Le lieutenant Dawkins a pris un jour de congé, il en profite pour aller voir ses parents. Après les avoir salué, il va dans le salon avec son père.
Le père : — Je crois avoir deviné la raison de ta visite. Tu viens pour t’inscrire à mon club de lecture ?
Hank : — Pas vraiment ! Tu lis quoi en ce moment ?
— Un énorme pavé qui effraie beaucoup de gens.
— Et le titre de ton pavé ?
— Guerre et paix.
— J’ai déjà vu le film. Je peux être membre du club ?
— Non, je n’accepte que les gens qui lisent le livre en entier.
— C'est pour ça que t’es seul !
— Certainement et on peut dire aussi « On and on the rain will fall, like tears from a star, like tears from a star. »
— T’as lu ça dans ton livre ?
— Non, c’est juste une vieille chanson qui a un sens particulier pour moi.
— Je pensais que tu sortirais plus une citation de ton fameux bouquin.
— Je ne l’ai pas encore fini. Et qui retient des phrases de livres ? Moi, je les lis puis je passe au suivant.
— T’es sûr d’avoir assimilé ce qu’est un club de lecture ?
— Arrête de te croire toujours supérieur aux autres ! Je sais aussi bien que toi ce que je dois faire.
— Pour tout te dire, j’ai d’énormes doutes sur ce que je me prépare à faire pour résoudre ce meurtre.
— Tu n’es pas un bleu !
— En fait, on nous appelle souvent les gars en bleu.
— Tu sais ce que je veux dire, tu ne portes plus d’uniformes depuis un bail.
— C'est pas la question.
— Bien sûr que si. Ton métier est une question de routine, tu suis une piste puis une autre jusqu'à ce que tu trouves la bonne.
— Et si je me trompe !
— Un innocent se retrouve en prison, si j’en crois les médias. Ça arrive plus souvent qu’on le pense.
— Avec toi, tout est noir ou blanc.
— Je ne suis pourtant pas achromate.
— Fais semblant de ne pas me comprendre !
— Je suis méthodique.
— Comme un prédateur.
— Un enquêteur doit se comporter comme un prédateur parfois, j’ai déjà lu cela dans un livre. Tu as peut-être besoin d'un manuel pour résoudre un crime ?
— Non merci. J’ai déjà lu plusieurs de ces manuels.
— Si tu les as bien lu, tu sais ce qu'il te reste à faire.
— Je suppose mais je n’ai pas envie de me vautrer.
— Que la force soit avec toi !
— D’où tu sors cette phrase ?
— J’ai senti que tu en avais besoin.
— Non mais j’ai plus de dix ans.
— C’est vrai que t’as l’âge d’être marié mais t’as toujours pas la moindre bague au doigt.
— Donne-moi dix minutes p’pa, j’irai au marché aux femmes, j’en prendrai une blonde et une brune, après un bon repas, on décidera avec maman laquelle fera l’affaire.
— Avec toi, tout paraît si compliqué.
— Parce que ça l’est, tu lis les journaux comme moi. Un mariage sur trois se finit par un divorce, les pères n’ont pratiquement jamais la garde des enfants et puis les femmes accusent de plus en plus leurs conjoints d’être violents.
— Je vois que tu ne crois plus à l’histoire que je te lisais quand t’étais petit.
— J’ai beau chercher partout dans la presse, je n’ai vu nulle part écrit : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. »
— Tu ne lis pas les bons journaux ! T’as vu l’histoire de la femme qui a eu huit enfants d’un coup.
— Son histoire est loin du conte de fée.
— Elle a fait pourtant les gros titres.
— C'est vraiment pas comme ça que tu me passeras la corde au cou.
— Si tu envisages le mariage comme ça, tu n'es pas prêt de te marier.
— Tu vois enfin mon problème.
— Pour réussir en toute chose, il ne faut pas se concentrer sur les difficultés qui arriveront un jour mais sur l’objectif à atteindre.
— T’es en grande forme !
— Fils ingrat !
