Chapitre 12

Notes de l’auteur : Et un nouveau chapitre :)

Bonne lecture à vous toutes et tous !

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Le trio venait de quitter l’auberge, après un solide petit déjeuner, prêt à affronter ce que la journée leur réservait. Depuis son réveil, Zhen YuJin avait le pressentiment qu’elle risquait de s’annoncer mouvementée avec ses deux camarades. Zhang JingXi n’avait pas mentionné sa rencontre nocturne avec ZiaHo ZaYing et les avait rejoints en pleine forme, comme s’il avait dormi toute la nuit d’un sommeil profond et réparateur. À l’inverse, Chan YinMai, bien que n’ayant pas fait de cauchemars, n’avait pas trouvé le meilleur des repos. Zhen YuJin l’avait entendu pleurer discrètement durant la nuit et ses yeux rougis et cernés ne pouvaient qu’attester de sa fatigue. Son ami d’enfance n’était vraiment sorti de sa coquille que pour tenter de le pousser dans les bras de Zhang JingXi, la veille, avant de retourner s’y réfugier. Zhen YuJin ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter un peu pour le Médium. Certes, ce dernier était naturellement pâle, mais en l’occurrence son visage arborait une teinte si blanche qu’il se demanda s’il n’était pas malade. Ce qui ne serait pas si surprenant après tout… Il savait que si lui-même, et apparemment Zhang JingXi, étaient aptes à utiliser beaucoup de Qi en peu de temps, à dormir peu pour se régénérer, c’était loin d’être le cas pour tous les Cultivateurs, et notamment pour Chan YinMai. Son Qi était moins fort et il mettait plus de temps à se renouveler. Après ces derniers jours à puiser dans ses réserves pour voler sur son épée, ses nuits écourtées par ses cauchemars et la mort de Ping Yu, Zhen YuJin estimait que son meilleur ami devrait plutôt être dans un lit à se reposer et à gérer son deuil, et non en train de les accompagner partout. À demi-mot, bien que n’ayant guère envie de séparer leur trio, il lui avait suggéré de rester dans leur chambre pour dormir au lieu de sortir avec eux. Chan YinMai avait refusé. Rien d’étonnant non plus, dans la mesure où ils avaient prévu de se rendre chez le joaillier.  

En arrivant à destination, Zhen YuJin lança un rapide coup d’œil interrogateur à ses deux partenaires et, face à leur acquiescement, poussa la porte de la boutique. Une clochette tinta à leur passage, alertant Monsieur Liu de l’autre côté du comptoir. L’homme, d’une quarantaine d’années, leur adressa un sourire aimable en s’inclinant aussitôt devant eux : 

— Bien le bonjour, Messieurs. Que puis-je faire pour vous ? N’hésitez surtout pas à regarder ce que nous proposons, le choix est vaste ! 

D’un large et fier geste du bras, il désigna toute sa marchandise présente, notamment des ornements pour cheveux et des brassards.  

Zhang JingXi le remercia et s’approcha d’un présentoir à peignes, préférant pour le moment se comporter en client intéressé. Son regard glissa ensuite sur les articles voisins, un peu moins onéreux. Il s’agissait d’épingles à cheveux. Il ne put s’empêcher de se tourner vers Zhen YuJin et de fixer son chignon, songeur, se demandant si son ami aurait l’air moins sévère avec un petit accessoire dans sa coiffure.  

Tout sourire, il s’adressa au propriétaire : 

— Est-ce qu’il est possible d’essayer ?  

Monsieur Liu hésita nettement devant la question de son potentiel client, mais celui-ci fit mine de rien teinter la bourse d’argent qu’il portait exceptionnellement à sa ceinture. Au son que produisit cette dernière, le gestionnaire sembla beaucoup plus rassuré et s’empressa d’acquiescer. Le Cultivateur désigna l’une des épingles et, lorsque l’homme la lui remit, se tourna vers Zhen YuJin, qui, étonné, eut un mouvement de recul : 

— Mais qu… 

— Laisse-toi faire, lui demanda Zhang JingXi en lui offrant son sourire le plus charmant. 

Figé sur place, le Musivateur plia machinalement les genoux pour se mettre un peu plus à sa hauteur. Incapable d’émettre un son, il sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine lorsque l’épingle se glissa dans ses cheveux.  

