Mercredi était le jour du cours particulier que je donnais à Eva, une lycéenne en seconde que je suivais depuis son année de quatrième. Je ne voulais pas abandonner cette séance, même si je doutais de plus en plus de son efficacité. Il s’agissait davantage de rassurer une élève sérieuse, que de combler des lacunes qui n’existaient pas vraiment. Je la retrouvais chaque semaine à 12h30 à son domicile, fraichement rentrée du lycée.
Comme d’habitude ce mercredi-là, je l’aidai dans ses devoirs, réexpliquai les derniers cours, et lui suggérai d’autres exercices. Je la sentis cette fois-ci moins concentrée. Un peu avant la fin de l’heure elle cracha le morceau.
-Dis, Léa, t’es amoureuse ?
-What’s the fuck ?
-Non mais t’es vachement changée. Déjà la semaine dernière. Mais là t’es trop plus la même !
-Changée, genre, cendrillon, le carrosse, minuit, tout ça ?
-Mais non ! T’as plus l’air abattue. Même ma mère elle m’a dit ça la semaine dernière, après le café que t’as pris avec elle.
-Euh… elle t’a dit quoi, ta mère ?
-Que t’avais plus ta tronche de lexomil.
-Charmant.
-Non mais c’est positif hein ?
-Grave.
-Non sérieux, même que t’es de nouveau belle.
-Ah oui, donc j’avais cessé de l’être ?
-Bah …
-Oui bon bref.
-Non mais par exemple t’es vachement bien habillée aujourd’hui.
J’avais mis sans vraiment y penser mon skinny taille basse, toujours pour protéger mon piercing, et un pull poncho beige qui donnait de l’ampleur. Mes bottines grises plates renforçaient l’aspect moderne de la tenue.
-Les autres fois j’étais donc fringuée comme un sac.
-Mais arrête tu vois bien ce que je veux dire. Tu fais plus attention. C’est comme le rouge à lèvres. Ça te va trop bien.
-Merci.
-Donc t’es love ?
-Oui je suis love, voilà, t’as gagné !
-Trop génial !
Elle avait l’air aussi excitée que si ça avait été son mec à elle ! Je n’avais que sept ans de plus qu’Eva. Une fois et demie son âge, déjà. On ne peut comprendre un adolescent que quand on est soi-même adolescent. Pour moi c’était mort.
Ce fut cette fois-ci avec son père que je partageai un café en fin de séance. Lui aussi sembla apprécier le regain de vitalité qui se dégageait de moi, en particulier au travers de ma tenue. Comme sa fille, il avait remarqué le changement. A la façon dont son œil examina mes cuisses moulées dans la seconde peau de mon jean tout en faisant semblant de chercher le sucre, je devinai que les raisons n’étaient pas les mêmes que pour sa progéniture prépubère. Il me tendit les trente euros avant que je ne parte et accompagna mes fesses du regard quand je descendis les premières marches de l’escalier. Je me dis en sentant son désir sodomite dans mon dos, que cet homme-là aurait bien besoin d’un massage.
Avant de me rendre à mon cours de danse, je fis un détour au bureau de l’amicale des étudiants, et réglai une triple inscription à la nuit du cinéma d’épouvante du surlendemain soir. J’en profitai pour emmener un tract sur lequel figurait la programmation. Comme tous les ans, chaque film représentait une décennie de l’histoire du cinéma. Nous aurions d’abord droit aux années 60 avec « 2000 maniacs », suivi de « The blob » qui illustrerait les années 80, après quoi nous plongerions dans les années 90 avec « L’antre de la folie » et terminerions notre nuit par le récent « Martyrs ». Sur les quatre je ne connaissais que le troisième que j’avais vu il y a quelques années à la télévision et qui m’avait plu sans m’impressionner outre mesure. Cette nuit prometteuse prenait forme.
Pendant la fin de l’après-midi, que je passai à travailler chez moi, je décidai d’allumer le portable de Lola afin de boucler mon planning de lundi prochain, où pour le moment seule Agnès était prévue à 18 heures, et du jeudi suivant. Je souhaitais me consacrer à mes deux journées avec Charlotte sans avoir autre chose en tête. Cela devenait routinier, et je me surpris à ne plus être surprise de ce que j’entendais.
Un jeune-homme vers 17h30 :
-Vous proposez quoi ?
-Vous avez lu l’annonce ?