— Je t’ai blessé ?
— Tu te fais avoir à chaque fois.
— Bien sûr que non ! Je te connais trop bien. Mais tu n’as pas tort sur un point je vais me concentrer sur mon objectif.
— Et tu vas te trouver une femme ?
— Ça devient une vraie obsession pour toi.
— Que veux-tu ! Dès que je croise mes amis, ils me demandent tout le temps si tu t’es marié.
— Ils osent. T’es sûr que ce sont de vrais amis !
— Amis ou connaissances, à mon âge on ne chipote plus.
— Si ce n’est que ça, tu n’as qu’à leur dire que je me suis marié.
— Je ne suis pas un menteur !
— Et cette histoire de club de lecture !
— C’est un projet en progression.
— T’es pas crédible !
— J’ai faim. T’as pas faim ? Allons manger un truc !
— Tu m’invites ?
— D’accord on va chez ton pote Chad, il me fera un prix d’ami.
— Parfois, il vaut mieux avoir le prix du client de passage.
— De quoi tu parles ?
— De rien. Allons-y !
La famille Dawkins va ensemble au Tex-mex pendant qu’au même moment le capitaine Walker vient voir sa nièce Rita sur son lieu de travail.
Rita : — Salut tonton, je suis contente de te voir.
Walker : — Hé Rita ! Je dois te parler de quelque chose.
— À voir ta tête, ça a l’air sérieux. Je vais prendre ma pause, comme ça tu pourras m’expliquer tranquillement la situation.
La conversation continue dans un petit café entre Walker et sa nièce.
Walker : — Depuis que tu travailles, on ne parle plus trop comme avant.
Rita : — On s’est parlé la semaine dernière.
— Tu parles seulement des dernières séries que t'as vu à la télé. J’aimerais parler d’un vrai sujet avec toi.
— Où veux- tu en venir ? On a toujours parlé des programmes télé.
— Comment te dire ça ! C'est à propos de ton travail.
— Tu veux dire que je travaille pour un dealer de drogue grâce à toi.
— Ah ! T’es au courant !
— Oui, je ne suis pas aveugle et puis depuis quelques jours, j’ai recruté mon petit frère, il revend notre marchandise à tout son lycée. Je t’assure tonton, c’est un vrai jackpot.
— Tu te fous de moi !
— Évidemment, je n’ai pas travaillé si durement pour tomber si facilement dans la délinquance la plus vile mais je crois que je peux t’aider à mettre ces sales types derrière les barreaux.
— Tu ne peux pas témoigner contre eux, c’est trop dangereux.
— Je n’aurais pas besoin de faire le moindre témoignage, j'ai repéré le bureau où ils font leur comptabilité. Je peux y accéder facilement. On ramasse deux cartons et c'est réglé. Tu penses que tu auras tout ce qu'il te faudra ?
— On verra bien, mais tu dois démissionner au plus vite.
— Je préférerai me faire virer.
— Ne te fais pas de soucis, je te trouverai facilement un autre boulot.
— Tu connais un tueur en série qui recrute ?
— Très drôle, je t’accompagne, on prend les cartons et tu n’y retourne plus.
Au commissariat, dès son arrivé Rodes s’est retrouvé de corvée téléphonique suite à un ordre laisser par son capitaine, c’est pas la première fois qu'il occupe ce poste et il a l’habitude de répondre avec un ton nonchalant cependant il suit tout de même les indications du texte qu'il a sous les yeux. Il s’installe à son poste, le téléphone sonne, il décroche.
Rodes : — Allô, vous êtes bien au poste de police. Que puis-je faire pour vous aider ?
Un homme : — Bonjour, j’ai besoin de porter plainte. Que dois-je faire ?
— Dites-moi d’abord, quel est le motif de votre plainte ?
— J’ai été cambriolé.
— Très bien monsieur, mais avant toute chose j’aimerais vous poser quelques questions pour mieux vous orienter. Vous avez une caméra de surveillance chez vous ? Ou une alarme ? Vous êtes assuré ?
