Les rêves continuent
(Camille, Romain)
Je me suis réveillée dans une sorte de petite chambre creusée au sein d’un rocher léché par les vagues de la mer. Une petite pièce munie d’un lit grotesque sur la tête duquel était gravé mon prénom : Camille.
Ils arrivaient… le bataillon de trois géants armés de haches et de gourdins. Ils devaient bien mesurer 3 mètres. Etais-je en sécurité ? Mon abri était-il hors de portée ? Où me cacher ?
Un petit garçon pleurnicha tout à coup, dans un coin reculé et sombre de la grotte. Il disait avoir très faim. Je me suis précipitée vers lui pour le consoler et le protéger. J’entendais rire les monstres et se vanter du piège qu’ils nous avaient tendus.
Et voilà qu’ils entrèrent en trombe! C’est là que je vis le jeune garçon vieillir à toute allure et prendre les traits de Romain. Un Romain devenu adulte et courageux. Il prit son élan pour leur bondir dessus et écrasa ses poings sur le premier qu’il put atteindre.
Renversé sur le dos, Romain lançait des coups de pieds à l’un des ogres venu en renfort tout en recevant un coup de gourdin par le troisième. J’aperçus le géant sur lequel il avait sauté brandir sa hache, ses compagnons tentant de saisir Romain par les jambes.
Dans un acte de bravoure, je me lançai sur le porteur de la hache et nous nous mîmes à rouler sur le sol rocailleux, emportant les deux autres sur notre passage avant de tomber du rocher et de finir dans l’eau.
Une eau glacée ! Un choc thermique foudroyant !
Nous n’étions plus que quatre, le porteur de la hache s’étant tué contre un des pics du rocher et l’un de ses acolytes était en train de périr sous les rafales de gourdin que lui envoyait Romain. Le dernier m’agrippa pour plonger ma tête sous l’eau. Je me débattais autant que je le pouvais mais ma force était bien inférieure à la sienne.
Je n’en avais plus pour longtemps quand Romain vint me secourir. Au moment où je suffoquais, je me sentis tirée hors des vagues et il cria:
–– Aide-moi !
Je compris qu’il souhaitait que je l’aide à noyer le monstre. Je secouai la tête en signe de désapprobation et il enfonça ses pouces dans les orbites du géant pour le maintenir sous l’eau. Des bulles d’air remontèrent à la surface, un nuage de sang apparut, en quelques instants l’ogre n’était plus. Ces géants, c’étaient les démons de Romain.
Tandis que nous nagions vers une destination approximative, j’entendais au loin: « Lema Sabachtani » ! Je me retournai mais ne vis rien d’autre que le moineau d’Armel et une croix se déplaçant sur la marée montante, portée par l’invisible.
–– Tu as entendu ça, demandai-je.
–– De quoi tu parles?
–– Non, rien..
Les flots nous ont emportés vers un navire et nous fûmes repêchés par l’équipage. Il s’agissait d’un petit bateau de croisière. Le genre de paquebot que l’on voyait au 18ème siècle.
A son bord, il y avait une jeune femme au profil assez flou que Romain ne cessait d’observer.
Posé sur elle, son regard était transformé. Nous étions assis, chacun enrobé d’une couverture. Lui, figé par l’éclat du sourire de sa belle…
J’éprouvai alors un amour inconnu. De ceux qu’on éprouve quand on est amoureux. Je dirais même quand on dépasse cet état pour aimer pleinement.
J’avais déjà parcouru ces sentiments au travers de mes voyages d’âmes en âmes mais pas comme celui-là. Non, pas comme celui-là…
Elle s’est levée de son siège et, sur son chemin, elle lui a offert des yeux remplis de tendresse. Son visage restait néanmoins nébuleux. Je sentis mon estomac se tordre et réagir en spasmes, mes mains trembler, mes jambes se dérober, ma respiration se couper, ma bouche s’assécher.
J’ai tourné la tête vers Romain et fait un geste pour l’inviter à se reprendre parce que je craignais ce qui allait bientôt m’arriver.
Il s’est empressé d’aller la rejoindre quand nous atteignîmes un port qui laissait entrevoir, à une cinquantaine de mètres au-dessus de nous, un champ de lavande surplombant la mer. Ils étaient tous les deux et, brusquement, je me suis retrouvée dans les pensées et émotions de Romain, tout ce que je préférais éviter.
C’est alors que je devins malade d’envies et de désirs à l’égard de cette femme qui venait de faire irruption dans la déréliction de mon hôte. Et voilà que je me coulais confusément mais toute entière dans son obsession.
Son sourire… Comment définir ce sourire-là ? Ca ne se décrit pas d’ailleurs, ça se raconte. Tellement captivant, grisant ! J’eus l’impression d’être un vampire assoiffé de sang ! Je l’aurais dévorée, hypnotisée par son sourire ! Ma tête tournait, tournait…
Il n’y avait plus que mon envie d’elle ! Sa bouche était comme un sentiment neuf qui m’arrachait à moi-même ! J’étais prête à devenir tout ce qu’elle aurait voulu que je sois !
J’aurais pris 50 kilos, en aurais perdu 80. Me serais rasé le crâne, fait pousser une barbe ! J’aurais renié mes valeurs ! Voilà ce que faisait sa bouche !