-Non j’ai regardé les photos.
-Bah achetez-vous Playboy alors.
Un homme mûr vers 18h15 :
-Pourriez-vous vous déguiser en infirmière ?
-Euh non.
-En policière ?
-Non plus.
-En catwoman ?
-Hélas non.
-Ben en quoi pouvez-vous vous déguiser, alors ?
-En masseuse érotique.
Un cadre dynamique vers 18h45 :
-Pouvez-vous me recevoir avec un pote ?
-Euh… c’est-à-dire ?
-J’aimerais réaliser un fantasme.
-Quel genre ?
-Vous le faites bander avec votre massage, mais c’est moi qui le branle par surprise.
Les hystériques agressifs devenaient également une habitude qui terminait inéluctablement leur course dans ma blacklist. Heureusement certains hommes étaient d’excellents candidats pour passer entre mes mains. Ainsi je fixai un rendez-vous pour jeudi prochain avec un quadragénaire nommé Thibaut qui voulait me voir pendant quarante-cinq minutes dès midi, puis un autre avec Martin, un homme au profil analogue qui, lui aussi, avait envie d’une pause coquine entre midi et deux et qui succèderait à Thibaut pour une demi-heure à 13 heures. Puis retentit le coup de fil que je n’avais pas senti venir. Il était 18h30.
-Allo, oui ?
-Bonjour Lola, c’est Nicolas, vous vous souvenez ?
-Oh, Nicolas, oui, bien sûr. Comment allez-vous ?
-Très bien. Ça me fait plaisir que vous ne m’ayez pas oublié.
-Ça ne fait qu’un peu plus de deux semaines, vous savez.
-Oui mais je disais ça car moi je suis incapable de vous oublier. Ce body body avec Alessia… je ne m’en remets pas.
Les images me revinrent. Le sexe légèrement courbé. Cette incroyable tendresse que distillait ce grand quadra discret. Mon trouble, aussi, à certains moments. Les mises en garde de Mélanie, également.
-Et donc si vous m’appelez, c’est que vous voulez recommencer.
-Exactement. Mais juste avec vous.
-D’accord Nicolas, voulez-vous venir lundi en fin d’après-midi, ou jeudi prochain ?
-Lundi je ne serai pas là. Mais jeudi oui ce serait très bien.
-A partir de 13h45.
-J’ai un déjeuner de travail, mais 14h ça doit être jouable.
-Pour quelle durée ?
-Un body, c’est possible ?
Dans ma tête, à l’unisson, Léa et Mélanie hurlèrent que non.
-Si vous voulez, Nicolas.
-J’ai hâte d’y être.
-Alors à très bientôt. Aurevoir Nicolas.
-Aurevoir Lola.
Jeudi, je commençai à me sentir impatiente d’être en vacances pour une semaine, et surtout de passer mon week-end avec Charlotte. Mais une grosse journée attendait Lola, avant que Léa n’ait le droit de se détendre. Quatre rendez-vous. Un peu nerveuse, je me rendis au local après mes trois heures de cours du matin et m’y préparai.
Le premier, Damien, arriva pile à midi. Il m’avait annoncé avoir cinquante-cinq ans. Il les faisait. Enveloppé, les cheveux très gris, il était petit et sentait le tabac. Il allait de soi que je n’aurais pas toujours en face de moi des personnages qui, sans être des prix de beauté, pouvaient dégager un certain charme, et compenser un physique moyen par une attitude souriante ou une discussion agréable… Avec Damien, j’entrai dans la partie plus difficile du travail. Il avait réservé pour une heure et me demanda d’être en sous-vêtements. J’encaissai cent euros et me mis en string et soutien-gorge noirs pendant qu’il prenait sa douche.
Une fois revenu, Damien s’allongea. Gras et velu, il ne donnait pas spontanément envie de le toucher. Mais vaille que vaille, j’attaquai le massage. A sa décharge, il ne fut pas aussi antipathique que Jean. Il était bien sûr venu à toutes fins lubriques, mais ne tentait pas d’afficher un masque hypocrite de gentillesse pour me manipuler. Il était peu expressif, et ne chercha pas à donner le change. A tout prendre, je préférais. Je tentai par moments d’entamer une conversation, mais finis par comprendre que j’étais la seule à le vouloir. Des quelques bribes arrachées, j’appris qu’il était jeune retraité, car il avait négocié un départ anticipé dans son entreprise. Divorcé, il admit à demi-mots un manque sexuel, d’où sa visite. Il ne semblait pas curieux et ne fit pas semblant de s’intéresser à moi. Il était venu prendre du plaisir, je le lui donnai.
