MYTHOLOGIE : Dans les mythologies grecque et romaine, jeunes filles associées à la nature, parfois à un élément naturel en particulier (arbre, cours d’eau) au sein duquel elle vit.
DEPUIS 2025 : Sous-espèce de chimère particulièrement répandue en Europe méridionale, ponctuellement jusque sur les terres d’Europe du Nord, exclusivement de sexe féminin. Les nymphes présentent de fortes affinités avec le monde végétal, des recherches récentes affirmant qu’elles pourraient influencer leur croissance.
Elle ne pensait pas que revenir à son bureau (enfin, à son tiers de bureau en copropriété) lui ferait autant de bien. Elle passa bien plus de temps en salle de pause à se faire payer des cafés qu’à remplir les objectifs fixés par Clémentine. Il ne s’agissait là que d’une petite vengeance personnelle : lors de la réunion du matin — à laquelle elle était arrivée en retard, du coup — sa cheffe n’avait cessé de l’asticoter. Elle se voulait fine, mais tous ses collègues avaient vu clair dans son jeu.
Clémentine avait commencé sa grand-messe quotidienne en déposant ostensiblement une bouteille d’eau sur la table, puis s’était longuement raclé la gorge. Elle accusait, se lamentait-elle, une toux atroce, rendant la parole même difficile, et pourtant elle avait à cœur de tenir son rôle de capitaine, et d’orienter chacun dans ses tâches. Jamais elle n’abandonnerait le navire pour une poignée de microbes, elle. Ce dernier mot n’avait pas été prononcé tout haut, mais chacun l’avait entendu alors que Clémentine posait ses yeux sur Mila.
Elle avait poursuivi avec le point chiffre hebdomadaire, se félicitant de la fréquentation en croissance exponentielle de Supranews. Les articles récents de Mila sur l’affaire Cadaral caracolaient loin devant, et elle fut publiquement complimentée. Cela ne dura pas. Prenant un air concerné, Clémentine déplora que Mila fût seule pour rédiger ces articles, avec son état de fatigue actuel, parvenir à maintenir un tel niveau de qualité devait l’épuiser. Était-elle d’ailleurs bien remise ? Peut-être que de travailler en binôme avec un collègue lui permettrait de soulager un peu sa charge de travail, avec Tiago par exemple ?
Bah voyons… Balancer ses tuyaux à son minet aux dents longues (et pas à cause de ses gènes), il ne manquerait plus que cela. Elle l’avait remercié d’une pirouette, fait diversion en proposant un autre sujet d’article, et une fois la réunion finie, s’était éclipsée la première… pour la refaire version off, avec ses collègues préférés autour de la machine à café.
En vrai, son impatience court-circuitait ses neurones, qui ne parvenaient qu’à grand-peine à aligner deux mots. Ses yeux glissaient bien trop souvent vers toute horloge à portée de ses pupilles, attendant de pouvoir s’échapper afin de rejoindre la Villa. Elle n’aurait qu’à se présenter à la même porte que la dernière fois, Sylvestre laisserait des instructions, elle pourrait entrer.
Et en effet, la journée enfin finie, tout se passa comme il l’avait prédit. Il se trouvait déjà à l’œuvre lorsqu’on l’introduisit dans un petit local dont un des murs se retrouvait mangé par un immense écran souple. L’image s’y mouvait avec un réalisme impressionnant : pour un peu, on aurait cru voir dans la pièce d’à côté au travers d’une fenêtre. Le lieutenant Soufflet lui adressa un rapide signe de tête avant de se retourner vers l’image, tandis que son collègue à lunettes l’ignora superbement. Elle s’en moquait : ce n’était pas auprès de lui qu’elle avait quelque chose à prouver.
On lui avait laissé une chaise, dans le coin le plus éloigné, et elle la déplaça bruyamment pour s’installer à la table déjà bien encombrée. Soufflant ostensiblement, son voisin referma deux ou trois dossiers probablement trop confidentiels pour ses yeux de civil, et elle en profita pour occuper le terrain. Elle sortit ses griffonnages sur son carnet rebaptisé du nom de l’émission, lança en parallèle une appli de prise de note sur son téléphone passé en mode avion, et une fois installée, reporta enfin son regard sur le commandant.
