Il y avait un seul endroit ou Ombre pouvait se rendre. Chez ses amis ? Non, pas directement car une fois que ses parents se seraient rendu compte de sa disparition, c’est là-bas qu’ils commenceraient par le rechercher. Non, il allait se rendre dans l’endroit le plus secret de la bande. Leur QG, un repaire qu’ils avaient trouver des années auparavant et qu’ils avaient finalement fait leur.
C’était dans un vieux tronc d’arbre de Cancera, reconnaissable par son écorce d’un rouge foncé prononcé, que ce trouvait cette mystérieuse tanière. Tao l’avait trouvé par le plus grand des hasards en se promenant dans la forêt aux abords du lac, un petit bout de verdure non dangereuse car peu fréquentée par les familiers. Il s’amusait à jeter des bouts de bois le plus loin possible, jusqu’à ce qu’une de ses branches heurte l’arbre pour le traverser d’un seul côté. Le sorcier aux cheveux roses n’en revenait pas. Il venait de trouver un truc intéressant. Il s’agissait en réalité d’un tronc enchanté, avec une barrière invisible qui permettait de camoufler l’entrée donnant sur une grotte ou une sorte de gigantesque terrier. Il avait dû servir d’atelier secret à un sorcier des années auparavant.
Ombre y entra et comme à son habitude s’installa sur un gros pouffe. Avec un autre communicateur présent ici, il appela ses deux meilleurs amis qui le rejoignirent.
- Waouh, ça fait perpète qu’on n’est pas venu ici, constata Tao avec gaieté.
- Que se passe-t-il Ombre ? Quelque chose ne va pas ? demanda alors Galahad qui voyait la mine affreuse de son ami à la peau décolorée.
Ombre soupira, il était désemparé et ne savait pas quoi faire, à part trouver de l’aide auprès de ses amis.
- Galahad, je…
À l’entendre, les deux sorciers vinrent s’asseoir de chaque côtés du garçon, dont la voix tremblait atrocement.
- Je n’en peux plus de cette vie… Ça ne se terminera jamais avec ma mère… Elle contrôlera ma destiné jusqu’à ma mort… Je ne veux plus de ça… Je veux en finir…
Les deux garçons regardèrent leur ami avec une inquiétude encore plus grande. Ses mots n’étaient jamais prononcés à la légère chez eux. Et surtout pas dans ce contexte. Jamais un sorcier n’avait voulut en finir avec la vie. Personne n’avait jamais tenté de se suicider.
- Il ne faut pas dire ça…
- Si Galahad… Je ne dis pas ça sans réfléchir… Vous n’avez pas vécu ce que j’endure depuis le début de l’année… Vous avez vu quoi ? Une semaine… Sans les cours du collège et avec la possibilité de sortir dehors…
- Ombre… Moi j’ai pas envie de te perdre, tu sais ?… annonça Tao avec une petite voix.
- Ouais, je sais. Mais la douleur est trop forte… Vous ne le savait pas… Mais j’ai presque failli mourir chez ma mère…
Nouveau regard d’incompréhension de ses deux amis.
- Co…comment ça ? souffla Galahad, le souffle court.
- C’était tellement dur que je n’arrivais plus à manger, ni même à dormir… J’avais l’impression d’étouffer perpétuellement et… Pour arriver à respirer… Je m’auto-mutilais…
Les meilleurs amis d’Ombre tombaient encore plus des nus. Leur ami allait aussi mal et semble-t-il depuis pas mal de temps et ils n’avaient absolument rien vu. Ils se sentaient coupable d’un seul coup et les larmes leur montaient aux yeux alors que Galahad entoura Ombre de ses bras. Celui-ci soupira en se blottissant contre son ami. Il avait un manque terrible d’affection et cette étreinte lui faisait un bien non négligeable.
- Écoute Ombre, avant de penser à cette… Solution. Laisse-nous t’aider, comme on l’a toujours fait. Okay ? Laisse-nous essayer de trouver une solution.