Le massage passa finalement assez vite, car, dans un tel silence, je pus me concentrer sur la musique, sur mes pensées, tout en exécutant les gestes habituels. Je me souvins des suppléments évoqués par Mélanie dans le cas d’une durée d’une heure, et m’attardai sur le crâne, les tempes, le visage et le cou, puis plus tard sur les mains et les doigts que je massai longuement un a un, ce que je réitérai au moment des pieds. Son pénis était petit, vraiment petit, même en érection. Il fit des allers et retours vers le haut à plusieurs reprises, certains étant provoqués par mes mains, d’autres pas. Quand arriva l’heure de rappeler à Damien ce qu’était le plaisir sexuel, je me rendis compte qu’il ne m’avait pas touchée, et n’avait pas formulé de demande dans ce sens. En prenant position pour débuter la finition, je pris sa main la plus proche de moi et la posai sur mes fesses. Il eut un sourire gêné que j’interprétai comme un remerciement. Dans les premières minutes, il ne la bougea presque pas, et je crus que sa paume allait fossiliser sur mon postérieur. Puis quand le plaisir que je lui donnai se fit intense, sa main bougea et caressa. C’est idiot mais cela me fit plaisir pour lui que, sur le tard, le corps exultant, celui-ci contraignit enfin le cerveau à lâcher le contrôle. Le petit sexe livra énormément de semence. Damien n’avait pas de vie sexuelle, et visiblement se masturbait peu. Je n’osai imaginer combien de jours, voire de semaines, de réserves de spermatozoïdes morts depuis longtemps, je venais de libérer. Il éjacula sans signe extérieur de plaisir. A peine entendis-je un grondement dont je ne sus s’il avait à voir avec un raclement de gorge, un borborygme ou un gémissement honteusement étouffé. Une fois essuyé, Damien retourna prendre une douche puis se rhabilla et partit en me saluant timidement. Je restai sur un sentiment mitigé. Il m’avait surtout fait un peu de peine, même si je me rassurai en me disant qu’au moins, pendant une heure, même s’il ne l’avait pas crié haut et fort, il avait pris son pied.
La séance suivante fut le négatif, à tous points de vue, de celle de Damien. Jean-Baptiste, dont l’accent antillais résonnait dans ma tête depuis le coup de fil ensoleillé de jeudi dernier, apporta avec lui toutes les couleurs dont sa peau noire était privée. C’était un homme de ma taille, souriant, qui devait avoir entre quarante et cinquante ans, et dont les cheveux crépus avaient commencé à grisonner sur les tempes, ce qui donnait l’impression de voir un smiley tout noir au sourire blanc, encadré par quelques frisottis gris.
-Bonjour Mademoiselle.
-Bonjour Jean-Baptiste.
-J’ai pensé à confirmer, vous avez vu, hier ?
-Oui absolument.
-C’est bien, ici, je trouve.
-Le salon, vous voulez dire ?
-Oui, le lieu est bien, parce que vous, vous n’êtes pas très jolie, mais heureusement, la décoration est meilleure.
-Jean-Baptiste, on ne parle pas ainsi à une jeune fille voyons.
-Je plaisantais mademoiselle, vous aviez compris j’espère ?
-Evidemment, je sais qu’il est impossible de ne pas me trouver jolie, lui répondis-je avec un petit clin d’œil.
-Tenez, je vous dois quatre-vingts euros.
N’en croyant pas mes yeux, je me retrouvai avec … des pièces de un et de deux euros plein les mains.
-Excusez-moi, mais je ne peux pas tirer de billets trop souvent, alors je mets de côté la monnaie quand je fais des courses, et quand j’en ai assez je me paye quelque chose.
-Et là, vous vous payez… moi !
-Exactement mademoiselle.
-Voulez-vous prendre une douche ?
-Mais oui.
Je lui indiquai la salle de bains puis rangeai les pièces dans un tiroir en regrettant qu’il n’ait pas pris une prestation à cent-vingt euros, juste pour voir si là-aussi le paiement eût été soldé avec des pièces.
Jean-Baptiste revint et enleva la serviette. Mais pas ses lunettes.
-Vous gardez vos lunettes ?