Il vérifiait par brefs coups d’œil la retranscription écrite automatique de l’interrogatoire, sans disperser son attention concentrée sur ce que lui disait son interlocuteur : Théo, le discret et timide blondinet qu’elle avait du mal à cerner. Elle repassa ses notes pour confirmer ce dont elle se souvenait de toute façon : elle hésitait entre huldre et goule, un peu par élimination, un peu par instinct. Il allait lui falloir du plus solide que ça.
– Comment je peux faire pour parler au commandant ?
La chouette la regarda d'un air interrogateur, tandis que son collègue levait les yeux au ciel.
Elle répéta, articulant ostensiblement :
– Comment ? Il m’a dit que je pourrais le contacter…
Sur l’écran, Sylvestre lançait de furtifs coups d’œil vers la caméra. La muette se taisait, cherchant quelque chose sur la table, décalant un peu les dossiers, les appareils, pour finalement trouver un crayon et un coin de papier.
Mila lu tandis qu’elle écrivait :
– Il entend tout ce qui se dit dans cette salle.
Et elle pointa une espèce de petite pyramide sombre, trouée d’ouvertures grillagées, qu’elle n’avait pas remarquée.
Mila fit :
– Ah…
Puis :
– Oups !
La chouette tapota l’écran à l’endroit où l’oreille du commandant se trouvait une fraction de seconde avant. Mila aperçut un minuscule écouteur couleur chair qu’elle n’aurait pas repéré seule.
Elle réfléchit quelques secondes, afin de formuler en un minimum de mot l’intégralité de sa proposition. Puis elle attendit patiemment une trouée dans l’échange verbal. Ce n’était pas difficile : le jeune homme n’était pas du genre loquace.
– Sylvestre ? C’est Mila. Demande-lui à son avis quelle chimère peut-être à l’origine des blessures au visage de Nathan.
Elle ignora les regards croisés des deux policiers devant le tutoiement pas vraiment de circonstance. Tant pis. Elle préférait porter son attention dans la salle d’à côté, et fut ravie d’entendre la voix de Sylvestre relayer sa requête. La réponse ne tarda pas : la chimère se contenta de hausser des épaules. Normal, elle n’en attendait pas moins. Elle poursuivit :
– OK, dis-lui que tu as besoin de son aide, car tu soupçonnes la goule du groupe d’en être responsable.
Sylvestre tourna la tête vers la caméra, plus franchement cette fois, et haussa très légèrement un sourcil. Mila leva les yeux au ciel, avant de se rappeler qu’il ne pouvait pas la voir. Elle embraya :
– Les blessures au visage : dis que cela ressemble à des morsures, des morsures d’une goule affamée n’ayant pas pu toucher de chair fraîche depuis plusieurs jours.
Un éclair de compréhension l'illumina, et avec cet air indifférent-pincé qu’il maîtrisait si bien, il tendit l’appât.
Elle n’y croyait qu’à moitié — prêcher le faux pour savoir le vrai, qui pouvait s’y laisser prendre ? – et pourtant cela fonctionna. La réaction effrayée du candidat, puis son ardeur à démentir l’implication d’une goule « ... qui que ce soit, hein, les goules ne s’attaquent pas au visage, pas en premier, ce n’est pas le plus... »
Il s’arrêta au milieu de sa phrase. Le plus quoi ? Le plus juteux ? Le plus délicieux ? Il semblait s’y connaître pour composer un menu entrée-plat-dessert sur un homo sapiens.
Elle ne put retenir un petit « yes » de victoire, et regretta de n’avoir personne avec qui échanger un high five de bon aloi. Elle n’était pas folle au point de risquer un grand moment de solitude si elle se tournait main levée vers l’un des deux officiers.
Sur ses conseils, Sylvestre tenta avec la suivante, la petite Chloé, une technique plus frontale. Sans s’embarrasser de préambule, il lui demanda de but en blanc sa sous-espèce. Elle le regarda une ou deux secondes, gênée, et sans lui laisser le temps de se reprendre, il énuméra :
– Une banshee peut-être ? Une vampire ?
Mila la voyait se décomposer par écran interposé. Une mine dégoûtée confirmait ses soupçons, et elle orienta Sylvestre :
– Continue : on doit avoir encore un ou une rokurokubi, un skinwalker. Et termine par nymphe…
Elle avait raison : ses yeux pétillèrent lorsqu’après une pause soigneusement ménagée, il prononça le mot magique. Elle ne valida rien, mais semblait irradier. À un moment, elle crut voir le bois du bureau sous ses coudes se mettre à bourgeonner.