— Ah, c’est pas mal ! s’exclama le Cultivateur en admirant son œuvre après avoir reculé de quelques pas. 

Sans demander l’avis du concerné, qui cherchait encore comment retrouver l’usage de la parole, Zhang JingXi revint auprès du propriétaire des lieux : 

— Je vous la prends ! 

Aux anges, l’homme s’inclina et se dirigea vers son comptoir, imité par son client qui, alors qu’il venait de dénouer les cordons de sa bourse, se figea, le regard attiré par un ornement de chignon.  

Le métal finement gravé représentait des flammes si habilement exécutées qu’il avait la sensation qu’elles pouvaient se mettre en mouvement à n’importe quel moment. Remarquant son net intérêt, Monsieur Liu attrapa l’objet avec beaucoup de précautions et le lui présenta : 

— Si vous souhaitez également faire un essai. 

Avec un hochement de tête enthousiaste, Zhang JingXi pivota à nouveau vers le Musivateur qui fut incapable de protester devant ses grands yeux verts pétillants et son sourire beaucoup trop mignon à son goût. Une nouvelle fois, il plia les genoux pour lui éviter de devoir rester sur la pointe des pieds et sentit l’épingle quitter son chignon. Profitant du fait que l’autre homme était tout près de lui, il parvint à souffler de façon à n’être entendu que de lui seul : 

— Le prix… 

— Ne t’en préoccupe pas, répondit le Cultivateur sur le même ton en installant l’ornement.  

Troublé, Zhen YuJin n’insista pas. Il n’avait pas l’habitude qu’on le tripote ainsi, et encore moins à ce qu’on lui offre quelque chose.  

— Ah, superbe ! s’exclama Zhang JingXi quelques instants plus tard en voyant le rendu final. À croire qu’il a été fait pour toi ! Qu’en penses-tu, Chan YinMai ? 

L’intéressé observa son ami d’enfance qui venait de se tourner machinalement vers lui et opina du chef. 

— C’est vrai, ça te va vraiment bien, répondit-il sans mentir. 

Irradiant de bonne humeur, Zhang JingXi pivota vers Monsieur Liu et annonça tranquillement : 

— Parfait, je vous le prends. Et l’épingle aussi. 

Durant les quelques secondes suivantes, il parut difficile de dire qui était le plus content des deux entre le joaillier et son client. Celui-ci était en train de sortir son argent et lança naturellement la conversation : 

— Au fait, Monsieur, peut-être pouvez-vous me renseigner.  

Totalement amadoué par cet individu riche et charmant, Monsieur Liu leva les yeux vers lui : 

— Que puis-je pour vous, jeune homme ? 

— L’un de mes amis est vraisemblablement passé par ici, il y a quelques jours, au sujet de votre fils disparu. Nous cherchons à le rejoindre alors… 

— Oh oui, oui ! s’écria Monsieur Liu. Je vois parfaitement de qui vous parlez ! Il est effectivement venu quand il a su pour mon fils… Un certain Ping quelque chose, n’est-ce pas ?  

Chan YinMai se rapprocha légèrement de Zhang JingXi, tandis que, pour éviter que le marchand ne se sente trop observé, Zhen YuJin feignait de regarder une collection de pendentifs. 

— Ping Yu, oui ! approuva Zhang JingXi. Auriez-vous une idée de l’endroit où je peux le trouver ?  

Chan YinMai épia attentivement leur interlocuteur qui parut réfléchir, puis qui secoua la tête : 

— Ah, je ne sais pas, mais peut-être… Attendez, je reviens dans un instant. 

Il se dirigea vers l’arrière-boutique. Zhang JingXi lança aussitôt un regard au Musivateur à ses côtés et demanda dans un chuchotis : 

— Tout va bien ? Tu as l’air de pouvoir à peine tenir debout… 

— Je vais bien, répondit l’intéressé à mi-voix. 

Monsieur Liu revint à cet instant, accompagné d’un jeune homme âgé d’une vingtaine d’années qu’il présenta : 

— Voici mon fils, Liu XiLun, il a eu l’occasion de croiser votre ami. Il saura mieux vous renseigner que moi. 

Zhang JingXi dut fournir un effort monstrueux pour ne pas manifester la moindre stupéfaction en réalisant qu’il se trouvait en face d’une personne censée être porté disparue. Celle-ci, il ne l’avait pas vu venir. 

