Chapitre 19 : Jalousie

Notes de l’auteur : TW : scène de sexe explicite.

La routine se poursuivit jusqu'au jour où une violente douleur au ventre cloua Syola sur place en plein milieu d'une préparation. Reprenant son souffle, elle sortit de l'atelier pour rejoindre le bureau de Teflan à pas mesurés.

Teflan écrivait avec une plume de paon. Concentré, il n'avait pas remarqué la présence de Syola à l'entrée. Elle caressa sa mâchoire du regard, s'enivra de son odeur, apprécia le ballet de ses mains maniant l'outil avec grâce et précision. Il écrivait tellement bien ! Des formes parfaites. Des paragraphes cohérents. Un texte exempt de toute faute. Elle l'enviait tant, elle qui écrivait comme un cochon.

Une nouvelle contraction la prit et elle ne put retenir un cri sourd.

- Syola ! s'exclama Teflan en bondissant à sa rencontre.

Il la soutint avant de l'amener vers les guérisseurs. Nul ne fut pris au dépourvu, preuve que Teflan avait, une fois de plus, anticipé et tout préparé. La naissance fut longue mais sans difficulté majeure, Teflan brillant par son absence, conseiller trop occupé pour participer à cet événement.

Syola s'éveilla à l'aube, heureuse de trouver Teflan près d'elle. Naturellement, leur fils, Benjamin, ne se trouvait pas dans la chambre. Des nourrices prenaient soin de lui. Ses deux parents travaillaient. Syola aurait aimé s'occuper de son enfant, l'allaiter par exemple, mais Chaak tenait à ce que ses cultistes adorés aient leurs produits. Syola comptait bien le satisfaire, quitte à sacrifier une partie de sa maternité pour ça.

Syola explora son amant des yeux, ne se lassant jamais de la courbe de son nez, de ses cheveux soyeux. Incapable de résister, elle passa ses doigts dedans puis déposa un baiser sur les lèvres du conseiller, qui, loin de s'en plaindre, le lui rendit avec passion.

Syola poursuivit son exploration, descendant plus bas, usant de sa bouche et de ses mains, tâtant les bourses chaudes, léchant le vit dressé. Elle s'amusa un peu puis chevaucha son amant.

- Tu es sûre ? s'exclama Teflan en la retenant légèrement par les hanches.

- Qui a-t-il ? demanda Syola.

- Tu saignes encore ! s'exclama Teflan.

Le sang le dérangeait-il ? N'avait-il pas fait bien pire lors du sacrifice ultime ? Syola lui lança un regard ahuri.

- Non pas que ça me dérange, mais habituellement, les femmes attendent un peu après un enfantement avant d’avoir de nouveau envie.

- J'ai envie de toi. C'était le cas hier. C'est le cas aujourd'hui. Et ça sera encore le cas demain.

Le visage de Teflan s'éclaira. Il sourit bêtement puis lâcha les hanches de sa maîtresse, redevant passif, la laissant prendre les choses en main. Syola fut ravie de sa prévenance car aussi tôt après l'enfantement, elle craignait que la brutalité dont il savait faire preuve et dont elle raffolait ne lui soit insupportable. Elle préféra la douceur et ne fut pas déçue. Teflan et Syola durent prendre un bain pendant que les serviteurs changeaient les draps mais Syola ne regretta pas. Ce moment avait été mémorable.

Teflan sortit vite du bain pour rejoindre ses obligations. Syola se permit de flâner un peu dans l'eau chaude. Elle avait enfanté la veille. Chaak ne pourrait pas lui reprocher de prendre un peu de repos. Syola se prélassa, profitant de la chaleur... Chaleur ? Syola se redressa. Tiens, malgré l'éloignement avec Teflan, elle n'avait pas froid. Plus de tremblements. Plus de lèvres violacées. Chaak lui indiquait-il son contentement ?

- Tu me dégoûtes, dit une voix à son oreille.

Syola se tourna vers la droite en sursautant. Il n'y avait personne. Une main la saisit et la retourna sans douceur. Syola se trouvait pourtant seule dans la pièce. Que se passait-il ?

Une tige dure et chaude s'insinua entre ses jambes, força son chemin de vie et la transperça. Syola voulut crier mais une main invisible sur sa bouche l'empêcha d'appeler la garde ou les serviteurs, pourtant très proches.

