Chapitre 16

Après plusieurs heures de recherches ponctuées d’appels et de mails, une nuit blanche et beaucoup de café, les jumeaux trouvèrent enfin un indice à propos de Viktor Biene. Son nom semblait être associé à un hôtel de Brooklyn. Ils décidèrent de commencer par ce lieu.

Ils se rendirent donc dans le quartier de Brooklyn Heights. La devanture du soi disant hôtel ressemblait plus à une devanture de vieux magasin de dépôt vente. Une grande vitrine, sur toute la façade, montrait de vieux objets plus ou moins étranges. Il y avait un gramophone, un moulin à café, une longue vue, des amulettes et autres grigris. Sur la porte un panneau indiquait que le magasin était ouvert. Mathéo entra alors dans ce lieu mystérieux, suivi de son frère.

La boutique ressemblait à un débarras. Des centaines d’objets étaient éparpillés dans les moindres recoins de la pièce. Il était difficile de se déplacer sans avoir peur de faire tomber une statuette incas ou qu’une pile de vieux grimoires s’écroule. Les garçons se faufilèrent alors jusqu’à un comptoir au fond du magasin. 

Après quelques minutes d’attentes, Tyméo décida d’appuyer sur la sonnette du magasin. Son frère lui envoya un regard reconnaissant. Une vieille dame sortit alors de l’arrière-boutique en traversant un rideau de perles pour se poster derrière le comptoir. Avec un accent allemand très prononcé et un grand sourire elle accueillit les jumeaux.

_ Good morning, gentlemen. Welcome to the Biene shop. How can I help you ?

_ Do you know Viktor Biene ?

La petite dame arqua un sourcil, étonnée de cette question.

_ Yes I do, why ?

_ We would like to see him.

_ Are you his friends ? I’m his mother. Did he do something wrong again ?

Mathéo ne réfléchit qu’un quart de seconde avant de répondre à la vieille femme.

_ Yes, we are his friends. Don’t worry, we just want to see him.

La vieille dame sortit de derrière le comptoir et invita les garçons à la suivre. Ils traversèrent le rideau de l’arrière boutique qui menait sur une petite cuisine. Elle les emmena jusqu’à un escalier de pierre et cria quelques mots en allemand à l’intention de l’étage supérieur. Une voix lui répondit en allemand. Elle se tourna alors vers les jumeaux.

_ You can go upstairs, he is waiting for you.

Elle leur indiqua de sa main la direction à prendre en haut de l’escalier. Puis elle retourna dans la cuisine. Les garçons montèrent jusqu’au palier supérieur, un long couloir avec six portes fermées menait à une septième qui était entre-ouverte. Ils traversèrent le couloir jusqu’à cette porte. Mathéo toqua avant de la pousser.

La pièce était grande et lumineuse, elle ne ressemblait en rien au bazar qu’il y avait à l’étage du dessous. Tout était bien rangé, propre. Une grande bibliothèque, contre le mur, était remplie de livres qui semblaient neufs. Un grand lit trônait au centre de la pièce. Dans un coin, un canapé et des fauteuils entouraient une petite table basse. Dans un de ces fauteuils se trouvait un homme. Il servait du thé dans trois tasses disposées sur la table.

_ Je vous attendais.

Les jumeaux, surpris, échangèrent un regard.

_ Ne soyez pas timide, venez vous asseoir.

Tyméo prit pour une fois les devants et s’installa dans le canapé en face de l’homme. Son frère fit de même, toutefois sur ses gardes. L’homme semblait avoir une cinquantaine d’années, des rides commençaient à apparaître au coin de ses yeux et de sa bouche. Ses cheveux étaient blonds et son regard dur. Son visage était sans expression. Il finit de servir le thé avant de relever la tête. Il dévoila alors son cou et le tatouage que les jumeaux suspectaient d’y trouver. Une abeille était dessinée sur le côté droit en dessous de la mâchoire. Elle semblait pointer son dard vers ceux qui la regardaient. Cela rendait l’Allemand d'autant plus inquiétant. Ce dernier prit la parole.

_ Eh bien, j’imagine que vous n’avez pas saisi le message.

Les deux garçons restèrent muets.

_ Prenez donc une tasse de thé.

L’Allemand prit la sienne et indiqua d’un mouvement de tête les tasses sur la table. Son expression semblait menaçante, les jumeaux obtempérèrent.

_ Il me semblait avoir été clair en vous disant de ne pas la chercher.

Mathéo qui ne tenait plus en place posa sa tasse sans y avoir touchée avant de répliquer.

_ Vous pensiez vraiment que nous n’irions pas à sa recherche ? Où est-elle ? Que lui avait vous fait ?

_ Mathéo, c’est ça ? Tu es celui que j’ai eu au téléphone.

_ Répondez-moi.

Le garçon parla un peu plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Son frère à côté semblait bien plus calme qu’à son habitude. L’homme les regarda tour à tour avant de se redresser dans son siège.

_ Vous me paraissez intelligent tous les deux, vous tenez une entreprise c’est bien cela ? Vous fabriquez des trucs que vous vendez après, sauf que les affaires ne marchent pas aussi bien que prévu, vous ne gagnez pas autant que ce que vous avez investi, je me trompe ?

_ Non.

_ Tim !