Liu XiLun s’inclina pour les saluer et leur adressa un sourire embarrassé : 

— Mon père me dit que vous cherchez Ping Yu ? 

— Tout à fait, répondit le Cultivateur en dissimulant sa stupeur derrière un visage aussi aimable que possible. J’ai appris qu’il était dans le secteur et nous voulions lui faire une surprise en le rejoignant.  

Le jeune homme se gratta une joue, ennuyé : 

— La dernière fois que je l’ai vu, c’est quand il m’a retrouvé à…. 

Il rougit et lança un regard embarrassé en direction de son père qui sembla soudain se rappeler qu’il avait des choses à faire dans l’arrière-boutique. Le propriétaire des lieux s’empressa de disparaitre et son fils poussa un léger soupir de soulagement, non sans cesser d’avoir l’air terriblement gêné. 

— … Vous… vous connaissez… euh…. L’Établissement « Au Joyeux Lapin » ? C’est à quelques kilomètres en partant vers le nord. 

Si les Musivateurs n’avaient aucune idée de ce dont il parlait, ce n’était apparemment pas le cas de Zhang JingXi qui hocha la tête aussitôt : 

— Je connais, oui. J’y suis déjà allé. 

Cette information parut rassurer le jeune homme qui continua : 

— Eh bien, je suis allé là-bas et j’ai comme qui dirait oublié la notion du temps, vous voyez… ? Alors naturellement, mes parents se sont inquiétés et ont pensé que j’avais disparu. Votre ami, Ping Yu, c’est là qu’il m’a retrouvé, il y a quelques jours. Quand il m’a expliqué ça, je me suis empressé de rentrer à la maison. 

— Et vous croyez qu’il y est toujours ? 

— Je n’en ai pas la moindre idée, avoua Liu XiLun. J’ignore où il a pu se rendre. Comme je viens de vous dire, dès que j’ai su que ma famille s’inquiétait, je me suis dépêché pour revenir près d’eux. Je n’ai pas eu plus d’interaction que ça avec votre ami. 

Certain de ne pas réussir à en apprendre davantage, Zhang JingXi le remercia chaleureusement, puis prit congé du propriétaire des lieux qui s’empressa de venir leur dire au revoir en personne lorsqu’ils quittèrent le magasin. 

Ils s’éloignèrent de plusieurs mètres, avant que le Cultivateur ne prenne la parole : 

— Je ne sais pas quoi penser de cette visite, je dois bien l’avouer. Je ne m’attendais absolument pas à voir Liu XiLun surgir devant notre nez.  

Il ralentit le pas en notant que Chan YinMai semblait rencontrer des difficultés à garder le rythme et s’adressa à lui avec sollicitude : 

— Tu es sûr que tu ne veux pas rentrer dormir ? La prochaine étape serait de nous rendre « Au Joyeux Lapin », mais tu vas peut-être avoir du mal à avancer, ce n’est pas à côté. À pied, on en a facilement pour trente minutes de route. 

Le Musivateur s’arrêta, puis s’adossa contre un mur. Zhen YuJin se rapprocha aussitôt de lui et toucha son front, avant d’ajouter d’une voix douce : 

— Tu as un peu de fièvre. Il a raison, tu devrais rentrer te reposer. On peut te raccompagner, si tu veux. Ou sinon, on attend demain pour se rendre dans cet endroit, quel qu’il soit d’ailleurs… 

— Un bordel, répondit tranquillement Zhang JingXi. Le « Joyeux Lapin » est un bordel ouvert à toutes et à tous, y compris aux Manches-Coupées[1].  

Interdit, Zhen YuJin pivota vers lui : 

— Mais comment tu… ?! 

Comment tu sais ça ?! Est-ce que tu fréquentes ce genre d’endroits ? faillit-il laisser échapper. 

Fort heureusement, il n’eut pas le temps de creuser le sujet et de se tourmenter davantage sur cette question. Chan YinMai reprit la parole : 

— Je ne veux pas vous ralentir. Mais je ne suis pas certain que vous aurez réellement des informations en allant au « Joyeux Lapin ». Autant je suis sûr que le père ne nous a pas menti et qu’il ne sait absolument rien, autant j’ai l’impression que son fils nous a menés en bateau. 

Zhen YuJin plissa les yeux : 

— Tu penses qu’il en savait beaucoup plus ? 