Les entretiens se succédèrent sans temps mort. Elle avait totalement oublié la présence des deux officiers, tellement qu’elle se rendit à peine compte que l’un d’entre eux leur faussa compagnie. Seule la chouette restait. Elle ne regardait plus l’écran, mais Mila, un drôle d’air interrogateur perché au bout de son nez. Mila, elle, ne lâchait rien. Elle parvint à démasquer presque tous les candidats : Frida la vampire, que Sylvestre identifia sans son aide une fois devant elle ; Raphaël le faune, toujours en basket, laissant pointer des souches de cornes limées entre ses cheveux trop longs ; Lilou la huldre, au dos creux sous la main de Sylvestre, main apposée pour la soutenir alors qu’elle trébuchait dans sa chaise… Elle était jolie, Lilou, belle même, vraiment. Belle comme une huldra tentatrice. Pas étonnant que Nathan s’y soit laissé prendre.
Elle se recentra. Mine de rien, cela faisait longtemps qu’elle se s'était pas sentie fière d’elle-même à ce point. Elle avait oublié à quel point c’était agréable, grisant même. Fière pour quelque chose d’important, vraiment, quelque chose de plus grand qu’elle et qui la dépassait. Certes, elle en tirerait quelques bénéfices personnels, certes elle satisfaisait ainsi sa curiosité un peu malsaine, mais ce n’était pas là le plus important. Elle mettait ses connaissances, sa finesse, son flair même, pour retrouver des supposés criminels. Ça, ça ne comptait pas pour des petits-beurre.
Elle quitta la petite pièce transformée peu à peu en étuve presque deux heures plus tard. Elle avait bien griffonné trois ou quatre pages de plus sur son vieux carnet, et connaissait avec certitude l’identité secrète de neuf des onze chimères restantes. Pour récapituler, on avait donc : Théo la goule et Chloé la nymphe, Raphaël le faune, Frida la vampire et Lilou la huldre, mais aussi Emma la banshee et Noam l’alastyn.
Elle n’avait pas vu Nathan, qui avait laissé sa déposition auparavant. La chouette l’avait informé, un peu mal à l’aise, qu’il clamait sur tous les toits qu’il exigeait de sortir de la Villa. Il ne s’était pas fait prier pour raconter à qui voulait bien l’entendre qu’il était le loup-garou de l’histoire. Le lieutenant ne s’était pas appesanti sur le sujet, mais elle avait conclu par des paroles étranges : « il va leur claquer entre les doigts si la prod ne le calme pas. »
Au final, seuls deux lui échappaient encore : qui de Kenzo ou de Nino était un rokurobuki ? Et qui était un skinwalker ?
Au final, cela importait peu. Le plus important était qu’elle avait appris qui était le djinn de l’émission : c’était Gwen. Et sur cela, elle n’avait aucun doute.
Elle attendit plusieurs minutes le commandant dans le même hall où elle avait déjà patienté quelques jours auparavant. L’envie la titillait de reprendre le chemin secret le long des bambous, savoir ce que les candidats pourraient dire entre eux. Mais l’intense concentration dont elle avait fait preuve l’avait vidée. Elle n’avait aucune idée de l’heure, mais n’aspirait qu’à une chose : rentrer chez elle, et profiter une microsieste avant d’aller…
L’anniversaire d’Esté ! Elle l’avait complètement oublié ! Son téléphone indiquait déjà presque vingt heures trente, et lorsqu’elle quitta le mode avion, il vibra plusieurs fois sous l’assaut des messages simultanés :
[Tu fais quoi, on t’attend pour le champ » ?]
[Je croyais que tu devais venir ce soir, tu es où ?]
[Esté est vexé que tu viennes pas, rapplique ou il va t’en vouloir à mort !]
Trois messages de Tayana.
Merde, merde, merde… Elle n’avait ni cadeau, ni même bonne excuse. Juste sa cervelle autocentrée n’ayant pas pu résister à l’appel de l’inédit. Esté ne méritait pas ça…
Déjà debout, turbinant à plein régime pour savoir par où passer pour dénicher à cette heure une babiole pas trop cheap, une carte cadeau, quelque chose, sans pour autant dévier du trajet le plus court pour rejoindre la fête, elle se retrouva nez à nez avec Sylvestre arrivant en sens opposé. Un costume-cravate à l’air furieux l’invectivait, à base de retard, d’interrogatoires mal placés, et d’audience sur la sellette. Deux malabars stéréotypés, mâchoires carrées, costumes noirs, oreillettes (l’un à gauche, l’autre à droite), les suivaient trois pas derrière.
