Chapitre 17 : Suspicions

Froid. Tremblements. Lèvres violettes. Dents qui claquent. Syola avait conscience de renvoyer une image atroce. Les adeptes du temple de la mort avaient amené un brasero devant la statue de Chaak dont Syola refusait de s’éloigner. Sur ses épaules reposaient de lourdes couvertures. Rien ne faisait diminuer le gel.

Syola avait beau prier, Chaak restait muet. Le froid, la manière dont Chaak indiquait son déplaisir. Comment le satisfaire ? Comment obtenir son pardon ?

Syola peinait à dormir. L’hiver dans son âme cristallisait son cerveau. Elle mangeait et buvait, Julien lui apportant des soupes chaudes et des ragoûts délicieux qui ne la réchauffaient qu’à peine.

Ce fut le jeune adepte appréciant les potins qui apporta la nouvelle de la mort de Thomas. Le corps du prêtre – ou plus exactement ce qui en restait après que les chiens l’eut à moitié dévoré – avait été exposé sur la place devant le temple de la mort, en guise d’avertissement. Syola n’avait pas pu aller le voir. Quand l’odeur fut insupportable, le corps fut brûlé, interdisant tout enterrement religieux au cultiste et le froid dans le cœur de Syola s’intensifia.

L’hiver passa à l’extérieur. La neige fondit et les oiseaux reprirent leurs chants vigoureux. Le froid s’accrocha à Syola.

- J’aimerais tant avoir chaud, un peu, murmura Syola à Julien.

L’adepte n’afficha qu’un immense air triste, tel un gamin perdu. Un gosse ! Syola ouvrit de grands yeux. Voilà ce que voulait Chaak ! Qu’elle rejoigne Teflan. Après tout, seule sa présence chassait le froid. Elle devait le retrouver et offrir aux conseillers les produits nécessaires à la réalisation des sacrifices que Chaak appréciait tant.

Gardant une couverture autour d’elle, Syola se leva et se dirigea d’un pas décidé vers la sortie.

- Syola ? Où allez-vous ? s’enquit Julien.

Syola ne prit pas la peine de lui répondre. Nul ne l'empêcha d'avancer. Elle était libre de se rendre où elle voulait. Julien la suivit dans les rues avant de s'arrêter quelques pas avant l'entrée du palais.

- Dégage ! ordonna un garde d'un ton méchant.

- Je voudrais parler à Teflan Stylus, annonça Syola.

- Je t'ai dis de partir, mendiante ! cracha le soldat.

Syola, peu désireuse de se prendre un coup et consciente de l'image qu'elle renvoyait, recula avant de contourner l'édifice, Julien sur les talons.

- Syola ? lança Julien.

La jeune femme ne répondit rien. Julien stoppa avant l'arche indiquant l'entrée des jardins. Il ne comptait pas pénétrer en ce lieu où avaient lieu des sacrifices. Il tenait à rester en vie.

Syola le perdit de vue lorsqu'elle entra dans l'édifice en lui-même. Elle marcha dans l'allée centrale pour tomber à genoux devant la statue en hématite du dieu de la mort. Seul le silence répondit à son appel intérieur, et le froid, intense, qui ne la quittait pas, même dans l'antre de ses cultistes préférés.

- Mademoiselle ? dit une voix derrière elle.

- C'est la première fois qu'une mendiante vient se réfugier ici, fit remarquer une seconde voix.

- Ne sois pas stupide, Arvel ! grogna le premier. Elle est venue prier, tu ne vois pas ?

- Une femme adepte de Chaak ? gronda le dénommé Arvel. Ça serait une première !

Le premier ne le contredit pas. Syola se tourna vers les deux conseillers.

- Syola ! s'exclama le premier.

Il se rua sur elle pour la prendre avec douceur dans ses bras.

- Vous êtes souffrante ? s'inquiéta-t-il, les yeux plein de compassion.

- Froid, répondit Syola. Chaak. Teflan.

- Je ne comprends pas, admit le conseiller. Vous pouvez vous lever ? Vous avez besoin d'un bon bain chaud !

Une proposition fort agréable ! Syola résista. Un bain ne suffirait pas.