La tige s'éloigna, la main aussi. Syola resta figée, muette, incapable de faire un geste. Finalement, elle murmura :

- Pourquoi ?

Il apparut, apparaissant dans sa forme classique, encapuchonnée sous un lourd manteau sombre ne laissait rien deviner de ses traits.

- Teflan correspond-il à mes demandes ? Est-il conscient de n'être que le second ? Que tu m'appartiens ? Ai-je montré à un quelconque moment un sentiment positif envers ce connard de Stylus !

- La chaleur... chuchota Syola, terrifiée par la colère émanant du dieu.

Non, pas de la colère. De la rage.

- Tu me dégoûtes ! lui hurla-t-il dessus avant de s'en aller.

Malgré sa disparition physique, elle le sentit près de lui, là sans être là, sensation qu'elle aurait été incapable d'expliquer. Il ne voulait plus lui parler mais restait proche. Syola pleurnicha, serrant les cuisses, le ventre plié. Le sang de l'enfantement teintant le bain n'était pas la cause de son mal-être.

Chaak venait de la violer pour la punir de s'être donnée à Teflan. Pourquoi maintenant ? Après ces lunes passées à ses côtés, à s'offrir et à recevoir matin et soir, pourquoi ce matin précisément ? Qu'elle ait pris le contrôle ne pouvait pas expliquer le mécontentement de Chaak. Elle le prenait aussi souvent qu'elle le laissait à son amant.

Syola finit par sortir, du linge entre ses jambes recueillant le sang. Elle passa voir son fils qui dormait sous la veille de deux nourrices, une jeune aux seins gorgés de lait, et une vieille en train de coudre. Elles inspirèrent confiance à Syola qui rejoignit l'atelier l'esprit un peu plus léger. Voir son fils lui avait fait beaucoup de bien.

Arrivée à l'atelier, elle fut prise d'un doute.

- Chaak ? appela-t-elle.

Aucune réponse. Le dieu ne s'éloigna pas mais ne se rapprocha pas non plus.

- Est-ce que vous voulez que j’arrête de faire des produits pour les seigneurs de Beera ? Est-ce que le fait que Teflan obtienne la possibilité de faire des sacrifices vous exaspère ?

Syola sentit une rage immense en provenance de Chaak. Son agacement parvenait jusqu'à elle, la transperçant en plein cœur. Syola observa le plan de travail en clignant des yeux. Chaak ne voulait pas qu'elle crée des produits. Plus rien n’avait de sens. Elle resta figée puis se rendit au jardin s’occuper de ses plantes. Cela lui délassait souvent l’esprit.

Le résultat ne fut pas au rendez-vous. Syola se retrouva dans l’atelier, sans comprendre pourquoi elle y était, perdue. Où était-elle censée aller ? Quoi faire si réaliser des produits ne remplissait plus ses journées ?

La porte s’ouvrant fit apparaître Teflan venant la chercher pour le bain du soir avant le dîner. Il tiqua en constatant la pièce propre.

- Les serviteurs sont venus plus tôt ?

- Non, dit Syola en avalant difficilement sa salive.

Les conseillers accepteraient-ils qu’elle cesse de produire les éléments nécessaires à la réalisation de leurs sacrifices ?

- Tu sens le frais, remarqua Teflan. Tu es malade ? L’enfantement t’a épuisée ?

Même pas, pensa Syola. Elle se sentait en pleine forme malgré ses linges ensanglantés.

- Allons nous laver tout de même. J’ai l’impression que tu as besoin de détente.

Syola ne refusa pas. Peut-être que le bain chaud lui éclaircirait les idées. L’eau délassa ses muscles tendus par l’angoisse. Syola admira les courbes du visage de son amant. Elle sentit le désir monter. Elle brûlait de sentir ses mains sur elle, en elle.

Un liquide gelé sinua sous sa peau. Chaak grogna à ses côtés. Il ne voulait pas. Teflan ne correspondait pas à ses critères. Il ne fallait pas. Syola se retint et resta sagement de son côté du bain. Teflan dut sentir sa retenue car il ne tenta rien, bien que ce fut son tour de prendre l’initiative.