Le commandant passait un mauvais quart d’heure. Elle comprit vite que les dépositions s’étant éternisées, elles avaient débordé sur le direct du soir. À la prod, ils paraissaient légèrement contrariés.
Elle hésitait à lui porter secours – prendre sa tête de blonde et lui demander de lui montrer le chemin de la sortie, simuler un malaise, n’importe quoi qui lui aurait permis d’échapper au savon monumental qu’il endurait, et qui creusait des canaux sous ses yeux et tordait sa bouche en pont des Soupirs. Sauf qu’il y avait Esté.
Sylvestre l’aperçut finalement, et une lueur d’espoir ranima son visage :
– Mila ? Bonjour !
Mais le faiseur d’audimat ne le lâcha pas, et ses paroles se noyèrent dans une inondation de reproches. Elle parvint à lui glisser sur un staccato :
– Bonjour Sylvestre ! Sorry, en retard, anniversaire d’Esté.
Il amorça une réplique, mais n’eut d’autre choix que de reporter son attention sur son interlocuteur harceleur. Sa question à base de djinn et de Gwen se perdit dans le paysage sonore, tout occupée qu’elle était à avancer le plus vite possible vers la sortie tout en fouillant sur son téléphone pour trouver un magasin de fringues potables encore ouvert d’ici une demi-heure.
Résultat : elle manqua à trois reprises de se fouler la deuxième cheville, se rabattit sur un bon d’achat d’une enseigne un peu moisie encaissé par une vendeuse trop pressée de fermer boutique pour respecter au minimum une politesse commerciale, n’eut pas le temps de se coiffer, se maquiller, encore moins se changer, bouscula un papi qui l’abreuva d’injures hors de saison pour son âge, et arriva finalement pour se trouver face à un Esteban déjà bien hydraté qui la toisa de haut lorsqu’elle entra :
– La fête pour les potes fantômes, c’est l’étage au-dessus.
Et il referma la porte.
OK. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Et re-sonner. À son grand soulagement, Esté rouvrit :
– Mila, là je n’ai pas envie de te voir. Tu vas encore me servir une excuse à base de « Désolée Esté, trop de boulot, c’est le meurtre, tu comprends, c’est moi le bras droit du commandant, gnagnagna… » Et là ce soir c’est ma fête. J’ai pas envie. Ça fait plusieurs fois déjà que je supporte ça, mais là ce soir j’ai pas envie.
Elle tombait de haut. Elle qui venait d’abandonner Sylvestre à la hâte dans une position franchement déplaisante, tout ça pour se faire accueillir ainsi ! Elle chercha d’où naissait cet ouragan de rancœur, mais ne voyait pas. Bon, c’est vrai, elle avait un peu repoussé ses dernières propositions de soirée, l’agression l’avait quand même secouée, et elle avait eu un gros besoin de sommeil pour compenser ses journées en mode pile électrique. D’ailleurs, quand elle lui avait raconté au téléphone ce qui lui était arrivé, Esté n’avait rien dit. Ou disons qu’elle n’avait pas eu envie d’entendre ce qu’il lui conseillait : de laisser tomber le journaliste d’investigation, pour se remettre à la presse people. Maintenant qu’elle y repensait, elle avait dû lui raccrocher au nez. Il n’avait pas du apprécier. D’ailleurs, elle n’était pas certaine qu’ils s’étaient rappelés depuis. Apparemment, toute cette histoire l’avait un peu trop absorbée.
Et pourtant elle était là maintenant, elle avait fait de gros efforts pour venir, au détriment de Sylveste, et à la dernière minute, certes, mais quand même. Il devait bien le voir ça, non ?
Elle cherchait comment l’amadouer, mais devait bien avouer qu’elle n’avait pas beaucoup de cartes dans sa manche. Elle tenta :
– Bon, je sais que t’es pas ultra fan de Chimeraffairs, mais j’étais avec Sylvestre à l’instant…
– Tu l’appelles par son petit nom maintenant ?