Tyméo, devenu maintenant très sérieux, comme à son habitude lorsqu’il s’agissait d’affaire, se redressa lui aussi afin de faire face à l’Allemand.

_ Où voulez-vous en venir ?

L’homme esquissa un sourire pour la première fois. Puis son visage redevint froid.

_ Je vois que tu as le sens des affaires Tyméo. Très bien, je vous donne une dernière chance, je vous propose de l’argent, beaucoup d’argent, et vous n’avez jamais croisé le chemin d’Alexandra Esman.

_ Non ! 

_ Combien ?

Les jumeaux avaient parlé en même temps. Mathéo choqué et Tyméo très sérieux, le regard rivé dans les yeux de l’Allemand.

_ Cinquante mille.

Tyméo enchaîna rapidement.

_ Quatre-vingt dix mille.

Mathéo, désemparé, se tut et assista à l’échange.

_ Soixante mille, je n’irai pas au dessus.

_ Quatre-vingt mille et nous oublions tout, même cette rencontre.

_ Soixante quinze mille.

Les deux hommes se défièrent du regard. Tyméo finit par accepter et serra la main que lui tendait son rival. Il se relâcha dans le canapé avec un grand sourire. 

_ Nous les voulons maintenant évidemment.

L’homme acquiesça de la tête et se leva. Il sortit de la pièce et les jumeaux l’entendirent descendre les escaliers. Mathéo se tourna vers son frère, rouge de colère.

_ Je peux savoir à quoi tu joues ?

_ Mat, tais-toi ! Va surveiller l’escalier pendant que je fouille les chambres. Je suis sûre qu’elle est ici. Il fallait que je le divertisse.

Il s’apprêtait à sortir de la chambre à son tour, il se retourna vers son frère qui avait l’air totalement perdu et lui sourit.

_ Au final, on va empocher soixante quinze mille dollars Mat, tu pourrais être content. Aller bouge-toi.

L’intéressé se leva afin d’aller faire le guet devant l’escalier. Son frère commença à ouvrir les portes une par une, mais il tombait sur des chambres semblables à celle de l’Allemand. Alors qu’il allait ouvrir la dernière, Mathéo revint vers lui.

_ Il arrive.

_ Scheisse.

Tyméo essaya quand même d’ouvrir la porte pendant que son frère l’entraînait vers la chambre.

_ Tim, dépêche-toi. 

_ Attends, celle-là est fermée à clé.

Mathéo tira de force son frère avant que leur plan ne tombe à l’eau. Alors qu’ils se réinstallaient sur le canapé, l’Allemand revenait avec une mallette. Il ne remarqua pas que les jumeaux avaient échangé de place sur le canapé. Il tendit la petite valise à Tyméo.

_ Soixante quinze mille dollars.

C’est alors que Mathéo eu une idée. Il écrasa discrètement le pied de son frère, celui-ci le regarda et comprit ce qu’il avait en tête. Il fallait qu’ils gagnent du temps. Tyméo s’adressa alors à leur hôte.

_ Je vais devoir les compter.

L’homme soupira.

_ Vas-y.

Tyméo prit la valise et l’ouvrit. Il y avait beaucoup de billets, par tranche de cent dollars. Le jeune homme commença à compter, lentement, un par un. Pendant ce temps, Mathéo but sa tasse de thé d’une traite, puis celle de son frère. L’Allemand ne se préoccupait pas des deux jumeaux et regardait son téléphone.

_ Votre thé est délicieux.

L’homme releva la tête. Mathéo enchaîna.

_ Malheureusement, j’ai une vessie de fille. Où sont vos toilettes ?

La surprise passa sur le visage de l’Allemand, puis l’ennui. Il reporta son attention sur son téléphone.

_ En bas, sous les escaliers.

Alors que Mathéo se levait, Tyméo s’exclama, tentant le tout pour le tout.

_ J’ai perdu le compte. Je recommence.

L’homme leva les yeux au ciel.

_ Je n’ai pas toute la journée à vous accorder, dépêchez-vous.Tous les deux !

Mathéo sortit rapidement de la pièce en laissant son frère occuper l’Allemand. Il se rendit devant la porte que Tyméo avait essayée d’ouvrir. Il descendit la poignée mais la porte resta fermée. Il toqua doucement sur le bois.

_ Alexie ? Tu es là ?

Rien ne se produisit. Après quelques secondes, il réitéra. 

_ Alexie ?

Cette fois il entendit un bruit de pas venant vers lui. Puis une voix.

_ Mathéo ? C’est toi ?

_ Oh Alexie. Je vais te sortir de là.

Soulagé, le garçon chercha autour de lui et dans ses poches s’il n’avait pas quelque chose pour crocheter la serrure.

_ Non, Mat. Va-t-en ! Cet homme est dangereux.

_ Hors de question que je te laisse ici Alex.

Il entendit un soupir, puis des sanglots.

_ C’est trop tard, Mat. Mon père arrive ce soir. 

A ce moment là, Mathéo sentit une présence derrière lui, il n’avait pas entendu la personne monter les escaliers.

_ Tiens tiens tiens.

Le jeune homme se retourna et reçu un coup sur la tête. Sa vue devint flou puis tout autour de lui se noircit et il sombra dans l’inconscience. 

***