Au dîner, Harlan grogna :

- Aucun serviteur n’est venu m’apporter de produit.

- Harlan ! cingla Cypher. Syola a accouché hier. Tu peux peut-être lui foutre la paix. Elle a le droit de prendre le temps de se remettre. Nous n’allons pas manquer imm…

- Elle a assez de force pour baiser mais pas pour touiller ? le coupa Harlan. Ou bien ai-je été le seul réveillé tôt ce matin ?

L’assistance baissa les yeux, se perdant dans la contemplation d’une fourchette ou d’un morceau de pain. Syola sentit son ventre se serrer. Elle sentit le regard lourd de Teflan. Elle était censée répondre sauf que la réplique cinglante ne venait pas. Teflan maîtrisait les mots. Pas elle. Or il ne semblait pas enclin à l’aider. Syola serra les dents et pinça les lèvres.

Le conseiller Vincent Cypher lança le dîner. Aucune conversation ne tourna autour de l’événement et comme d’habitude, personne n’adressa la parole à Syola.

De retour dans la chambre, tout en retirant ses bottes, Teflan lança :

- Ne me remets plus jamais en défaut devant les autres conseillers.

Sa voix teintée de menace la percuta de plein fouet. Les conseillers l’avaient enlevée à Thomas le lendemain de leurs noces afin d’obtenir ces produits. Jamais ils ne permettraient qu’elle s’arrête. Teflan s’en assurerait, par la force s’il le fallait. Syola se sentit piégée. Que faire ?

Teflan se coucha, souffla la bougie puis se blottit sous la couverture. Syola resta figée un long moment avant de s’endormir à son tour.

Au réveil, le lendemain, Syola se leva discrètement, s’habilla dans le boudoir, passa voir Benjamin qui tétait le sein puis se rendit à l’atelier.

- C’est parce que je m’occupe seulement de vos cultistes et pas des adeptes en ville ? lança Syola à voix haute dans la pièce vide.

Syola en doutait. Eoma ne refusait certainement pas de les servir. Ils recevaient probablement les remèdes à leurs maux.

- Alors quoi ? s’agaça Syola.

La porte s’ouvrit pour dévoiler Teflan.

- Tu es tombée du lit ? s’étonna-t-il. Ceci dit, tant mieux car aujourd’hui, tu as double boulot. Les produits d’hier et ceux d’aujourd’hui.

Syola grimaça. Teflan tiqua.

- Si tu voulais bien me dire ce qu’il y a… murmura-t-il en lui prenant tendrement les mains.

Le dieu à qui tu m’as offert ne veut pas que je fasse les produits, pensa Syola, avant de conclure qu’il ne valait mieux pas dire ça. Ne sachant que dire ni comment tourner la chose, elle resta aussi fermée qu’une huître.

- Fais les produits, Syola. Fais-les !

La jeune femme frémit.

- Maintenant.

Il n’avait pas hurlé, ni même crié. Bien au contraire, il avait chuchoté mais son regard d’acier la fit frémir. Elle avait tout intérêt à obéir sinon… Sinon quoi ? Elle ne le savait pas mais n’avait aucune envie de le savoir. Elle découvrait une facette de Teflan dont elle ignorait l’existence et qui la terrifiait.

Prudente, Syola choisit d’obéir à son amant. Elle attrapa la liste, lut le premier produit et commença la préparation. Une douce chaleur se répandit en elle. Chaak la félicitait de créer des produits ? Syola s’en figea de stupeur.

- Crée les produits, Syola ! insista Teflan, toujours présent.

D’habitude, il ne restait pas. L’odeur l’incommodait et d’autres obligations requerraient sa présence. Il tenait à s’assurer qu’elle ferait ce qui était demandé. Syola reprit sa création, heureuse que Chaak l’y encourage. Rassuré de la voir s'affairer, Teflan partit vers ses discussions diplomatiques.

Teflan montra un sourire rayonnant le soir en venant la chercher pour le bain quotidien. Syola avait mal partout mais elle avait réussi. Les deux commandes étaient honorées.

- Tu boîtes ! s’exclama Teflan en chemin vers ses appartements.

- J’ai mal, annonça Syola. C’est physique de faire des produits, plus que de tenir une plume ou de faire claquer sa langue.