-Ce serait regrettable que je ne puisse pas vous contempler, mademoiselle.
-Lola. C’est mieux que « mademoiselle ».
-Oui mais j’aime bien vous appeler « mademoiselle ».
-Alors faites. Et gardez vos lunettes si vous préférez, tant que vous êtes à l’aise, moi, ça me va très bien.
Il était musclé et tonique, bien que son âge ait commencé à rajouter quelques poignées d’amour généreuses par-dessus les abdominaux. Il avait dû être un bel homme. Un très beau jeune homme.
Contrairement à la séance précédente, le massage du dos se déroula dans un flot ininterrompu de paroles. Comme Silia, Jean-Baptiste était Guadeloupéen. L’idée qu’il pût être son père me traversa l’esprit un instant, sans que je décide de m’y attarder. Alors que mes mains parcouraient son corps sculpté, mes oreilles reçurent un exposé touristique vantant les mérites de l’île de la Gwada. Je fus bientôt incollable sur la réserve Cousteau de Bouillante, sur le chemin de la Retraite qui traverse Basse-Terre dans une forêt tropicale envahie de roses du désert, d’oiseaux du paradis, d’hibiscus, d’allamanda et de tant d’autres fleurs exotiques, sur la Mangrove et ses palétuviers, sur les iguanes du Fort Delgrès, sur les marchés de Pointe-à-Pitre, sur la pointe des Châteaux, sur les villas des stars à Deshaies… Quand il fut retourné et en érection, Jean-Baptiste continua à parler. J’en vins à me demander qui de moi ou de son île natale lui faisait le plus d’effet ! Je trouvai un moyen de le ramener dans mon giron. Alors que l’heure de la finition approchait, je dégrafai mon soutien-gorge et le laissai tomber sur le sol.
-Mademoiselle, je ne peux pas vous donner davantage.
-Chuuuut. Cadeau.
Et Jean-Baptiste se tut ! Contente de mon effet, je marquai définitivement le coup en prenant sa main, comme je l’avais fait avec Damien une heure plus tôt, mais cette fois-ci je la levai pour la poser sur mon sein gauche jusqu’à ce que les muscles de Jean-Baptiste prennent le relai et se concentrent sur la caresse autorisée.
Le sexe de Jean-Baptiste, sans être disproportionné, était surtout massif. C’est sa largeur, une fois dans l’état maximal d’excitation, qui m’impressionna, davantage que sa longueur qui restait dans une moyenne supérieure mais sans qu’on ait envie d’appeler le Guinness Book pour autant. Quand je le tins dans ma main, je me dis avec un sens de la formule dont je ne me vantai pas intérieurement, qu’un machin pareil, on devait le sentir passer ! J’eus peur un instant que Jean-Baptiste se remette à me conseiller les meilleurs restaurants de Saint-François pour la langouste grillée, et qu’il le fasse alors que cinq de mes doigts huilés parcouraient le gland sombre pendant que les cinq autres mimaient une pénétration hardie sur le membre vigoureux. Mais non, Jean-Baptiste ne parla plus. Il passa son bras droit autour de moi, comme pour me garder contre lui, petit trésor féminin frêle et blanc, alors que sa paume gauche caressait mes deux seins alternativement, s’attardant sur les tétons dont il était visiblement friand. Doigts plus écartés que jamais pour entourer affectueusement l’impressionnant diamètre de chairs en émoi, je lui sortis toute une panoplie de glissades frénétiques qui firent se contracter ses tablettes de chocolat sous la petite couche de beurre de cacao naissante. La main autour de ma taille, comme un réflexe fripon, chercha et trouva mes fesses. Je sentis une pression, mais qui n’était pas douloureuse. Puis un long jet blanc vint zébrer la peau ébène qui s’était papillonnée de gouttelettes de sueur. Jean-Baptiste avait parlé quarante minutes, et s’était tu les cinq dernières. Celles-là étaient ma victoire.
En partant il me remercia pour le « cadeau », plus ému que je ne l’aurais cru.
Oui, il y a des gens à qui ça fait vraiment plaisir de faire plaisir.