- Teflan, bafouilla-t-elle en luttant contre le conseiller qui tentait de la mettre debout.

- Arvel, va chercher Teflan ! ordonna le conseiller.

Il partit en courant.

- Merci, dit Syola avant de laisser traîner sa voix.

- Je m'appelle Vincent Cypher, précisa son interlocuteur en comprenant la demande sous entendue.

- Merci, conseiller Cypher.

- Je vous en prie, répondit-il d'une voix douce. Que s'est-il passé pour que vous soyez dans cet état ?

Syola ne répondit rien. Le conseiller n'insista pas, se contentant de froncer les sourcils en l'observant.

 

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- Tu ne peux pas rester ainsi ! Viens faire la fête ! sautilla Harlan.

Teflan secoua la tête. Son ami ne pouvait pas comprendre. Nul ne le pouvait.

- Tu es déprimé. Ça arrive à tout le monde. La vie est faite de hauts et de bas. Tu es en bas. Laisse-moi t’aider à remonter ! insista Harlan.

Teflan n’avait pas envie de manger et encore moins d’écouter de la musique. Or Harlan ne jurait que par ça. Teflan savait apprécier mais ce n’était pas ce dont il avait besoin pour le moment. Harlan ne pouvait-il pas le comprendre ?

Ils avaient eu tort d’enlever la femme de Merlin. Avant, certes il fallait payer pour obtenir ses produits, mais au moins pouvaient-ils les obtenir. Maintenant qu’elle les craignait, elle se cachait et les réserves n’avaient pas mis longtemps à se tarir.

Non pas que l’absence d’odeur d’huile de millepertuis fut à déplorer, mais tout reposait désormais sur les épaules de Teflan qui peinait à porter la charge.

L’herboristerie de Syola, tenue par son assistante Eoma, tournait à plein régime mais l’apprentie d’Eoma ignorait comment réaliser certains produits complexes. Teflan était allé l’interroger lui-même. Il ne la soupçonnait pas de mentir.

Où était Syola ? Teflan sentit son ventre se nouer. Et si sa disparition signifiait sa mort ? Une telle idée le plongea dans un bain glacé.

Ils l’avaient cherchée partout. Gröth n’avait pas hésiter à lancer un sort de localisation. Tout le palais l’avait entendu hurler sa fureur. Chaak avait refusé de lui répondre. Teflan n’avait rien dit et nul ne lui avait demandé d’explication.

Ils s’étaient résolus à chercher l’herboriste à l’ancienne. Ils avaient interrogé tout le monde, retracé son parcours. Après être revenue chez elle recouverte de sang dans des vêtements qui ne lui appartenaient pas, Syola s’était faite chassée par son père.

Elle avait ensuite vécu avec Adeline, une herboriste aujourd'hui partie s'installer à l'autre bout du pays. Ils n'avaient pas cherché à la joindre, se contentant des témoignages des anciens clients, décrivant Syola comme efficace et réservée.

Syola, une fois son apprentissage achevé, avait travaillé pour Crado. L'endroit, mal famé, aurait fait une planque parfaite. L'auberge avait été fouillée. Des armes, des drogues, de l'alcool frelaté et des putes, voilà tout ce que les soldats avaient trouvé.

Syola avait ensuite ouvert son herboristerie. Désormais tenue par son ancienne apprentie Eoma, l'échoppe tournait à plein régime mais nulle trace de la propriétaire. Les nombreuses patrouilles de soldats sillonnant la capitale n’avaient rien donné. Syola restait introuvable.

- L’alcool et la baise, rien de mieux pour… commença Harlan.

Des coups sur la porte empêchèrent Teflan de l’envoyer paître, ce qui n’était pas une mauvaise chose. Arvel passa la tête.

- Désolé de vous déranger, dit-il. Teflan, tu dois venir tout de suite. C’est urgent… vraiment urgent.

Teflan se leva en soupirant. Tout était urgent en ce moment et tout nécessitait sa présence. Il se tenait sur tous les fronts. La lassitude l’envahissait. Se redresser lui coûta peu d’efforts. À son âge, il aurait dû… être mort depuis longtemps, se rappela-t-il. Tellement de sacrifices ultimes ! Teflan secoua la tête. À quoi bon continuer ?