Elle ignora le sarcasme, et poursuivit : –… et je l’ai un peu aidé, pour démêler qui est qui, comme chimère, et on sait qui est le djinn…
Une tête brune à l’impressionnante chevelure tressée poppa entre l’épaule d’Esté et le chambranle de la porte. Tayana. Elle s’exclama :
– Attends, quoi-qu’est ce que tu dis ? Tu sais qui est le djinn chez les chimères ?
Merde. Elle faisait confiance à Esté, mais même si elle aimait bien Tayana, elle ne se leurrait pas sur ses capacités à rester discrète.
Sans chercher l’assentiment de l’hôte des lieux, cette dernière l’attrapa par le bras, pour la tirer fermement à l’intérieur. Elle tenta de se retourner pour croiser le regard d’Esté, guettant une parole, un signe, garantissant son consentement à sa présence, mais seul son dos monolithique resta à sa vue tandis qu’elle s’éloignait.
Elle esquiva les questions de la curieuse, attrapa le premier verre un peu fort à sa portée, et prétexta avoir aperçu un vieux pote pour filer à l’anglaise. En vrai, Esté l’avait blessé. Le fait qu’il lui fasse la tête lui brisait le cœur tout autant que le fait qu’il ait probablement de bonnes raisons de bouder. Elle avait l’impression qu’un essaim de nouvelles têtes tournait autour d’elle dans la pièce, et elle tenta durant de longues minutes de se fondre dans l’ambiance festive qui avait toujours été la marque propre des soirées de son meilleur ami. Sauf que le meilleur ami en question l’esquivait avec habileté à chaque fois qu’elle tentait de s’approcher.
Elle essayait bien de rembobiner le film, déterminer à quel moment précis elle avait pu à se point se merder pour qu’il lui en veuille autant, mais elle ne trouvait pas. Elle commença à décompter : les appels auxquels elle n’avait pas donné suite ces derniers jours. Les textos rigolos-foireux restés sans réponse. Leurs deux manettes pas rangées sur la table basse, prenant la poussière. Non, elle n’avait pas été à la hauteur depuis deux ou trois semaines.
Elle envisageait sérieusement de glisser son cadeau sur la pile branlante improvisée sur la console vide-poche – range-chaussures – armoire à clefs de l’entrée et s’éclipser pour s’écraser de sommeil dans son lit, mais Tayana remit la main sur elle au moment où elle tournait les talons :
– Hey, viens, tu dois m'en dire plus sur cette histoire de djinn ! On a pas eu le temps de discuter, t’étais passée où ?
Elle se retint de répliquer qu’elle avait filé volontairement, mais ne s’en sentait pas le courage. Une petite voix en elle, pas la meilleure, pas la plus douce, lui susurra de se laisser aller, d’abandonner là ses remords et de profiter. Sa solitude de ses derniers jours lui tomba dessus comme un seau d’eau glacé, et elle éprouva le besoin impérieux de renouer avec ses semblables. Retrouver sa verve, son verbe, faire rire, piquer l’ego. Et au diable Esteban ! Elle fit demi-tour pour faire face au visage enjoué de Tayana, et accepta d'être menée jusqu'au canapé. Un verre se matérialisa dans sa main, elle laissa quelques minutes Tayana faire honneur à sa réputation de logorrhéique chronique, avant de prendre le relais. À elle d’entrer en scène.
Mila semble ne pas vraiment comprendre comment elle s’est mis Esteban à dos. C’est vrai que de mon point de vue de lectrice, ça a été assez soudain. Mais comme tu l’expliques dans le chapitre, on comprend. Je trouve que ce sont les aspects des moins sympas du caractère de Mila qui ressortent dans ce chapitre. Dieu sait quelle bourde elle s’apprête à faire !
Coquilles et remarques :
Il y a un souci de mise en page au tout début du chapitre.
— Les nymphes présentent de fortes affinités avec le monde végétal, des recherches récentes affirmant qu’elles pourraient influencer leur croissance [sa croissance (au règne végétal)]
— lors de la réunion du matin — à laquelle elle était arrivée en retard, du coup — [Emploi abusif de « du coup ».]
— elle avait à cœur de tenir son rôle de capitaine, et d’orienter chacun dans ses tâches. [Pas de virgule avant « et ».]