Ba moin en tibo, deux tibo, trois tibo doudou…
Sylvain sonna deux minutes à peine après le départ de Jean-Baptiste. Ce retraité, un de plus aujourd’hui, avait souhaité trente minutes pour « faire connaissance ». Il était gentil, mais se rapprochait de la discrétion de Damien bien plus que de l’exubérance de Jean-Baptiste. Il paya pour que je tombe une nouvelle fois le soutif. Il était plus âgé que Damien, et faisait vraiment vieux ! La peau était flasque, les tâches de vieillesse présentes. Il parla un peu. De sa femme, avec qui il était marié depuis trente-cinq ans, et qu’il n’avait jamais trompée, mis à part évidemment les massages érotiques.
Evidemment.
Trente minutes ça passe vite, et j’en arrivai rapidement à la finition. Je n’eus pas besoin de prendre une main timide pour la guider là où elle avait le droit d’aller : celles de Sylvain trouvèrent toutes seules le chemin de mes fesses et de mes seins. Il jouit en appuyant dessus, comme s’il voulait les faire rentrer à l’intérieur de moi.
Il me remercia, prit sa douche et partit en me promettant qu’il reviendrait. Je l’oubliai sitôt la porte refermée, et visiblement lui aussi car je ne le revis jamais.
Il était 15h45 et il ne restait plus que Thierry, le prof de fac… Je me sentais à la fois curieuse et inquiète à l’idée qu’il pourrait me connaître et me reconnaître. Je me rassurai en me persuadant qu’il ne souhaitait sûrement pas davantage que moi que la discrétion qui prévalait ne fût levée, et que ces nécessités réciproques étaient la meilleure garantie de droit à l’oubli. Néanmoins le stress monta en flèche quand il sonna et pénétra dans la cour. Je le guettai du coin de l’œil. Je n’avais jamais vu cette personne.
-Bonjour Lola, je suis Thierry.
-Enchantée Thierry.
-Vous n’imaginez pas à quel point j’ai attendu ce moment.
-On dirait que c’est votre premier massage érotique !
-Avec vous, oui ! Non sérieusement, excusez-moi si j’ai l’air d’en faire des tonnes, mais entre vos photos et les discussions avec Alessia, je me réjouissais de vous rencontrer.
-Pas déçu ?
-Bien au contraire, Lola.
Il me donna une enveloppe dans laquelle se trouvaient deux billets de cinquante euros. Je serais bonne pour tomber à nouveau le haut !
-Allez, je file à la douche.
Je laissai faire l’habitué qu’il était.
Quand il revint, je n’en crus pas mes yeux. Il était en érection.
-Déjà ?
-Je ne vous mentais pas Lola, je fantasme sur cette séance depuis que j’en ai fixé le rendez-vous !
-Mais qu’est-ce que j’ai de si particulier ?
-La nouveauté, le fait que vous soyez blonde, que vous ayez de si belles jambes. Ces photos sur votre site, vous n’imaginez pas l’effet qu’elles me font.
-Euh, pas besoin d’imaginer, je vois !
-Vous devez me trouver bizarre.
-Un rien dans la démesure.
Le massage commença.
-Comme Alessia, vous acceptez un contact respectueux ?
-Vous avez parfaitement défini le cadre, Thierry.
Je l’entendis sourire, si j’ose dire. Au bout de trois quart d’heure, il ne dut rester aucune parcelle de mon épiderme qui n’ait été en contact avec les mains de Thierry, voire avec sa langue puisque ce farfelu me lécha le bout des seins quand ceux-ci passèrent sur son visage. Mais je dus admettre que chaque attouchement resta sous son contrôle et, s’il donna à la séance une coloration extrêmement charnelle, je ne me sentis sous la menace d’aucun excès. Cet homme était sensuel. Il aimait, il vénérait les femmes, leurs formes, leur corps. Que cela cachât ou non quelque chose n’était ni de mon ressort ni pertinent dans le rôle qui était le mien. Je me contentai simplement de profiter d’une séance dont la jubilation qu’elle procurait était explicitée et assumée. Je m’en sentis valorisée. Evidemment, l’excitation de Thierry atteignit vite son paroxysme, et je le vis produire des efforts inouïs pour ne pas éjaculer dès les vingt premières secondes de la finition. De bonne volonté, je temporisai parmi mes gestes les plus ensorcelants afin que son plaisir ne s’évaporât pas aussi vite qu’il n’était apparu. De plus en plus expressif, Thierry se tortilla, se cambra, gémit, couina, cessa même de respirer par moments, alors que mes mains et mes doigts harcelaient sa verge.
-Ça va Thierry, vous êtes sûr ?
-Je ne sais pas comment vous faites Lola, c’est insoutenable.