Chan YinMai acquiesça, puis soupira : 

— Mais j’ignore si on peut vraiment lui tirer les vers du nez, à moins de prouver son mensonge… auquel cas il pourrait effectivement être intéressant de se renseigner sur ce bordel. 

Il parut réfléchir, puis hocha la tête d’un air un peu plus résolu : 

— Oui, je crois que c’est ça le mieux, en fin de compte. Je vais rentrer me reposer, et vous deux vous continuez jusqu’à cet endroit pour prendre des informations. À partir de ce que vous trouverez, ou non, je suppose que nous pourrons décider de la suite.  

Zhen YuJin et Zhang JingXi insistèrent tout de même pour le raccompagner au moins jusqu’à l’auberge. Chemin faisant, le Maître du Feu ne pouvait s’empêcher de se sentir légèrement inquiet à l’idée de laisser son ami d’enfance tout seul pendant un moment. Il tenta de se rassurer en songeant que Chan YinMai n’allait pas s’amuser à sortir dans la rue pendant leur absence, qui n’allait pas durer si longtemps non plus s’ils se dépêchaient. Zhang JingXi avait parlé de trente minutes à pied. S’ils prenaient leurs épées, ils en auraient pour moins de temps. Et à l’auberge même, il ne risquait certainement rien. Toutefois, une fois sur place, le Musivateur accompagna tout de même Chan YinMai jusqu’à la chambre par sécurité, tandis que le dernier membre du trio attendait en bas.  

Lorsqu’il redescendit quelques instants plus tard, Zhen YuJin vit Zhang JingXi en train de plier une lettre et de l’envoyer. Il ne put s’empêcher d’en être intrigué. Plus les jours passaient, plus il se rapprochait de cet homme, plus il appréciait sa présence et plus il se posait des questions à son sujet. Il y avait eu la rencontre nocturne avec ce Cultivateur peu recommandable, puis cet argent qu’il avait sorti comme si l’épingle et l’ornement ne coûtaient rien, puis le fait qu’il connaissait apparemment très bien cette fameuse Maison Close… Il avait toujours entendu dire que ce genre d’établissement servait principalement pour beaucoup de trafics louches en tout genre. 

Zhen YuJin fit taire ses interrogations et le rejoignit. L’autre homme lui sourit aussitôt : 

— Je me disais qu’on pouvait faire le trajet sur nos épées ? On ira plus vite et ça nous permettra de revenir plus rapidement. 

— Tu as lu dans mes pensées, approuva le Maître du Feu. 

Alors qu’il le suivait à l’extérieur de l’établissement, Zhen YuJin le vit adresser un signe amical de la main à Xue Hui qui le lui rendit avec bonne humeur. Il se retint de lever les yeux au ciel, tout en ne pouvant s’empêcher de le trouver assez adorable en même temps. Certes, il ne connaissait pas grand-chose sur Zhang JingXi, mais il était presque sûr que son intérêt général pour le bien-être d’autrui n’était pas feint et qu’il prenait vraiment à cœur la situation de la jeune fille. Tout comme il ne souhaitait pas laisser Chan YinMai tout seul trop longtemps.  

______________

[1] Manches-Coupées : nom donné aux homosexuels. Fais référence à un conte : Un matin, l’Pala est appelé pour assister à une réunion matinale. Son amant est endormi sur sa manche. Il préfère couper celle-ci plutôt que de le réveiller.

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Sly King
Posté le 24/01/2024
Re,

Comme c'est mims, le coup de l'épingle ! Et le vendeur me fait un peu rire... "cet homme riche et charmant", il en faut peu pour être séduit, finalement. :p Et le nom de l'établissement, le Joyeux Lapin, j'ai vraiment ri !

Par contre, il y a pas mal de mystères qui s'épaississent.
Et YinMai me fait vraiment beaucoup de peine...
AlodieCreations
Posté le 30/01/2024
Au moment de l'écriture, ce chapitre a été franchement l'un de mes préférés x) J'ai beaucoup aimé le moment des essayages d'ornement/épingle... Et le vendeur fait partie de ces personnages qu'on voit très peu, mais que j'ai pris plaisir à mettre en scène x)

"Le Joyeux Lapin" rencontre toujours son petit succès lorsque son nom est découvert par les lecteur.ice.s XD

Câlin pour YinMai, il en a besoin <3
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