— Elle avait poursuivi avec le point chiffre hebdomadaire [« avec le point sur le chiffre hebdomadaire » ou simplement « avec le chiffre hebdomadaire »]
— Prenant un air concerné, Clémentine déplora que Mila fût seule pour rédiger ces articles [un air inquiet, soucieux, mais pas « concerné » / soit seule ; le subjonctif imparfait détonne dans le style ambiant]
— Bah voyons… Balancer ses tuyaux à son minet [Ben voyons ; ça veut dire « Eh bien voyons ». « Bah » a une autre signification.]
— Elle l’avait remercié d’une pirouette, fait diversion en proposant un autre sujet d’article [avait fait diversion]
— pour la refaire version off, avec ses collègues préférés autour de la machine à café [en version / « off » en italique ; d’ailleurs, je ne comprends pas l’expression]
— Ses yeux glissaient bien trop souvent vers toute horloge à portée de ses pupilles, attendant de pouvoir s’échapper afin de rejoindre la Villa. [Syntaxe fautive : ce ne sont pas ses yeux qui attendent ; il faudrait reformuler la phrase.]
— Il se trouvait déjà à l’œuvre lorsqu’on l’introduisit dans un petit local dont un des murs se retrouvait mangé par un immense écran souple. [On a « trouvait » et « retrouvait » ; je propose simplement « était déjà à l’œuvre ».]
— ce n’était pas auprès de lui qu’elle avait quelque chose à prouver [à lui ; on prouve qqch à qqn]
— probablement trop confidentiels pour ses yeux de civil [de civile ; c’est une civile]
— lança en parallèle une appli de prise de note sur son téléphone [de notes]
— Il vérifiait par brefs coups d’œil la retranscription écrite automatique de l’interrogatoire [Il faudrait enlever « écrite », qui alourdit inutilement la phrase.]
— Mila lu tandis qu’elle écrivait [Mila lut]
— Elle réfléchit quelques secondes, afin de formuler en un minimum de mot l’intégralité de sa proposition. [Je ne mettrais pas la virgule avant « afin » / un minimum de mots]
— Demande-lui à son avis quelle chimère peut-être à l’origine des blessures au visage de Nathan [quelle chimère peut être (à ne pas confondre avec l’adverbe « peut-être ») / « Demande-lui à son avis » ne passe pas ; je propose : « Demande-lui : à son avis quelle chimère peut être à l’origine des blessures au visage de Nathan ? » ou « Demande-lui quelle chimère à son avis peut être à l’origine des blessures au visage de Nathan ».]
— Elle préférait porter son attention dans la salle d’à côté, et fut ravie d’entendre la voix [Pas de virgule avant « et ».]
— Un éclair de compréhension l'illumina, et avec cet air indifférent-pincé qu’il maîtrisait si bien [Pas de virgule avant « et » / indifférent-pincé (sans trait d’union).]
— Il semblait s’y connaître pour composer un menu entrée-plat-dessert sur un homo sapiens [entrée, plat, dessert]
— et regretta de n’avoir personne avec qui échanger un high five de bon aloi [« high five » en italique ; d’ailleurs, je ne sais pas ce que c’est]
— Elle avait totalement oublié la présence des deux officiers, tellement qu’elle se rendit à peine compte que l’un d’entre eux leur faussa compagnie. [Je dirais plutôt « si bien qu’elle se rendit à peine compte » / que l’un d’entre eux leur avait faussé compagnie.]
— Raphaël le faune, toujours en basket, laissant [en baskets]
— Mine de rien, cela faisait longtemps qu’elle se s'était pas sentie fière d’elle-même à ce point. Elle avait oublié à quel point c’était agréable, grisant même. [ne s’était / répétition : à ce point/à quel point ; je propose « qu’elle ne s'était pas sentie aussi fière d’elle-même ».]
— Ça, ça ne comptait pas pour des petits-beurre [des Petit Beurre]
— Elle avait bien griffonné trois ou quatre pages de plus sur son vieux carnet, et connaissait avec certitude [Pas de virgule avant « et ».]
— Au final, seuls deux lui échappaient encore / Au final, cela importait peu. [La locution « au final » est grammaticalement fautive, comme je l’ai indiqué précédemment ; je propose : « Au bout du compte, seuls deux » et « Finalement, cela importait peu. »]
— rentrer chez elle, et profiter une microsieste avant d’aller… [profiter d’une]
— une babiole pas trop cheap, une carte cadeau, quelque chose [pas trop miteuse, pas trop nulle (ou « cheap » en italique)]
— Un costume-cravate à l’air furieux l’invectivait, à base de retard, d’interrogatoires mal placés, et d’audience sur la sellette [à propos de (pas « à base de »)]
— Mais le faiseur d’audimat ne le lâcha pas, et ses paroles se noyèrent [Je ne mettrais pas la virgule avant « et ».]