Teflan rit de la petite pique. Dans le bain, il fit mine de s’approcher de Syola mais celle-ci se crispa.

- Je voulais juste te masser, assura Teflan avant de s’éloigner en fronçant les sourcils.

Syola dut retenir ses larmes. Sentir ses mains sur son corps, la délasser, la caresser là où il faut, comme il faut. Il massait tellement bien ! Elle en frémit d’envie. Se retenir lui demandait tant d’énergie !

- Harlan ! grogna Vincent Cypher au dîner.

- Quoi ? lança le gros conseiller.

- Tu es prompt à te plaindre quand Syola ne travaille pas, poursuivit Vincent Cypher. Peut-être que l’encourager quand elle agit correctement serait souhaitable, non ?

- Merci de m’avoir permis de dormir ce matin, siffla Harlan Coern J’apprécie le geste. L’aurais-tu bâillonnée, Teflan ? Je t’ignorais adepte de ce genre de pratiques.

- Non, ça, c’est moi, intervint Belan Cortys.

Avec son port altier, qu’il fut du genre à prendre le contrôle au lit ne surprit pas Syola.

- Tu n’arrives pas à la cheville d’Arvel dans ce domaine ! lança Maxime Perone, le conseiller roux.

Le désigné baissa les yeux. D’une timidité maladive, il ne parlait presque jamais. Compensait-il ses difficultés au lit ? Possible, admit Syola. En tout cas, Belan Cortys avait détourné la conversation de Syola. Elle l’en remercia d’un regard auquel il ne répondit pas.

Harlan Coern souriait, ravi de n’avoir pas eu à féliciter Syola de son travail. Vincent Cypher serrait les dents et piquait rageusement sa fourchette dans sa viande.

- Ne fais pas attention à Harlan, dit Teflan une fois le couple réuni dans leurs appartements privés.

- Il ne m’aime guère. Je n’ai pourtant pas l’impression de lui avoir nui.

- Laisse tomber, je te dis, poursuivit Teflan. Il n’en vaut pas la peine.

Les deux amants s’endormirent dans les bras l’un de l’autre. À l’aube, Syola s’extirpa doucement des bras de son amant. En tout cas essaya-t-elle. Teflan lui attrapa le poignet au moment où elle tentait de quitter le lit et la tira sur la couverture. Elle retomba sur le dos.

Elle adorait quand il prenait ainsi le contrôle. Quel bonheur ! Elle sombra, incapable de lui résister. Il tint ses bras au dessus de sa tête, la couvrit de baiser, changea de position. Il s’occupa de son sexe avec sa bouche – les saignements avaient presque disparu – avant de la limer avec fougue. Tout ce qu’elle aimait ! Elle jouit en premier et il la suivit peu après.

À peine Teflan eut-il le dos tourné qu’un murmure sinua jusqu’aux tympans de Syola.

- Tu me dégoûtes !

Chaak, totalement invisible, plaqua une main sur la bouche de Syola avant de la violer sans ménagement. Syola en resta tétanisée.

- Syola ? Ça va ? s’enquit Teflan.

Le dieu auquel tu m’as offert m’a violée en représailles. Non, là encore, ça n’allait pas. Elle ne put empêcher une larme de couler.

- Hé ! s’exclama Teflan avant de la prendre dans ses bras.

Syola fondit en larmes et sanglota dans les bras de son amant abasourdi.

- Tu n’as jamais pleuré après un orgasme, constata Teflan. Je t’ai fait mal ?

Non ! hurla Syola en pensée. Plus un mot ne franchissait la barrière de ses lèvres. Elle n’y arrivait pas. Teflan fronça les sourcils. Lorsque Syola fut calmée, il l’accompagna à l’atelier. Harlan Coern ne fit aucune remarque sur un éventuel réveil matinal et ne la remercia pas non plus pour les produits. Nul ne s’intéressa à l’herboriste qui apprécia la tranquillité.

Une routine s’installa, lourde, inquiétante. Teflan ne prit plus jamais les devants et comme Syola l’évitait, le couple cessa tout rapprochement. Syola en avait mal partout à force de se retenir. Son bas-ventre la brûlait. Elle désirait son amant plus que jamais. Elle se retint. Chaak ne voulait pas et sa volonté primait sur tout.

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