chanter le premier couplet. Sa voix est claire et extrêmement douce. Encore une fois, je ne m’attendais pas à ce qu’elle s’en sorte aussi bien.

Enfin, après notre transformation, nos sens étaient décuplés et certaines de nos compétences, améliorées. Mais pour certains d’entre nous, des dons se découvraient. Et c’était visiblement le cas de Draca. Jamais je n’avais entendu une aussi belle voix et qui transmettait autant de profondeur dans ses sentiments.

Elle ne semble pas remarquer que tout le monde s’est tu pour l’écouter et apprécier ces quelques mélodieuses secondes. Elle se laisse emporter par la musique et ça se sent au timbre de sa voix qui est de plus en plus assuré et ferme. Alors que ses débuts étaient hésitants, désormais, sa voix est plus claire que jamais et j’en suis d’autant plus émerveillé.

Elle m’avait souvent parlé de musique et m’avait fait écouter quelques morceaux de temps à autre, mais je n’aurais jamais cru qu’elle s’y investissait autant.

Elle enchaîne sur les derniers accords de la musique et après un bref silence, quelques applaudissements se font entendre.

Nous nous tournons tous vers l’origine de ce bruit et nous découvrons deux chevelures extravagantes : une rousse et une rouge. Évidemment, Paige et Adeline ne peuvent s’empêcher d’accompagner leurs applaudissements d’un petit sourire mesquin.

— Draculien, aurais-tu enfin sorti notre fameuse guitare du fond de je-ne-sais-quel-placard ? lance Paige d’une voix glaçante.

— Elle allait justement y retourner ! Ce serait dommage de l’abimer ! rétorqué-je aussitôt en tentant de cacher mon stress du mieux que je pouvais.

Je m’empresse de prendre l’objet des mains de Draca. Celle-ci laisse échapper un petit bruit de contestation, puis elle se contente de faire une mine boudeuse.

— Ça ne marche pas comme ça la sangsue, annonce fermement Adeline.

— Alors, déjà je te prierai d’utiliser un terme un peu moins discriminant d’abord puis–

— Sansgue, répète-t-elle par pure provocation.

Je ne réplique pas cette fois-ci, mais ce n’est clairement pas l’envie qui manque. Au contraire.

— Visiblement, tu as oublié pourquoi cette guitare existe, lance Paige en croisant ses bras.

— En tout cas, elle marche très bien ! Je valide ! annonce Draca, complètement insouciante des possibles conséquences.

Adeline arque un sourcil un instant puis un sourire se dessine sur son visage et transforme complètement sa mine.

— Draculien, tu as oublié de nous inviter une fois, mais on n’acceptera pas cette deuxième fois ! s’exclame Paige.

— Mais c’est juste une réunion de famille ! Qu’est-ce que vous voudriez faire là ?

— Un réunion est une réunion, famille ou non, et ça fait donc partie de la malédiction.

— Ah ouais ? Et de quoi vous parlerez alors qu’on fera un classement du meilleur sang d’animaux ? demande Dracoola.

Culadra se tourne vers celui-ci, étonné, et prend la parole un instant :

— Mais… Mais t’es devenu végétarien ? T’es sérieux là ?

— C’est pour les koalas, répond simplement le concerné.

Culadra écarquille des yeux comme si cette réponse était bien trop étrange pour lui. Enfin, c’était toujours le cas pour lui.

— Et t’oses me faire des remarques toi l’herbivore ?

Culadra hausse les épaules tandis que Paige et Adeline semblent assez déconcertée par ce spectacle. Rapidement, Paige demande à Culadra si elle peut tirer un peu sur son joint, ce qu’il accepte volontiers.

— Draculien, nous pouvons trouver une forme d’arrangement, reprend Adeline.

— Je ne négocie pas avec les sorcières !

— Écoute d’abord notre proposition avant de la rejeter.

— D’accord...

Je croise mes bras et fronce mes sourcils. Je m’attends déjà à quelque chose de farfelu et vicieux. Elles ont toujours été incapables de proposer un marché équitable.

— Nous te laisserons pour toujours tranquille et tu n’auras plus aucune obligation de nous inviter à n’importe quelle sauterie à une condition.

Un petit sourire se dessine sur le visage d’Adeline puis son regard se pose sur Draca qui avait les yeux rivés sur la guitare.

— On veut la fille.