— Non, non et non.
— Écoutez monsieur, la procédure normale serait de vous envoyer une patrouille chez vous, toutefois je vous le déconseille. Ce n'est pas ce que vous imaginez, je veux bien vous envoyer une patrouille à votre adresse, mais vous allez probablement perdre des heures à nous attendre, les gars feront certainement un rapport remplis de fautes d’orthographe qui énervent le procureur, du coup ce dossier sera loin d'être une priorité. Enfin à part si vous avez un objet unique d’une grande valeur chez vous ou si vous avez un suspect en vu. Vous comprenez bien que vous avez peu de chance de les revoir.
— Je n’ai pas de telles choses et je ne suspecte vraiment personne, à part peut-être la dame qui vient une fois par semaine faire quelques heures de ménage.
— Cette femme fait bien le ménage ?
— C’est loin d’être nickel !
— Pourquoi ? Les employés de maison excellents sont plus suspects ?
— Non, je cherche quelqu'un pour chez moi.
— Et mon affaire ?
— Vous voulez mon opinion, allez chez un bon serrurier, pour qu’il sécurise votre porte. Ne perdez pas votre temps, avec une plainte qui finira à la poubelle.
— Avec vous, les criminels peuvent dormir sur leurs deux oreilles.
— Vous vous croyez malin ! Vous pensez m’avoir blessé dans ma fierté de policier !
— Un petit peu.
— Pas du tout ! J’ai déjà entendu et vu bien pire. Vous voulez une seconde chance pour vous défouler sur moi ? Envoyez la sauce ! Je suis là pour ça.
— Non merci, au revoir.
— Au fait, avant que vous raccrochiez, selon mon script je dois vous poser une dernière question. Puis-je faire autre chose pour vous satisfaire ?
— Non, ça ira.
L’homme raccroche un autre coup de fil commence, cette fois c'est une femme.
Rodes : — Allô, vous êtes bien au poste de police. Que puis-je faire pour vous aider ?
La femme : — Je suis dans le parc du centre de la ville, je suis un homme qui porte un imperméable, je suis certaine que c’est ce pervers qui sévit depuis des mois.
— Madame restez où vous êtes, je vais prévenir mes collègues, ils seront bientôt là.
— Non, ils arrivent toujours trop tard. Cette fois je vais m’en charger moi-même.
— Madame ne faites rien, cela pourrait être dangereux.
— Il enlève son imperméable, il est bien nu. Je m’approche de lui, je vais le prendre en photo. Fais moi un beau sourire ! Tourne toi un peu par là, c’est bien il est vers moi, ça y est c’est parfait ! J’ai pris sa photo.
— C’est bien madame, avec cette photo on l’arrêtera. Maintenant éloignez-vous !
— Non, maintenant c'est à mon tour de jouer, j’enlève mon imper. Écoutes moi bien chéri ça va te plaire !
On entend des gémissements au téléphone, Rodes raccroche.
Rodes : — Encore une blague téléphonique, ils sont lourds ces jeunes ! Et en plus, j’en ai encore pour des heures.
Le téléphone sonne à nouveau.
Rodes : — Allô, vous êtes bien au poste de police. Que puis-je faire pour vous aider ?
Pascal Folder : — Bonjour, j'appelle pour une affaire délicate et je veux parler à un responsable !
— Vous avez de la chance monsieur, je suis un peu gradé.
— Je me présente, je suis le frère du maire Pascal Folder et on vient de me voler des documents importants.
— Vous n’avez pas des copies de ces documents ?
— Bien entendu, ce n’est pas ce qui m’importe.
— Alors pourquoi appelez-vous ?
— On ne me vole pas impunément !
— Je vous propose de noter votre plainte par téléphone, vous devrez néanmoins venir la signer au commissariat pour qu’elle soit prise en compte ou alors vous pouvez aussi venir porter plainte dans n’importe quel commissariat.
— Je sais qui a volé ces documents, c’est la nièce du capitaine Walker.
— Vous avez des preuves de vos dires ?