Teflan suivit Arvel dans les couloirs mais reconnaissant le chemin, il stoppa.

- Je n’ai aucune envie d’aller au temple de Chaak ! gronda-t-il.

- Quand tu y seras, tu seras content de m’y avoir suivi, assura Arvel.

La phrase fit tiquer Teflan. La curiosité lui fit franchir l’arche qu’il détestait passer. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale. Va te faire foutre, pensa-t-il à l’adresse du propriétaire des lieux. Arvel le mena jusqu’à la statue en hématite. Arvel croisa les bras pour saluer. Teflan se retint de ne pas faire un doigt d’honneur au dieu de la mort mais n’en pensa pas moins.

- Teflan ! lança Vincent avant de murmurer : il est là.

Dans la pénombre, Teflan n’avait pas vu la présence du chef du groupe, et encore moins qu’il n’était pas seul. Putain de cultistes à la con ! Ils ne pourraient pas mettre davantage de lumière ? Chaak est le dieu de la mort, pas de l’obscurité !

Teflan s’avança pour constater que son collègue se tenait à genoux, une personne dans les bras.

- Teflan ? murmura une petite voix faible.

Teflan ouvrit de grands yeux. Ce n’était pas possible ! Ce ne pouvait pas être…

Il s’élança pour prendre la place de Vincent, son cœur battant la chamade.

- Syola ?

Elle avait le teint blafard, des lèvres violacées et son corps tremblait. Lorsqu’elle posa les yeux sur lui, son regard s’illumina. Ses lèvres devinrent rouges et son teint rougit.

- Ouah ! s'exclama Arvel. Elle reprend des couleurs !

Un immense sourire barra le visage de Syola. Elle lança sa main vers Teflan qui ne broncha pas. Elle passa ses doigts dans ses cheveux, geste agréable mais qui lui sembla déplacé vu la situation.

La main de Syola se fit plus forte. Elle l’attirait à lui. Il se laissa mener et leurs lèvres se rencontrèrent, enflammant l’âme de Teflan. Il entendit le ronchonnement et les pas de Harlan s’éloignant. Il s’en fichait. Il l’avait retrouvée. Elle était là. Elle allait bien.

- Je t'aime, murmura Syola à son oreille.

- Tu as besoin de prendre un bain, répondit-il en l'aidant à se relever.

Tout pour ne pas perdre la face devant ses collègues. La couverture sale dans laquelle elle était emmitouflée tomba au sol. Il allait falloir la brûler. Sinon, le palais serait bientôt envahi de mites.

Le hoquet de stupeur de Vincent mit la puce à l’oreille à Teflan. Il suivit son regard vers le ventre de Syola… rond… proéminent. Enceinte ? Était-ce la raison pour laquelle elle venait vers lui ? Le pensait-elle crédule à ce point ?

Une colère sourde grandit dans le cœur de Teflan. Elle avait préféré son mari à lui. Et maintenant qu’il n’était plus là pour prendre soin d’elle, elle revenait l’implorer de s’occuper de son petit. Quel toupet !

- Difficile de savoir qui est le père, lança Vincent.

- C'est le tien, assura Syola en verrouillant son regard dans celui de Teflan.

- Comment peux-tu le savoir ? la contra Vincent.

- Thomas et moi étions épuisés le soir de nos noces. Nous n'avons pas…

Syola ne put terminer sa phrase. Teflan la transperça du regard. Si elle croyait l’avoir avec de faux larmoiements, elle se trompait. Elle frissonna. Teflan l’observa, tentant de déceler ces petits gestes trahissant les menteurs. Il n’en trouva aucun. Il ne parvenait quand même pas à la croire.

- Toutes mes félicitations, Teflan ! lança Vincent. Tu vas être papa !

Teflan ne broncha pas. Papa ? Cela restait à démontrer. Teflan n’y croyait pas un instant. Cette catin cherchait à profiter d’un homme riche et puissant. Elle l’avait séduit – avec succès – et cherchait maintenant à s’attirer ses faveurs ?

Teflan devait prendre soin d’elle. Il n’oubliait pas qu’elle pourrait fournir à ses collègues les précieux ingrédients. Le retour de la flagrance millepertuis le dégoûtait mais voir le poids sur ses épaules s’alléger ne lui déplairait pas.