-Vous êtes un connaisseur, pourtant…
-Alessia vous dira peut-être que je suis en effet très expressif, mais je vous assure que ce que vous faites, c’est différent. On ne peut pas vous résister.
-Alors ne résistez pas.
Je repris mes mouvements, les yeux fixés sur le pénis cramoisi qui oscillait comme une girouette un soir d’orage. Thierry poussa un râle qui m’évoqua presque une femme en train d’accoucher ! Décidée à lui offrir un final de feu, puisque de toute façon il était au bout de ses résistances, j’imprimai sur la hampe un mouvement de va et vient plus rapide que d’habitude, imposant une masturbation saccadée que j’accompagnai de tout ce qu’une main huilée est capable d’offrir à un gland prêt à exploser. Il se souleva comme s’il avait voulu s’assoir, et la tension musculaire fut telle qu’il y arriva presque, m’enlaçant complètement pour retenir son corps. La joue collée à mon épaule, il embrassa mon sein tout en posant une main sur mon nombril, en faisant toutefois attention, éclair de lucidité dans le brouillard orgasmique, à ne pas toucher au piercing dont il avait compris au cours du massage qu’il était récent. Il se mit à braire.
-Je jouis, je jouis.
-Oui, Thierry, répandez-vous, c’est le moment.
Le râle prit des intonations de gloussement. La bouche suça une dernière fois mon sein et une gerbe de sperme jaillit en un seul jet. Je fus surprise par la violence du phénomène. Les autres clients avaient eu pour la plupart plusieurs giclées dégressives. Mais à force de se retenir, Thierry avait comprimé son sexe aussi sûrement qu’on bande une arbalète. Malheureusement pour lui, sa position presqu’assise et courbée en avant envoya le jet… sur son menton. Le liquide goutta en une trainée visqueuse qui inonda mes seins qu’il était toujours en train d’embrasser. Il se recula et l’image qui se figea fut celle d’un homme hagard dont le propre éjaculat ruisselait du menton, comme s’il venait d’expérimenter l’auto-fellation. Ce fut plus fort que moi. J’explosai de rire, sans oublier quand même de lui tendre tous les mouchoirs nécessaires pendant que j’essuyai ma poitrine et l’excédent de liquide séminal qui stagnait sur son prépuce.
-Je suis désolée, mais vous vous êtes tellement cambré, et c’est sorti tellement fort…
-Ne vous le reprochez pas Lola, bien au contraire. Voyez simplement l’état dans lequel vous m’avez mis.
-Vous allez vous en souvenir, en tout cas.
Thierry retourna à la douche et se rhabilla. Prenant son temps, il n’avait visiblement pas envie de me quitter.
-Je vais revenir. Vous pouvez en être sûre. Entre Alessia et vous… je ne vais plus savoir où donner de la tête.
-Quand vous voulez.
-Est-ce qu’on pourrait envisager un body body, la prochaine fois ?
-Vous l’avez bien mérité, oui.
Il m’embrassa sur la joue et partit, bon à aller se coucher.
Ayant moi aussi terminé ma journée, je rangeai le local, me douchai, pliai ma tenue de travail pour remettre celle dans laquelle Eva m’avait trouvée « de nouveau belle », et quittai le salon de massages, riche de trois-cent-soixante euros supplémentaires. L’équivalent de douze soirées entières de baby-sitting, ou de douze heures de cours particulier, en moins de cinq heures de présence au local pour seulement trois heures de travail effectif ! C’était grisant. Dangereusement grisant. Lola savait quel travail il avait fallu accomplir pour cela. Mais dans le tram qui me ramenait au domicile de Léa, c’est elle, moi, qui me fis des films, imaginant les restaurants qu’on allait pouvoir se payer avec Charlotte, revoyant cette robe sensationnelle que j’avais essayée sous les yeux exorbités de mon amoureux… La confusion entre les deux entités de ma personnalité schizophrénique devenait totale et, si j’en étais consciente, la lumière du soleil duquel je m’approchais était bien trop attirante pour que la voix de la raison ne pût se faire entendre et rappeler que Léa aussi, ne possédait que des ailes de cire.
Moi fé en charm’
Pou moin charmén’hom la
Moin réfléchi ayen dufoce pas bon
Moin prend charme là
Moin jeté dan l’an mè
Moin di si ainmin moin
Ya maché deyé moin