— J’ai une vidéo qui la montre en train de prendre ces documents.
— Comment a-t-elle pu avoir accès à ces documents ?
— Elle travaille pour moi.
— Alors rien ne prouve que cette demoiselle ait volé ces documents, selon moi, elle a pu les sortir du bureau pour une raison qui sera à définir et quelqu'un d'autre a pu les dérober.
— Vous êtes son avocat ?
— Non, mais à force de les côtoyer, on finit par penser comme eux. Je crois que vous feriez bien d’éclaircir les choses avec le capitaine Walker.
— Comptez sur moi, je vais venir vous expliquer ma façon de voir les choses. Je discuterai directement avec ce Walker.
— Je suis sûr qu'il sera enchanté de votre visite monsieur. Puis-je faire autre chose pour vous satisfaire ?
— Non, je sais me débrouiller seul et je n’ai pas besoin de gens inutiles.
— Bonne journée à vous monsieur.
Fin de communication, Jameson vient au poste de travail de Rodes.
Rodes : — T’arrives au bon moment, je viens de raccrocher avec l’appel du jour.
Jameson : — C’était quoi ?
— Des problèmes à venir.
— En gros, ta routine.
— Ça n’a rien à voir avec moi ! Tu veux que je te raconte ?
— Non, je viens t’apporter les directives du lieutenant Dawkins.
— Il aurait pu appeler !
— Il sait que t’es occupé aujourd'hui. De plus, il paraît que tu ignores la plupart de ses mails.
— Ce n'est pas ma faute si ses messages passent directement dans la catégorie spam.
— Je peux fixer ce problème en deux minutes si tu me passes ton portable.
— On n’est pas forcé de régler ce problème.
— C’est toi qui vois. Le lieutenant m'a envoyé ça avec la liste des choses que je dois faire pour lui.
— C’est quoi ça ?
— La liste des gens que tu dois appeler pour sa grande soirée qui aura lieu en bas.
— Il ne pouvait pas les appeler lui-même.
— C’est son jour de congé et puis t’es un peu coincé devant le téléphone aujourd'hui.
— On me laisse encore une masse énorme de travail.
— Tu plaisantes, ces quelques coups de fils. J’ai dix mille fois plus de choses à faire. Si tu veux, on échange nos places.
— Ça va Nick ! Je te propose qu'on se détende nous deux. On en a bien besoin, ce soir je t’invite où tu veux.
— Une soirée entre mecs ! C’est pas vraiment ce à quoi je m’attendais !
— Je ne suis pas ce genre de pote. Avec moi les soirées entre mecs se finissent en soirées mixtes.
— Désolé, j’ai trop de boulot ce soir et puis je dois m’assurer que tout soit prêt pour demain, ce sera la grande révélation du lieutenant Dawkins.
— Tous ces préparatifs qu’il nous fait pas faire juste pour pointer du doigt quelqu'un et après on dira encore que c'est moi qui me la raconte.
— Imagine qu'il fasse tout ça sans trouver le coupable.
— Je crois que si tu n’arrêtes pas un coupable après ce genre de soirée, t'es viré de la police et on se moque de toi pendant une trentaine d'années.
— Touchons du bois pour que ça n’arrive pas au lieutenant.
— Je ne suis pas superstitieux et j’ai encore une tonne d’appels grâce au lieutenant alors je ne toucherai pas de bois à part si ce téléphone est en bois.
— Ce n’est pas le cas mais ton bureau est en bois.
— J’ai touché mon bureau. T’es satisfait maintenant !
— Oui, je te laisse à plus.
— À plus.
Rodes décroche son téléphone et commence à composer le premier numéro d’une longue liste d’appels.
Rodes : — Allô je suis l’inspecteur Peter Rodes je vous appelle car vous êtes convoqué à notre grande soirée qui aura lieu à l’étage inférieur du commissariat. Je vous déconseille grandement de ne pas venir car à la fin de cette soirée un terrible secret sera révélé et croyez-moi cela vaudra le détour.