- Tu es maigre, constata Teflan. Tu dois manger.

Elle prit appui sur son bras pour avancer à ses côtés. Lorsqu’il sortit du temple de Chaak, Teflan respira mieux. Par Artouf, il détestait se trouver là-bas.

- Faites couler un bain dans mes appartements, ordonna Teflan au premier serviteur qu’il croisa. À ma sortie du bain, je veux des fruits et gâteaux devant ma cheminée principale. Allez !

Le jeune homme partit en courant.

- Où étais-tu tout ce temps ? Dans la rue ? demanda Teflan.

Syola secoua négativement la tête en retour.

- Tu étais seule ? interrogea-t-il.

Encore une réponse négative. Par Artouf, qui avait osé laisser une femme enceinte dans cet état. Peu importait l’identité du père ! Prendre soin des plus faibles aurait dû être une devise générale.

Syola se figea à peine entrée dans la chambre. Elle observa le mobilier auquel Teflan s’était habitué.

Les murs croulaient sous les tentures de soie brodées d’or dépeignant des paysages sublimes baignant sous les rayons d’un soleil puissant. De hautes fenêtres encadrées de rideaux de velours pourpre laissaient entrer une lumière vive et vigoureuse.

Au centre de la pièce, un monumental lit à baldaquin trônait, ses colonnes sculptées représentant des arbres aux branches fleuries. Une courtepointe verte recouvrait les draps en lin d’une blancheur immaculée. Deux oreillers moelleux disparaissaient dans des taies brodées dans des motifs floraux, le tout dans une harmonie parfaite.

Face au lit, une cheminée de pierre massive n’attendait que de crépiter joyeusement. Les yeux de Syola se posèrent sur le fauteuil de bois précieux qui dormait devant.

- J’en ferai apporter un autre, pour toi, précisa Teflan.

Elle allait rester. Si Teflan devait faire semblant, il le ferait. Son savoir était précieux. Il fallait qu’elle crée les ingrédients. L’équilibre du groupe tout entier en dépendait. Ses collègues comptaient sur lui, Teflan en était certain. Syola continua à détailler la pièce.

Une table basse en bois sculpté supportait de lourds chandeliers en argent massif, idéal pour se détendre. Des coffres contenaient sans aucun doute vêtement et parures.

Syola s’avança, le bruit de ses pas étouffé sur de riches tapis qu’elle souilla sans sourciller. Plusieurs serviteurs entrèrent, portant des jarres et des tissus. Syola observa le ballet avec intérêt puis la chambre redevint vide et silencieuse.

Teflan se dirigea vers la salle de bain en faisant signe à Syola de l’y suivre, ce qu’elle fit. Les serviteurs avaient bien agi. La vapeur montait sur de la mousse à l’odeur de violette. Syola, sans la moindre pudeur, retira sa robe et entra dans l’eau, un immense sourire barrant son visage. N’avait-elle pas accès à des bains là où elle se trouvait ? Pourtant, ils pullulaient en ville, les conseillers y avaient veillé. L’hygiène faisait partie de leurs priorités ce qui n'avait rien changé aux habitudes de Gröth.

Teflan attrapa un tabouret et s’assit dessus, face à Syola qui le fixait intensément. Il crevait d’envie de crever la surface de l’eau et de la baiser, là, sans préambule. Il se retint. Il n’était pas diplomate pour rien. Lui aussi savait manier son charme pour obtenir des traités. Si elle croyait l’avoir de cette manière, elle se trompait.

- Cette baignoire est largement assez grande pour deux, fit remarquer Syola.

Teflan plissa les paupières. Syola frémit. Elle semblait comprendre qu’elle avait affaire à plus fort que prévu. Le croyait-elle faible ?

- Tu ne veux pas de cet enfant, supposa-t-elle.

Être père, surtout d’elle, était son plus grand rêve. Malgré sa longue vie, il n’avait jamais eu cette joie – ou alors la mère n’était jamais venu le prévenir. Ces dernières décennies, aucun risque de parentalité puisque Teflan n’avait baisé que des hommes. Syola était sa première femme depuis bien longtemps.