Et ses yeux ? Non pas seulement une forme, une couleur, une lueur mais une histoire sans fin. Transcendants, invitant aux pires folies !!! J’aurais sacrifié le monde entier pour m’y voir !
Et puis sa voix… pleine de douceur et de détermination à la fois. Enivrante, dépucelante ! Je l’écoutais parler encore et encore et je me surpris à l’aimer au fil des syllabes qui se répandaient sur le chemin de mon coeur. Ou plutôt celui de Romain. Son coeur jusqu’ici interdit sur lequel elle pouvait se promener à sa guise.
Oui je l’aimais ! Je l’aimais dans une évidence foudroyante ! Et je souffris aussitôt de l’aimer tant l’idée de la perdre m’était insupportable ! Je sentais que je me réveillais, toujours fondue dans les sentiments de Romain, quand son visage m’apparut enfin dans son intégralité.
C’était Amélie. Et Romain avait la conviction implacable qu’il était fait pour elle.
tout ce monde se rejoint pour la confrontation finale
rêve d'un esprit malade
et lema sabachni qui est elle
cette étendue d'eau cette barque*est ce le styx!
L'entête du chapitre annonce la couleur, mais sur le coup, je ne voyais peut-être pas ce genre de rêve là. Je ne sais pas trop. Alors qu'en fait, ça parait presque logique que Camille se trouve là avec Romain.
C'est comme souvent sur tes derniers chapitres, les dernières lignes qui perturbent le plus. Romain n'est-il là que pour qu'Amelie revienne sur le devant de la scène ?
D'ailleurs, finalement, on se rend compte qu'on ne sait pas grand chose d'Amelie, on connait sa mère, un peu de son travail aussi. Mais elle, finalement, pas vraiment. Pas comme les autres en fait. Et du coup, je m'interroge sur son "vrai" rôle dans tout ça.
Vraiment, j'ai hâte de voir comment tout cela va se terminer.
PS : merci beaucoup pour Déréliction et Versicolore (deux chapitres avant), je connaissais pas du tout les mots et j'adore découvrir de nouveaux mots !
Le rôle de Romain est de relancer les rêves et Amélie, en effet. Mais dans l'histoire, il est là pour être un véritable allié pour Camille, un ami, en dehors d'Armel et de Salem.
Le rôle d'Amélie est , entre autre, de montrer que si les apparences sont trompeuses, ce qu'il l'est surtout ce sont nos propres interprétations, filtres, projections et attentes...
A bientôt!
Toujours cette impression très présente d'être dans un rêve mal délimité qui se mêle à la réalité. Qu'est-ce qui est vrai ou pas ? Tu nous perds encore alors même que la fin approche, je me demande bien quelle sera la porte de sortie de ce labyrinthe.
Je suis très curieux de savoir comment tu vas réussir à terminer ton histoire tant elle est étrange.
En tous cas ça restera une lecture mémorable ^^
Une petite remarque :
"J’en parle ou pas ?" C'est assez subjectif mais je trouve que ça ne sonnait pas hyper juste dans le paragraphe ou s'était placé. Un "Faut-il que j'en parle" aurait sonné mieux selon moi. Tu prends ou pas.
Toujours un plaisir de te lire,
A bientôt !
le rêve n'est pas "mal délimité" comme tu dis vu qu'il s'agit d'un rêve, tout court.
En effet, ce roman est très profond, très psychologique et il n'est pas évident de se rendre compte et donc d'apprécier tout son symbolisme, je le conçois. Fort heureusement, ce n'est pas la condition pour aimer l'histoire et la façon dont j'écris.
C'est une histoire étrange, tu dis bien vrai et je suis heureuse qu'on la trouve étrange vu que j'ai tout fait pour donner cette impression. Tu es le seul, je crois, qui a formulé cet adjectif et je t'en remercie, ça me touche.
Ta remarque est pertinente "j'en parle ou pas", j'avais d'ailleurs hésité à l'écrire...
Merci beaucoup pour ton gentil commentaire :-)
Bien à toi
J'espère que vas bientôt publier la fin en tous cas ^^
Décidemment, tu nous promènes dans ton labyrinthe, mais on finira bien par en sortir.
On navigue toujours entre rêve et réalité sans savoir précisément où en sont les limites, avec des rappels antérieurs comme les champs de lavande ou l'oiseau d'Armel... C'est troublant, c'est le jeu et l'on s'y laisse prendre.
Belle fausse conclusion qui donne envie de connaître vite la suite.
Quelques coquilles et suggestions :
- et se vanter du piège qu’ils nous tendaient ou qu'ils nous avaient tendu ?
- mais ma force était bien inférieure à la sienne /je me sentis tirée avec force hors des vagues : répétition de force.
- Après quelques bulles d’air remontées à la surface, un nuage de sang apparut et une bonne minute passée, l’ogre n’était plus : je trouve la phrase un peu maladroite. Est-ce que je peux te suggérer :
Des bulles d'air remontèrent à la surface, un nuage de sang apparut, en quelques instants l'ogre n'était plus ? Ou quelque chose du genre que tu agrémenteras à ta manière.
- Le genre d’engin que l’on voyait : engin n'est pas terrible.
- Je l’aurais dévorée aux pieds de ce sourire : un peu énigmatique.
A très bientôt au plaisir de lire la suite
ça me touche beaucoup que tu continues de me suivre et d'apprécier! J'ai apporté toutes les corrections suggérées et t'en remercie fortement!
A très bientôt