- D’accord Tao… Après tout, on réfléchit toujours mieux à trois, c’est vrai… Mais… Je me sens tellement coupable de vous embarquer là-dedans alors que vous n’avez rien demandés…
Galahad vint embrasser Ombre sur la joue pour le rassurer avant de lui dire qu’il était leur meilleur ami. Et que Tao et lui feraient tout ce qui est en leurs pouvoirs pour l’aider. Alors finalement Ombre se détendit. Ils mangèrent quelque chose avant de se réunir en cercle et de se mettre à réfléchir à la suite des évènements. Malgré tout ça, Ombre était un peu déprimé, enroulé dans un plaid, comme s’il cherchait à se cacher.
- Et si… Tu fuguais ? proposa finalement l’asiatique après de nombreuses propositions toutes refusées par le groupe.
- Comment ça ? Fuguer juste comme ça ? Ça n’aurai aucun sens…
- Ombre à raison. Fuir n’est pas la solution.
- Nah, c’est pas dans ce sens-là mon idée. Je m’explique… Si tu veux rester chez les humains pour ta scolarité, pourquoi ne pas fuguer pour te réfugier chez Magnus ? Comme ça, on montrera à ta mère ta détermination et ton envie de rester. Peut-être que ça lui fera ouvrir les yeux après t’avoir cherché quelques jours.
Ombre et Galahad ouvrirent grand les yeux. C’était ma foi une excellente idée.
- Tao n’a pas tort et en plus on pourrait parler de ton problème, sans parler de la sorcellerie bien sûr, à la mère de Magnus pour rallier un adulte de notre côté, qui pourrait parler à ta mère et lui dire que ce qu’elle fait est mal, renchérit Galahad avec le sourire.
- Oui… J’avoue que tout ça est une vraiment très bonne idée.
Au début, il fallait dire qu’Ombre ne voulait pas réellement fuguer, mais l’explication de Tao avait fini par le convaincre. C’est sans perdre une seconde que la bande d’amis partie pour Nivanh. Suivant le trajet avec la calèche pour se rendre au portail et atterrir à nouveau dans la gare, comme la semaine ou ils étaient venu en vacances.
Heureusement qu’Ombre connaissait le chemin vers la maison de Magnus. Aujourd’hui nous étions un samedi et c’était la fin d’après-midi, ce qui était le meilleur moment pour venir s’incruster dans la maison du rouquin. Le vitiligo sonna à la porte pour voir une femme rousse aux longs cheveux lui ouvrir. Ça devait être la mère de Magnus. Elle était drôlement belle.
- Oui ? Oh, bonjour Ombre. Comment vas-tu ? Tu es venu voir Magnus avec tes amis ? Ça tombe bien, il me semble qu’il vient tout juste de terminer ses devoirs.
La dame fit entrer les trois compères pour finir par prononcer le nom de son fils dans les escaliers pour qu’il descende. Le rouquin s’étonna de voir la bande en ce samedi, ce qui était normal. Sa mère leur dit de monter dans sa chambre avec lui, ce qu’ils ne se prièrent pas de faire.
- Qu’est-ce que vous faites là ? C’est les vacances chez vous ? demanda l’humain se doutant pertinemment que ce n’était pas les vacances, car habituellement Ombre le prévenait.
Ombre baissa les yeux. Il se sentait mal de venir ici sans prévenir et sans explication pour le mettre devant le fait accomplit. Malgré tout, le rouquin n’était pas idiot et voyait bien que son ami n’avait pas son sourire habituel, il s’assit près de lui, interrogeant les autres du regard, mais ceux-ci détournèrent les yeux.
- Non, ce n’est pas les vacances… Je… J’ai fugué…
- Fugué ? Avec les deux autres ? Que s’est-il passé ?
Magnus s’inquiétait, il ne comprenait pas et s’imaginait le pire si les trois amis avaient fugués en même temps.
- Non Magnus on accompagne juste Ombre pour ne pas qu’il soit seul, informa alors Galahad en soupirant.
- Oui… En fait… Je t’ai dit que chez nous, un roi s’occupait de gouverner avec Lias. Et qu’on a été appelé pour l’élection du nouveau…
- Oui, c’est pour ça que tu étais parti, et alors ?
- Eh bien…
Ombre se tut, plus rien ne sortait. Il avait trop honte, même s’il avait confiance en son ami.
- C’est Ombre le roi, intervint Tao la voix presque dure.
- Et tu te doutes bien qu’avec cette nouvelle, sa mère a encore fait parler d’elle. Elle souhaite revenir vivre en Glavanh pour son éducation, tout de suite.