Sauf que la parentalité restait à démontrer. Comment croire cette catin sur parole ? Teflan pencha la tête. Comment lui faire comprendre ses suspicions sans trop dévoiler son jeu ?

- Tu dis être certaine que cet enfant est de moi, commença Teflan.

Syola ouvrit de grands yeux outrés. Par Artouf, elle jouait bien la comédie. Elle semblait vraiment blessée par son manque de confiance.

- Il l’est ! assura Syola. Je n’ai jamais… Tu étais mon premier !

Teflan ricana. C’était la chose la plus stupide qu’il ait jamais entendu. Il n’ignorait pas qu’après avoir été chassée de chez elle, Syola avait travaillé pour Crado et les activités de ses recrues étaient de notoriété publique. Certes tout le monde assurait qu’elle ne faisait que soigner les filles mais qui le croirait ? Comment aurait-elle réussi à ouvrir son herboristerie aussi vite si elle s’était contentée de quelques soins ?

Il ne faisait aucun doute qu’elle avait trouvé l’argent en vidant les bourses de riches habitants de Stonyard. Une telle merveille ! N’importe qui serait prêt à payer en or brut pour se l’offrir. Teflan n’était pas mécontent de l’avoir dans son bain.

Syola recula un peu dans la baignoire. Il l’aurait giflée que l’effet aurait été le même. Teflan n’en eut cure. Il poursuivit :

- Syola, tu n’ignores pas que je suis bien plus vieux que mon apparence le laisse entendre.

Elle grimaça. Voilà un sujet de conversation qu’elle n’appréciait pas. Il enregistra l’information puis insista :

- Tu te doutes bien que durant ma longue vie, j’ai connu de nombreux partenaires.

- Je me fiche de savoir le nombre de femmes qui ont eu l’honneur de goûter ta bite ! gronda Syola.

Vocabulaire de catin, pensa Teflan.

- De ce fait, poursuivit Teflan, j’ai connu des pucelles autant que des expérimentées et je peux t’assurer que ce que tu m’as fait le lendemain de tes noces prouvait de solides connaissances sur le sujet.

Quelle vierge prenait ainsi les choses en main ? Quelle vierge suçait aussi bien ? Quelle vierge se donnait du plaisir avec une telle aisance ? Aucune.

Les yeux de Syola crachèrent des éclairs. Venait-elle de se voir démasquer, de comprendre sa défaite ? Teflan attendit sa réponse, qui ne tarda pas.

- J’ai eu des débuts difficiles.

Teflan dut se concentrer pour comprendre car la voix de Syola s’éraillait, rendant sa diction moins déliée.

- Pour m’en sortir, j’ai soigné des prostituées, continua Syola, m’en faisant des amies. Les clients ne s’arrêtaient pas pour moi. J’ai assisté à de nombreuses passes. De plus, ces dames adoraient papoter et même si elles le niaient, je sais qu’elles jouaient à celle qui parviendrait à me faire rougir le plus.

Beau mensonge. Bien tourné. Plausible. Avec une part de vérité. Elle montrait des compétences certaines en palabre. Sauf que Teflan était un maître en la matière. On ne le leurrait pas aussi aisément.

L’herboristerie de Syola, désormais tenue par Eoma, comptait en effet nombre de prostituées parmi ses clients. Cela s’expliquait par le fait que Syola avait invité ses anciennes collègues. Cela allait dans le sens de Teflan mais il trouva mignon la manière dont Syola tentait de le contourner.

- Alors oui, j’étais pucelle lors de notre première fois, insista Syola dont les joues se couvraient de larmes, mais formée par des dizaines de prostituées. Ai-je su mettre leurs conseils en pratique ?

Teflan pencha la tête. Il choisit de dire la vérité. Douée, elle l’était, sans aucune doute, prouvant une longue pratique de la chose.

- Merveilleusement, assura-t-il. C’était vraiment ta première fois ?

- Oui, insista Syola. Je n’ai connu que toi. Je te le jure ! Je t’aime !

Teflan n’en croyait pas un mot mais il décida de faire comme si. Quitte à avoir une catin aussi douée sous la main, autant en profiter.

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