— Elle parvint à lui glisser sur un staccato [Je ne comprends pas ce que tu veux dire par « sur un staccato » ; pourtant je suis musicienne de formation.]
— Sa question à base de djinn et de Gwen se perdit dans le paysage sonore, tout occupée qu’elle était à avancer le plus vite possible vers la sortie tout en fouillant sur son téléphone [à propos de (pas « à base de ») / répétition de « tout »]
— Tu vas encore me servir une excuse à base de « Désolée Esté, trop de boulot [une excuse du genre (pas « à base de »)]
— Ça fait plusieurs fois déjà que je supporte ça, mais là ce soir j’ai pas envie [Placer « ce soir » entre deux virgules.]
— de laisser tomber le journaliste d’investigation, pour se remettre à la presse people. [le journalisme / la presse populaire (ou « people » en italique)]
— Il n’avait pas du apprécier [dû]
— Elle tenta [Le verbe « tenter » ne convient pas pour introduire des paroles ; je propose « Elle tenta une approche »]
— Tu l’appelles par son petit nom maintenant ? [Virgule avant « maintenant ».]
— Elle ignora le sarcasme, et poursuivit : –… et je l’ai un peu aidé, pour démêler qui est qui, comme chimère, et on sait qui est le djinn… [Pas de virgule avant « et » / À la ligne après « et poursuivit ».]
— Une tête brune à l’impressionnante chevelure tressée poppa entre l’épaule d’Esté et le chambranle de la porte [surgit ou jaillit (pas « poppa »)]
— Attends, quoi-qu’est ce que tu dis ? [Attends, quoi ? Qu’est ce que tu dis ?]
— cette dernière l’attrapa par le bras, pour la tirer fermement à l’intérieur [Je ne mettrais pas de virgule avant « pour ».]
— guettant une parole, un signe, garantissant son consentement à sa présence [Pas de virgule après « un signe ».]
— mais seul son dos monolithique resta à sa vue tandis qu’elle s’éloignait [« resta en vue » ou « s’offrait à sa vue »]
— attrapa le premier verre un peu fort à sa portée, et prétexta avoir aperçu [Pas de virgule avant « et ».]
— En vrai, Esté l’avait blessé [blessée]
— Sauf que le meilleur ami en question l’esquivait avec habileté [l’évitait, se dérobait avec habileté (pas « l’esquivait »)]
— Elle essayait bien de rembobiner le film, déterminer à quel moment précis elle avait pu à se point se merder pour qu’il lui en veuille autant [de déterminer / merder à ce point]
— Les textos rigolos-foireux restés sans réponse [rigolos foireux]
— Hey, viens, tu dois m'en dire plus [En français, c’est « Hé ».]
— Sa solitude de ses derniers jours [ces]
— lui tomba dessus comme un seau d’eau glacé [glacée ; c’est l’eau qui est glacée, pas le seau]
— Elle fit demi-tour pour faire face au visage enjoué de Tayana, et accepta d'être menée jusqu'au canapé. [Répétition du verbe « faire » ; je propose « Elle se retourna » / pas de virgule après « et ».]
En plus je suis sûre qu'elle va faire une énooorme bourde en parlant avec cette Tayana !
Aaaaah mais qu'est-ce que tu lui fais faire elle va se fritter avec tous les gens qui sont un vrai soutien pour elle tout ça pour impressionner la galerie :'(
(Voilà c'est pas très utile comme commentaire mais la vache je m'en remets pas de ce chapitre ! je veux la suite :'( )
Bon, je ne sais plus où tu en es de ta lecture, mais si tu as avancé, tu dois avoir quelques réponses maintenant! (oui, la réponse de com très constructive, juste pour se débarrasser d'une balise...)
Elle s'est mise Esté à dos et à force de balancer des infos, j'ai peur que Sylvestre aussi... J'espère qu'elle va réussir à rattraper le coup.
Mais du coup, le fait que le djinn soit une femme, ça ne complique pas la théorie selon laquelle l'homme à capuche et le djinn de Chimeraffairs sont la même personne...?