- Attendez… Quoi ? Elle ne veut même pas te laisser finir ton année ici ?
- Non… J’ai pris la décision de fuguer ici pour lui faire comprendre ma volonté de vouloir rester…
Ombre avait fini par commencer à sangloter. Magnus le prit contre lui.
- Je sais que tu n’en peux plus… Et j’avoue que si je peux aider, je le ferais, dit-il avec une voix rassurante.
- Est-ce que tu crois que je pourrais parler à ta mère ?…
- Euh… Oui ? Pourquoi ?
- Pour lui parler de tout ça… De la fugue et du fait que je souhaite rester dans cette ville et au collège… Peut-être qu’elle pourra convaincre ma mère ?…
Magnus semblait embêté alors qu’il regardait Tao et Galahad la tête de plus en plus gêné.
- Tu ne pourras pas… Enfin si… Mais ma mère ne sera pas de ton côté…
- Bah pourquoi ? Elle à l’air cool ta mère, demanda l’asiatique qui ne comprenait pas trop la réaction de Magnus.
Celui-ci soupira et se passa une main dans les cheveux.
- Parce que ma mère est professeure… Elle veut que je sois premier en tout et dans les meilleures écoles, alors si ta mère veut que tu reviennes chez vous pour ton avenir… Elle sera de son côté, c’est sûr. Et elle refusera aussi que vous dormiez aussi… Elle ne comprendra pas ta détresse Ombre… Je suis désolé…
Voilà, c’était dit. Ombre avait ouvert grand les yeux. Magnus ne se plaignait jamais. Il souriait et lui rendait service si souvent dans sa douleur, alors que lui ne laissait rien paraître… Il se promit alors qu’il allait tout faire pour que Magnus puisse venir vivre de sa passion des vitraux dans son monde, pour le remercier de tant de sacrifice.
La bande dut finalement partir, il était bientôt dix-huit heures, la nuit commençait à tomber. Tao et Galahad étaient totalement perdu dans ce monde qui leur était des plus inconnus et inhospitalier. Même s’ils étaient déjà venu, ils n’étaient restés qu’une semaine. Ils ne connaissaient rien. Alors ils attendaient les directives d’Ombre. Des directives qui ne semblaient pas venir.
- Ombre ? Ou est-ce qu’on va maintenant ?… tenta Galahad, hésitant.
- Je… Je ne sais pas…
- Et pourquoi pas chez Eglantine, questionna Tao, toujours aussi inattendu dans ses propositions.
Mais oui, bien sûr ! Il aurait dû y penser plus tôt. Eglantine était une sorcière, tout comme eux et pourrait tout à faire comprendre la situation. Ils se dirigèrent alors vers la biscuiterie. La jeune femme leur ouvrit, les yeux tout aussi étonnés que Magnus, alors que sa boutique était fermée.
- Eh bien les enfants ? Quelque chose ne va pas ? demanda-t-elle en les amenant dans l’arrière-boutique et en leur servant du chocolat chaud.
C’est alors que le même discours que chez Magnus fut prononcé. L’élection du roi, l’attitude de la mère d’Ombre et l’envie du garçon de ne pas vouloir lui obéir.
- Surtout que Lias m’a dit que j’avais le droit de finir mon année… Et qu’on déciderait ensuite ensemble de la suite… venait de lâcher Ombre pour finir.
- Vraiment ? Alors pourquoi justement ne pas aller en parler à Lias dans ce cas ?
En vérité Eglantine venait de dire quelque chose de censé. Oui, pourquoi n’était-il pas aller voir Lias dès le début ? Il n’en savait rien, il devait être trop désemparé. La biscuitière vint caresser les cheveux d’Ombre pour le rassurer puis lui sourit.
- Écoutez les enfants, vous allez tous rester chez moi, jusqu’à ce que la mère d’Ombre vous retrouve, comme dans votre plan, ensuite je discuterais avec elle et si ça n’aboutis à rien, nous irons voir Lias tous ensemble. Est-ce que cela te convient Ombre ?
Le garçon fit un simple petit oui de la tête. Heureusement qu’il avait d’aussi bons amis pour l’aider dans sa détresse. Heureusement aussi que dans ses amis se trouvait une adulte bienveillante, car sans elle, sans doute aurait-il fait quelque chose d’irréversible.